(New York) – La période postélectorale en Guinée a été entachée de violences et d'actions répressives qui ont fait au moins 12 morts, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. À la suite du scrutin présidentiel du 18 octobre 2020, les forces de sécurité ont recouru à une force excessive pour disperser les manifestations dirigées par l’opposition dans la capitale, Conakry.
Le principal candidat de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, a été assigné à résidence de facto, en l’absence d’inculpation, du 20 au 28 octobre. L’un des principaux organes d’information en ligne de Guinée a été suspendu du 18 octobre au 2 novembre, et les réseaux Internet et téléphonique ont été gravement perturbés voire suspendus entre le 23 et le 27 octobre. Ces mesures ont entravé la capacité des habitants à communiquer, à obtenir des informations ou à rendre compte des événements en cours.
« Les actions brutales menées contre des manifestants et d’autres personnes à Conakry se sont inscrites dans un contexte de répression généralisée qui a fragilisé la crédibilité des élections », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient maitriser les forces de sécurité, enquêter sur les individus impliqués dans des exactions et les sanctionner, et tous les dirigeants politiques devraient demander d’urgence à leurs partisans de s’abstenir de toute violence. »
Certains manifestants ont agressé et jeté des pierres et d’autres projectiles sur la police et les gendarmes, tuant au moins six membres des forces de sécurité, selon le gouvernement. Une personne est décédée lors de violences intercommunautaires, tandis que des dizaines d’autres ont été blessées dans des heurts dans la capitale, dont au moins 29 par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu ou lancé des grenades lacrymogènes.
Le 24 octobre, la commission électorale a annoncé que le président sortant Alpha Condé avait remporté l’élection avec 59,5 % des voix, ce qui lui a permis d’entamer un troisième mandat controversé. Diallo, qui avait annoncé le 19 octobre avoir remporté l’élection, a rejeté le 24 octobre les résultats officiels, exprimant des allégations de fraude électorale et appelant à des manifestations massives. Le 30 octobre, il a présenté un recours devant la cour constitutionnelle du pays. Le 7 novembre, cette juridiction a toutefois confirmé la victoire de Condé, rejetant les allégations de fraude, et Diallo a depuis appelé à de nouvelles manifestations et à la désobéissance civile.
Entre le 17 octobre et le 13 novembre, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 70 personnes, dont 32 victimes et témoins de violences, 15 proches des victimes, trois travailleurs médicaux, trois journalistes, 10 membres de partis d’opposition, cinq représentants de la société civile et deux représentants des autorités locales de Conakry. Human Rights Watch a également examiné des déclarations du gouvernement et analysé des photographies et des vidéos en vue de corroborer les récits des victimes et des témoins. Le 27 octobre, Human Rights Watch a transmis ses conclusions à Albert Damatang Camara, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, lui demandant de répondre à des questions spécifiques lors d’un entretien téléphonique.
Le ministre Camara a rejeté l’allégation selon laquelle les forces de sécurité auraient tué des personnes, arguant que « beaucoup ont été tuées par des balles tirées par des fusils de calibre 12, des fusils de chasse, qui ne sont pas utilisés par nos forces de sécurité ». Il a déclaré que « 21 personnes sont mortes depuis le 19 octobre dans des violences postélectorales, dont six membres des forces de sécurité et trois enfants, dont le plus jeune avait 14 ans ». Il a ajouté que 18 des 21 victimes étaient mortes à Conakry, et les autres ailleurs dans le pays, et qu’au moins 18 des victimes avaient été abattues.
Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve que des armes ont été utilisées par des civils pendant les violences. Les déclarations de Camara ont divergé de nombreux témoignages, dont celui d’une personne qui a pris part aux manifestations dans le quartier de Hamdallaye 2, à Conakry, le 19 octobre. « Nous exprimions notre joie devant la victoire de Diallo lorsqu’un véhicule de police est arrivé à toute vitesse et a lancé des grenades lacrymogènes pour nous disperser. Les gens ont fui et la police nous a tiré dessus », a expliqué cet homme à Human Rights Watch. Il a précisé que Thierno Nassirou Sylla, âgé de 13 ans, avait reçu une balle au visage et « était mort sur le coup ».
