Opération Likofi
Meurtres et disparitions forcées aux mains de la police à Kinshasa, République démocratique du Congo
Carte de Kinshasa
Résumé
Le 15 novembre 2013, le gouvernement de la République démocratique du Congo a lancé l’« Opération Likofi », une opération de police visant à mettre fin aux crimes perpétrés par les membres de gangs criminels organisés appelés les « kulunas ». Les kulunas avaient été responsables d’une vague de vols à main armée et d’autres actes criminels graves dans la capitale du pays, Kinshasa, depuis 2006. Ils étaient connus pour leur recours à des machettes, des tessons de bouteilles ou des couteaux pour menacer et parfois agresser des personnes afin de leur extorquer de l’argent, des bijoux, des téléphones portables et d’autres objets de valeur. Des leaders politiques ont également utilisé des kulunas pour les protéger ou pour intimider leurs opposants en périodes électorales.
Suite à un engagement public de la part du président de la RD Congo, Joseph Kabila, en octobre 2013, de mettre fin à la criminalité des gangs à Kinshasa, la police a entrepris l’Opération Likofi. (Likofi signifie « coup de poing » en lingala, l’une des langues nationales de la RD Congo.) L’opération qui s’est étalée sur trois mois, entre novembre 2013 et février 2014, a été menée avec peu de respect pour l’État de droit. Les policiers qui y ont participé ont souvent agi de façon illégale et brutale, tuant au moins 51 jeunes hommes et adolescents et en soumettant 33 autres à des disparitions forcées.
L’Opération Likofi a contribué au climat d’angoisse à Kinshasa. Lors de raids à travers la ville, des policiers en uniforme, le visage dissimulé par des cagoules noires, ont traîné sous la menace des armes des kulunas présumés hors de chez eux, la nuit, sans mandats d’arrêt. Dans de nombreux cas, la police a abattu les jeunes non armés à l’extérieur de leurs domiciles, souvent devant des membres de la famille et des voisins. D'autres ont été arrêtés et exécutés dans les marchés ouverts où ils dormaient ou travaillaient, ou bien sur des terrains à proximité ou dans des espaces isolés. Cinq de ceux qui ont été assassinés au cours de l’Opération Likofi avaient entre quatorze et dix-sept ans. Beaucoup d’autres ont été emmenés dans des lieux inconnus et ont été victimes de disparitions forcées.
Ce rapport documente les exactions commises par les policiers qui ont participé à l’Opération Likofi, notamment des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, ainsi que des menaces contre les membres des familles et d’autres témoins des exactions. Le rapport est basé sur des entretiens menés à Kinshasa entre novembre 2013 et novembre 2014 avec 107 personnes – des témoins d’exactions, des membres des familles de personnes assassinées et de victimes de disparitions forcées, des policiers qui ont participé à l’Opération Likofi et d’autres policiers basés à Kinshasa, des responsables gouvernementaux et des membres du parlement, des défenseurs des droits humains, ainsi que des travailleurs sociaux travaillant avec des enfants de la rue et d’autres enfants et jeunes adultes vulnérables à Kinshasa. Le nombre réel de victimes d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées commises au cours de l’Opération Likofi est probablement supérieur aux 51 exécutions extrajudiciaires et 33 disparitions forcées documentées par Human Rights Watch.
Au cours de cette opération, les descentes de police ont été généralisées et de nombreux individus pris pour cible n’avaient rien à voir avec les kulunas. Certains étaient des enfants de la rue, alors que d’autres étaient des jeunes faussement accusés par leurs voisins en raison de litiges sans aucun lien avec les kulunas. Certains se trouvaient simplement au mauvais endroit, au mauvais moment. Dans tous les cas examinés par Human Rights Watch, les personnes assassinées ne présentaient pas de menace mortelle imminente qui aurait justifié l’utilisation de la force létale par la police.
Au début, la police semblait utiliser ses tactiques brutales comme avertissement pour les autres. De nombreuses victimes ont été battues et humiliées en public par la police avant d’être assassinées, et dans certains cas elles ont été menottées et ont eu les yeux bandés. Quand la police exécutait un suspect, elle appelait parfois ensuite les gens à venir voir le corps. Dans plusieurs cas, les policiers laissaient le corps dans la rue, peut-être pour effrayer les autres, et ne le récupéraient que plus tard pour le transférer aux morgues de la ville.
La mère d’une victime – un jeune homme qui vendait des accessoires vestimentaires dans l’un des marchés principaux de Kinshasa – a expliqué à Human Rights Watch qu’après que la police ait ligoté et abattu son fils de tirs à la poitrine et dans les hanches, un policier a crié aux passants dans la rue : « Venez voir, nous avons tué un kuluna qui vous a fait souffrir ! » Elle a ajouté qu’ils avaient ensuite mis son corps dans le pick-up de la police et avaient démarré.
Quand les Nations Unies (ONU) et des organisations locales de défense des droits humains ont publiquement exprimé leurs inquiétudes, les policiers ont changé leurs tactiques : au lieu d’exécuter leurs suspects en public, ils ont emmené ceux qu’ils arrêtaient dans un camp de la police ou vers un lieu inconnu. Selon des policiers qui ont participé à l’Opération Likofi et avec qui Human Rights Watch a pu s’entretenir, et selon un rapport confidentiel rédigé par un gouvernement étranger, certains des kulunas présumés qui avaient été enlevés par la police ont été ensuite assassinés clandestinement et leurs corps jetés dans le fleuve Congo.
Les policiers impliqués dans l’Opération Likofi firent de grands efforts pour dissimuler leurs crimes. Ils ont prévenu les membres des familles et les témoins qu’ils ne devaient pas parler de ce qui s’était passé, leur ont refusé l’accès aux corps de leurs proches et les ont empêchés d’organiser des funérailles. Des journalistes congolais ont été menacés lorsqu’ils ont essayé de documenter ou de diffuser des informations sur les meurtres commis dans le cadre de l’Opération Likofi. Les policiers ont dit aux médecins de ne pas soigner les kulunas présumés qui avaient été blessés au cours de l’opération de police, et des responsables gouvernementaux ont ordonné aux employés de la morgue de ne parler à personne des corps s’accumulant à la morgue car cela relevait d’une « affaire gouvernementale confidentielle ». Un magistrat militaire qui souhaitait ouvrir une enquête judiciaire sur un colonel de la police suspecté d’avoir abattu un kuluna présumé détenu pendant l’Opération Likofi a reçu oralement des instructions de la part d’un responsable gouvernemental pour qu’il « ferme les yeux » et ne donne pas suite à l’affaire.
Le commandement de l’Opération Likofi alternait officiellement entre le Général Célestin Kanyama et le Général Ngoy Sengelwa. Le Général Kanyama était le commandant chef de police pour le district de Lukunga à Kinshasa avant sa promotion au poste de commissaire provincial de Kinshasa à la fin décembre 2013. Le Général Sengelwa est le commandant de la force de police connue sous le nom de Légion nationale d’intervention (LENI). Des policiers qui ont participé à l’opération et un officier de police de haut rang interrogés par Human Rights Watch ont expliqué qu’en pratique le Général Kanyama était le commandant principal de l’Opération Likofi qui donnait les ordres sur la façon dont elle devait être menée.
Selon les recherches de l’ONU et de Human Rights Watch, le Général Kanyama a de nombreux antécédents d’implication présumée dans des violations des droits humains, lui valant le surnom d’« esprit de mort ». Il a été impliqué, par exemple, dans des violences commises lors de la période électorale de 2011, quand la police et d’autres forces de sécurité ont tué des dizaines de partisans de l’opposition dans les rues de Kinshasa. Le Général Kanyama rend compte officiellement au Commissaire général de la Police nationale congolaise (PNC), le Général Charles Bisengimana, mais selon certaines sources, il recevrait également des ordres provenant d’autres responsables de la sécurité congolaise.
Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch en août 2014, le Général Kanyama a rejeté toutes les allégations d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées de kulunas présumés au cours de l’Opération Likofi. Il a déclaré que les seuls cas d’abus commis par des policiers pendant l’opération étaient des actes d’extorsion, qualifiant de « rumeurs » les allégations d’assassinats et de disparitions forcées.
Lors d’entretiens avec Human Rights Watch, d’autres responsables du gouvernement et de la police ont toutefois tenu d’autres propos. Ils ont reconnu qu’il y avait eu des cas d’abus commis par des policiers au cours de l’Opération Likofi, notamment des assassinats, et ont déclaré que les responsables de ces exactions seraient traduits en justice.
Le ministre de l’Intérieur de la RD Congo, Richard Muyej, ainsi que des officiers de police de haut rang ont déclaré à Human Rights Watch lors d’entretiens menés en octobre et novembre 2014 que certains policiers avaient fait l’objet d’enquêtes, d’arrestations et de jugements de condamnation pour des crimes commis dans le cadre de l’Opération Likofi. Toutefois, selon six magistrats assignés à l’opération, interrogés par Human Rights Watch, aucun policier ayant pris part à l’Opération Likofi n’a été arrêté ni condamné pour des meurtres ou des enlèvements, même si certains ont été arrêtés et condamnés pour extorsion et d’autres crimes moins graves. Human Rights Watch a connaissance de huit policiers de rang inférieur qui sont actuellement en procès ou bien déjà condamnés pour les crimes de meurtre, assassinat, homicide par imprudence ou homicide involontaire commis à Kinshasa. Les magistrats ont cependant affirmé qu’aucun de ces huit cas ne concernait des policiers assignés à l’opération, même si dans certains cas des policiers et des soldats ont commis des meurtres et d’autres crimes à Kinshasa en prétendant faire partie de l’Opération Likofi.
Sur la base des enquêtes approfondies décrites dans ce rapport, Human Rights Watch estime que les meurtres et les disparitions forcées documentés ci-après ont été perpétrés par des policiers assignés à l’Opération Likofi, et non par des personnes prétendant faire partie de l’opération.
Vers la fin du mois de septembre 2014, à la suite d’une rencontre de Human Rights Watch avec le ministre de l’Intérieur de la RD Congo, Richard Muyej, l’inspection de la police a créé une commission pour enquêter sur les allégations de violations des droits humains commises durant l’Opération Likofi. Bien que ceci représente un pas dans la bonne direction, la commission n’a pas de pouvoir judiciaire et manque d’indépendance, étant donné qu'elle est composée uniquement de membres des forces de police – la même institution responsable des abus et des menaces contre les membres des familles et contre d’autres témoins, comme l’établit ce rapport.
Human Rights Watch appelle le gouvernement congolais à renforcer la crédibilité et l’indépendance de la commission, notamment à travers l’implication de la société civile et d’observateurs internationaux, et à communiquer des informations aux membres des familles sur le sort des victimes ou sur le lieu où elles se trouvent. Le gouvernement devrait également remplir ses obligations légales internationales en traduisant en justice les responsables de ces exactions, y compris dans le cadre de la responsabilité de commandement. É tant donnée la gravité des allégations relatives au rôle du Général Kanyama dans les exactions, il devrait être suspendu immédiatement dans l’attente d’une enquête judiciaire.
Human Rights Watch appelle également l’Assemblée nationale de la RD Congo à mettre en place une commission d’enquête parlementaire, indépendante de la commission du gouvernement, afin d’enquêter sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées de kulunas présumés, et sur la réponse du gouvernement à ces exactions.
Les bailleurs de fonds internationaux qui soutiennent la réforme de la police en RD Congo devraient également prendre des mesures afin de s’assurer que leurs fonds ne contribuent pas aux atteintes aux droits humains, et soutenir les efforts visant à prévenir de nouvelles violations des droits humains commises par la police.
Le 15 octobre 2014, les Nations Unies ont publié un rapport de 22 pages documentant neuf exécutions sommaires et 32 disparitions forcées durant l’Opération Likofi et appelant le gouvernement à « mener des enquêtes promptes, indépendantes, crédibles et impartiales » et à « traduire en justice tous les auteurs présumés de ces violations, quel que soit leur rang ». Le rapport a souligné que « le nombre de violations pourrait être beaucoup plus élevé dans la mesure où les officiers du BCNUDH n’ont pas été en mesure de vérifier plusieurs allégations en raison de diverses difficultés, notamment de l’accès à certains sites et de la réticence de plusieurs proches des victimes et témoins à donner des informations par crainte de représailles ». Le lendemain de la publication du rapport de l’ONU, le ministre de l’Intérieur de la RD Congo a déclaré lors d’une conférence de presse que le Directeur du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'homme (BCNUDH) dans ce pays, Scott Campbell, pourrait être expulsé. Le lendemain, l’ONU recevait une lettre diplomatique officielle exigeant le départ de Scott Campbell de la RD Congo.
Human Rights Watch, dont les conclusions font écho à celles de l’ONU et vont même au-delà, appelle le gouvernement congolais à revenir sur sa décision d’expulser Scott Campbell, et à s’assurer que les défenseurs des droits humains puissent enquêter librement en RD Congo.
Recommandations
Au gouvernement de la RD Congo
Protéger les droits des présumés kulunas en détention
- Veiller à ce que tous les suspects, y compris les personnes soupçonnées d’être des kulunas, soient détenus dans des lieux de détention officiellement reconnus et bénéficient d'un accès rapide à un avocat et aux membres de leur famille ;
- Veiller à ce que toutes les personnes adultes détenues soupçonnées d’être des kulunas et accusées d'une infraction pénale crédible soient rapidement traduites en justice dans un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial. Libérer les personnes incarcérées qui n’ont pas été accusées d'une infraction pénale de façon rapide et crédible ;
- Veiller à ce que tous les enfants de moins de 18 ans en détention soupçonnés d’être des kulunas et accusés d'une infraction pénale crédible bénéficient d'un procès devant un tribunal pour enfants compétent, indépendant et impartial, conformément à la loi de 2009 sur la protection de l’enfant en RD Congo et à la Convention relative aux droits de l’enfant. Libérer les enfants incarcérés qui n’ont pas été accusés d'une infraction criminelle de façon rapide et crédible ainsi que ceux qui sont en dessous de l'âge de la responsabilité pénale de la RD Congo, qui est de 14 ans. Les enfants reconnus coupables d'un crime ne devraient être incarcérés qu'en dernier recours et pour la plus courte période de temps appropriée, ainsi qu’être séparés des adultes.
Obligation de rendre des comptes pour les exactions commises lors de l’Opération Likofi
- Suspendre immédiatement le Général Kanyama, le commandant principal de l’Opération Likofi, et ouvrir une enquête judiciaire sur son rôle présumé dans les exactions commises lors de cette opération ;
- Améliorer l'indépendance et la crédibilité de la commission de police établie par l'Inspection générale de la police afin d’enquêter sur les allégations de violations des droits humains commises lors de l'Opération Likofi, notamment par le biais de la participation d’un représentant du ministère de la Justice et des droits de l’homme et d’un représentant de la société civile. La mission de maintien de la paix de l’ONU en RD Congo (MONUSCO) devrait être invitée à participer en tant qu'observateur et fournir un soutien. La commission devrait identifier les lieux où sont enterrées les personnes exécutées, fournir des informations sur le sort des personnes « disparues » et sur le lieu où elles se trouvent, tenir les familles des victimes informées, et émettre des recommandations en vue de poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs de ces abus. La commission devrait être habilitée à citer des représentants du gouvernement à comparaître ainsi qu’être munie des ressources et de l'expertise nécessaires pour enquêter sur les cas individuels, et ses conclusions devraient être transmises aux autorités judiciaires dans les plus brefs délais ;
- Mener des enquêtes et des poursuites le cas échéant, dans des procès équitables et crédibles, contre les policiers responsables d'exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et d'arrestations arbitraires de personnes soupçonnées d’être des kulunas dans le cadre de l'Opération Likofi, notamment les officiels qui peuvent porter la responsabilité de commandement ;
- Suspendre avec solde les policiers impliqués dans des violations des droits humains lors de l'Opération Likofi, dans l’attente de mesures disciplinaires ou de poursuites pénales. Ceux qui sont reconnus comme étant responsables de violations graves devraient être retirés de la police congolaise en sus de toute autre peine qu'ils reçoivent.
Soutenir les familles des victimes et protéger leurs droits
- Fournir de toute urgence des informations aux familles sur le sort ou lieu de détention de tous les kulunas présumés qui ont été victimes de disparition forcée dans le cadre de l'Opération Likofi ;
- Veiller à ce que les familles des kulunas présumés qui ont été tués reçoivent des informations sur la mort de leurs membres de famille et soient autorisées à organiser des cérémonies funéraires et des périodes de deuil sans ingérence du gouvernement ;
- Fournir une assistance aux familles des victimes afin qu’elles obtiennent réparation.
