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Bosco Ntaganda sits in the courtroom of the International Criminal Court

Bosco Ntaganda condamné à 30 ans de prison

La persévérance pendant de nombreuses années a permis de traduire ce chef de guerre congolais en justice

L'ancien chef de guerre congolais Bosco Ntaganda assiste à une plaidoirie vers la fin de son procès pour crimes de guerre à la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas, le 28 août 2018.  © 2018 Bas Czerwinski/Pool via AP

Le 7 novembre 2019, Bosco Ntaganda, dont les groupes armés ont terrorisé l’est de la République démocratique du Congo, a été condamné par la Cour pénale internationale (CPI) à 30 ans d’emprisonnement pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le nom de Ntaganda provoque toujours des frissons en RD Congo, car ses victimes se souviennent de lui pour sa cruauté. La directrice adjointe de la division Afrique, Ida Sawyer, a documenté ses abus – notamment des massacres, de l’esclavage sexuel et l’utilisation d’enfants soldats – pendant de nombreuses années en tant que chercheuse de Human Rights Watch basée à Goma. Elle répond aux questions d’Audrey Wabwire sur Bosco Ntaganda et sur ce que signifie cette condamnation.

Pendant combien de temps avez-vous enquêté sur les abus commis par Bosco Ntaganda ?

J’ai commencé à documenter ses abus lorsque je me suis rendue pour la première fois à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, en 2008. Bosco Ntaganda faisait partie du groupe rebelle Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) soutenu par le Rwanda, qui a commis d’innombrables atrocités à l’encontre des civils. À la fin de l’année 2008, dans la ville de Kiwanja, au nord de Goma, Bosco Ntaganda a orchestré une attaque dans laquelle 150 personnes ont été tuées en deux jours. Pendant les cinq années qui ont suivi, j’ai passé beaucoup de temps à couvrir ses abus, à m’entretenir avec les survivants qui ont livré des récits terrifiants des attaques auxquelles ils ont survécu. Dans le cadre d’un accord négocié avec les gouvernements congolais et rwandais, Bosco Ntaganda a été intégré dans l’armée congolaise et est devenu général en charge du commandement des opérations militaires dans l’est de la RD Congo.

Plus tard, après qu’il a créé le M23, un autre groupe rebelle de triste réputation soutenu par le Rwanda, il a mené des attaques contre de nombreux villages, a exécuté sommairement des centaines de personnes et a été accusé de viol, de torture et de recrutement forcé d’enfants pour les utiliser comme soldats au sein du groupe. Nous avons constaté que le M23 recevait le soutien du Rwanda et nous avons présenté ces conclusions aux bailleurs de fonds du Rwanda. Certains bailleurs de fonds ont alors suspendu leur aide au Rwanda. Cette pression a été déterminante dans la reddition de Bosco Ntaganda à l’ambassade des États-Unis à Kigali, la capitale rwandaise, en 2013.

Lorsque Bosco Ntaganda a été nommé à un poste haut placé, avez-vous eu le sentiment que la justice ne serait jamais rendue ?

C’était particulièrement difficile lorsqu’il est devenu général dans l’armée. Beaucoup ont considéré qu’il était intouchable. Il semblait ne pas craindre d’être arrêté, malgré le mandat de la Cour pénale internationale à son encontre. Lorsqu’il vivait à Goma, il n’habitait pas très loin de chez moi et je le voyais circuler dans la ville, vaquer à ses affaires et même jouer au tennis. À cette époque, ses troupes prenaient toujours pour cible les groupes rivaux, les défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui s’élevaient contre ses actions. Ses troupes assassinaient et enlevaient des personnes en toute impunité.

Pourtant, les défenseurs des droits humains congolais courageux et nous-mêmes continuions à attirer l’attention sur le fait qu’il devait être traduit en justice. Les diplomates et les représentants des Nations Unies rejetaient nos demandes, en nous expliquant que Bosco Ntaganda ne pouvait pas être arrêté ou qu’il était trop protégé par ses soutiens rwandais et ses amis congolais. Mais nous n’avons pas relâché nos efforts.

Lorsque son propre groupe rebelle s’est scindé et que ses soutiens au Rwanda ont apparemment décidé d’arrêter de le soutenir, Bosco Ntaganda a su que sa vie était en danger, car il avait de nombreux ennemis. Il s’est rendu de lui-même à l’ambassade américaine au Rwanda et a demandé à être transféré à la CPI.

Il a finalement été conduit à La Haye. Cela a été très motivant pour moi de voir Anneke Van Woudenberg, l’ancienne directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch qui avait documenté ses premiers abus dans la province de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo, témoigner contre lui pendant le procès. Elle a fourni un compte rendu détaillé sur la base du travail que nous avions réalisé pendant de nombreuses années et toute cette documentation avait finalement servi à quelque chose.

Que signifie cette condamnation pour la République démocratique du Congo ?

Elle envoie un message fort montrant que ceux qui commettent des crimes graves à l’encontre des civils, quels que soient leurs postes, peuvent être traduits en justice. J’espère que cela aura un rôle dissuasif pour d’autres personnes qui commettent encore des abus contre des civils en RD Congo et ailleurs. Cela pourrait inciter les forces de sécurité à réfléchir à deux fois avant d’ordonner à leurs membres de violer les droits des civils, même pendant les conflits.

J’ai parlé avec des victimes des crimes de Bosco Ntaganda depuis sa reconnaissance de culpabilité par la CPI. Nombreuses sont celles qui ont été contraintes à l’exil, car elles étaient menacées de subir de nouvelles souffrances si elles osaient s’exprimer. Même si sa condamnation n’efface pas la douleur des victimes, le fait qu’il rende des comptes leur apporte un peu de réconfort.

La condamnation intervient alors qu’environ 130 groupes armés sont toujours actifs dans l’est de la RD Congo, et que beaucoup continuent à commettre des crimes graves. Les leaders aux comportements abusifs peuvent voir ce qu’il est advenu de Bosco Ntaganda et apprendre qu’ils ne sont pas au-dessus des lois.

Cependant, sa condamnation concerne uniquement ses crimes dans la province de l’Ituri en 2002 et 2003. Les activistes en RD Congo demandent justice pour tous ses crimes, y compris les nombreuses attaques qu’il a menées dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Maintenant que Bosco Ntaganda a été reconnu coupable et condamné, que se passera-t-il ensuite ?

La condamnation de Bosco Ntaganda est historique. Il est la première personne condamnée par la CPI pour esclavage sexuel, ainsi que la première personne condamnée par la CPI pour crimes de violences sexuelles commis contre ses propres troupes. Cela envoie un message important.

Bosco Ntaganda et la Procureure ont fait appel du verdict. Bosco Ntaganda peut maintenant faire appel de sa condamnation s’il la considère comme trop sévère pour les crimes dont il a été reconnu coupable. Les procédures en appel dureront certainement plusieurs mois.

La Cour examine aussi les réparations pour les victimes de Bosco Ntaganda. Cela pourrait inclure la restitution et l’indemnisation aux victimes et à leurs familles, et la réhabilitation. À ce stade, la Cour prend des mesures pour faciliter et accélérer les procédures de réparations. Cependant, une ordonnance de réparation ne peut être mise en œuvre qu’après confirmation de la condamnation en appel.

Nous espérons que la condamnation de Bosco Ntaganda enverra un message aux autres chefs de guerre et aux auteurs de graves atteintes aux droits humains pour qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas au-dessus des lois et que, même des années après leurs crimes, ils peuvent être amenés à rendre des comptes.

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