Human Rights Watch s’est entretenu avec un autre témoin du meurtre et avec un membre de la famille de la victime, qui ont confirmé que Nassirou avait été abattu par la police. Human Rights Watch a également examiné des séquences vidéo consécutives au meurtre et des photographies de son corps.
Dans un communiqué en date du 22 octobre, Camara a déclaré que des manifestants violents avaient incendié un poste militaire dans le quartier de Niariwada à Conakry entre le 19 et le 21. Selon les autorités et les médias, des manifestants violents ont bloqué un train dans le quartier de Sonfoniyah le 23 octobre et tué trois gendarmes et un soldat qui l’escortaient jusqu’au port de Conakry. À en croire les autorités, les manifestants de l’opposition ont tué les quatre membres des forces de sécurité à l’aide de machettes et d’autres armes blanches.
Camara a déclaré à Human Rights Watch que des enquêtes étaient en cours pour identifier les responsables des meurtres. Le 31 octobre, le procureur de la cour d’appel de Conakry a déclaré que 325 personnes avaient été arrêtées en lien avec les violences postélectorales. Human Rights Watch n’a connaissance d’aucun membre des forces de sécurité parmi elles.
Les perturbations d’Internet au niveau national ont compliqué la tâche des journalistes et des activistes des droits humains guinéens et internationaux pour couvrir les violences et en témoigner. Netblocks, une organisation de la société civile œuvrant dans les domaines des droits numériques et de la cybersécurité, a signalé le 23 octobre « des perturbations majeures chez Orange, le principal opérateur de téléphonie mobile, avec une connectivité nationale enregistrée à hauteur seulement de 9% des seuils ordinaires », ainsi que des restrictions partielles pour d’autres opérateurs, dont MTN et Cellcom, « limitant l’accès aux principaux réseaux sociaux et plateformes de communication ». Les autorités n’ont publié aucune déclaration publique sur ces restrictions qui, selon Netblocks, ont duré du 23 octobre au 27 octobre.
Le 18 octobre, la Haute Autorité de Communication (HAC), l’organe de régulation des médias guinéens, a suspendu un site d’information, Guinéematin.com. « Je n’ai même pas été informé de la décision », a assuré Nounou Baldé, le fondateur de ce site Web, à Human Rights Watch. « C’est arrivé juste après notre diffusion en direct sur Facebook du dépouillement des bulletins de vote. Cette décision n’a aucun fondement juridique et constitue une forme d’intimidation à l’encontre du journalisme indépendant. » Le 2 novembre, la HAC a annoncé la levée de la suspension.
Le droit international et la Constitution guinéenne protègent les droits à la liberté de réunion et d’expression et interdisent l’usage disproportionné de la force par les responsables de l’application des lois. Les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu stipulent que ces responsables ne peuvent utiliser la force que proportionnellement à la gravité de l’infraction commise, et que l’usage intentionnel de la force létale n’est autorisé que lorsqu’il s’avère strictement inévitable pour protéger la vie. Les normes internationales relatives aux droits humains exigent que les restrictions de l’Internet soient à la fois nécessaires et proportionnées. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a condamné les mesures prises par les gouvernements pour empêcher ou interrompre l’accès à Internet et l’information en ligne.
Les États-Unis, la France et l’Union européenne ont tous condamné les violences postélectorales en Guinée, exhortant les autorités à ouvrir des enquêtes crédibles et à garantir justice et responsabilité. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a appelé les forces de sécurité guinéennes à respecter le droit à la vie et à l’intégrité physique prévus par la Charte de l’Union africaine et à éviter de recourir à la force meurtrière pour rétablir l’ordre public. S’exprimant depuis un camp militaire de Conakry le 30 octobre, le président Condé a exhorté les forces de sécurité à ne pas porter d’armes létales lors des manifestations et à agir de manière « civilisée ».