Améliorer les procédures de la police
- Veiller à ce que les policiers procédant à des arrestations ne portent pas de masque couvrant leurs visages, qu'ils portent des badges nominatifs identifiables sur leurs uniformes et qu'ils conduisent des véhicules bien balisés munis de plaques d'immatriculation ;
- Garantir que la police procède à des arrestations sur la base de mandats d'arrêt tel que requis par la loi ;
- Garantir que les policiers informent les personnes qu'ils arrêtent de leurs droits, notamment de leur droit d'être assisté par un avocat.
Répondre au phénomène kuluna par des moyens licites
- Soutenir les programmes qui fournissent une éducation, un logement, une formation professionnelle, du sport et des activités culturelles aux enfants de la rue et autres enfants et jeunes adultes vulnérables à Kinshasa dans le cadre d'un effort plus large visant à réduire les activités criminelles des kulunas ;
- Prendre des mesures juridiques appropriées contre les dirigeants politiques et leurs partisans qui fournissent des armes ou donnent des pots-de-vin aux jeunes à Kinshasa dans le but de perturber les activités de leurs adversaires.
Assurer la protection des enfants de la rue et d’autres enfants et jeunes adultes vulnérables
- Désigner le ministère du Genre, de la Famille et de l'Enfant comme un point focal pour promouvoir la protection des enfants de la rue, ainsi que d’autres enfants et jeunes adultes vulnérables, et contrôler les actions de forces de l’ordre à l’égard des enfants de la rue ;
- Mener des enquêtes et des poursuites de manière appropriée sur les cas de violences policières contre des enfants de la rue.
- Encourager le ministère de la Jeunesse, des Sports, de la Culture et des Arts à organiser des activités récréatives et d’autres loisirs pour assurer l’encadrement des enfants de la rue et d’autres enfants et jeunes adultes vulnérables.
À l'Assemblée nationale de la RD Congo
- Mettre en place une commission d'enquête parlementaire, indépendante de la commission du gouvernement, afin d’enquêter sur les allégations d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées de kulunas présumés et sur la réponse du gouvernement. Les résultats devraient être rendus publics et inclure des recommandations au gouvernement pour assurer que les personnes responsables soient tenues de rendre des comptes ainsi que pour prévenir d'autres exactions.
Aux bailleurs de fonds internationaux de la RD Congo et aux Nations Unies
- Exhorter le gouvernement congolais de façon publique et privée à prendre des mesures concrètes pour enquêter, arrêter et poursuivre les responsables des exactions de l’Opération Likofi, notamment les personnes portant la responsabilité de commandement. Contrôler régulièrement l’évolution de ces mesures ;
- Assurer que le soutien aux forces de police de la RD Congo – notamment la formation, la logistique ainsi que d'autres soutiens matériels – ne finisse pas entre les mains d’unités ou de commandants ayant participé à l'Opération Likofi, et veiller à ce que la formation en matière de droits humains et le soutien aux enquêtes et aux poursuites des exactions policières soient des éléments cruciaux des efforts de réforme de la police ;
- Dénoncer de façon publique et privée les violations graves des droits humains commises par la police ;
- Soutenir la mise en place d'une commission indépendante, comme décrit ci-dessus, afin de fournir des informations sur le sort des personnes tuées et disparues de force, ou le lieu où elles se trouvent, pendant l'Opération Likofi ainsi que soutenir les poursuites judiciaires à l’encontre des responsables présumés de ces exactions ;
- Soutenir la mise en place d'un mécanisme spécial de « vetting » ou de contrôle afin de relever de leurs fonctions les policiers reconnus coupables de graves violations des droits humains, y compris lors de l'Opération Likofi ;
- Soutenir les programmes qui fournissent une éducation, un logement, une formation professionnelle, du sport et des activités culturelles aux enfants de la rue ainsi qu’à d’autres enfants et jeunes adultes vulnérables à Kinshasa dans le cadre d'un effort plus large visant à réduire les activités criminelles des kulunas.
I. Contexte
« Kuluna »
Kuluna est un terme utilisé pour désigner les membres de gangs criminels organisés à Kinshasa. Ceux-ci ont commis de nombreux crimes graves, notamment des meurtres, des vols à main armée et autres crimes violents. Ils sont souvent munis de machettes, de bouteilles brisées ou de couteaux, et menacent de recourir à la violence pour extorquer de l’argent, des bijoux, des téléphones portables et autres objets de valeur. Parfois, ils blessent ou tuent les personnes qui résistent.
Les gangs criminels organisés, dont certains ont été utilisés par des politiciens pour réduire au silence ou menacer leurs opposants, existent à Kinshasa depuis plusieurs décennies au moins. Dans les années 1970, il y avait les « bana mayi » (« enfants de l’eau » en lingala), et dans les années 1980 les « balado » (« voleurs » en lingala). Les plus connus dans l’histoire récente étaient les « hiboux », qui opéraient dans les années 1990 durant les dernières années du règne du Président Mobutu Sese Seko, dictateur de la RD Congo de 1965 à 1997. Les membres du gang des « hiboux » opéraient la nuit avec des jeeps Pajero, qui leur avaient été donnés par des membres du régime de Mobutu, et avaient pour ordre d’assassiner et d’intimider les opposants de Mobutu. Lorsque les forces rebelles de Laurent Désiré Kabila ont renversé Mobutu en 1997, les gangs criminels appelés les « pomba » (« jeunes sportifs » en lingala) sont apparus, composés de jeunes sportifs armés de machettes se livrant à des activités criminelles, souvent avec l’encouragement des autorités qui les utilisaient pour leurs propres fins. [1]
Le phénomène des kulunas a fait son apparition à l’époque des élections nationales de la RD Congo en 2006. Joseph Kabila, l’actuel Président de la RD Congo, est arrivé au pouvoir en 2001 à la suite de l’assassinat de son père, Laurent Kabila, et a revendiqué la victoire après les élections de 2006 et de 2011. Lors de ces deux élections, l’alliance majoritaire soutenant Kabila et les membres de l’opposition politique ont utilisé les kulunas pour assurer la protection physique des candidats, perturber les manifestations des partis rivaux, ou s’en prendre aux partisans de rivaux politiques. Les dirigeants politiques ont également payé les kulunas pour participer à des manifestations politiques et gonfler le nombre de leurs partisans. Les dirigeants politiques des deux bords auraient distribué aux kulunas de l’argent, des machettes, des motos et d’autres biens, afin d’obtenir leur soutien. [2]
Les kulunas sont pour la plupart des adolescents et des jeunes hommes regroupés dans des gangs criminels organisés comptant de dix à vingt membres. [3] Ces gangs ont des noms tels qu’Armée Rouge, Câble Noir, Pas d’Entrée, États-Unis, et Cinquantenaire. Le chef du gang est souvent appelé le « général » et il est le plus souvent un membre du groupe considéré comme le plus fort, le plus audacieux et invincible. Dans certains cas, ces chefs ont commis un crime grave ou marquant, ont été arrêtés à de multiples reprises mais ont échappé à la prison, ou bien ont un lien étroit avec un acteur politique ou un policier influent. Le « général » est souvent entouré par une « ceinture » de gardes du corps de confiance.
La « coordination générale » du gang est assurée par un groupe de kulunas chargé de maintenir de bonnes relations avec les autorités administratives influentes, les policiers, les politiciens et les entrepreneurs dans leur zone d’opération, et de faire sortir de prison les membres du gang en collectant de l’argent ou en faisant intervenir leurs alliés politiques. Les membres du gang sont toutes les personnes qui exécutent les ordres du général. Les kulunas utilisent souvent des codes que seuls les membres initiés de leur gang peuvent comprendre. Certains membres de la police et de l’armée coopèrent avec les kulunas dans des opérations, et les membres de gang comprennent parfois des membres de la famille de policiers ou de militaires. Si les gangs opérant dans la même zone générale collaborent parfois entre eux, il existe également des rivalités entre les divers gangs.
Les kulunas se livrent surtout à de l’extorsion d’argent et d’objets de valeur. En plus de commettre des vols à main armée, ils perturbent également des rassemblements publics, par exemple des enterrements, des mariages, des concerts et des manifestations officielles, criant des obscénités et volant de la nourriture, des chaises en plastique et les biens personnels des participants. Dans certains quartiers, des personnes paient les kulunas pour protéger un mariage ou une autre cérémonie afin d’empêcher des membres de gangs rivaux de perturber la fête. Des personnes fortunées engagent parfois des kulunas comme gardes du corps et pour les protéger d’autres kulunas.
De nombreux kulunas viennent de familles pauvres, ne sont pas scolarisés ou n’ont pas d’emploi régulier, et sont souvent drogués lorsqu’ils opèrent la nuit. Certains sont orphelins, et nombre d’entre eux ont grandi dans la rue ou bien ont des membres plus âgés de leur famille qui sont des kuluna et les ont enrôlés dans le gang dès leur jeune âge.
De nombreux kulunas vivent avec leur famille, contrairement aux enfants de la rue de Kinshasa qui dorment à la belle étoile ou dans des foyers sociaux. Certains kulunas sont d’anciens enfants de la rue devenus adultes. Environ 20 000 enfants, c’est-à-dire des mineurs âgés de moins de 18 ans, vivent ou travaillent dans la rue à Kinshasa. [4] Si certains enfants de la rue commettent des vols ou des vols aggravés, ils sont rarement armés ou violents ; ils font fréquemment l’objet de violences et autres mauvais traitements de la part de la police.[5] Même si les enfants de la rue sont distincts des kulunas, nombre d’entre eux ont été pris pour cible par la police dans le cadre de l’Opération Likofi.
L’Opération Likofi
Dans son discours à la nation en octobre 2013, le Président Joseph Kabila a évoqué une « nouvelle forme de criminalité » qui était en augmentation dans les zones urbaines, en particulier à Kinshasa, « créant la psychose » au sein de la population. « Toutes les voies de droit doivent être utilisées par la police et la justice », a-t-il déclaré, « afin d’y mettre fin, rapidement et de manière définitive ». [6]
À la suite de cette déclaration, le Président Kabila a convoqué des réunions du Conseil Supérieur de la Défensepour aborder la question de la réponse du gouvernement à l’insécurité à Kinshasa et dans d’autres villes. Des instructions ont été données par Kabila au Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon et aux ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Défense en vue de mettre un terme au phénomène des kulunas. Agissant en réponse aux instructions du ministre de l’Intérieur, le 15 novembre 2013, la police a déclenché une opération de trois mois connue sous le nom d’Opération Likofi. [7]
Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch en septembre 2014, le ministre de l’Intérieur Richard Muyej, qui supervise la police, a expliqué la logique de l’opération :
La ville [Kinshasa] était devenue une jungle. Les gens n’avaient pas le droit de circuler librement, et il y avait de graves incidents de viol, d’assassinats, et de nombreuses autres exactions [par les kulunas]. Alors nous avons décidé de lancer une campagne pour éradiquer le phénomène des kulunas. Nous avons établi la cartographie avec tous les détails sur les kulunas – leurs noms, surnoms, les endroits où ils opéraient, etc. Nous avons passé plusieurs mois à faire ce travail avant que l’opération commence. L’objectif était d’éradiquer le mal, de conquérir le territoire, de vaincre la peur, et de s’assurer que ce n’étaient plus les habitants de Kinshasa qui avaient peur mais les kulunas qui avaient peur. [8]
Le Général Célestin Kanyama, alors commandant de la police pour le district de Lukunga à Kinshasa, a été le premier commandant de l’Opération Likofi. [9] Selon des recherches menées par l’ONU et par Human Rights Watch, Kanyama aurait été impliqué dans de nombreuses opérations répressives et dans de graves violations des droits humains au cours des dernières années, lui ayant valu le surnom de « esprit de mort ». [10]
Le commandement de l’Opération Likofi alternait officiellement tous les quinze jours entre Kanyama et le Général Ngoy Sengelwa, commandant de la force de police Légion nationale d’intervention (LENI). [11] Néanmoins, selon des policiers qui ont pris part à l’opération et un officier de police de haut rang interrogés par Human Rights Watch, le Général Kanyama était le principal commandant pendant toute la durée de l’opération. [12] L’Opération a été élargie peu après afin d’inclure « Likofi II », prenant pour cible des soldats et des policiers responsables d’actes criminels à Kinshasa. Le 25 février 2014, le ministre de l’Intérieur de la RD Congo a annoncé le début de « Likofi Plus », étendant la lutte contre la criminalité urbaine à toutes les provinces de la RD Congo. [13] Le 16 octobre 2014, le ministre de l’Intérieur a annoncé le lancement de « Likofi III » pour lutter contre la recrudescence des kulunas. [14] Le présent rapport est axé principalement sur les exactions commises lors de la phase Likofi I de l’opération à Kinshasa, de novembre 2013 à février 2014.
Selon de hauts responsables du gouvernement, des magistrats civils et militaires ont été affectés à l’opération pour traiter les cas d’abus commis par des policiers ayant pris part à l’Opération Likofi. [15] Avant le début de l’opération, la police a mené pendant dix jours une campagne de sensibilisation pour susciter la peur parmi les kulunas et pour encourager les gens à coopérer avec la police dans l’identification des kulunas dans leurs quartiers. [16] De nombreux chefs de quartier et d’autres autorités locales ont fourni des listes de noms à la police.
À la suite de la campagne de sensibilisation, lorsque l’Opération Likofi a commencé, de nombreux kulunas ont fui Kinshasa pour d’autres provinces ou pour la ville voisine de Brazzaville, capitale de la République du Congo, de l’autre côté du fleuve Congo. La présence de quelques kulunas à Brazzaville aurait été l’un des prétextes utilisés par les autorités de Brazzaville pour expulser brutalement plus de 130 000 citoyens de la République démocratique du Congo depuis avril 2014. [17]
II. Exactions commises par la police durant l’Opération Likofi
La conduite de la police dans l’Opération Likofi a été d’une grande dureté et souvent illégale. Environ 350 policiers issus de diverses unités de police basées à Kinshasa, dont un grand nombre de la Légion nationale d’intervention (LENI) et du Groupement mobile d’intervention (GMI), ont pris part à cette opération. [18] Ils ont commis des violations généralisées des droits humains, notamment des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des pillages, des actes d’extorsion, ainsi que des actes d’intimidation contre des membres des familles et des témoins de ces violations.
Les personnes ciblées durant l’opération étaient des adolescents et des jeunes hommes. La plus jeune victime révélée par les enquêtes de Human Rights Watch n’avait que 14 ans. Il s’agissait aussi bien de véritables kulunas que de personnes accusées d’être des membres de gangs locaux, souvent pour venger un conflit d’ordre privé, et de personnes se trouvant juste au mauvais endroit et au mauvais moment. Un travailleur social s’occupant des enfants de la rue à Kinshasa a déclaré à Human Rights Watch : « L’opération a souvent été utilisée pour régler des comptes. Deux personnes peuvent avoir un différend – l’une appelle la Likofi, et l’autre est sacrifiée. »[19] Des hommes et des garçons, dont des enfants de la rue, semblent avoir été pris pour cible simplement à cause de leur âge où de la façon dont ils étaient habillés.
Un habitant a expliqué à Human Rights Watch que les autorités locales avaient diffusé le message suivant dans les quartiers de Kinshasa : « Si vous voyez des jeunes gens et des garçons dans vos quartiers qui n’en font pas partie, cela signifie qu’il essaient d’échapper à l’Opération Likofi, et vous devez les signaler. »[20] Il a indiqué que des officiers de police au niveau local avaient dit aux jeunes de leurs quartiers des choses comme « soyez propres, et si vous dormez dans la rue, vous devez faire attention – toute personne sale sera arrêtée. »[21]
Des chefs de quartier et d’autres autorités locales ont dressé des listes de noms de présumés kulunas qu’ils ont données à la police. La police aurait donné de l’argent à des chefs de quartier qui donnaient des informations sur des présumés kulunas, notamment des informations sur l’endroit où ils vivaient et sur les moments où ils se trouvaient en général chez eux.[22] Si certaines des personnes figurant sur les listes étaient de véritables kulunas, d’autres étaient apparemment ciblées à cause de conflits de quartier n’ayant pas de rapport. Les policiers qui ont pris part à l’Opération Likofi semblaient prendre ces individus pour cible sans que les autorités de police ou judiciaires aient mené d’enquêtes préliminaires.
