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ONU : La RD Congo n’a pas sa place au Conseil des droits de l’homme

La candidature congolaise devrait être rejetée lors du vote

Les délégués arrivent à la 34ème session de Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, en Suisse, le 27 Février 2017. © 2017 Reuters

(New York) – Les États membres de l’ONU ne devraient pas voter en faveur de la République démocratique du Congo lors des prochaines élections du Conseil des droits de l’homme, en raison des violations généralisées des droits humains commises par le gouvernement et de son manque de coopération avec les mécanismes des Nations Unies dans le domaine des droits humains, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les élections annuelles pour pourvoir les 47 sièges du Conseil des droits de l’homme se tiendront à l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York, le 16 octobre 2017.

« Accepter la candidature de la RD Congo porterait atteinte aux principes fondateurs et à la crédibilité du principal organe des droits humains de l’ONU et à sa capacité à promouvoir le respect de ces mêmes droits », a déclaré Louis Charbonneau, directeur de plaidoyer auprès de l’ONU à Human Rights Watch. « Ce serait aussi un affront cinglant aux innombrables victimes des exactions du gouvernement et au travail des courageux activistes congolais. »

La RD Congo, l’Angola, le Sénégal et le Nigéria figurent sur la « liste fermée » (« closed slate ») en vue de pourvoir les quatre postes réservés au groupe africain au sein du Conseil, ce qui garantit pratiquement un siège à chacun. Cependant, dans la mesure où la majorité des suffrages exprimés est nécessaire pour être élu, la RD Congo pourrait se voir refuser un siège si la moitié des États membres participant au vote s’abstiennent de voter en sa faveur.

De nombreux activistes des droits humains en RD Congo se sont prononcés contre la candidature de leur pays. Le 12 octobre, 157 organisations congolaises ont appelé les États membres de l’ONU à s’opposer à la candidature de la RD Congo, affirmant que voter pour la RD Congo « enverrait un mauvais signal pour un pays qui est loin d’être exemplaire » en matière de droits humains. Le 9 octobre, le mouvement citoyen LUCHA (Lutte pour le changement) a organisé un sit-in dans la ville de Lubumbashi, située dans le sud-est du pays, pour s’opposer à la candidature de la RD Congo.

En vertu de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui a porté création du Conseil des droits de l’homme, les États membres de l’ONU « prendront en considération le concours que chaque candidat a apporté à la cause de la promotion et de la défense des droits de l’homme » et les membres élus au Conseil « observeront les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme » et « coopéreront pleinement avec le Conseil ». Au vu des ces normes, le gouvernement congolais n’a pas sa place au Conseil des droits de l’homme, a déclaré Human Rights Watch.

La situation des droits humains en RD Congo s’est rapidement détériorée ces dernières années. Lors de sa dernière session en septembre, le Conseil des droits de l’homme a adopté une résolution par laquelle il a décidé de rester saisi de la situation des droits humains en RD Congo pour une année de plus. Le Conseil s’est également dit profondément préoccupé « par la persistance des violations des droits civils et politiques […] commis par des acteurs étatiques dans le contexte des importants événements électoraux ».

Dans la région du Kasaï, dans le sud du pays, les forces de sécurité gouvernementales sont responsables d’une grande partie des exactions commises depuis août 2016, qui ont fait jusqu’à 5000 morts. Six cents écoles ont été attaquées ou détruites, 1,4 million de personnes ont été déplacées de leurs foyers, et près de 90 fosses communes ont été découvertes dans la région. En mars 2017, deux enquêteurs de l’ONU – l’Américain Michael Sharp et la Suédo-chilienne Zaida Catalán – ont été tués alors qu’ils enquêtaient sur les violences dans la région. Les investigations de Human Rights Watch et un rapport de Radio France Internationale (RFI) suggèrent une responsabilité du gouvernement dans le double meurtre.

Lorsque les deux experts ont été portés disparus en mars 2017, aux côtés de leur interprète congolais et de leurs trois chauffeurs de moto, des agents gouvernementaux et les forces de sécurité congolaises ont induit en erreur, entravé les déplacements ou détourné l’attention des Casques bleus de l’ONU et retardé leurs recherches jusqu’à la découverte des deux corps le 27 mars, ont confié des responsables onusiens et des officiers des forces de sécurité congolaises interrogés par Human Rights Watch. L’enquête congolaise et le procès en cours des responsables présumés des meurtres sont entachés de graves irrégularités et pourraient constituer une tentative de dissimulation pour protéger les véritables responsables de ce crime, a déclaré Human Rights Watch.