Le 25 octobre, lors d’une visite à Conakry, une délégation conjointe des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a exhorté les autorités guinéennes à retirer les forces de sécurité déployées autour de la résidence du chef de l’opposition Diallo.
« Alors que les tensions sont toujours vives et que de nouvelles manifestations sont prévues par l’opposition, les autorités guinéennes devraient faire preuve de vigilance pour prévenir des abus supplémentaires », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les partenaires régionaux et internationaux de la Guinée devraient soutenir les efforts en vue d’établir les responsabilités et exhorter le gouvernement à faire traduire en justice les auteurs d’abus. »
Informations complémentaires et témoignages
Période préélectorale marquée par la violence et des restrictions imposées à l’opposition
Les forces de sécurité guinéennes recourent de longue date à un usage disproportionné de la force contre les manifestants, en particulier au moment des élections. En mars 2020, lors des élections législatives et du référendum constitutionnel qui a permis au président Condé de briguer un troisième mandat , elles ont tué au moins deux personnes à Nzérékoré, en Guinée forestière, et huit autres, dont deux enfants, à Conakry.
Les tensions se sont intensifiées à la veille du scrutin présidentiel du 18 octobre au cours d’une campagne émaillée d’incidents violents, de discours haineux et de divisions politiques. Le 29 septembre, une foule violente s’en est prise au cortège du Premier ministre Kassory Fofana, à Labé. Le 11 octobre, les partisans du parti au pouvoir ont mis fin à un meeting électoral du chef de l’opposition Diallo à Kankan, à environ 500 kilomètres de Conakry, bloquant la route, frappant les partisans de Diallo et pillant des dizaines de magasins. Le 16 octobre, les forces de sécurité ont empêché Ousmane Kaba, candidat à la présidence et chef du parti d’opposition Parti des démocrates pour l’espoir de tenir une réunion à Siguiri, dans le nord-est de la Guinée. Le 17 octobre, la police a procédé à l’arrestation arbitraire de trois membres du parti d’opposition Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) à Diaraguerela, en Guinée forestière. Ils ont été remis en liberté le 22 octobre en l’absence d’inculpation.
Homicides commis à Conakry par les forces de sécurité pendant la période postélectorale
Human Rights Watch a constaté que les forces de sécurité, dont la police et les gendarmes, ont fait un usage excessif de la force pour disperser des manifestations dirigées par l’opposition dans plusieurs quartiers de Conakry – parmi lesquels Bambeto, Baylobaya, Bantounka, Cobayah, Hamdallaye, Sonfoniyah et Wanindara – tirant des grenades lacrymogènes et dans certains cas des munitions réelles. Au moins 12 personnes ont été abattues par les forces de sécurité, dont trois le 19 octobre, cinq le 21, deux le 22 et deux le 23. Une femme âgée de 20 ans est également décédée le 23. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de s’entretenir avec les témoins de l’incident impliquant cette dernière victime, mais deux membres de sa famille ont déclaré qu’elle avait été touchée par une grenade lacrymogène tirée par les forces de sécurité. Ci-dessous figurent des récits issus d’une sélection de cas documentés par Human Rights Watch.
19 octobre
Le lendemain du scrutin, les forces de sécurité ont abattu d’une balle dans le dos Mamadou Saidou Diallo, âgé de 14 ans. Il fuyait des policiers et des gendarmes qui tiraient à balles réelles pour disperser des manifestants dans le quartier de Bantounka 1, à Conakry, descendus dans la rue pour célébrer l’annonce de la victoire de Diallo, selon un témoin et deux membres de la famille de la victime.