Le Commissaire général de la Police nationale congolaise, le Général Bisengimana, a déclaré à Human Rights Watch :
La population a été sensibilisée au fait qu’elle devrait aider la police à trouver les kulunas, aussi tous ceux qui ont été arrêtés étaient des gens que des membres de la population avaient dénoncés. Sur cette base, nous avions une cartographie très exacte de l’endroit où se trouvaient tous les kulunas, leurs noms complets, et exactement où ils vivaient et opéraient… Je ne peux pas dire que la police ait mené aucune enquête après que la population a dénoncé les gens. La police a juste arrêté toutes les personnes que la population a dénoncées et les a remises aux autorités judiciaires. [23]
Les policiers qui ont pris part à l’Opération Likofi ont en général effectué des raids nocturnes et très tôt le matin, entre 20h00 et 04h00. Des groupes de 6 à 20 policiers en uniforme sont arrivés au domicile du suspect, souvent dans des pick-ups de police bleus sans plaque d’immatriculation et portant parfois l’inscription L30 ou L33 sur le côté. Les policiers portant fréquemment des masques noirs ont frappé à la porte. Les habitants leur demandant qui ils étaient s’entendaient répondre « agents de l’État », « Opération Likofi », ou « police ». Si les habitants résistaient, les policiers forçaient l’entrée. D’autres personnes soupçonnées d’être des kulunas ont été interpellées dans des marchés ou autres lieux publics où elles dormaient ou travaillaient.
Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch que les policiers dévalisaient fréquemment le domicile du suspect, prenant des téléphones portables, de l’argent, des bijoux, des sacs à main, et autres objets avant d’identifier la personne sur leur liste et de la traîner dehors. Si la personne recherchée n’était pas à son domicile, la police emmenait parfois à la place d’autres jeunes gens ou adolescents qui se trouvaient dans la maison.
Les personnes interpellées par la police pouvaient être immédiatement abattues devant leur domicile ou à proximité, ou bien emmenées dans des véhicules de la police vers un sort incertain. D’autres ont été arrêtées, emprisonnées et libérées seulement après que des membres de leur famille ont payé des pots-de-vin. Certaines personnes ont fini par être traduites devant des audiences foraines, lors de procès qui auraient manqué de crédibilité et d’équité. [24]
Presque toutes les exécutions extrajudiciaires documentées par Human Rights Watch ont eu lieu en novembre 2013, pendant les deux premières semaines de l’Opération Likofi. Les disparitions forcées ont surtout eu lieu après, entre la fin novembre 2013 et février 2014. Selon les policiers avec qui Human Rights Watch s’est entretenu et qui ont participé à l’Opération Likofi, et selon un rapport confidentiel d’un gouvernement étranger, la police a changé de méthodes en décembre 2013 après que les Nations Unies et des organisations locales de défense des droits humains ont soulevé des préoccupations relatives aux exécutions sommaires. Au lieu que leurs suspects soient exécutés en public, les personnes arrêtées étaient emmenées dans un camp de la police et certaines ont été tuées plus tard clandestinement dans la périphérie de Kinshasa et leurs corps jetés dans le fleuve Congo.
Ce changement semble suggérer que des hauts responsables étaient au courant des exécutions, mais plutôt que de les faire cesser et de traduire les responsables en justice, les autorités sont devenues plus discrètes et ont tenté de dissimuler les exactions.
Les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées ont eu lieu dans plusieurs communes [25] de Kinshasa. La majorité des incidents documentés par Human Rights Watch ont eu lieu dans le district de Funa à Kinshasa (communes de Kasa-Vubu, Kalamu, Bandalungwa, Ngiri-Ngiri, Selembao, Bumbu et Makala) et le district de Mont-Amba (communes de Ngaba, Matete, Limete et Lemba). D’autres cas se sont produits dans le district de Tshangu (communes de Kimbanseke, Ndjili et Masina) et dans le district de Lukunga (communes de Kinshasa, Kintambo, Mont-Ngafula et Ngaliema). [26]
Exécutions extrajudiciaires de présumés kulunas
Human Rights Watch a confirmé 51 exécutions extrajudiciaires de présumés kulunas - dont 5 garçons qui avaient entre 14 et 17 ans - commises à Kinshasa entre novembre 2013 et février 2014 par des policiers dans le cadre de l’Opération Likofi. Dans nombre de ces cas, les victimes ont été abattues pendant la nuit, devant des membres de leur famille, des voisins, des amis ou d’autres témoins. La police revenait souvent à l’aube pour enlever les corps.
Dans certains cas, la police n’a fait aucune tentative pour cacher sa participation aux exécutions. Au contraire, les policiers appelaient souvent les habitants à se rassembler pour regarder le présumé kuluna qu’ils avaient tué. La mère d’une des victimes – un jeune homme qui vendait des accessoires vestimentaires au marché principal de Kinshasa – a expliqué à Human Rights Watch qu’après que la police ait ligoté et abattu son fils en tirant à la poitrine et aux hanches, un policier a interpellé les badauds dans la rue : « Venez voir, nous avons tué un kuluna qui vous faisait souffrir ! » Elle a ajouté qu’ensuite les policiers avaient mis le corps de son fils dans le pick-up de la police et étaient partis. [27]
Nombre des victimes ont été frappées et humiliées par la police devant une foule avant d’être tuées, et dans certains cas elles ont été menottées et leurs yeux ont été bandés. [28] Un enseignant de la commune de Selembao qui a été témoin de la façon dont la police a frappé et tué un présumé kuluna a expliqué à Human Rights Watch : « J’ai eu un choc quand j’ai vu comment la police battait ces jeunes gens, les frappant à coups de crosse de leurs fusils et les faisant crier. Ensuite ils ont jeté de l’eau sur leurs corps, disant qu’ils étaient baptisés pour enlever leurs péchés, et puis ils ont abattu l’un des jeunes gens. » [29]
La police a fréquemment mis en garde les membres des familles pour qu’ils ne cherchent pas les corps de leurs proches ou qu’ils n’organisent pas d’enterrement ni de période de deuil, sinon ils subiraient des répercussions. Le père de l’une des victimes qui a été tuée a confié à Human Rights Watch que la police était venue chez lui plusieurs fois pour le mettre en garde afin qu’il n’organise pas d’enterrement ni de période de deuil. « Ils m’ont dit de ne pas rassembler des gens pour le deuil, et que si je le faisais j’aurais des problèmes avec l’ É tat. Un autre policier m’a dit que si j’organisais un deuil, il y aurait des représailles contre moi . » [30]
Le grand-père d’une autre victime a expliqué à Human Rights Watch :
Depuis que notre petit-fils a été tué par la police pendant l’Opération Likofi en novembre 2013, ma famille et moi-même avons essayé à plusieurs reprises d’organiser le deuil. Mais chaque fois que des tantes, des oncles, des frères, des sœurs, des cousins, des petits-enfants, et d’autres relations et des voisins venaient nous consoler et prendre part au deuil, la police nous rendait visite, arrivant dans des pick-ups de la police et nous empêchant de faire le deuil. Ils nous ont dit que ce que nous faisions était interdit, que les gens n’étaient pas autorisés à se rassembler ici [chez nous], et que nous n’avions pas le corps de quelqu’un qui avait été tué – alors comment pouvions-nous organiser un enterrement ?
J’ai déjà eu une attaque cardiaque, et il y a un risque que je meure avant que nous organisions le deuil pour mon petit-fils. Dans quel pays sommes-nous où nous ne pouvons pas organiser un deuil quand quelqu’un meurt ? C’est la façon dont nous pouvons honorer sa mémoire et tout ce qu’il a fait sur cette terre, puisque nous ne le reverrons plus jamais. [31]
Le nombre réel de présumés kulunas exécutés au cours de l’Opération Likofi est probablement beaucoup plus élevé que le nombre de cas confirmés par Human Rights Watch. Un policier ayant participé à l’opération a affirmé que le nombre total de personnes tuées au cours de l’opération dépassait de loin les 100. Il a expliqué à Human Rights Watch les ordres qu’ils recevaient :
Durant tous nos défilés de police [pour les unités de police dans l’Opération Likofi], ils nous disaient que si nous arrêtions un kuluna ou toute personne qui dit quelque chose de mal sur le président, même s’ils étaient trois ou quatre ensemble, ils doivent être tués.… Quand nous sommes arrivés aux endroits indiqués, nous avons pris les jeunes, les avons arrêtés et, s’ils étaient têtus, nous les avons tués sur place.
C’était une opération « commando », et si vous refusiez d’exécuter les ordres, alors vous étiez aussi considéré comme un kuluna et tué. Dans le pick-up, nous étions six y compris le conducteur, l’officier assis devant, et quatre à l’arrière du pick-up. Parmi nous quatre, il y avait un tireur professionnel. Avant de tuer quelqu’un, nous devions appeler le Général Kanyama lui-même. Il nous demandait où nous avions trouvé la personne puis il nous disait si nous devions l’envoyer en prison ou bien la tuer.
Durant cette opération, beaucoup de personnes innocentes ont été tuées, même plus que les véritables kulunas. C’est vrai que les kulunas exagéraient aussi, et ils ont fait de mauvaises choses aux gens, ils les ont volés, blessés à coups de machette et ils les ont traumatisés. Mais je sais que si quelqu’un fait quelque chose de mal, il devrait être arrêté, jugé et condamné – pas tué comme nous l’avons fait. [32]
Le policier a indiqué qu’ils avaient reçu l’ordre de changer de méthode en décembre 2013, après des condamnations publiques des exécutions en novembre, notamment par des agences des Nations Unies. [33] La nouvelle méthode, a-t-il expliqué, consistait à enlever les présumés kulunas, à les tuer dans la périphérie de Kinshasa, à mettre leur corps dans des sacs avec des pierres et à jeter les sacs dans une partie profonde du fleuve Congo. [34]
Un autre policier ayant participé à l’opération a expliqué à Human Rights Watch :
Nous avons reçu l’ordre de prendre tous les kulunas sous notre contrôle, et s’ils opposaient la moindre résistance, de les neutraliser. Pour les tuer, nous les amenions dans des lieux isolés ou sombres, les abattions et puis nous essayions de sortir leurs corps le plus tôt possible. Nous mettions les corps dans des sacs et les amenions à la morgue dans nos pick-ups de police et nous disions que c’était des indigents quand nous arrivions à la morgue. D’autres corps ont été jetés dans le fleuve [Congo] parce qu’il y avait trop de corps pour que la morgue puisse les recevoir.
Les autorités nous ont donné les ordres de faire cela parce qu’elles disaient que ces jeunes commettaient beaucoup de crimes à Kinshasa. Il y avait quelques kulunas que nous avons arrêtés chez eux, et je sais qu’il y a eu d’autres jeunes qui ont été identifiés par erreur comme étant des kulunas et ils ont été tués aussi. Il y a eu beaucoup de gens tués, peut-être 100. Il y en a dont je n’étais pas au courant parce que nous avons travaillé avec un système très fermé – garder les secrets et effacer toute preuve. [35]
Un troisième policier ayant participé à l’opération a expliqué à Human Rights Watch :
Nous devions porter des masques et des gants pour ne laisser aucune trace, et nous avions l’ordre de ne jamais parler à personne de ce qui s’était passé pendant les opérations. Tout était fait en secret comme les autres opérations de police qui ont une importance particulière. Nous avons reçu l’ordre d’éliminer tout [kuluna] qui résistait ou tentait de fuir. Pendant l’opération, les autorités de police nous donnaient des boissons, de l’eau et de la nourriture puisque nous travaillions tout le temps. Après chaque opération, on nous disait de bien nous nettoyer avant de rentrer chez nous. [36]
Un autre policier basé à Kinshasa a expliqué à Human Rights Watch que nombre des adolescents et des jeunes gens étaient d’abord conduits dans un camp de police appelé Camp Lufungula, [37] et que certains étaient ensuite sortis du camp pendant la nuit, exécutés, et que leurs corps étaient ensuite jetés dans le fleuve Congo. [38] Un témoin qui est passé devant une pièce au Camp Lufungula pendant l’Opération Likofi a déclaré à Human Rights Watch avoir vu un certain nombre de cadavres à l’intérieur, peut-être une vingtaine. [39]
Un travailleur social auprès des enfants de la rue à Kinshasa, dont certains ont été pris pour cible par l’Opération Likofi, a confié à Human Rights Watch en février : « L’opération est maintenant menée de façon clandestine. Ils vous emmènent, et vous ‘disparaissez.’ » [40]
Un rapport confidentiel d’un gouvernement étranger à la suite d’une enquête réalisée par une mission diplomatique à Kinshasa, archivé par Human Rights Watch, est parvenu aux conclusions suivantes :
La première phase [de l’Opération Likofi] a été marquée par beaucoup de violence sans grande distinction entre « bons ou mauvais ». Être considéré comme kuluna suffisait pour être pris pour cible par les unités de LIKOFI. Des dizaines de corps ont été abandonnés dans les rues après exécution pour faire peur aux autres. Il était interdit aux hôpitaux d’aider les victimes de l’Opération LIKOFI et les morgues se sont peu à peu remplies. La résistance de la communauté internationale contre la manière barbare dont les gens étaient massacrés a obligé la police à changer de tactique.
La nouvelle approche était d’arrêter les kulunas, de les transférer au Camp Lufungula, de les trier puis de les transférer dans un autre camp le long du fleuve [Congo] où ils étaient tués et jetés dans le fleuve. Plusieurs corps en partie dénudés ont été repêchés dans le fleuve où découverts sur les berges dans cette période…Les chiffres [des tués à] Kinshasa vont de 50 jusqu’à 500.
Il y a eu manifestement beaucoup de « dérapages », comme les exécutions arbitraires de personnes qui n’avaient rien à voir avec les questions liées à LIKOFI. [41]
En ce qui concerne les 51 exécutions extrajudiciaires documentées par Human Rights Watch, les présumés kulunas ont été tués devant des membres de leur famille, des voisins, ou d’autres témoins, sur les lieux de l’arrestation ou à proximité. Human Rights Watch a documenté 24 exécutions extrajudiciaires dans le district de Funa à Kinshasa, dont deux dans la commune de Kasa-Vubu, treize dans la commune de Kalamu, deux dans la commune de Bandalungwa , quatre dans la commune de Selembao, une dans la commune de Ngiri-Ngiri, une dans la commune de Makala et une dans la commune de Bumbu. Quinze cas ont été documentés dans le district de Tshangu, dont cinq dans la commune de Kimbanseke, cinq dans la commune de Ndjili, et cinq dans la commune de Masina. Dans le district de Mont-Amba, Human Rights Watch a documenté six exécutions extrajudiciaires, dont deux dans la commune de Ngaba, deux dans la commune de Lemba, une dans la commune de Matete, et une dans la commune de Limete. Six cas ont été documentés dans le district de Lukunga, dont quatre dans la commune de Kinshasa, un dans la commune de Mont-Ngafula, et un dans la commune de Kintambo.
Le nombre réel des victimes est probablement beaucoup plus élevé que le nombre de cas documentés par Human Rights Watch.
Menaces contre des journalistes et des membres du personnel médical
Des journalistes, des médecins, des employés de la morgue et d’autres personnes ont été menacés par la police et par d’autres agents de l’État et mis en garde contre la diffusion d’informations sur les exactions commises par des policiers durant l’Opération Likofi. Dans un certain nombre de cas signalés à Human Rights Watch, la police a également mis en garde des témoins et des membres de la famille des personnes tuées, leur demandant de ne pas parler aux journalistes ou à des militants des droits humains sur ce qui s’était passé. Après qu’une station de télévision locale a diffusé des séquences sur un présumé kuluna qui avait été tué par la police durant l’opération Likofi, un journaliste de cette station a indiqué qu’ils avaient été contactés par des hauts responsables de la police et du gouvernement qui leur ont dit que leur station serait fermée s’ils continuaient à dénoncer la police. [42] Un autre journaliste a été battu et sa caméra a été volée par la police après qu’il est allé voir et a filmé un présumé kuluna dans une clinique à Kinshasa, qui avait été blessé dans le cadre de l’Opération Likofi. [43] Un photographe a indiqué avoir reçu plusieurs menaces par téléphone, après avoir pris des photos de policiers qui participaient à l’Opération Likofi. [44]
La police a également adressé des avertissements aux personnes cherchant à amener les blessés dans les hôpitaux locaux ou à d’autres membres du corps médical. Un médecin d’un hôpital de Kinshasa a expliqué à Human Rights Watch que pendant l’Opération Likofi, la police avait demandé aux membres du personnel de l’hôpital de l’appeler s’ils recevaient des jeunes hommes ou des garçons présentant des blessures par balle. Il a ajouté que lorsqu’il a reçu trois cas de ce type un soir, la police est arrivée tôt le lendemain matin dans un pick-up de la police. Ils ont emporté les jeunes hommes blessés en disant : « Docteur, ne touchez pas ces gens. » Le médecin a indiqué qu’il avait entendu le commandant du groupe passer un appel et dire à son interlocuteur : « Chef, nous avons récupéré deux colis ici. » Le médecin a alors dit qu’il s’était exclamé : « Deux colis ! » et le policier a rétorqué au médecin : « Oui, l’ordre est officiel. Nous allons les éliminer. » [45]
Un autre médecin a expliqué à Human Rights Watch :
En novembre 2013, nous avons reçu des instructions de la part des services de renseignement et de la police selon lesquelles nous n’étions pas autorisés à soigner les kulunas blessés qui venaient dans notre hôpital. Ils disaient également que si nous avions des cas de personnes blessées qui semblaient être des kulunas, nous devions contacter les autorités et qu’elles s’assureraient que les mesures appropriées étaient prises. Durant cette période où ils pourchassaient les kulunas à Kinshasa, nous avons reçu de nombreux cas de personnes blessées, ainsi que certaines qui étaient mortes à leur arrivée. Des agents de l’État en civil venaient tout le temps dans notre hôpital pour essayer de vérifier les personnes que nous soignions. En tant que médecin, c’était une situation très difficile à gérer. Nous sommes des travailleurs de la santé et le Serment d’Hippocrate exige que nous soignions les malades sans aucune discrimination. [46]
Un employé d’une morgue de Kinshasa a déclaré que les corps des personnes tuées pendant l’Opération Likofi s’empilaient à la morgue. La grand-mère d’un adolescent tué au cours de l’Opération Likofi a expliqué que lorsqu’elle est allée chercher le corps de son petit-fils à la morgue pour l’enterrer, les employés de la morgue lui ont dit qu’ils avaient reçu des instructions de la part d’agents gouvernementaux de ne pas autoriser les corps de personnes tuées par balle à sortir de la morgue. [47] La mère d’un jeune homme tuée pendant l’Opération Likofi a indiqué à Human Rights Watch qu’elle avait voulu aller à la morgue pour chercher le corps de son fils, mais que des gens dans le quartier l’avaient avertie de ne pas le faire ou sinon elle pourrait être arrêtée elle aussi. [48] Des employés de la morgue ont également déclaré que des agents de l’État non identifiés et en civil leur avaient donné l’ordre de ne parler à personne de ces cas parce qu’ils concernaient une « affaire gouvernementale confidentielle ». [49]
Récits de témoins
Cette section du rapport présente une sélection de récits de membres des familles et autres témoins de personnes tuées durant l’Opération Likofi. Les noms des victimes ont été remplacés par des pseudonymes pour protéger leurs proches et autres témoins.
