(Harare) – Au Zimbabwe, les veuves sont fréquemment expulsées de leurs maisons et dépossédées de leur terrains et biens les familles de leurs maris décédés, a indiqué Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Le gouvernement du Zimbabwe devrait prendre des mesures urgentes pour protéger les veuves contre de telles pratiques.
Le rapport de 53 pages, intitulé « 'You Will Get Nothing':Violations of Property and Inheritance Rights of Widows in Zimbabwe » (« Vous n’obtiendrez rien : Violations des droits de propriété et de succession des veuves au Zimbabwe ») révèle que la belle-famille annonce souvent aux femmes ayant perdu leur mari peu de temps avant que les proches ont l’intention de saisir leur maison et leur terrain ou toute autre propriété sur laquelle le couple vivait depuis plusieurs dizaines d’années. Une veuve a cité les paroles que son beau-frère lui a adressées après l’enterrement de son époux, face à la famille réunie : « Il m’a dit droit dans les yeux : "Tu ne vaux rien et tu n'auras rien. Je prends tout." »
« Les effets de la saisie de propriété sur les veuves sont dévastateurs », a déclaré Bethany Brown, chercheuse auprès de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Les femmes auxquelles on a ôté toute propriété évoquent leur situation de sans-abri, leur dénuement et la perte de leurs moyens de subsistance. »
S’appuyant sur des entretiens menés avec 29 veuves dans les 10 provinces du Zimbabwe entre mai et octobre 2016, ce rapport fait état des faiblesses et des abus des droits humains auxquels sont confrontées les veuves au Zimbabwe.
En 2013, le Zimbabwe a adopté une nouvelle constitution qui prévoit l’égalité des droits pour les femmes, y compris en matière de succession et de propriété. Toutefois, dans la pratique, les lois existantes ne s’appliquent qu’aux veuves ayant contracté un mariage officiellement enregistré. Selon les estimations, la plupart des mariages au Zimbabwe sont menés sous le droit coutumier et ne sont pas enregistrés. Ainsi, dans les faits, ces lois n’accordent aucune protection contre la saisie de propriété par des proches.
De nombreuses veuves expliqué comment elles devaient faire face à des obstacles insurmontables pour défendre leur propriété ou pour prendre des mesures légales afin de la récupérer. Devoir lutter contre des proches tout en faisant le deuil de leur mari et vendre leurs sources de revenu telles que du bétail pour payer les frais judiciaires et les transports ne sont que quelques-uns des défis rencontrés. Une fois au tribunal, les veuves ont déclaré être desservies par l’absence d’enregistrement officiel de leur mariage lorsque celui avait été contracté selon le droit coutumier. Les tribunaux se tournent vers la belle-famille, ceux-là même ayant tout à gagner, pour confirmer le mariage, plaçant les veuves à la merci de la famille de leur époux.
Témoignages extraits des interviews :
« Il [mon beau-frère] a pris tous mes champs et a même labouré ma cour [pour des plantations] jusqu’au seuil de ma porte. Maintenant, il dit que je ne peux pas marcher sur « ses » champs. Il dit que je n’ai rien à faire là. Je l’ai signalé au chef du village, mais il nous a juste dit de vivre en paix. Mon beau-frère est insistant. Peut-être que cela lui fait vraiment plaisir de nous voir souffrir. À mon âge, où pourrais-je aller ? Je ne peux pas recommencer à zéro. »
– Deborah, 58 ans, Mashonaland East
« À l’enterrement de mon beau-frère, quelques années avant le décès de mon mari, ils [ma belle-famille] ont tout pris et ont laissé ma belle-sœur et ses enfants démunis. Je les ai accueillis. Maintenant, ma belle-mère dort dans le lit conjugal de son fils [mon beau-frère], sous les couvertures reçues en cadeau par sa femme et lui. »
– Charity, 49 ans, Mashonaland East
« Je n’ai pas vu le testament mais j’ai découvert qu’il y en avait un au tribunal. Mon beau-frère était l’exécuteur [du testament de mon mari]. Il m’a maltraitée. Tout de suite après [sa mort], j'ai vendu nos biens personnels pour pouvoir me nourrir. Ma belle-famille a vu que je vendais des affaires pour m’acheter à manger. Mon beau-frère m’a fait arrêter [pour avoir vendu des objets sur la propriété]. Je n'ai pas été reconnue coupable par le tribunal. J'ai passé une semaine en prison [avant le procès]. C’était horrible. On dirait que cela avait duré un mois. »
– Mindy, 54 ans, Midlands
« Avant même l’enterrement de mon mari, mon beau-frère préparait le terrain. Il allait de bureau [du gouvernement] en bureau [du gouvernement]. Il essayait de mettre la main sur la retraite de mon époux. Ils [les fonctionnaires] ont dit qu’elle n’était pas prête mais qu’il lui faudrait le certificat de décès de toute façon. Il a obtenu le certificat de décès en prétendant que son frère [mon mari] était veuf... J’ai appris trois semaines après la mort de mon époux que j’étais mise à l’écart. Il a pris ma voiture. J’ai été surprise lorsque cela s’est produit. Nous formions une famille proche. »
–Bethel, 41 ans, Bulawayo
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#Zimbabwe - article @afpfr @ReaganMashavave cite le récent rapport de @hrw @Bethany_L_Brown qui appelle à protéger ces veuves https://t.co/vlCPAreAH1
— HRW en français (@hrw_fr) 29 janvier 2017