Le témoin, un ami de Mamadou Diallo, a déclaré:
Mamadou et moi nous trouvions dans la rue pour clamer notre joie après la victoire de Diallo. Au début, c’était calme, mais ensuite les gendarmes nous ont dit de rentrer chez nous. « Si vous ne partez pas, nous tirerons ; nous avons l’ordre d’ouvrir le feu », ont-ils prévenu. Nous avons pensé qu’il était sage de partir, mais d’autres ont voulu rester. Les gendarmes ont ensuite lancé des grenades lacrymogènes pour nous disperser, puis ont tiré à balles réelles. Nous avons pris la fuite, et Mamadou a été touché dans le dos. Il a hurlé. Je l’ai retenu et une dame m’a aidé. Alors que nous le transportions en lieu sûr, en plein chaos, une voiture nous a heurtés. La dame a été blessée et Mamadou lui aussi a été heurté.
L’ami de Mamadou, qui n’a pas été blessé, a conduit ce dernier et la femme dans un centre hospitalier. Un médecin sur place a déclaré que Mamadou était déjà mort à son arrivée. « Une balle est entrée dans son dos et ressortie près de son nombril », a-t-il expliqué. « La victime présentait également des fractures à l’humérus et à la mâchoire, ainsi que des lésions aux joues, ce qui correspond aux témoignages des personnes qui ont transporté son corps et ont dit avoir été heurtées par un véhicule. » Human Rights Watch a examiné une photographie montrant le corps de Mamadou et la blessure par balle.
Alors qu’il se trouvait au rond-point « Concasseur » à Conakry, un garçon âgé de 16 ans a déclaré avoir reçu une balle au pied gauche, tirée par un gendarme. Son ami, Abdoulaye ‘Diombo’ Diallo, âgé de 17 ou 18 ans, a perdu la vie : « Nous étions en train de fêter la victoire de Diallo quand des pickups remplis de gendarmes sont arrivés. Certains d’entre eux sont descendus de leur véhicule et ont commencé à tirer sur la foule. Les gens ont pris la fuite. J’ai couru moi aussi et ai été touché par une balle. En tombant, j’ai vu mon ami abattu. Quelqu’un m’a emmené à l’hôpital pour recevoir des soins. » Human Rights Watch s’est entretenu avec un autre témoin de cet assassinat, qui a confirmé le récit de l’ami de Diallo. Human Rights Watch a également examiné une photographie montrant le corps de Diallo.
21 octobre
Selon deux témoins, les forces de sécurité ont abattu Boubacar Baldé, âgé de 28 ans, le coordonnateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition d’organisations non gouvernementales et de groupes d’opposition, lors de manifestations dans le quartier Sonfoniyah de Conakry. L’un des témoins a raconté la scène à Human Rights Watch : « Nous étions dans la rue pour dire non au troisième mandat. Nous avons jeté des pierres sur les policiers et les gendarmes. Ils ont lancé des grenades lacrymogènes pour nous disperser puis ont commencé à tirer. Baldé a reçu une balle dans la cuisse. Je l’ai amené dans un centre de soins à Sonfoniyah. Il perdait trop de sang. Il a été transféré dans un autre établissement de santé, mais est décédé des suites de ses blessures. »
Human Rights Watch s’est entretenu avec le médecin qui a soigné Baldé au centre de Sonfoniyah avant de l’évacuer dans un autre établissement de santé. Il a confirmé que Baldé avait une profonde blessure par balle à la cuisse gauche. Human Rights Watch s’est également entretenu avec un membre de la famille de la victime, qui a confirmé le meurtre.
Selon trois témoins, des gendarmes ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser des centaines de partisans de l’opposition qui étaient descendus dans les rues du quartier de Baylobaya, à Conakry. Ils ont déclaré que les gendarmes ont tiré sur deux hommes, Souleymane Bah, âgé de 29 ans, et Mamadou Diallo « Fady », âgé de 32 ans, tous deux chauffeurs. Le frère de Mamadou, qui a été témoin des deux meurtres, a témoigné :
Mamadou a été touché sur le côté, et Souleymane dans le dos. Le centre de soins modeste où nous les avons emmenés n’était pas suffisamment équipé pour les soigner. L’ambulance n’a pas pu l’évacuer vers un hôpital plus important car toutes les routes étaient bloquées. La Croix-Rouge n’a pas pu se rendre sur place non plus parce que leurs locaux avaient été attaqués et saccagés. J’ai supplié le médecin de sauver Mamadou, mais il avait perdu trop de sang et il est mort de ses blessures. Il est mort dans mes bras.