Sébastien, 15 ans, et Arthur, 14 ans
Tôt le matin du 23 novembre 2013, la police a exécuté deux garçons, Sébastien et Arthur, devant un centre pour enfants de la rue, près du marché de Djakarta à Kinshasa. Un ancien enfant de la rue, qui a maintenant son propre logement mais continue à se rendre au centre pour voir ses amis, a expliqué à Human Rights Watch:
C’était samedi, vers 3 heures du matin. Je venais juste de quitter le centre quand j’ai entendu une bruyante agitation à l’extérieur. J’ai vu un pick-up de la police, et puis les policiers ont commencé à tirer des coups de feu. Ils ont touché un garçon, Sébastien, qui était vraiment innocent. Il vendait des choses dans un magasin près de l’hôpital. L’autre, Arthur, qu’on appelait « Dollar », était vraiment un voleur. Sébastien est mort sur le coup. Dollar a été touché au ventre. Il criait et demandait que nous cherchions son argent et qu’on l’amène à l’hôpital, mais comme nous savions que c’était un problème du gouvernement, nous ne pouvions rien faire et nous ne l’avons pas touché. À 5 heures du matin, sept policiers cagoulés sont revenus, ont pris les deux corps et les ont mis à l’arrière de leur pick-up. [50]
Pablo, 15 ans
Pablo, un enfant de la rue qui marchait en boitant après avoir été touché par une voiture, a été tué par la police de Likofi en novembre 2013. Il passait ses journées au marché Zikida de Kinshasa, où il survivait au jour le jour en ramassant des haricots qui étaient tombé par terre dans le marché et en les revendant. Une femme qui travaillait au marché et connaissait Pablo a déclaré à Human Rights Watch :
Il dormait à Bar Ekanga [près du marché de Zikida], où dorment de nombreux enfants de la rue. Ils l’ont pris vers 4 heures du matin, puis ils l’ont tué. J’ai vu son corps le matin, vers 6 heures. J’ai été très bouleversée quand j’ai appris qu’il avait été tué. Avec son handicap depuis l’accident, il n’y avait pas moyen qu’il ait pu être un kuluna. C’était [le chef de la police locale] qui l’avait identifié, et ensuite la police de Likofi s’en est prise à lui. [51]
Willy, 19 ans
La police a exécuté Willy, un apprenti menuisier, devant la maison familiale tôt le matin du 25 novembre 2013. Sa grand-mère a déclaré à Human Rights Watch :
C’est alors que je venais juste de rentrer d’un deuil vers 0h45 qu’ils ont frappé à la porte et crié : « Ouvrez la porte ! » Mon mari a demandé qui était là. Ils ont dit qu’ils étaient des « agents de l’ É tat ». Mon mari a refusé et ils ont dit : « Si vous n’ouvrez pas la porte, vous verrez [ce qui va arriver]. » Mon mari a ouvert la porte, et il y avait sept ou huit policiers portant des cagoules, aussi on ne pouvait pas voir leur visage. Je me suis mise à pleurer et à crier. Donc ils ont vu un de mes petits-fils et ils ont dit immédiatement : « C’est lui. » J’ai dit que ce n’était pas un kuluna, et j’ai expliqué que le fils d’un de mes plus jeunes frères, Nsimba, était un kuluna, mais qu’il ne se trouvait pas dans notre maison. Ils ont demandé à mon petit-fils s’il était Nsimba, et il a dit : « Non, je suis Willy. » Il ne voulait pas y aller, et il leur a dit : « Laissez-moi, je suis malade. Ce n’est pas moi. »
Ils ont répliqué : « On y va », et ils l’ont traîné hors de la maison. Ensuite nous avons entendu trois coups de feu. J’ai perdu connaissance et les enfants dans la maison se sont mis à pleurer. Il n’est pas mort sur le coup. Il pouvait encore respirer un peu et il a essayé de se traîner de l’autre côté de l’avenue, juste devant notre maison. Nous ne pouvions pas l’amener à l’hôpital car nous savions que les hôpitaux ne soignaient pas les gens comme lui. Il est mort là, et puis à 6 heures du matin le pick-up de la police est arrivé. Ils ont pris son corps et sont partis. Depuis, nous n’avons aucune nouvelle, et nous ne savons pas ce qu’ils ont fait de son corps. [52]
Le père de Willy est allé à la police et a demandé qu’on lui rende le corps de son fils pour pouvoir l’enterrer. La police lui a dit que l’Opération Likofi s’occupe elle-même des corps et ne les rendait pas aux familles. [53]
Cédric, 25 ans
Cédric a été tué dans la nuit du 26 au 27 novembre 2013, près de la maison où il vivait avec ses parents. Son cousin était avec lui lorsqu’il a été exécuté :
Nous étions dans un magasin quand nous avons vu la police Likofi arriver et ils nous ont demandé : « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous vendez ? » Ils étaient à peu près huit. Ils ont donné des coups de pied au vieux marchand du magasin et l’ont fait trébucher. Il est tombé, et mon cousin et moi avons pris la fuite. Ils ont commencé à nous suivre, nous criant de nous arrêter et tirant sur nous avec leurs fusils en même temps. J’ai pris une direction, et mon cousin s’est enfui dans une autre direction. La police de Likofi est partie dans la direction qu’il a prise, et ils l’ont attrapé et tué. Cédric a reçu deux balles dans la hanche et une dans le bras. Un autre pick-up de la police est venu plus tard pour emporter son corps. [54]
Quand le père de Cédric a essayé de récupérer le corps de son fils à la morgue pour l’enterrer, il n’y était pas. On lui a dit qu’un dimanche précédent, des agents du gouvernement étaient venus à la morgue pour prendre plus de 25 corps et s’en occuper eux-mêmes.
Bienvenue, 30 ans
Bienvenue, un commerçant, a été exécuté par la police en novembre 2013. Son père a expliqué à Human Rights Watch comment la police Likofi était venue chez eux vers 1 heure du matin, avait fait sortir Bienvenue, et l’avait abattu sur le terrain de football à côté de leur maison. Vers 2 heures, un autre pick-up de la police est venu pour emporter le corps de Bienvenue.
Quand l’oncle de Bienvenue a demandé aux autorités de police de son quartier pourquoi Bienvenue avait été tué, ils se sont contentés de lui répondre que c’était dans le cadre de l’Opération Likofi et ils l’ont renvoyé. Quand la famille a essayé d’organiser une période de deuil pour Bienvenue, des agents du renseignement sont arrivés à leur maison et leur ont dit qu’ils n’étaient pas autorisés à organiser un deuil.
« Si mon fils a fait quelque chose de mal, ils doivent nous le dire », a déclaré son père. « Mais demandez-leur pourquoi ils nous tuent comme ça. L’ É tat devrait nous protéger, mais qu’est-ce que c’est devenu maintenant ? Comment vont-ils nous dédommager ? Ils ont tué mon fils aîné . » [55]
Robert, 25 ans
En novembre, six pick-ups de police sont arrivés au terminus de Kimbanseke tôt le matin. Certains des policiers, le visage dissimulé par une cagoule, sont descendus de leurs véhicules et ont marché en direction du cimetière de Kimbanseke, où ils ont arrêté un groupe d’une dizaine de présumés kulunas. De nombreuses personnes ont été réveillées par les cris des présumés kulunas et sont sorties de chez elles pour voir ce qui se passait. L’un des témoins du quartier, un étudiant de 19 ans, a déclaré à Human Rights Watch :
Avant que les policiers les emmènent dans leurs véhicules, ils ont jeté les kulunas au sol et ont commencé à les frapper à coups de crosse de leurs fusils et à coups de bâton. Les policiers ont commencé également à les ligoter. Pendant ce temps, [un des présumés kulunas] Robert a tenté de s’enfuir. Les policiers l’ont attrapé, puis ils l’ont séparé du groupe et l’ont emmené dans le cimetière où ils l’ont abattu. Tout le monde a paniqué quand nous avons entendu les coups de feu et les gens ont commencé à courir dans toutes les directions pour se cacher. Plus tard nous sommes revenus et j’ai vu le corps de Robert allongé par terre. Son corps est resté couché là pendant un certain temps dans le cimetière, et puis la police est revenue et l’a emporté. Nous n’avons jamais su ce qu’ils avaient fait du corps. [56]
Gilbert et Boniface, chacun âgé de de 18 à 20 ans environ
Des policiers participant à l’Opération Likofi ont exécuté Gilbert et Boniface, qui vivaient dans la rue près du marché de Ngabela, fin novembre 2013. Un enfant de la rue âgé de 15 ans qui dormait souvent sur le toit d’un bâtiment surplombant le marché a déclaré à Human Rights Watch :
Alors que nous dormions à Ngabela, en haut du bâtiment du Planet près du tas d’ordures, nous avons vu la police Likofi entrer dans le marché. Il y avait quatre policiers portant des cagoules qui leur cachaient le visage. Ils ont pris nos deux amis plus vieux et les ont ligotés, les mains derrière le dos et les jambes attachées ensemble. Puis ils les ont poignardés avec des couteaux et les ont abattus, chacun d’une balle dans la poitrine. [57]
Joseph, 19 ans
Le 18 novembre 2013, vers 2 heures du matin, sept policiers sont entrés par la force chez Joseph, un électricien de 19 ans, qui vivait avec sa famille. Ils ont trouvé Joseph, l’ont traîné hors de la maison et l’ont abattu. [58]
La grand-mère de Joseph a expliqué à Human Rights Watch :
Je dormais quand j’ai entendu des gens qui frappaient à la porte. J’ai dit il est tard, quelle sorte de gens viennent la nuit comme ça ? Ils ont répondu que c’était la police et que je n’avais pas le droit de poser des questions. Ce qui était important c’était d’ouvrir la porte ou bien ils le feraient eux-mêmes. Alors ils ont enfoncé la porte et sont entrés dans notre maison. Tout le monde dans la maison a paniqué. Les policiers ont alors commencé à rassembler tous les jeunes hommes dans la maison. Ils les fouillaient systématiquement et les battaient. Quand ils ont trouvé Joseph, ils ont laissé les autres partir. Mon petit-fils Joseph était le seul qu’ils ont pris. Ils l’ont emmené hors de la maison, et quelques moments plus tard, ils l’ont abattu en lui tirant dans la poitrine.
Ils ont laissé son corps là sur l’avenue devant notre maison, couvert de sang. J’ai pleuré pour mon petit-fils et nos voisins sont sortis pour demander ce qui était arrivé.
Plus tard nous avons apporté son corps à la morgue à Mama Yemo. Quelques jours plus tard, nous y sommes retournés pour chercher son corps et l’enterrer, mais les agents de la morgue nous ont dit qu’ils avaient reçu des ordres du gouvernement de ne pas laisser sortir de la morgue les corps des personnes qui avaient été tuées par balle. Je me suis mise en colère quand ils ont dit ça, et alors j’ai été arrêtée par des policiers à la morgue qui m’ont gardée là de 10h du matin jusqu’à 17h, en m’empêchant de partir.
Puis je suis rentrée à la maison, mais je me suis sentie vide parce que nous n’avons pas pu revoir le corps de Joseph et pleurer pour lui comme le demande notre tradition. C’est très difficile de supporter tout ça. [59]
« Ce que je veux c’est que justice soit faite », a dit plus tard le père de Joseph à Human Rights Watch, « et que les policiers qui ont tué mon fils soient jugés. » Il a ajouté : « Nous n’avons même pas pu organiser son deuil parce que la police est venue me dire que nous serions arrêtés si nous le faisions. Ils sont venus plus de quatre fois. C’est très dur pour moi qui suis son père ; c’est insupportable. » [60]
Disparitions forcées de présumés kulunas
Human Rights Watch a documenté 33 cas de disparitions forcées de kulunas présumés aux mains des forces de police prenant part à l’Opération Likofi entre novembre 2013 et février 2014. Parmi ces cas, figurent les disparitions forcées de quatre garçons âgés de 15 à 17 ans. Dans la plupart des cas examinés par Human Rights Watch, les policiers ont pénétré de force au domicile des victimes, ont traîné les suspects hors de la maison, et sont partis en les emmenant avec eux dans des véhicules de police. Les policiers n’avaient pas de mandats d’arrêt pour les personnes qu’ils ont emmenées. Dans certains cas, des membres de la famille ont été sommés de ne pas suivre le véhicule de police emportant leur proche.
Human Rights Watch a documenté quinze disparitions forcées dans le district de Mont-Amba, dont onze dans la commune de Ngaba et quatre dans la commune de Lemba. Quatorze cas ont été documentés dans le district de Funa, dont dix dans la commune de Kalamu, trois dans la commune de Makala, et un dans la commune de Kasa-Vubu. Dans le district de Tshangu, Human Rights Watch a documenté deux disparitions forcées, toutes deux dans la commune de Kimbanseke. Deux cas ont été documentés dans le district de Lukunga, un dans la commune de Ngaliema et un dans la commune de Mont-Ngafula.
Les disparitions forcées sont définies au regard du droit international comme l’arrestation ou la détention d’une personne par des autorités de l’État ou leurs agents suivie d’un refus de reconnaître la privation de liberté, ou de révéler le sort de la personne ou le lieu où elle se trouve. Dans tous les cas documentés par Human Rights Watch, des membres de la famille ont tenté sans succès de localiser leurs proches ou de connaître leur sort, se rendant dans des prisons, des centres de détention, des morgues et des hôpitaux dans tout Kinshasa. Les demandes d’information adressées par les familles aux autorités de police et autres autorités gouvernementales ont été largement ignorées. Dans certains cas, des policiers ont réclamé de l’argent, promettant de fournir des informations aux membres des familles à propos des lieux où se trouvaient les personnes « disparues », mais même après que les membres des familles les ont payés, les policiers ne leur ont donné aucune information.
À la suite d’une rencontre entre Human Rights Watch et le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, le gouvernement a mis en place une commission de police en fin septembre 2014 pour enquêter sur les allégations de disparitions forcées et autres exactions commises durant l’Opération Likofi. Si la commission a indiqué qu’elle avait commencé ses travaux, au moment de la rédaction du présent rapport, les membres des familles des personnes disparues n’ont toujours pas reçu d’information sur le lieu où se trouvent leurs êtres chers.
