(Genève) – Les autorités rwandaises cherchent à officialiser les arrestations et détentions abusives de certains des enfants les plus vulnérables du pays sous prétexte de les réhabiliter, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies basé à Genève, qui débute son examen du Rwanda le 27 janvier 2020, devrait appeler à la fermeture immédiate du Centre de transit de Gikondo, où des enfants sont détenus arbitrairement et font l’objet d’abus.
« Les autorités rwandaises affirment qu’elles réhabilitent les enfants des rues », a expliqué Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Mais au contraire, elles les enferment dans des conditions inhumaines et dégradantes, sans procédure régulière, et les exposent à des passages à tabac et des abus. »
Le rapport de 48 pages, intitulé « “Tant que nous vivrons dans la rue, ils nous frapperont” : Détention abusive d’enfants au Rwanda », documente la détention arbitraire d’enfants des rues pendant des périodes allant jusqu’à six mois au Centre de transit de Gikondo, à Kigali, la capitale. Il fait suite à trois rapports de Human Rights Watch publiés en 2006, 2015, et 2016 sur les centres de transit, y compris Gikondo, où les mauvais traitements et les passages à tabac sont courants. Depuis 2017, un nouveau cadre légal et des politiques dans le cadre de la stratégie du gouvernement visant à « éradiquer la délinquance » ont été adoptés pour légitimer et réglementer la détention dans ces soi-disant centres de transit. Mais en réalité, cette nouvelle législation offre une couverture à la détention arbitraire continue et aux violations à l’encontre des détenus, y compris des enfants.
Human Rights Watch s’est entretenu avec 30 anciens détenus mineurs, âgés de 11 à 17 ans, entre janvier et octobre 2019 et a étudié des déclarations publiques, des documents officiels, des publications dans les médias étatiques, les comptes Twitter des représentants du gouvernement et d’autres sources officielles, ainsi que les informations disponibles publiées par la Commission nationale pour les enfants, la Commission nationale des droits de la personne et le Service national de réhabilitation.
En vertu de la législation adoptée depuis 2017, les personnes qui présentent des « comportements déviants ... tels que la prostitution, l’usage des stupéfiants, la mendicité, le vagabondage, [ou] le commerce ambulant informel » peuvent être détenues dans des centres de transit pendant un maximum de deux mois, sans autre justification légale ni contrôle judiciaire.
Human Rights Watch a constaté que les violations commencent dès que la police ou les membres de l’Organe d’appui à l’administration du district pour le maintien de la sécurité (District Administration Security Support Organ, DASSO), une force de sécurité locale, raflent les enfants dans les rues. Certains enfants ont rapporté avoir été frappés pendant ou peu après leur arrestation. D’autres ont affirmé qu’ils ont reçu un procès-verbal officiel indiquant l’accusation portée contre eux, mais la plupart ont déclaré n’avoir jamais reçu un tel document et aucun n’a eu accès à un avocat, un tuteur ou un membre de sa famille pendant leur enregistrement.
« Si vous êtes une jeune fille, ils vous traitent de pute », a expliqué une fille de 16 ans qui a été détenue à Gikondo pendant un mois au début de l’année 2019. « Ils vous collent n’importe quelle étiquette, ne disent rien sur la loi et quand ils ont fini de vous traiter de prostituée, de voleur ou de vagabond, ils vous jettent en prison. »
Vingt-huit des trente enfants ont affirmé avoir été battus à Gikondo. « Un responsable au centre ... m’a frappé avec un grand bâton dans le dos et sur les fesses quand je suis arrivé au centre », a raconté un garçon de 15 ans détenu à Gikondo pendant deux mois en 2019. « Il m’a demandé de l’argent mais je n’en avais pas. Il a dit : “Tu n’apportes rien alors que tu vis ici et que tu profites de ce pays !” »
Les enfants à Gikondo sont détenus dans des salles surpeuplées, parfois avec des adultes, dans des conditions bien en deçà des normes imposées par la loi rwandaise et le droit international. Ils ont expliqué qu’ils devaient partager, parfois avec quatre autres enfants, des matelas et des couvertures, qui étaient souvent infestés de poux. Certains ont raconté qu’ils n’étaient autorisés à se laver qu’une ou deux fois par semaine ou avaient un accès irrégulier aux toilettes. L’accès au traitement médical est sporadique et aucun soutien à la réhabilitation n’est proposé.
Le Rwanda, qui a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU en 1991, a déclaré dans son rapport de juillet 2018 au Comité des droits de l’enfant : « Les enfants des rues ne sont pas traités comme des délinquants puisqu’ils sont systématiquement placés dans des centres de transit, où ils sont détenus pendant une courte période, avant que des mesures de réparation ou de correction durables ne soient prises. » Cependant, en pratique, aucune procédure judiciaire n’est mise en œuvre pour déterminer la légalité des détentions, la durée passée dans le centre ou la façon dont les enfants sont libérés ou transférés.
La libération des enfants du centre de Gikondo est également arbitraire. Certains enfants ont indiqué qu’ils ont été transférés au Centre de réhabilitation de Gitagata, mais la plupart ont simplement été libérés. On leur a dit qu’ils seraient arrêtés de nouveau s’ils retournaient dans les rues, mais ils n’ont reçu aucune aide financière ou logistique pour rejoindre leurs familles. Dix-sept des enfants interrogés ont indiqué qu’ils sont retournés vivre dans les rues.
Le traitement des enfants à Gikondo viole la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et la Convention relative aux droits de l’enfant.
En juillet 2019, la Commission nationale des droits de la personne, un organisme établi par le gouvernement, a visité le centre et a émis des doutes concernant les détentions répétées d’enfants vivant dans les rues. La commission a rapporté que le directeur du centre, Potien Sindayiheba Gakwaya, a indiqué que le problème sous-jacent ne serait pas résolu par les centres de transit.
Le gouvernement du Rwanda devrait fermer Gikondo et mettre fin aux pratiques qui conduisent à la détention arbitraire de personnes dans des centres de transit. Il devrait cesser d’utiliser les centres de transit et les soi-disant centres de réhabilitation pour débarrasser la capitale des enfants des rues et remplacer ce système abusif par une assistance et un soutien à ceux qui en ont besoin, a déclaré Human Rights Watch.
Les autorités rwandaises devraient libérer immédiatement toutes les personnes détenues à Gikondo et ouvrir une enquête indépendante efficace sur la police nationale rwandaise et les autres autorités responsables des violations à l’encontre des détenus, y compris des enfants. L’enquête devrait permettre de garantir que les personnes ayant commis des abus soient traduites en justice.
« Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a l’occasion de faire ce que peu de personnes au Rwanda peuvent faire, à savoir poser au gouvernement des questions difficiles sur son bilan en matière de droits humains et sur ses violations systématiques des traités », a conclu Lewis Mudge. « Il doit se tenir aux côtés des enfants confrontés aux abus, qui méritent d’être traités avec dignité et respect. »
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Dans les médias
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1 /Hier, @hrw_fr a publié un rapport sur les arrestations et détentions arbitraires d'enfants des rues à Kigali, constatant qu’ils sont victimes de rafles et de détentions dans des conditions inhumaines sans procédure régulière ni contrôle judiciaire https://t.co/885ASWTmj1 pic.twitter.com/VvO7Qa1ZtM
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#Rwanda : l’ONG Human Rights Watch réclame la fermeture du "centre de transit" de #Gikondo. Des "enfants des rues" y sont souvent soumis à des traitements violents, ou d’autres abus. https://t.co/ypskkl2axe via @franceinfo
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