Souleymane Bah est décédé après avoir été transféré dans un autre centre de soins. Les deux hommes ont été enterrés ensemble le lendemain. Human Rights Watch s’est également entretenu avec trois amis de trois victimes et examiné des photographies de leurs corps montrant des blessures concordantes avec les témoignages.
22 octobre
Trois témoins ont déclaré que de violents affrontements avaient éclaté dans le quartier de Bambeto à Conakry alors que des partisans de l’opposition affrontaient les forces de sécurité, dont des policiers et des gendarmes, en leur lançant des pierres et en bloquant la route. Ils ont déclaré que les forces de sécurité avaient utilisé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser les manifestants, tuant Mamoudou Pathé Bah, âgé de 20 ans. L’un des témoins a déclaré :
Nous étions dans la rue pour exprimer notre opposition au troisième mandat de Condé et soutenir la victoire de notre candidat Cellou. Nous avons lancé des pierres sur les gendarmes et les policiers qui n’ont pas hésité à riposter. Ils ont lancé des grenades lacrymogènes puis tiré à balles réelles. Il y avait une voiture blindée avec des policiers et des gendarmes garée devant nous. J’ai vu un gendarme ouvrir la porte et tirer. La balle a touché Mamoudou à la poitrine. J’étais à côté de lui. J’ai vraiment eu peur. Des gens l’ont conduit dans un établissement de santé voisin, mais il était déjà mort. Avec d’autres, nous avons transporté son corps à l’hôpital Ignace Deen. Nous avons également déposé plainte au siège de la police judiciaire, mais on ne nous a pas remis de copie.
Selon deux témoins, des gendarmes ont abattu Youssouf Barry, un chauffeur âgé de 22 ans, dans le quartier de Sonfoniyah, à Conakry, lors d’altercations entre partisans de l’opposition et sympathisants du parti au pouvoir. « Il y avait des tensions de part et d’autre », selon un témoin. « Les gendarmes sont venus disperser les manifestants et ont tiré à balles réelles. Il a été touché à la poitrine et est mort sur le coup. »
23 octobre
Deux témoins ont déclaré que des gendarmes avaient abattu Souleymane Barry, un commerçant âgé de 29 ans, dans le quartier Cobayah de Conakry lors de violents affrontements entre des partisans de l’opposition et les forces de sécurité. Âgé de de 37 ans, un membre de la famille de la victime et témoin du meurtre, a déclaré :
Nous nous rendions à la mosquée vers 12h30, quand nous avons vu des gens s’enfuir, pourchassés par des gendarmes. Des affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de sécurité sur la route principale. Les manifestants ont jeté des pierres sur les forces de sécurité, qui ont riposté en ouvrant le feu. Nous avons couru et Souleymane a été touché par une balle au cou. Je suis venu à son secours et l’ai transporté dans un établissement de santé voisin. Mais c’était trop tard. Il a laissé derrière lui deux enfants et une femme enceinte.
Human Rights Watch a également interrogé le père de Souleymane qui a confirmé le décès de son fils.
Deux témoins ont déclaré que des policiers avaient tiré à balles réelles pour disperser une foule de partisans de l’opposition dans le quartier de Koloma à Conakry, tuant Mamadou Aliou Diallo, un étudiant âgé de 24 ans: « Nous étions ensemble, au bord de la route, entre 10 et 11 heures », a relaté l’un des témoins. « J’ai vu la police l’abattre d’une balle en plein front à environ 60 mètres, et il s’est effondré devant moi. Je l’ai transporté dans un centre de soins local où le médecin ne pouvait pas lui venir en aide et j’ai suggéré de le conduire à l’hôpital de Donka. Nous l’avons emmené là-bas, mais il est mort à 16 heures, le même jour. » Human Rights Watch s’est également entretenu avec deux des membres de la famille de la victime, qui ont confirmé la mort de Diallo.