La Déclaration de l’ONU sur les disparitions forcées décrit les disparitions forcées comme l’arrestation, la détention ou l’enlèvement d’une personne contre son gré ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes organisés agissant au nom, ou avec l’appui direct ou indirect, le consentement ou l’acquiescement du gouvernement, suivi d’un refus de révéler le sort des personnes concernées ou le lieu où elles se trouvent, ou bien par un refus de reconnaître la privation de leur liberté, ce qui place ces personnes hors de la protection de la loi. [61]
Bien qu’il s’agisse en soi d’un crime distinct, les disparitions forcées constituent une « violation multiple des droits humains ». [62] Elles violent le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, et le droit à un procès public et équitable. Ces droits sont établis dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et dans la Convention contre la torture, et la RD Congo, en tant que partie à ces deux traités, a l’obligation de les respecter. Toutefois, la RD Congo n’a pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. [63]
Une disparition forcée est
également un « crime imprescriptible » : il
continue à se produire aussi longtemps que la personne disparue reste
introuvable, et que des informations sur son sort ou le lieu où elle se
trouve n’a pas été fournie.
Une disparition forcée fait de multiples victimes. Les personnes proches
d’une personne disparue vivent dans l’angoisse de ne pas
connaître le sort de la personne disparue, ce qui équivaut
à un traitement inhumain et dégradant. Elles peuvent
également être traitées de façon inhumaine et
dégradante par les autorités qui omettent d’enquêter
ou de fournir des informations sur le lieu où se trouve la personne
disparue ou sur son sort. Ces aspects font des disparitions une forme particulièrement
pernicieuse de violation, et souligne le sérieux avec lequel les
autorités devraient considérer leurs obligations de
prévenir ce crime et d’y remédier.
Récits de témoins
Cette section du rapport présente une sélection de récits de membres des familles et autres témoins relatifs à des kulunas présumés qui ont été victimes de disparitions forcées durant l’Opération Likofi. Les noms des victimes ont été remplacés par des pseudonymes pour protéger leurs proches et autres témoins.
Michel, 15 ans
Le 28 janvier 2014, Michel a été emmené de son domicile vers 2 heures du matin par un groupe d’au moins sept policiers armés en uniforme, le visage dissimulé par une cagoule noire. Sa mère a expliqué à Human Rights Watch :
Nous dormions dans la maison quand nous avons entendu des gens frapper à la porte. Puis ils sont entrés directement. Mon fils dormait dans le salon, et les policiers l’ont menotté immédiatement et l’ont emmené. Nous avons demandé où ils emmenaient notre fils, et ils nous ont répondu que nous ne le saurions jamais. Nous avons cherché partout, mais nous n’avons trouvé aucune trace de lui. Mon fils travaillait au marché avec moi où nous vendions des chaussures ensemble. Il venait juste d’avoir 15 ans avant qu’ils l’emmènent. [64]
Jean-Paul, 17 ans, et Romain, 20 ans
Le 6 février 2014, la police a arrêté deux cousins chez eux pendant la nuit : Jean-Paul, qui présentait un handicap mental, et son cousin plus âgé, Romain, qui étudiait à l’école secondaire. La police a dit être à la recherche d’un kuluna surnommé « Pasta », mais quand ils ne l’ont pas trouvé, ils ont pris Jean-Paul et Romain à la place.
Leur tante a déclaré à Human Rights Watch :
C’était la nuit, vers 1 heure du matin, quand nous avons entendu des gens entrer dans notre maison sans même frapper à la porte. Ils ont fracassé les fenêtres de notre salle de séjour, braqué un fusil sur le museau de notre chien, attrapé le sac à main de ma sœur, et même essayé de la violer. Je leur ai demandé ce qu’ils étaient venus faire. Ils ont répondu qu’ils cherchaient les kulunas. Ils ont demandé à Jean-Paul s’il connaissait Pasta, et nous avons dit que la tête de Jean-Paul ne va pas bien, et qu’ils devraient demander à Romain. Mais au lieu de lui demander, ils ont commencé à battre Romain à coups de bottes et de crosse de leurs fusils. Ils lui ont dit : « Tu es Pasta ? » Il a dit que non et leur a expliqué qu’il était élève et qu’il pouvait leur montrer son école.
Ils portaient des uniformes bleus et des cagoules noires. Ils étaient plus de 20 et sont arrivés dans quatre pick-ups. Ils ont cherché Pasta partout dans la maison, et quand ils ne l’ont pas trouvé, ils ont pris Jean-Paul et Romain à la place. Avant de partir, ils ont ôté à Jean-Paul sa chemise et ont pris nos rideaux, les chaises de notre salon, et 45 000 francs congolais [50 USD] qui appartenaient à ma sœur.
Nous les avons cherchés [Jean-Paul et Romain] partout, mais nous n’avons pas réussi à les retrouver. Le lendemain, nous avons entendu dire que la police avait tué des gens dans un autre quartier, mais quand nous sommes allés voir, ce n’était pas eux. [65]
Gauthier, 24 ans
Le 18 décembre 2013 à 3 heures du matin, une vingtaine de policiers en uniforme portant des cagoules noires dissimulant leur visage sont arrivés chez Gauthier, le cherchant. Sa mère leur a demandé : « Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’il a fait ? Il n’a tué personne. Il n’a jamais volé personne. » Ils se sont emparés de lui et l’ont emmené, et elle a commencé à les suivre. La police lui a dit : « Va-t-en, ou sinon nous allons te tuer. » Ils ont embarqué Gauthier dans le pick-up de la police et ils sont partis avec lui. [66]
Sa mère a demandé plus tard au chef de la police de son quartier pourquoi la police avait emmené Gauthier. Il lui a dit qu’il savait que son fils n’était pas un criminel, mais il a ajouté que Gauthier avait eu un problème avec un autre jeune de son quartier qui avait appelé l’Opération Likofi pour qu’elle l’arrête. [67]
Les parents de Gauthier se sont rendus dans toutes les prisons de Kinshasa pour essayer de trouver leur fils, mais en vain.
« Si c’est vrai qu’il était un kuluna, ils doivent présenter des témoins qui peuvent dire que notre fils a tué, ou volé un tel et un tel », a déclaré son père à Human Rights Watch. « Il a un passeport, il s’apprêtait à se rendre en France, et nous voulons retrouver notre fils en bonne santé. » [68]
Matthieu, 19 ans
Matthieu, qui étudiait la biochimie à l’école secondaire, était à la maison avec ses parents le 24 décembre 2013, lorsque la police est arrivée et l’a emmené vers 3h30 du matin. Voici ce que sa mère a déclaré à Human Rights Watch :
Nous dormions quand ils [la police] sont arrivés. Ils ont dit : « Nous cherchons les assassins. » J’ai répondu : « Il n’y a aucun assassin ici. » Ils étaient quatre [policiers] dans la maison, et 10 ou 15 dehors. Ils avaient quatre pick-ups, deux blancs et deux bleus. Puis ils ont vu mon fils. Il portait seulement un caleçon et un singlet, et il leur a dit : « Il n’y a pas de kuluna ici. J’ai mon père et ma mère, j’étudie, je suis en sixième année biochimie, et je vais passer mes examens d’ É tat. Je ne suis pas un criminel. Mon père est aveugle, et c’est moi qui le conduis à l’hôpital. Je n’ai jamais été arrêté . »
Je tenais mon fils tout près de moi. Alors ils m’ont dit : « Si vous ne voulez pas le laisser partir, alors nous vous tirerons dessus. » Mon enfant a dit : « Maman, laisse-moi y aller, ils vont me juger, et comme je ne suis pas un kuluna ils me laisseront partir. » Alors ils sont partis avec lui comme ça.
Je suis rentrée et j’ai pris des vêtements pour lui, et puis je suis allé au poste de police du quartier, mais il n’y était pas. Il n’était pas non plus à la prison du district, ni au bureau du procureur, ni à Camp Lufungula, ni à la PIR [police d’intervention rapide], ni à l’ANR [agence nationale du renseignement], ni à Kin Mazière [un ancien bureau de l’agence du renseignement]. Jusqu’à aujourd’hui, je ne l’ai trouvé nulle part. Il est notre seul fils. [69]
Godé, 21 ans
Godé, vendeur dans un magasin de produits cosmétiques à Kinshasa qui a terminé récemment ses études secondaires, a été emmené de chez lui par la police vers 2 heures du matin le 18 décembre 2013. Quand son père a essayé de suivre la police après qu’ils ont traîné Godé hors de chez eux, un policier l’a mis en garde : « Ne nous suivez pas ou nous vous tirerons dessus. » Puis ils sont montés à bord de leurs pick-ups de la police et sont partis avec Godé.
Le père de Godé a cherché dans toutes les prisons où il pensait que les présumés kulunas étaient détenus, mais n’a trouvé aucune trace de son fils. « Le système judiciaire congolais demande qu’une personne arrêtée soit jugée, et pas tuée ou disparue », a-t-il déclaré à Human Rights Watch. [70]
Marc, 22 ans
Le 23 décembre 2013, Marc a passé la journée à peindre les murs de son église en prévision de sa cérémonie de baptême. Vers 3 heures du matin le lendemain, la police est arrivée chez lui en compagnie d’un jeune homme. Marc avait eu un différend au sujet d’une fille avec le jeune homme, qui avait conduit la police jusque chez Marc. Marc a alors été emmené par la police.
Le 31 décembre, un policier a dit à la sœur de Marc que si elle lui versait 500 USD, il libèrerait Marc. Deux policiers sont ensuite revenus la voir et elle leur a donné 400 USD. Ils lui ont dit d’attendre et qu’ils reviendraient avec son frère. Ils ne l’ont jamais fait. Quand la sœur de Marc a demandé à un officier de police supérieur qu’elle connaissait de l’église ce qui était arrivé à Marc, il lui a dit qu’il y avait de nombreux jeunes comme Marc, que beaucoup d’entre eux avaient été tués, et que dans d’autres cas, la police attendait des ordres pour savoir quoi faire d’eux. Il a ajouté que l’endroit où ils étaient détenus était un « code secret » qu’il ne pouvait pas lui révéler. Elle n’a jamais eu d’autre information sur le lieu où se trouvait son frère. [71]
Juvénal, 22 ans
Le 31 janvier 2014, vers 3 heures du matin, la police a arrêté Juvénal et plusieurs autres jeunes gens qui assistaient à un deuil dans la maison du chef de quartier. Quelques semaines plus tard, la police est arrivée chez Juvénal vers 3 heures du matin. Voici ce que sa mère a déclaré à Human Rights Watch :
Ils étaient au moins 15, bien armés, portant des uniformes de la police et des cagoules noires. Ils ont cassé la lampe dehors et m’ont dit d’ouvrir la porte. Je l’ai ouverte, et ils ont demandé : « Où est votre fils ? » Je leur ai dit qu’ils avaient déjà pris mon fils, alors qu’est-ce qu’ils pouvaient bien vouloir maintenant ? Ils m’ont dit de leur montrer la photo de mon fils, alors je l’ai fait. Ils ont regardé la photo de Juvénal, l’ont jetée par terre, et ils ont dit qu’ils cherchaient seulement des garçons. Puis ils m’ont mis un fusil sur le cou et ont fait coucher mon mari sur le sol. Ils m’ont dit de leur donner de l’argent. J’ai répondu que je n’en avais pas. Alors ils sont partis.
Je veux savoir où se trouve mon fils. S’ils l’ont tué, je veux le savoir. S’il est en prison, je veux le savoir aussi. C’est mon fils. [72]
III. Réponse du gouvernement aux exactions commises dans le cadre de l’Opération Likofi
Officiellement, le commandement de l’Opération Likofi alternait tous les quinze jours entre les généraux Kanyama et Sengelwa. Si les deux officiers étaient responsables de l’Opération, diverses sources, dont cinq policiers, ont expliqué à Human Rights Watch que le Général Kanyama était le chef principal tout au long de l’Opération Likofi et celui qui donnait les ordres sur la façon dont elle devait être menée. [73] Trois d’entre eux ont déclaré à Human Rights Watch que Kanyama a donné l’ordre de tuer les kulunas présumés. [74] Un policier a affirmé que Kanyama lui-même était présent au cours de certaines opérations. [75]
Kanyama est soupçonné d’avoir été impliqué dans des violations des droits humains dans le passé, notamment pendant la période électorale de 2011, lorsque des dizaines de partisans de l'opposition ont été tués dans les rues de Kinshasa par des membres de la police et d’autres forces de sécurité. [76] Un haut responsable du gouvernement a expliqué à Human Rights Watch que bien que Kanyama rende officiellement compte au Commissaire général de la Police nationale, le Général Bisengimana, il est « difficile à contrôler » et « reçoit des ordres » venant d’autres hauts responsables de sécurité en dehors de la hiérarchie policière. [77]
Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch le 22 août 2014, Kanyama a rejeté toutes les allégations d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées de kulunas présumés au cours de l’Opération Likofi. Il a déclaré que les seuls cas d’abus policiers commis pendant l’Opération étaient des actes d’extorsion, et il a qualifié de rumeurs les signalements d’assassinats et de disparitions. « L’Opération Likofi n’avait pas pour mission d’assassiner ou d’exécuter des personnes », a-t-il déclaré. « Il n’y a eu aucun cas d’exécution. Tout ce que les gens vous disent ne vient pas de la Bible. Ce sont des rumeurs. » [78]
Au vu des allégations sérieuses concernant le rôle de Kanyama dans les exactions, Human Rights Watch demande au gouvernement congolais de suspendre immédiatement Kanyama dans l’attente d’une enquête judicaire.
Le Général Sengelwa a refusé de rencontrer Human Rights Watch ou de répondre aux allégations d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées au cours de l’Opération Likofi.
Le Général Bisengimana, Commissaire général de la Police nationale congolaise, a expliqué à Human Rights Watch qu’il avait entendu parler pour la première fois d’exécutions extrajudiciaires présumées au cours de l’Opération Likofi à la fin novembre 2013 alors qu’il se trouvait dans l’est du pays. « Les ordres concernant l’Opération étaient clairs. Ils n’avaient pas pour mission d’assassiner des personnes », a-t-il déclaré à Human Rights Watch. « Ceux qui sont responsables [de ces assassinats] devraient être arrêtés et traduits en justice. Quand nous avons entendu parler des exactions… j’ai donné l’ordre au Général Kanyama de vérifier les allégations et de mettre immédiatement fin à ces abus. Il nous a remis un rapport expliquant que, selon lui, personne n’avait été tué. » [79]
Bisengimana a indiqué qu’il avait ensuite convoqué Kanyama à son bureau à trois reprises – en janvier, février et avril 2014 – pour lui dire de ne pas permettre d’abus au cours de l’Opération Likofi. Il a également déclaré avoir suggéré à de hauts responsables du gouvernement qu’une enquête judicaire soit ouverte sur les actions de tous les commandants impliqués dans l’Opération, dont Kanyama, mais qu’il attendait toujours une réponse. [80]
Le 9 décembre 2013, lors d’une rencontre avec le ministre de l’Intérieur Richard Muyej, des ambassadeurs de pays soutenant la réforme et la décentralisation de la police en RD Congo ont soumis leurs préoccupations concernant l’Opération Likofi et ont demandé au gouvernement de s’assurer qu’elle soit menée dans le respect total des droits humains. [81] Dans sa réponse aux diplomates, Muyej a affirmé que les magistrats chargés de l’Opération Likofi veillent au « strict respect des lois en matière d’interpellation, d'arrestation, d'interrogation et de traitement des délinquants et des prévenus. Ils permettent d’assurer une certaine célérité au traitement des dossiers. » Il a ajouté : « Mais Kinshasa [...] est aussi une ville propice aux rumeurs les plus débridées. Il n’est donc pas surprenant que vous en entendiez de toutes les sortes et que des mythes se construisent autour de l’Opération Likofi. » [82]
Deux jours plus tard, un membre du parlement a interrogé Muyej lors d’une session de l’Assemblée nationale sur les allégations d’exécutions sommaires au cours de l’Opération Likofi. Muyej a expliqué qu’il y avait eu des abus dans certains cas mais que dans d’autres les policiers agissaient en légitime défense. [83] Des parlementaires provinciaux ont également fait part de leurs inquiétudes auprès du ministre de l’Intérieur provincial de Kinshasa au cours d’une rencontre d’assemblée provinciale. [84]
Lors d’une conférence de presse le 25 février 2014, Muyej a déclaré que l’Opération Likofi était un succès et a annoncé que, au total, au cours de l’Opération Likofi I et II (visant aussi bien des kulunas que des policiers et des soldats hors de contrôle à Kinshasa), 925 personnes avaient été interpellées, et 593 d’entre elles avaient été jugées. [85]
Lors d’une rencontre le 4 septembre 2014 au cours de laquelle Human Rights Watch a présenté les conclusions de ses recherches, Muyej a maintenu sa position sur les bénéfices de l’opération : « Après la première semaine d’attaque, tous les kulunas qui restaient en ville ont fui car ils savaient que nous avions leurs adresses. La plupart ont fui vers l’ É quateur, le Bas-Congo, le Bandundu et Brazzaville. Tant que les kulunas savent que nous savons qui ils sont, ils n’auront pas le courage de revenir. » [86]
Muyej, qui est responsable des forces de police, a reconnu lors de son entretien avec Human Rights Watch qu’il y avait eu « quelques cas des dérapages, dont des tueries », au cours de l’Opération Likofi, mais a déclaré qu’il s’agissait de cas isolés de policiers qui ne suivaient pas les ordres. Il a affirmé : « il n’y avait aucune stratégie visant à mener des opérations secrètes ni à tuer des gens. » [87]
Concernant le grand nombre de morts de kulunas présumés, Muyej a déclaré :
Nous savons qu’il y a eu des cas des dérapages [au cours de l’opération], et nous nous sommes assuré que les policiers responsables soient arrêtés. Mais il vous faut admettre aussi qu’il y a des cas de justice populaire, où des kulunas sont tués par des membres de la population.… Il y a aussi des cas de bandits se faisant passer pour la police.… Et nombre des allégations sont le résultat de membres de l’opposition et de la société civile qui essaient de salir une opération qui était soutenue par la population et par le parlement.[88]
Muyej a ajouté que quelques policiers avaient été arrêtés et condamnés pour abus au cours de l’Opération Likofi, et il a indiqué qu’une commission dirigée par l’Inspecteur général de la police, Jean de Dieu Oleko Komba, mènerait une enquête sur les autres allégations d’abus, notamment les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, et s’assurera que les membres des familles des victimes recevraient des informations sur leurs proches. Il a déclaré que la commission s’assurerait également que les responsables d’exactions soient arrêtés et traduits en justice. [89]
La commission a été créée à la fin septembre, peu après que Human Rights Watch ait rencontré Muyej. Le 30 septembre, Human Rights Watch a rencontré les sept membres de la commission, tous inspecteurs de police. Le chef de la commission, le Général Justin Bulowa, a expliqué : « Le ministre de l’Intérieur nous a chargés d’évaluer l’Opération Likofi et de vérifier les allégations de violations des droits humains commises au cours de l’opération. » Il a déclaré espérer que leurs recherches leur permettraient « d’interroger le Général Kanyama et de traduire en justice tous les responsables de ces violations des droits humains. » [90] À la mi-octobre, des membres de la commission ont déclaré avoir commencé à recueillir des témoignages. Si cela représente un pas dans la bonne direction afin d’établir la commission, celle-ci n'a pas de pouvoir judiciaire et semble manquer d'impartialité étant donné qu'elle est composée uniquement de membres des forces de police – la même institution responsable des abus et des menaces contre les membres des familles et les témoins de violations alléguées.
Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch le 5 novembre 2014, le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, a indiqué que la commission était en train de finaliser son rapport et que des procédures judiciaires étaient en cours et continueraient contre les policiers qui auraient commis des crimes dans le cadre de l’Opération Likofi. [91]
Human Rights Watch a connaissance de neuf policiers qui ont été traduits en justice depuis le début de l’Opération Likofi pour des meurtres commis à Kinshasa. Quatre d’entre eux ont été inculpés de meurtre, assassinat, homicide par imprudence, ou homicide involontaire. Ils ont été condamnés à des peines allant de deux ans de prison jusqu’à la peine capitale. [92] Un policier a été acquitté, et quatre procès sont en cours au moment de la rédaction de ce rapport début novembre 2014. Human Rights Watch a également connaissance d’un policier qui a été inculpé et condamné à dix ans de prison pour enlèvement, et d’un autre qui est en procès pour enlèvement lors de l’Opération Likofi. [93]
Le ministre de l’Intérieur ainsi que des officiers de police de haut rang ont indiqué à Human Rights Watch que les policiers arrêtés et inculpés pour ces crimes avaient pris part à l’Opération Likofi. Des magistrats assignés à l’Opération Likofi ont toutefois donné une explication différente. Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch au ministère de l’Intérieur le 6 novembre 2014, six magistrats militaires et civils assignés à l’Opération Likofi ont affirmé que les policiers qui avaient été arrêtés ou jugés pour les meurtres ou les enlèvements n’avaient pas participé à l’Opération Likofi. Ils ont ajouté que dans certains cas, d’autres policiers et soldats à Kinshasa qui n’ont pas pris part à l’opération avaient perpétré des meurtres et d’autres crimes tout en prétendant faire partie de l’Opération Likofi. Selon les magistrats, aucun policier ayant participé à l’Opération Likofi n’a été arrêté ou jugé pour meurtres ou disparitions forcées, bien que certains aient été jugés pour extorsion. [94]
Bien qu’il soit possible que des policiers et des soldats n’ayant pas pris part à l’Opération Likofi aient commis des meurtres et d’autres crimes à Kinshasa pendant que se déroulait cette opération, les recherches de Human Rights Watch ont abouti au constat que les meurtres et les disparitions forcées documentés dans ce rapport ont été commis par des policiers assignés à l’opération. Des témoins ont décrit la façon dont des policiers sont venus chez eux pour appréhender ou exécuter des jeunes hommes et des garçons dans des pick-ups utilisés lors del’Opération Likofi et portant les mentions « L30 » ou « L33 » inscrites sur les côtés. En outre, certains témoins ont reconnu des policiers qui étaient connus pour avoir participé à l’Opération Likofi parmi ceux qui auraient commis des meurtres ou procédé à des disparitions forcées.
Les témoignages de policiers qui ont participé à l’opération ainsi que celui d’un officier de police de haut rang ont décrit une opération bien organisée, au cours de laquelle des commandants de police de haut rang, dont le Général Kanyama, ont donné des ordres sur la conduite de l’opération et désignant les kulunas présumés qui devaient être tués ou victimes de disparition forcée. Les menaces et les avertissements de la part de responsables du gouvernement , de la police et d’agents de renseignement adressés à des journalistes, à des magistrats, à des membres des familles des victimes, à des docteurs et à des employés de morgues, comme cela est détaillé dans ce rapport, suggèrent que des autorités étaient au courant des meurtres, mais au lieu d’agir pour les faire cesser et pour traduire les responsables en justice, elles ont agi de manière plus furtive en tentant de dissimuler les exactions.
Certains des officiers de police de haut rang portant la plus grande part de responsabilité dans les exactions sont peut-être effectivement « protégés » contre l’action de la justice. Selon un haut magistrat militaire et un officier de police, lorsqu’un magistrat militaire a voulu ouvrir une enquête judiciaire contre un colonel de la police qui aurait abattu un kuluna présumé détenu durant l’Opération Likofi, le magistrat a reçu des instructions orales de la part d’un responsable gouvernement pour qu’il « ferme les yeux » et ne donne pas suite à l’affaire. [95]
Réforme de la police en RD CongoLa police nationale de la RD Congo a été créée en 2002. Il y a environ 118 000 policiers dans tout le pays, dont environ 35 000 sont déployés à Kinshasa. [96] La police congolaise a de lourds antécédents en matière de brutalité, de corruption et d’exactions qui ont engendré la méfiance de la population. Au cours des dernières années, quelques progrès ont été réalisés dans la réforme et la professionnalisation de la police, notamment grâce à la promulgation en 2013 d’une loi sur la réforme de la police et le développement d’un Plan d’Action Quinquennal (PAQ). Ce Plan d’Action définit les priorités du gouvernement relatives à la réforme de la police et aux ressources nécessaires pour mettre en œuvre les réformes, notamment une réorganisation des forces de police, le déploiement de la police de proximité, et des efforts pour améliorer l’obligation de rendre des comptes au sein des forces de police. Une Inspection Générale (IG) a été créée en 2007 pour veiller à ce que les membres de la police respectent le droit congolais et international, ainsi que les règlements de police. S’il y a eu certains efforts visant à améliorer les procédures de l’inspection générale ces dernières années, ils n’ont eu jusqu’ici qu’une efficacité limitée. Ceci est dû en partie à la lenteur ou au manque de réponse aux plaintes, au manque de connaissance sur la façon dont fonctionne le système et à la peur des représailles – les victimes et les membres de leur famille ont souvent peur de signaler les crimes à l’inspection générale quand des membres de cette même institution les ont maltraités ou menacés. Il y a également un manque de clarté quant à la façon dont l’inspection générale coordonne ses activités avec celles du bureau de l’auditeur militaire pour s’assurer que les policiers impliqués dans des crimes non seulement encourent des mesures disciplinaires mais encore soient pleinement poursuivis en justice. Les partenaires internationaux de la RD Congo ont investi des ressources importantes au cours des dernières années pour soutenir la réforme de la police nationale congolaise. Ces efforts sont coordonnés par le biais d’un Comité de Suivi de la Réforme de la Police (CSRP) constitué de bailleurs de fonds, de représentants de la société civile et de membres du gouvernement et de la police. L’Union européenne a déployé en RD Congo une mission de police, connue sous le nom de EUPOL, de 2007 jusqu’à septembre 2014. Cette mission a joué un rôle décisif dans l’amélioration du cadre juridique et dans l’élaboration d’un plan d’action pour la réforme de la police, la formation des policiers, le développement du concept de police de proximité, et le soutien à la création de l’inspection générale de la police. D’autres bailleurs de fonds – notamment l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Angola, la Belgique, les É tats-Unis, la France, le Japon, le Royaume-Uni, la Suède, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), et la Police des Nations Unies (UNPOL) – ont également fourni un soutien financier et technique aux efforts de réforme de la police congolaise. En dépit de ces efforts, des policiers continuent de commettre des crimes odieux, comme les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées documentées dans le présent rapport. Ces crimes persistent en grande partie parce que des commandants ayant de longs antécédents d’implication dans de graves violations des droits humains sont autorisés à opérer en toute impunité et sont souvent considérés comme « intouchables » ou protégés par de hauts responsables du gouvernement. Malgré certains progrès concernant l’engagement de poursuites judiciaires ces dernières années, la grande majorité des policiers responsables de graves violations en RD Congo demeurent impunis, et nombre d’entre eux continuent d’occuper des postes dans les forces de sécurité congolaises. Il sera difficile de mettre en place une force de police qui protège les civils au lieu de s’en prendre à eux tant que les policiers responsables d’exactions passées ne seront pas traduits en justice et expulsés des forces de police. À cette fin, un mécanisme spécial de « vetting » ou de vérification des antécédents comportant des protections de procédure régulière devrait être un élément central des efforts de réforme de la police. [97] Un tel mécanisme devrait retirer des forces de police les auteurs de violations graves des droits humains. Il ne remplacerait pas l’engagement de poursuites criminelles, mais contribuerait à garantir que des individus jugés responsables de graves violations ne puissent pas continuer à servir dans des institutions publiques dans l’attente de procédures judiciaires. Un soutien à long terme sur le plan financier, technique et autre de la part des partenaires internationaux de la RD Congo sera essentiel à la réussite du développement et de la mise en œuvre d’un tel programme. La mission des Nations Unies de maintien de la paix en RD Congo, la MONUSCO, a également reçu un mandat spécifique du Conseil de sécurité des Nations Unies pour soutenir le gouvernement congolais dans la mise en œuvre de la Réforme du secteur de sécurité (RSS), notamment par le biais de mécanismes de vérification des antécédents.[98] |
Obligations juridiques internationales
L’insuffisance des mesures prises par le gouvernement congolais face aux violations des droits humains commises par ses forces de sécurité va à l’encontre de ses obligations juridiques internationales. Le droit international des droits humains oblige les gouvernements à mettre fin à l’impunité pour les violations graves des droits humains en entreprenant des enquêtes rapides, rigoureuses et impartiales sur les violations présumées, en veillant à ce que les responsables de crimes graves soient poursuivis, jugés et dûment punis et en fournissant un recours effectif pour les victimes. [99]
Les traités internationaux obligent la RD Congo à dissuader les auteurs d’abus et à prévenir les atteintes flagrantes aux droits humains, et à mener des enquêtes, engager des poursuites et remédier aux abus. [100] Cela implique également d’aborder les droits des victimes à la justice, à l’information et aux réparations. [101]
Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) exige que les gouvernements adoptent des mesures, notamment par le biais du système judiciaire, afin de protéger les droits fondamentaux. [102] Selon le Comité des droits de l'homme de l’ONU, l'organe d'experts indépendants qui surveille l'application du PIDCP, le manquement par un gouvernement à son devoir d'enquêter et de traduire les coupables en justice, notamment en matière de crimes tels que des meurtres, des actes de torture et d'autres mauvais traitements, pourrait être en soi une violation du traité. [103] De même, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples impose comme obligations aux États d'assurer la protection des droits de la Charte, et aux institutions nationales compétentes de répondre aux allégations d’individus concernant les violations de leurs droits. [104]
Diverses normes internationales ont également comme objectif de promouvoir les efforts des États pour obtenir justice pour les victimes. Par exemple, les Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions appellent les gouvernements à écarter de tout pouvoir, direct ou indirect sur les plaignants et les témoins les agents de l’État impliqués dans ces crimes, ainsi que ceux qui mènent l'enquête. [105]
Lutter contre l’impunité exige d’identifier les auteurs spécifiques des exactions. La doctrine de la responsabilité du supérieur hiérarchique ou de commandement rend responsables les supérieurs pour les actes illégaux de leurs subordonnés, lorsque le supérieur savait ou avait des raisons d’avoir connaissance des actes illicites, et n'a pas réussi à les empêcher ou à les punir. [106]
Au-delà de l'obligation d'enquêter sur les exactions et de poursuivre leurs auteurs, les gouvernements ont l'obligation de fournir aux victimes des informations sur l'enquête en cours. Les victimes devraient avoir le droit de demander et d'obtenir des informations sur les causes et les conditions résultant des violations de leurs droits. [107] La Commission des droits de l’homme de l’ONU – l’organe qui a précédé le Conseil des droits de l’homme de l’ONU - a adopté des principes selon lesquels « indépendamment de toutes poursuites, les victimes, leurs familles et les parents ont le droit imprescriptible de connaître la vérité sur les circonstances dans lesquelles les violations ont eu lieu ». [108]
Selon les termes du PIDCP, les États ont également l'obligation de « garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile». [109] Le PIDCP impose aux gouvernements le devoir de veiller à ce que toute personne ait le droit à un recours effectif statué par « l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative », ou par « toute autre autorité compétente selon la législation de l'État », et à « développer les possibilités de recours juridictionnel ». [110] L'État a l'obligation de continuer à assurer un recours utile ; il n'y a pas de limite de temps pour une action en justice. [111]
IV. Critiques à l’encontre de l’Opération Likofi
Si l’Opération Likofi a initialement bénéficié d’un large soutien de la part de la population à Kinshasa en tant qu’effort pour réprimer la criminalité, à fin novembre 2013 les informations faisant état de meurtres ont commencé à se répandre. Des militants congolais des droits humains ont publiquement critiqué les exactions de la police, et plusieurs organisations congolaises de défense des droits humains ont publié des rapports dénonçant les exécutions extrajudiciaires ainsi que les disparitions forcées. [112]
Jean-Claude Katende, président de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO), a déclaré le 26 novembre 2013 : « Le fait que le gouvernement ait pris la décision de mettre fin à ce phénomène [kuluna], qui a endeuillé beaucoup de familles, c’est une bonne initiative. » Mais, a-t-il ajouté, « L’État ne peut pas supprimer la vie d’un citoyen en violation des formes qui sont prescrites par notre constitution. »[113]
Dans un communiqué de presse du 27 novembre 2013, l’UNICEF, l’organisation des droits de l’enfant et de secours d’urgence, et la mission de l’ONU pour le maintien de la paix en RD Congo, la MONUSCO, ont exprimé leurs préoccupations relatives à des « rapports alarmants sur des disparitions et des assassinats de jeunes gens et d’enfants dans certaines communes de Kinshasa », coïncidant avec le lancement de l’Opération Likofi. Le communiqué de presse notait les meurtres présumés d’au moins vingt personnes, dont douze enfants. [114] Le ministre de la Communication et des Médias de la RD Congo, Lambert Mende, a rejeté les allégations et a déclaré que le gouvernement avait besoin de preuves supplémentaires avant de répondre. [115]
Dans un rapport publié le 24 février 2014, intitulé « Des jeunes présumés ‘Kuluna’ exécutés et enlevés nuitamment par la Police Nationale Congolaise », l’organisation congolaise de défense des droits humains Les Amis de Nelson Mandela pour la Défense des Droits Humainsa documenté de nombreux cas d’exécutions et de disparitions de kulunas présumés durant l’Opération Likofi. [116]
Un membre du parlement congolais élu de Kinshasa a indiqué à Human Rights Watch qu’il avait reçu des plaintes de la part de nombreuses familles de personnes qui avaient été tuées ou bien victimes de disparitions forcées pendant l’Opération Likofi. « Les familles étaient traumatisées, et il leur avait été interdit d’organiser des enterrements », a-t-il dit. « Ils [les policiers] ont pris les corps et ont disparu avec eux. Ceci doit être dénoncé parce qu’il y a eu tant de personnes tuées. » [117]
Un autre membre du parlement, également élu de Kinshasa, a déclaré à Human Rights Watch :
Nous avons entendu des témoignages sur la façon dont les corps des personnes qu’ils ont tuées ont été jetés dans le fleuve. Le gouvernement voulait que cette opération serve d’exemple. Mais aujourd’hui, nous constatons que des attaques armées par nos policiers sont réapparues ; ils comblent le vide laissé par les kulunas. De nombreuses personnes considèrent l’opération comme un échec car la criminalité a repris le dessus. Vous tuez [les kulunas] pour faire un exemple – mais de mon point de vue, ce n’était qu’une façade. Cela a eu peut-être un effet dissuasif, mais pour combien de temps ? [118]
Le 15 octobre 2014, les Nations Unies ont publié un rapport de 22 pages documentant neuf exécutions sommaires et 32 disparitions forcées durant l’Opération Likofi et appelant le gouvernement à « mener des enquêtes promptes, indépendantes, crédibles, et impartiales » et à « traduire en justice tous les auteurs présumés de ces violations, quel que soit leur rang ». Le rapport a reconnu que « le nombre de violations pourrait être beaucoup plus élevé dans la mesure où les officiers du BCNUDH n’ont pas été en mesure de vérifier plusieurs allégationsen raison de diverses difficultés, notamment de l’accès à certains sites et de la réticence de plusieurs proches des victimes et témoins à donner des informations par crainte de représailles ». [119]
Le lendemain de la publication du rapport de l’ONU, le ministre de l’Intérieur de la RD Congo a déclaré lors d’une conférence de presse que le Directeur du Bureau Conjoint des Nations Unies aux droits de l'homme en RD Congo, Scott Campbell, pourrait être expulsé. « Le moment est sans doute venu de nous séparer de lui et de demander au Secrétaire général des Nations unies de le retirer de notre pays pour manque de professionnalisme et d’honnêteté », a-t-il dit. « Nous estimons que Monsieur Scott Campbell remplit désormais les conditions requises pour être déclaré "persona non grata". » [120] Le lendemain, l’ONU recevait une lettre diplomatique officielle demandant le départ de Scott Campbell de la RD Congo.
