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ONU : Le Conseil de sécurité devrait saisir la CPI au sujet de la Birmanie

Les pays membres de l’ONU devraient élaborer une stratégie globale visant l’obtention de justice

Une famille de Rohingyas fuyant la Birmanie (Myanmar) traverse la rivière Naf, afin d'atteindre le village de Palong Khali au Bangladesh, de l'autre côté de la frontière, le 1er novembre 2017. © 2017 Reuters/Adnan Abidi

(New York, le 3 novembre 2017) - Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait renvoyer la situation en Birmanie devant la Cour pénale internationale (CPI) en raison de l’incapacité de ce pays à enquêter sur les atrocités commises contre les Rohingyas, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui lors de la publication d’un nouveau document « questions et réponses ». Les pays membres de l’ONU devraient également persévérer dans le processus de collecte de preuves pénales pour faire avancer les poursuites devant la CPI et d’autres tribunaux.

Les autorités birmanes n’ont pas enquêté de manière crédible sur les opérations des forces de sécurité qui, depuis la fin du mois d’août 2017, ont résulté dans des incendies, meurtres, viols et pillages et dans la destruction de centaines de villages, obligeant plus de 600 000 Rohingyas à fuir vers le Bangladesh voisin. Une enquête de terrain de Human Rights Watch a révélé que les exactions des militaires birmans sont constitutives de crimes contre l’humanité.

« Il y a un besoin urgent de justice pour les Rohingyas, qui font l’objet d’une campagne de nettoyage ethnique orchestrée par l’armée birmane », a déclaré Param-Preet Singh, directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait renvoyer la situation en Birmanie devant la CPI, qui a précisément été créée pour faire face aux situations où des crimes graves sont commis sans entraîner de conséquences. »

Le soutien du gouvernement birman aux opérations militaires contre les Rohingyas et la manière dont ce gouvernement ignore et rejette les abus présumés font qu’il est fort peu probable que ce dernier s’engage de manière crédible en faveur de l’ouverture d’une enquête et de poursuites pour crimes contre l’humanité. Historiquement, les tribunaux birmans ne jugent presque jamais les soldats pour des violations des droits humains et n’ont jamais demandé à aucun soldat de rendre des comptes pour crimes de guerre. En outre, il est rare que les tribunaux civils soient compétents pour juger les soldats accusés d’infractions pénales.

En avril, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé une Mission d’établissement des faits pour la Birmanie en raison d’allégations crédibles et graves d’atteintes aux droits humains. Si la Mission d’établissement des faits est effectivement chargée de documenter la récurrence d’abus à travers le pays, son mandat ne l’autorise pas à enquêter sur ces abus à titre pénal, même si ses conclusions pourraient être utilisées dans le cadre d’éventuelles poursuites judiciaires.

La CPI est un tribunal de dernière instance et n’agit que lorsque des crimes graves sont commis et que les autorités nationales ne veulent ou ne peuvent pas poursuivre et juger les responsables. Mais la compétence de la CPI ne s’étend qu’aux crimes commis par les États parties à son traité fondateur, le Statut de Rome, et la Birmanie n’est pas membre de ce traité. Seul le Conseil de sécurité de l’ONU a le pouvoir de renvoyer la situation devant la CPI en vue de la poursuite d’une enquête pénale.

Renvoyer la situation de la Birmanie devant la CPI risque d’être difficile dans l’environnement politique actuel au sein du Conseil, notamment du fait de l’opposition probable de la Chine et de la Russie à une telle démarche. La difficulté de cette situation démontre combien il est important de suivre d’autres voies pour que justice soit rendue aux victimes des atrocités en Birmanie, a souligné Human Rights Watch.

Face à l’impasse au Conseil de sécurité s’agissant des crimes commis en Syrie et en Corée du Nord, l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont créé des organes pour réunir des informations sur les violations des droits humains et préparer des dossiers qui pourront être présentés devant les tribunaux compétents pour juger ces crimes. Les pays membres de l’ONU devraient envisager une initiative similaire pour la Birmanie.

« Les États membres de l’ONU devraient explorer des mesures concrètes pour constituer des dossiers judiciaires contre les responsables de crimes graves en Birmanie en vue d’éventuelles poursuites pénales », a conclu Param-Preet Singh. « L’identification des auteurs de ces crimes peut aider à augmenter le coût politique des opérations militaires à caractère abusif et à faire en sorte que les victimes accèdent plus facilement à la justice qu’ils méritent. »

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