Blessures causées par les forces de sécurité
Human Rights Watch s’est entretenu avec trois médecins qui ont reçu et soigné des blessés lors des violences postélectorales à Conakry. L’un d’eux, dont le centre de soins se trouve dans le quartier de Bantounka, a déclaré avoir soigné 36 personnes, dont six femmes et trois enfants, du 19 au 28 octobre. Parmi eux, 11 avaient été blessés par balle, quatre par des grenades lacrymogènes, qui leur avaient notamment causé des brûlures, et un est mort des suites de ses blessures. Les 20 autres présentaient d’autres types de blessures, neuf ayant reçu des coups de couteau. Un autre médecin travaillant dans le quartier de Sonfoniyah a déclaré avoir porté assistance à sept blessés par balle au cours de la même période, dont quatre sont décédées des suites de leurs blessures. Un troisième médecin du quartier de Wanindara a déclaré avoir reçu 20 personnes, également entre le 19 et le 28 octobre, dont huit blessées par balle, quatre par des grenades lacrymogènes et huit ayant subi des blessures superficielles.
21 octobre
Un étudiant âgé de 25 ans a déclaré avoir reçu une balle à la jambe dans le quartier de Sonfoniyah, à Conakry, vers 8 heures du matin, lors de manifestations dirigées par l’opposition. « Les jeunes manifestaient sur la route principale », a-t-il dit. « Les gendarmes et la police ont soudainement commencé à tirer. Il y a eu des coups de feu nourris. J’étais effrayé. J’avais l’impression de me trouver dans une zone de guerre. Alors que je prenais la fuite, j’ai été touché à la jambe. Des gens m’ont emmené à l’hôpital Donka où j’ai passé plus d’une semaine. La balle a cassé mon tibia gauche et je n’ai pas encore récupéré. »
22 octobre
Un homme d’affaires âgé de 38 ans a déclaré que lui et deux autres hommes avaient été abattus dans le quartier de la Cimenterie, à Conakry, alors que la police venait mettre fin à des affrontements entre des membres des ethnies malinké et peule :
Un groupe de jeunes malinkés armés de machettes, de pierres, de ciseaux et de couteaux étaient venus là où nous vivons et ont commencé à brûler des véhicules appartenant à des peules. J’ai aidé à éteindre l’incendie. Des affrontements ont éclaté entre les deux communautés. La police est arrivée en fourgon et a lancé des grenades lacrymogènes pour nous disperser. Certains policiers sont descendus et ont commencé à tirer sur les gens. J’ai reçu une balle [dans ma jambe gauche] tirée d’une distance de 40 à 50 mètres. Deux autres hommes ont également été abattus. J’ai été transporté dans un petit centre de soins local. Je n’avais aucun moyen de me rendre dans un hôpital mieux équipé car les routes étaient bloquées. Maintenant, je ne peux plus marcher ; je ne peux pas travailler. Je suis juste assis à la maison, pendant que Conakry est en feu.
Human Rights Watch s’est entretenu avec les deux autres hommes qui ont déclaré avoir été blessés par balle par la police lors du même incident, un chauffeur de 49 ans blessé au bras gauche et un mécanicien âgé de 18 ans blessé au pied gauche.
Violences intercommunautaires
Des violences intercommunautaires ont éclaté à Conakry le 23 octobre lorsque des centaines d’hommes armés de diverses ethnies, dont des Malinké et des Konianké, considérés comme des sympathisants du parti au pouvoir, ont attaqué des membres de l’ethnie peule, perçue comme partisane de l’opposition, dans le quartier d’Enta Marché. Lors des affrontements, Yacouba Diallo, un mécanicien âgé de 67 ans, a été battu à mort puis brûlé vif à son domicile. Au moins une autre maison a également été incendiée et 10 magasins pillés : « Ils ont saccagé ma boulangerie ; ont volé 10 sacs de farine et toute la levure », s’est désolé un boulanger. Human Rights Watch a examiné neuf photographies et neuf vidéos montrant la destruction de biens à la suite des violences.
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