Conclusion
L’Opération Likofi n’a pas fait progresser l’État de droit, mais elle en a plutôt été la négation. Elle a renforcé un climat de peur à Kinshasa dans lequel des agents chargés de l’application de la loi – ayant pour tâche la protection de la population – ont été autorisés à tuer, enlever, voler et intimider des habitants de Kinshasa en toute impunité.
Afin de réaliser de véritables progrès dans la promotion du respect des droits humains et d’un environnement sûr pour le peuple en RD Congo, les responsables des exécutions sommaires, des disparitions forcées et des arrestations arbitraires commises durant l’Opération Likofi - y compris les commandants de rang supérieur -devraient être traduits en justice et poursuivis pénalement selon des procédures régulières. Les membres des familles des personnes tuées ou « disparues » devraient bénéficier d’informations sur le sort de leurs proches ou sur le lieu où ils se trouvent, et recevoir rapidement des réparations appropriées. Enfin, des mesures concrètes devraient être prises pour veiller à ce que des opérations policières entachées de violations comme l’Opération Likofi ne se reproduisent plus jamais.
Remerciements
Les recherches et la rédaction du présent rapport ont été assurées par Ida Sawyer, chercheuse senior auprès de la Division Afrique de Human Rights Watch. Des collègues congolais ont apporté un soutien important aux recherches, mais leurs noms ne sont pas divulgués pour assurer leur sécurité. Lianna Merner, associée senior de la Division Afrique, a également contribué à la rédaction.
Le rapport a été révisé par Carina Tertsakian, chercheuse senior sur l’Afrique ; Anneke Van Woudenberg, directrice de plaidoyer pour l’Afrique ; Juliane Kippenberg, chercheuse senior sur les droits de l’enfant ; James Ross, directeur chargé des questions politiques auprès du Département juridique; Rona Peligal, directrice adjointe de la division Afrique ; et Babatunde Olugboji, directeur adjoint au Bureau du programme. Lianna Merner a également contribué à l’organisation et à la mise en forme, et le rapport a été préparé en vue de sa publication par Grace Choi, directrice des publications, et Fitzroy Hepkins, responsable administratif.
Danielle Serres a traduit le rapport en français. Peter Huvos, rédacteur du site internet de Human Rights Watch en français, a effectué la validation de la traduction française.
Human Rights Watch tient à remercier toutes les personnes qui ont accepté ses demandes d’entretiens, malgré les risques pour leur propre sécurité, et qui ont donné de leur temps en contribuant de manière substantielle aux recherches menées pour ce rapport.
[1] Étude commandée par la Mission de police de l’Union européenne en RD Congo (EUPOL) sur les perceptions du phénomène kuluna par les habitants de Kinshasa, « É tude de la perception du phénomène ‘kuluna’ par les habitants de la commune de Kinshasa », Septembre 2013, archivé par Human Rights Watch.
[2] Entretien de Human Rights Watch avec un officier de police supérieur, Kinshasa, février 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un ancien enfant de la rue, Kinshasa, 26 mars 2014 ; étude commandée par la Mission de police de l’Union européenne en RD Congo (EUPOL) sur les perceptions du phénomène kuluna par les habitants de Kinshasa, « Étude de la perception du phénomène ‘kuluna’ par les habitants de la commune de Kinshasa », septembre 2013, archivé par Human Rights Watch; entre autres sources.
[3] Des femmes et des enfants plus jeunes sont parfois membres, mais ils sont souvent utilisés comme éclaireurs ou pour recueillir des renseignements sur des victimes potentielles.
[4] « Le défi de la réinsertion des enfants de la rue à Kinshasa », Radio France Internationale, 17 mars 2014, http://www.rfi.fr/mfi/20140321-rdc-le-defi-reinsertion-enfants-rue-kinshasa/ (consulté le 24 octobre 2014) ; SOS Children’s Village Kinshasa, « Social problems and poverty driving thousands of children away from their families », http://www.sos-childrensvillages.org/where-we-help/africa/democratic-republic-congo/kinshasa (consulté le 15 octobre 2014).
[5] Voir plus généralement, Human Rights Watch, « ‘Quel avenir?’ les enfants de la rue en République démocratique du Congo », Volume 18, No. 2(A), 2006, http://www.hrw.org/fr/reports/2006/04/04/quel-avenir .
[6] Discours du Président Joseph Kabila devant le parlement congolais, 23 octobre 2013, http://afrique.kongotimes.info/rdc/politique/6768-cohesion-nationale-discours-joseph-kabila-devant-congres.html (consulté le 15 octobre 2014).
[7] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 15 février 2014.
[8] Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, Kinshasa, 4 septembre 2014.
[9] Le 28 décembre 2013, au beau milieu de l’Opération Likofi, Kanyama a été promu au grade de Général et nommé Inspecteur provincial de Kinshasa. « Le Général Célestin Kanyama nommé nouvel Inspecteur provincial de la Police Nationale à Kinshasa en remplacement du Général Oleko », Donatien Ngandu Mupompa, Le Potentiel, 31 décembre 2013, http://www.digitalcongo.net/article/97107 (consulté le 23 octobre 2014).
[10] Le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et la MONUSCO, « Rapport d’enquete du bureau conjoint des nations unies aux droits de l’homme sur les violations graves des droits de l’homme commises par des membres des forces de défense de de sécurité congolaises dans la ville de Kinshasa en République démocratique de Congo entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011, », mars 2012, p. 15, http://www.monusco.unmissions.org/LinkClick.aspx?fileticket=PZdj3F7exgg%3d&tabid=10770&mid=13783&language=en-US (consulté le 23 octobre 2014) ; « Qui est l’Inspecteur divisionnaire adjoint de la PNC Célestin Kanyama ‘Esprit de mort’ ? », Jean-Jacques Wondo, http://desc-wondo.org/whos-who-linspecteur-divisionnaire-adjoint-de-la-pnc-celestin-kanyama-esprit-de-mort/ (consulté le 6 novembre, 2014).
[11] La LENI est une force de réserve qui appuie les forces de la police provinciale en cas d’émeute ou lors d’opérations spéciales.
[12] Entretiens de Human Rights Watch avec un policier qui a participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014 ; entretiens de Human Rights Watch avec deux autres policiers qui ont participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, octobre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un officier de police de haut rang, Kinshasa, août 2014.
[13] « RDC : le ministre de l’Intérieur annonce l’opération ‘Likofi+’ », Radio Okapi, 26 février 2014, http://radiookapi.net/actualite/2014/02/25/rdc-le-ministre-de-linterieur-annonce-loperation-likofi/ (consulté le 23 octobre 2014).
[14] « Point de presse au sujet du rapport d’enquête du Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme », Déclaration du ministre de l’Intérieur de la RD Congo, Richard Muyej, pendant une conférence de presse à Kinshasa, 16 octobre 2014, http://www.misdac-rdc.net/index.php/78-le-ministre123/414-point-de-presse-au-sujet-du-rapport-d-enquete-du-bureau-conjoint-des-nations-unies-aux-droits-de-l-homme209 (consulté le 24 octobre 2014).
[15] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 15 février 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, Kinshasa, 4 septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec six magistrats qui étaient assignés à l’Opération Likofi, Kinshasa, 6 novembre 2014.
[16] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 15 février 2014; vidéo du discours du Général Kanyama en lingala lors d’un défilé de la police dans la commune de Kimbanseke à Kinshasa, en novembre 2013, archivé par Human Rights Watch.
[17] Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, Kinshasa, 4 septembre 2014 ; Amnesty International, « Plus de 70 000 ressortissants de la RDC franchissent la frontière vers Kinshasa pour fuir des rafles à Brazzaville», 10 mai 2014, Amnesty International, « Plus de 70 000 ressortissants de la RDC franchissent la frontière vers Kinshasa pour fuir des rafles à Brazzaville», 10 mai 2014, http://www.amnesty.org/en/library/asset/AFR02/001/2014/en/23452c67-0d32-40df-818e-c9afe060434b/afr020012014fr.htmlf (consulté le 23 octobre 2014); Monusco, « Ces haut responsables onusiens exigent un arrêt immédiat des expulsions des ressortissants de la RDC et demandent aux autorités de la République du Congo (Brazzaville) d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme 2014 », 26 mai 2014, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11469&ctl=Details&mid=14883&ItemID=20558&language=en-US (consulté le 24 octobre 2014).
[18] La LENI est une force d’intervention mobile qui opère au niveau provincial, et le GMI est une force d’intervention mobile qui opère au niveau territorial. Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et MONUSCO, « Rapport du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme sur les violations des droits de l’homme commises par des agents de la Police nationale, congolaise dans le cadre de l’Opération « Likofi » à Kinshasa entre le 15 novembre 2013 et le 15 février 2014 », octobre 2014, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/LikofiReportOctober2014_fr.pdf , octobre 2014, p. 9, (consulté le 23 octobre 2014); entretien de Human Rights Watch avec le commissaire général de la police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 5 novembre 2014.
[19] Entretien de Human Rights Watch avec un travailleur social, Kinshasa, 19 février 2014.
[20] Entretien de Human Rights Watch avec un vendeur de cigarettes à Kinshasa qui dort dans la rue et connaissait plusieurs jeunes gens ayant été pris pour cible par l’Opération Likofi, Kinshasa, 30 janvier 2014.
[21] Ibid.
[22] Entretien de Human Rights Watch avec un policier ayant pris part à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014.
[23] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 15 février 2014.
[24] Human Rights Watch a interrogé divers observateurs indépendants qui ont assisté à plusieurs procès, à savoir : un membre du parlement de Kinshasa, Kinshasa, 19 février 2014 ; un journaliste qui a assisté à plusieurs procès, Kinshasa, 27 septembre 2014 ; un deuxième journaliste qui a assisté à plusieurs procès, Kinshasa, 30 septembre 2014. Human Rights Watch dispose aussi de vidéo des procès de cinq présumés kuluna. Un membre du parlement de Kinshasa a fait le commentaire suivant à propos des audiences foraines : « Ils ont commencé à organiser des audiences foraines fin décembre [2013] et en janvier [pour les présumés kuluna qui avaient été arrêtés], et ils ont condamné des personnes à mort même si elles n’avaient pas été prises sur le fait. Vous devez avoir des témoins, mais il n’y en avait aucun là ! Ce ne sont pas des décisions qui peuvent être prises de n’importe quelle façon. C’était comme s’ils disaient aux présumés kuluna : ‘Si vous acceptez que vous avez tué une ou deux personnes, nous vous donnerons une peine légère, et si vous en avez tué plus de deux, alors votre peine sera plus lourde.’ C’était de la justice sommaire », Entretien de Human Rights Watch avec un membre du parlement de Kinshasa, à Kinshasa, 19 février 2014.
[25] La ville de Kinshasa est subdivisée en 24 communes.
[26] Voir le plan de Kinshasa page i.
[27] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime, Kinshasa, 21 janvier 2014.
[28] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin présent lorsqu’un présumé kuluna a été frappé et tué par la police dans la commune de Kimbanseke, Kinshasa, 2 septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un témoin présent lorsqu’un présumé kuluna a été frappé et tué par la police dans la commune de Ngaba, Kinshasa, 2 septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un témoin présent lorsqu’un présumé kuluna a été frappé et tué par la police dans la commune de Ndjili, Kinshasa, 25 août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un témoin présent lorsqu’un présumé kuluna a été frappé et tué par la police dans le marché central de Kinshasa, Kinshasa,21 août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un témoin présent lorsqu’un présumé kuluna a été frappé et tué par la police dans la commune de Limete, Kinshasa, 21 août 2014 ; entre autres.
[29] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant présent lorsque la victime a été tuée, Kinshasa, 21 août 2014.
[30] Entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 21 août 2014.
[31] Entretien de Human Rights Watch avec le grand-père de la victime, Kinshasa, 24 septembre 2014.
[32] Entretien de Human Rights Watch avec un policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014.
[33] Voir, par exemple, MONUSCO et UNICEF, « RDC : l’UNICEF et la MONUSCO s’inquiètent des rapports sur la disparition et l’assassinat de jeunes et d’enfants à Kinshasa », Kinshasa, 27 novembre 2013, http://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/unicef-and-monusco-are-concerned-reports-disappearance-and (consulté le 23 octobre 2014).
[34] Entretien de Human Rights Watch avec un policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014.
[35] Entretien de Human Rights Watch avec un deuxième policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, septembre 2014.
[36] Entretien de Human Rights Watch avec un troisième policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, septembre 2014.
[37] Le Camp Lufungula est un camp de police situé dans le district de Lukunga à Kinshasa. Il abrite le commissariat de police du district de Lukunga, le bureau des renseignements de la police du district de Lukunga, des centres de détention de la police, des logements de policiers et un centre médical pour la police. Le bureau du Général Kanyama se trouvait au Camp Lufungula quand il était chef de la police du district de Lukunga jusqu’à sa promotion au poste de commissaire provincial pour la ville de Kinshasa en fin décembre 2013.
[38] Entretien de Human Rights Watch avec un policier, Kinshasa, août 2014.
[39] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin qui était présent au Camp Lufungula pendant l’Opération Likofi, Kinshasa, octobre 2014.
[40] Entretien de Human Rights Watch avec un travailleur social, Kinshasa, 19 février 2014.
[41] Rapport confidentiel sur l’Opération Likofi par une mission diplomatique à Kinshasa, avril 2014, archivé par Human Rights Watch.
[42] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, Kinshasa, septembre 2014.
[43] Entretien de Human Rights Watch avec un cameraman, Kinshasa, novembre 2013.
[44] Entretien de Human Rights Watch avec un photographe, Kinshasa, octobre 2014.
[45] Entretien de Human Rights Watch avec un docteur dans un hôpital de Kinshasa, Kinshasa, 5 décembre 2013.
[46] Entretien de Human Rights Watch avec un deuxième docteur dans un autre hôpital de Kinshasa, Kinshasa, 24 septembre 2014.
[47] Entretien de Human Rights Watch avec la grand-mère de la victime tuée pendant l’Opération Likofi, Kinshasa, 22 octobre 2014.
[48] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime tuée pendant l’Opération Likofi, Kinshasa, 21 janvier 2014.
[49] Entretiens de Human Rights Watch avec deux employés de la morgue, Kinshasa, février 2014.
[50] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien enfant de la rue qui a été témoin quand deux garçons ont été tués par la police pendant l’Opération Likofi, Kinshasa, 23 janvier 2014.
[51] Entretien de Human Rights Watch avec une femme qui travaille au marché de Zikida, Kinshasa, 23 janvier 2014.
