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CPI : Un fugitif soudanais en détention

Ali Kosheib est le premier suspect détenu pour des crimes commis au Darfour par des milices soutenues par le gouvernement

Des manifestants tenaient des affiches montrant Omar el-Béchir, qui était alors le président du Soudan, ainsi que le chef de milice Ali Kosheib, devant le siège du Conseil de l'Union européenne à Bruxelles, en juillet 2008. Les deux hommes étaient accusés par la CPI de crimes de guerre commis au Darfour. © 2008 Francois Lenoir/Reuters

(Nairobi, le 9 juin 2020) – Le transfert d’Ali Kosheib à la Cour pénale internationale (CPI) est une avancée majeure en faveur de la justice pour les victimes d’atrocités au Darfour et leurs familles, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Kosheib était un fugitif recherché depuis 2007 par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par des milices soutenues par le gouvernement soudanais au Darfour.

Ali Kosheib s’est rendu volontairement, alors qu’il se trouvait en République centrafricaine. Le 9 juin 2020, la CPI a annoncé qu’il était en garde à vue. Le tribunal a indiqué que la République centrafricaine, le Tchad, la France, les Pays-Bas et les forces de maintien de la paix des Nations Unies avaient coopéré et aidé à le remettre à la Cour.

« La mise en détention par la CPI d’Ali Kosheib est un moment historique pour la justice rendue aux victimes d’atrocités commises à travers tout le Darfour et à leurs familles », a déclaré Elise Keppler, la Directrice adjointe du Programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Le monde a vu avec horreur le gouvernement soudanais lancer à partir de 2003 des attaques brutales contre des civils du Darfour, tuant, violant, brûlant et pillant dans des villages. Mais 13 ans plus tard, un suspect majeur, Ali Kosheib, a finalement été rattrapé par la justice. »

Ali Kosheib est le nom de guerre d’Ali Mohammed Ali, un chef de la milice janjaouid qui a également occupé des postes de commandement au sein des forces auxiliaires de défense populaire et de la police centrale de réserve du Soudan. Le 27 avril 2007, la CPI avait émis un mandat d’arrêt contre Kosheib, visé par 50 chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

En portant ces accusations, les juges de la CPI ont trouvé des « motifs raisonnables de croire » que Kosheib était responsable de viols, de destruction de biens, de commission d’actes inhumains et de l’attaque et du meurtre de civils dans quatre villages du Darfour occidental en 2003 et 2004. Les juges ont également examiné des éléments de preuve indiquant que Kosheib a dirigé des attaques ainsi que mobilisé, recruté, armé et fourni des équipements à la milice janjaouid placée sous son commandement.

Sur la base de recherches menées au Darfour en 2004 et 2005, Human Rights Watch a constaté que les plus hauts niveaux du leadership soudanais étaient responsables de la création et de la coordination de la politique gouvernementale de contre-insurrection au Darfour, qui visait délibérément et systématiquement les civils, en violation des droits humains internationaux et du droit humanitaire. Kosheib était l’un des principaux chefs de milice impliqués dans des attaques contre des villages autour de Mukjar, Bindisi et Garsila en 2003-2004, le Darfour occidental.

En 2007, puis à nouveau en 2008, les autorités soudanaises avaient placé Kosheib en détention pour des charges sans relation avec celles de la CPI. Il a ensuite été remis en liberté.

Kosheib a également mené ou participé à des attaques meurtrières contre des communautés ethniques de Salamat, dans le Darfour-Central, en avril 2013. Des témoins ont identifié Kosheib sur les lieux d’une attaque lancée contre la ville d’Abu Jeradil, à 30 kilomètres au sud d’Um Dukhun, le 8 avril ; il se trouvait à bord d’un véhicule gouvernemental. De nombreux hommes lourdement armés, la plupart portant des uniformes kaki, ont tiré sans discernement, brûlé des maisons et des magasins, volé du bétail et pillé des biens, tuant plus de 100 personnes, en blessant des dizaines d’autres et déplaçant des dizaines de milliers d’habitants.

Des mandats d’arrêt contre quatre autres suspects soudanais accusés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide restent en suspens : Omar el-Béchir, l’ancien président du pays ; Ahmed Haroun, ancien ministre d’État aux Affaires humanitaires et ancien gouverneur de l’État du Kordofan méridional ; Abdulraheem Mohammed Hussein, ancien ministre de la Défense ; et Abdallah Banda Abakaer, chef rebelle du Mouvement pour la justice et l’égalité. Tous, à l’exception de Banda, sont actuellement détenus au Soudan. Deux autres chefs rebelles soudanais ont été accusés de crimes liés à une attaque contre une base de l’Union africaine au Darfour, mais un suspect est décédé et les juges de la CPI ont refusé de confirmer les charges retenues contre l’autre.

L’ancien président Omar el-Béchir a été évincé du pouvoir en avril 2019 après des mois de manifestations au Soudan, que les forces de sécurité gouvernementales ont réprimées dans la violence, faisant des centaines de morts rien que depuis décembre. En vertu de l’accord de partage du pouvoir signé le 17 août au Soudan, le gouvernement de transition est dirigé par un Conseil souverain de 11 membres pour une période de trois ans, suivie d’élections.

En février 2020, Mohammed Hassan al-Taishi, membre du Conseil souverain, a annoncé que les autorités soudanaises coopéreraient avec la CPI, après une obstruction initiale à l’enquête du Procureur par le gouvernement déchu. Le Premier ministre Abdalla Hamdok et le Conseil souverain ont confirmé l’engagement du gouvernement à coopérer avec la CPI lors de réunions à Khartoum avec Human Rights Watch le 12 février.

Les autorités soudanaises n’ont pas encore pris de mesures concrètes pour respecter cet engagement, a constaté Human Rights Watch.

La CPI a ouvert une enquête sur les crimes au Darfour en 2005. La résolution 1593 du Conseil de sécurité des Nations Unies a renvoyé la situation au Darfour devant cette juridiction. Le Soudan n’étant pas membre de la CPI, la saisine de cette juridiction était nécessaire pour enquêter sur les crimes commis au Darfour. La République centrafricaine est membre de la CPI et tous les Etats parties sont tenus de coopérer avec la Cour en vertu du Statut de Rome.

« La justice n’est pas toujours possible immédiatement, ce qui rend le rôle de la CPI comme juridiction permanente si crucial », a conclu Elise Keppler. « Les mandats d’arrêt de la CPI n’ont pas de date d’expiration, mais dépendent de la coopération des États pour être exécutés. Aujourd’hui, la République centrafricaine, le Tchad, la France, les Pays-Bas et les forces des Nations Unies ont contribué à faire de l’établissement des responsabilités pour les victimes une réalité, alors qu’il n’était qu’un espoir jusqu’à présent. »

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