Le 23 juin, le Conseil des droits de l’homme a adopté par consensus une résolution enjoignant le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de dépêcher une équipe d’experts internationaux pour enquêter sur les allégations de violations des droits humains dans la région du Kasaï.

Le président Joseph Kabila a usé de la répression, de la violence et de la corruption pour retarder la tenue des élections et se maintenir au pouvoir, malgré que son deuxième et dernier mandat autorisé par la Constitution se soit achevé le 19 décembre 2016. Un accord de partage du pouvoir obtenu le 31 décembre grâce à la médiation de l’Église catholique prévoyait des élections d’ici à la fin 2017. Mais la commission électorale nationale a déclaré que les scrutins ne pourraient avoir lieu avant au moins avril 2019. Des leaders de la société civile congolaise et d’autres personnes ont appelé Kabila à quitter ses fonctions d’ici à la fin de cette année, et ont proposé une brève transition post-Kabila pour organiser des élections crédibles, dirigée par des leaders qui ne seraient pas candidats aux futures élections.

Le gouvernement a interdit de manière systématique les rassemblements de l’opposition politique et les manifestations, autorisant souvent l’usage de balles réelles sur les manifestants pacifiques. Les forces de sécurité congolaises ont abattu plus de 170 manifestants pacifiques en 2015 et 2016, selon les conclusions de Human Rights Watch. Lors de manifestations organisées en décembre dernier, les autorités ont refusé de coopérer avec le Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme au Congo (BCNUDH), lui refusant l’accès « à plusieurs installations et camps militaires ainsi qu’à des hôpitaux et morgues », d’après les Nations Unies. Ces derniers mois, des dizaines de partisans de l’opposition et de défenseurs des droits humains ont été emprisonnés, et bon nombre ont été détenus au secret sans chef d’inculpation ni visite de leur famille ou de leurs avocats. D’autres font face à de fausses accusations.

Le gouvernement a également rejeté toute coopération internationale après la découverte d’une fosse commune à Maluku, à la périphérie de la capitale, Kinshasa. En 2015, les forces de sécurité congolaises ont secrètement creusé cette fosse commune, y jetant plusieurs centaines de corps. De nombreux membres des familles des victimes d’exécutions sommaires ou de disparitions forcées dont se sont rendues responsables les forces de sécurité congolaises lors des manifestations de janvier 2015 et de l’ « Opération Likofi » – une opération policière antérieure qui visait la criminalité des gangs – ont pensé que leurs proches figuraient parmi les personnes inhumées à Maluku. Lors des deux opérations, les forces de sécurité ont emporté les corps de certaines des personnes tuées sans jamais les rendre à leurs familles pour être enterrés. Le gouvernement congolais n’a pas répondu aux appels répétés de l’ONU et d’autres pour ouvrir une enquête indépendante.

En octobre 2014, le gouvernement a expulsé le directeur du BCNUDH, Scott Campbell, à la suite de la publication d’un rapport sur les exécutions sommaires et les disparitions forcées pendant l’Opération Likofi. Depuis lors, plusieurs chercheurs et journalistes internationaux ont été contraints de quitter le pays ou interdits de s’y rendre, y compris une chercheuse senior de Human Rights Watch sur la RD Congo, révélant l’opposition croissante du gouvernement congolais aux reportages indépendants sur la situation des droits humains.

Le Conseil des droits de l’homme a été créé en 2006 pour remplacer la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, qui avait échoué à répondre aux véritables préoccupations en matière de droits humains, et à laquelle les pires contrevenants aux droits humains dans le monde pouvaient être facilement élus. Au cours des 11 dernières années, le Conseil a réalisé d’importantes contributions pour les droits humains, en examinant les situations des droits humains de tous les pays dans le cadre de l’Examen périodique universel; en créant des commissions d’enquête sur la Corée du Nord, la Syrie ou le Burundi parmi d’autres pays; et en nommant de nombreux rapporteurs spéciaux et experts indépendants pour garantir des enquêtes crédibles et impartiales sur les allégations de violations, même en l’absence de coopération du gouvernement concerné.

« Même s’il figure sur une liste arrêtée à l’avance, un pays doit toujours recevoir une majorité des votes exprimés pour être élu », a conclu Louis Charbonneau. « Les États membres de l’ONU qui s’abstiennent de voter pour la RD Congo manifesteront leur soutien aux normes élevées exigées pour siéger au Conseil en rejetant un État responsable de violations des droits humains en série de cet organe important. »

 

Dans la presse :

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