[52] Entretien de Human Rights Watch avec la grand-mère de la victime, Kinshasa, 17 janvier 2014.
[53] Entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 17 janvier 2014.
[54] Entretien de Human Rights Watch avec un cousin de la victime, Kinshasa, 30 janvier 2014.
[55] Entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[56] Entretien de Human Rights Watch avec un étudiant qui a été témoin du meurtre, Kinshasa, 2 septembre 2014.
[57] Entretien de Human Rights Watch avec un enfant de la rue qui a été témoin des meurtres, Kinshasa, 17 janvier 2014.
[58] Entretien de Human Rights Watch avec la grand-mère de la victime, Kinshasa, 22 octobre 2014; entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 22 octobre 2014; entretien de Human Rights Watch avec la tante de la victime, Kinshasa, 22 octobre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un voisin de la victime, Kinshasa, 22 octobre 2014.
[59] Entretien de Human Rights Watch avec la grand-mère de la victime, Kinshasa, 22 octobre 2014.
[60] Entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 22 octobre 2014.
[61] Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée le 18 décembre 1992, G. A. res. 47/133, 47 U.N GAOR Supp. (No. 49) at 207, U.N. Doc. A/47/49 (1992).
[62] Commission des droits de l’homme de l’ONU, « Rapport présenté par M. Manfred Nowak, expert indépendant chargé d’étudier le cadre international actuel en matière pénale et de droits de l’homme pour la protection des personnes contre les disparitions forcées ou involontaires, conformément au paragraphe 11 de la résolution 2001/46 de la Commission » (New York: United Nations, 2002), E/CN.4/2002/71, 36.
[63] Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée le 20 décembre 2006, G.A. Res. 177 (LXI), U.N. Doc. A/RES/61/177 (2006).
[64] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime, Kinshasa, 24 octobre 2014.
[65] Entretien de Human Rights Watch avec la tante de la victime, Kinshasa, 24 avril 2014.
[66] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[67] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[68] Entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[69] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[70] Entretien de Human Rights Watch avec le père de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[71] Entretien de Human Rights Watch avec la sœur de la victime, Kinshasa, 25 avril 2014.
[72] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de la victime, Kinshasa, 22 avril 2014.
[73] Entretien de Human Rights Watch avec un policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un second policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un troisième policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un policier basé à Kinshasa, Kinshasa, août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un officier de police de haut rang, Kinshasa, août 2014.
[74] Entretien de Human Rights Watch avec un policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un second policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un troisième policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, septembre 2014.
[75] Entretien de Human Rights Watch avec un policier ayant participé à l’Opération Likofi, Kinshasa, mars 2014.
[76] Voir, par exemple, Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et MONUSCO« Rapport d’enquete du bureau conjoint des nations unies aux droits de l’homme sur les violations graves des droits de l’homme commises par des membres des forces de défense et de sécurité congolaises dans la ville de Kinshasa en République démocratique de Congo entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011, », mars 2012, p. 15, http://www.monusco.unmissions.org/LinkClick.aspx?fileticket=PZdj3F7exgg%3d&tabid=10770&mid=13783&language=en-US(consulté le 23 octobre 2014); « Qui est l’Inspecteur divisionnaire adjoint de la PNC Célestin Kanyama ‘Esprit de mort’ ? », Jean-Jacques Wondo, http://desc-wondo.org/whos-who-linspecteur-divisionnaire-adjoint-de-la-pnc-celestin-kanyama-esprit-de-mort/ (consulté le 6 novembre, 2014).
[77] Entretiens de Human Rights Watch avec un officier de police, Kinshasa, février et août 2014. Lors d’un autre incident documenté par Human Rights Watch en 2014, Kanyama a également reçu des ordres d’officiers supérieurs de sécurité en dehors de la hiérarchie de la police, entretien de Human Rights Watch avec un officiel supérieur du gouvernement, Kinshasa, février 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un deuxième officiel supérieur du gouvernement, Kinshasa, février 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un dirigeant politique, Kinshasa, février 2014.
[78] Entretien de Human Rights Watch avec le Général Kanyama, Kinshasa, 22 août 2014.
[79] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 14 août 2014.
[80] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 14 août 2014.
[81] « Traque des ‘Kulunas’: des ambassadeurs appellent au respect de droits humains », Radio Okapi, 10 décembre 2013, http://radiookapi.net/actualite/2013/12/10/traque-des-kulunas-des-ambassadeurs-appellent-au-respect-de-droits-humains/ (consulté le 23 octobre 2014).
[82] Discours du ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, 9 décembre 2013, disponible sur : http://www.digitalcongo.net/article/96685 .
[83] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du parlement, Kinshasa, 17 février 2014 ; « Opération Likofi : le ministre de l’Intérieur s’explique sur les allégations d’exécutions », Radio Okapi, 12 décembre 2013, http://radiookapi.net/actualite/2013/12/12/operation-likofi-le-ministre-de-linterieur-sexplique-sur-les-allegations-dexecutions/ (consulté le 23 octobre 2014) ; « Après Lajos Bidiu, on a encore tué à Binza : Richard Muyej va frapper! » La Prospérité, 12 décembre 2013, http://www.laprosperiteonline.net/affi_article.php?id=1230&rubrique=POLITIQUE (consulté le 23 octobre 2014).
[84] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du parlement, Kinshasa, 19 février 2014.
[85] « RDC: le ministre de l’Intérieur annonce l’opération “Likofi+” », Radio Okapi, 26 février 2014, http://radiookapi.net/actualite/2014/02/25/rdc-le-ministre-de-linterieur-annonce-loperation-likofi/ (consulté le 23 octobre 2014). Selon un document officiel du bureau du commissaire de la police nationale, intitulé « Statistiques Opération ‘Likofi’ du 15 Nov 2013 au 06 Fev 2014», archivé par Human Rights Watch, 903 personnes ont été amenés pour interrogatoire durant l’opération, dont 172 mineurs. Parmi elles, 257 adultes ont été relâchés et 474 ont été transférés aux tribunaux ; 147 mineurs ont été transférés au tribunal pour enfants et 25 ont été relâchés. « Statistiques Opération ‘Likofi’ du 15 Nov 2013 au 06 Fev 2014 », Commandement du Commissariat Général de la Police Nationale de la République Démocratique du Congo, archivé par Human Rights Watch. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier ces statistiques de façon indépendante.
[86] Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, Kinshasa, 4 septembre 2014. Étaient également présents à cette rencontre : le Général Bisengimana ; l’Inspecteur général de la police nationale, Jean de Dieu Oleko Komba ; le directeur de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) Kalev Mutondo ; et le directeur de la Direction Générale de Migration (DGM) François Beya.
[87] Ibid.
[88] Ibid.
[89] Ibid.
[90] Rencontre de Human Rights Watch avec des membres de la commission de la police dirigée par le Général Justin Bulowa, Kinshasa, 30 septembre 2014.
[91] Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de l’Intérieur de la RD Congo, Richard Muyej, Kinshasa, 5 novembre 2014.
[92] Human Rights Watch est opposé à la peine de mort quelles que soient les circonstances parce qu’il s’agit par nature d’une peine cruelle, inhumaine et irréversible.
[93] Cette information provient de trois tableaux remis à Human Rights Watch par des autorités de la justice militaire, le commissaire de la police nationale, et par le ministre de l’Intérieur en octobre et novembre 2014 avec des détails sur les procedures judiciaires contre des policiers qui auraient commis des crimes dans le cadre de leur participation à l’Opération Likofi. En plus de ceux qui étaient poursuivis pour meurtres et enlèvements, d’autres ont été mis en accusation pour extorsion, désobéissance aux ordres, possession illégale d’armes, vol, menaces de mort, viol et pour avoir causé des blessures. Les procédures judiciaires ont eu lieu dans les tribunaux militaires de Gombe, Ngaliema, Matete et Ndjili, tous à Kinshasa.
[94] Entretien de Human Rights Watch avec six magistrats militaires et civils qui avaient été assignés à l’Opération Likofi, Kinshasa, 6 novembre 2014.
[95] Entretien de Human Rights Watch avec un haut magistrat militaire, Kinshasa, octobre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un officier de police de haut rang, Kinshasa, octobre 2014.
[96] Entretien de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police nationale, le Général Charles Bisengimana, Kinshasa, 5 novembre 2014.
[97] Human Rights Watch, République démocratique du Congo : Création d’un mécanisme de vérification des antécédents (« vetting ») pour les forces de sécurité, 7 avril 2014, http://www.hrw.org/fr/news/2014/04/07/republique-democratique-du-congo-creation-dun-mecanisme-de-verification-des-antecede.
[98] Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2147 (2014), S/RES/2147 (2014), 28 mars 2014, http://www.un.org/fr/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2147(2014) (consulté le 4 avril 2014). L’article 5(e) dispose : « Prêter bons offices, conseils et concours au Gouvernement en vue de l’élaboration et de la mise au point définitive d’une feuille de route claire et globale pour la réforme du secteur de la sécurité, comprenant notamment des critères de référence et des échéanciers pour la mise en place d’institutions de sécurité efficaces et responsables ainsi que de mécanismes de vérification des antécédents. »
[99] Voir Commission des droits de l'homme de l'ONU, « Rapport de l’experte indépendante chargée de mettre à jour l’Ensemble de principes pour la lutte contre l’impunité » (« Principes contre l’impunité »), E/CN.4/2005/102/Add.1, 8 février 2005, para. 19.
[100] PIDCP ; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples [Banjul], adoptée le 27 juin 1981, OAU Doc.CAB/LEG/67/3 rev.5, 21 I.L.M. (1982), entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
[101] Voir Comité des droits de l'homme, Observation générale No. 31, La nature de l'obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, U.N. Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.13 (2004), para. 15 (« Les É tats parties […] doivent veiller à ce que toute personne dispose de recours accessibles et utiles pour faire valoir ces droits » protégés par le PIDCP). Voir également « Principes contre l’impunité », principe I ; Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire (« Principes de réparation »), adoptés le 16 décembre 2005, G.A. res. 60/147, U.N. Doc. A/RES/60/147 (2005), principe 11.
[102] PIDCP, arts. 2(2) & (3).
[103] Comité des droits de l'homme, Observation générale No. 31, La nature de l'obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, CCPR/C/21/Rev.1/Add.13, (2004), arts. 15 & 18.
[104] Charte africaine, arts. 1 & 7.
[105] Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions : Recommandés par la résolution 1989/65 du Conseil économique et social du 24 mai 1989, E.S.C. res. 1989/65, annexe, 1989 U.N. ESCOR Supp. (No.1) at 52, U.N. Doc E/1989/89 (1989), principe 15, http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/ArbitraryAndSummaryExecutions.aspx (consulté le 4 septembre 2014).
[106] Voir Procureur c. Delalic, Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Case No. IT-96-21-T, 16 novembre 1998, para. 346 (Celebici). Voir également Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 2187 U.N.T.S. 90, entré en vigueur le 1er juillet 2002, article 28.
[107] Principes fondamentaux et directives de l’ONU concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, 21 mars 2006, adoptés par la 60ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, A/RES/60/147, paras. 11(c) et 24.
[108] Ensemble de principes de l’ONU pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, 2 octobre 1997, adoptés par la Commission des droits de l'homme de l'ONU, E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, principe 3.
[109] PIDCP, art. 2(3)(a).
[110] PIDCP, art. 2 (3)(b). Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, 21 mars 2006, adoptés par la 60ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, A/RES/60/147, principe II.3.(d): « L’obligation de respecter, de faire respecter et d’appliquer le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, telle qu’elle est prévue dans les régimes juridiques pertinents, comprend, entre autres, l’obligation : (d) D’offrir aux victimes des recours utiles, y compris la réparation, comme il est précisé ci-après. »
[111] Comité des droits de l'homme, Observation générale No. 29, États d’urgence (art. 4), U.N. Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 (2001), para. 14
[112] Voir, par exemple, Collectif des Organisations des Jeunes Solidaires du Congo-Kinshasa (COJESKI/RDC), « ’BAPESI BISO ORDRE YA KOBOMA’ Les actes d’exécutions extrajudiciaires comme stratégie des forces de l’ordre dans la lutte contre les criminels urbains de Kinshasa dénommés ‘Kuluna’ », 25 novembre 2013 ; Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO), « Les exécutions extrajudiciaires opérées par la Police Nationale Congolaise sont inacceptables », 27 novembre 2013 ; Les Amis de Nelson Mandela pour la Défense des Droits Humains (ANMDH), « Phénomène Kuluna à Kinshasa et en provinces : Les Association de défense des Droits de l’Homme n’ont jamais été les protecteurs des KULUNA en RDC ; ces gangs sont l’œuvre des politiciens du pouvoir et de l’opposition », 3 décembre 2013 ; Les Amis de Nelson Mandela pour la Défense des Droits Humains (ANMDH), « L’opération Coup de poing dite Opération Likofi : LA CRIMINALITE CHANGE DE CAMP ! Des jeunes présumés ‘ Kuluna’ exécutés et enlevés nuitamment par la Police Nationale Congolaise », 24 février 2014 ; Collectif des ONG internationales pour la protection des enfants en rupture familiale « Le collectif des ONGI pour la protection des enfants en rupture familiale s’inquiète du climat de violence et d’insécurité qui accroît la vulnérabilité des enfants en situation de rue », décembre 2013, http://www.medecinsdumonde.org/Presse/Communiques-de-presse/A-l-International/RDC.-Le-collectif-des-ONGI-pour-la-protection-des-enfants-en-rupture-familiale-s-inquiete-du-climat-de-violence-et-d-insecurite-qui-accroit-la-vulnerabilite-des-enfants-en-situation-de-rue (consulté le 23 octobre 2014) ; entre autres.
[113] « Kinshasa : la police nie mener une opération pour tuer les ‘kulunas’ », Radio Okapi, 26 novembre 2013, http://radiookapi.net/actualite/2013/11/26/kinshasa-la-police-nie-mener-une-operation-pour-tuer-les-kulunas/ (consulté le 23 octobre 2014).
[114] MONUSCO et UNICEF, « RDC : l’UNICEF et la MONUSCO s’inquiètent des rapports sur la disparition et l’assassinat de jeunes et d’enfants à Kinshasa », Kinshasa, 27 novembre 2013, http://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/unicef-and-monusco-are-concerned-reports-disappearance-and (consulté le 23 octobre 2014).
[115] « RDC: assassinats présumés de jeunes délinquants à Kinshasa, » RFI, 27 novembre 2013,
http://www.rfi.fr/afrique/20131127-rdc-assassinats-presumes-jeunes-delinquants-kinshasa/ (consulté le 23 octobre 2014)
[116] Les Amis de Nelson Mandela pour la Défense des Droits Humains (ANMDH), « L’opération Coup de poing dite Opération Likofi : LA CRIMINALITE CHANGE DE CAMP ! Des jeunes présumés « Kuluna » exécutés et enlevés nuitamment par la Police Nationale Congolaise », 24 fevrier 2014. Le rapport concluait : « Le mal dans cela, c’est le fait que ces traques se transforment en « règlement des comptes » et sont toujours accompagnées d’un cortège des violations flagrantes des droits de l’homme, notamment : des enlèvements, des tracasseries policières, des extorsions des biens, des exécutions sommaires et extrajudiciaires, sans que les auteurs de ces actes soient punis. Sans présenter aucun document les autorisant de faire incursion dans les domiciles privés, les policiers se sont permis de fouiller les maisons dans certains quartiers de la ville de Kinshasa avec une certaine brutalité et sans respect de la dignité humaine. Quelques jeunes ont été exécutés devant leur maison et d’autres ont été amenés ligotés à des destinations inconnues jusqu’ici. Leurs parents ont été interdits de dire un mot au risque d’être ramenés aussi. Ayant fouillé vainement dans les commissariats de Police et malgré les contacts de haut niveau entrepris, les familles de ces jeunes enlevés ou exécutés ne savent plus à quel saint se vouer. »
[117] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du parlement, Kinshasa, 17 février 2014.
[118] Entretien de Human Rights Watch avec un second membre du parlement, Kinshasa, 19 février 2014.
[119] Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et MONUSCO, “Rapport du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme sur les violations des droits de l’homme commises par des agents de la Police nationale congolaise dans le cadre de l’Opération « Likofi » à Kinshasa entre le 15 novembre 2013 et le 15 février 2014 », octobre 2014, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/LikofiReportOctober2014_fr.pdf (consulté le 23 octobre 2014).
[120] « Le responsable des droits de l'homme de l'ONU indésirable en RDC », Radio France Internationale, 16 octobre 2014, http://www.rfi.fr/afrique/20141016-rdc-kinshasa-droits-homme-onu-scott-campbell-monusco-police-exactions-executions-muyej-liberte-expression/ (consulté le 23 octobre 2014).