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Zimbabwe : Des veuves privées de droits de propriété

La saisie de leurs biens laisse de nombreuses femmes âgées sans ressources

Deux veuves photographiées en octobre 2016 dans une région rurale de l'est du Zimbabwe. Elles subissent une forte pression de la part des familles de leurs maris décédés, qui cherchent à les expulser de leurs domiciles er de leur champs. © 2016 Tendai Msiyazviriyo for Human Rights Watch

(Harare) – Au Zimbabwe, les veuves sont fréquemment expulsées de leurs maisons et dépossédées de leur terrains et biens les familles de leurs maris décédés, a indiqué Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Le gouvernement du Zimbabwe devrait prendre des mesures urgentes pour protéger les veuves contre de telles pratiques.

Le rapport de 53 pages, intitulé « 'You Will Get Nothing':Violations of Property and Inheritance Rights of Widows in Zimbabwe » (« Vous n’obtiendrez rien : Violations des droits de propriété et de succession des veuves au Zimbabwe ») révèle que la belle-famille annonce souvent aux femmes ayant perdu leur mari peu de temps avant que les proches ont l’intention de saisir leur maison et leur terrain ou toute autre propriété sur laquelle le couple vivait depuis plusieurs dizaines d’années. Une veuve a cité les paroles que son beau-frère lui a adressées après l’enterrement de son époux, face à la famille réunie : « Il m’a dit droit dans les yeux : "Tu ne vaux rien et tu n'auras rien. Je prends tout." »



« Les effets de la saisie de propriété sur les veuves sont dévastateurs », a déclaré Bethany Brown, chercheuse auprès de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Les femmes auxquelles on a ôté toute propriété évoquent leur situation de sans-abri, leur dénuement et la perte de leurs moyens de subsistance. »

S’appuyant sur des entretiens menés avec 29 veuves dans les 10 provinces du Zimbabwe entre mai et octobre 2016, ce rapport fait état des faiblesses et des abus des droits humains auxquels sont confrontées les veuves au Zimbabwe.

En 2013, le Zimbabwe a adopté une nouvelle constitution qui prévoit l’égalité des droits pour les femmes, y compris en matière de succession et de propriété. Toutefois, dans la pratique, les lois existantes ne s’appliquent qu’aux veuves ayant contracté un mariage officiellement enregistré. Selon les estimations, la plupart des mariages au Zimbabwe sont menés sous le droit coutumier et ne sont pas enregistrés. Ainsi, dans les faits, ces lois n’accordent aucune protection contre la saisie de propriété par des proches.

De nombreuses veuves expliqué comment elles devaient faire face à des obstacles insurmontables pour défendre leur propriété ou pour prendre des mesures légales afin de la récupérer. Devoir lutter contre des proches tout en faisant le deuil de leur mari et vendre leurs sources de revenu telles que du bétail pour payer les frais judiciaires et les transports ne sont que quelques-uns des défis rencontrés. Une fois au tribunal, les veuves ont déclaré être desservies par l’absence d’enregistrement officiel de leur mariage lorsque celui avait été contracté selon le droit coutumier. Les tribunaux se tournent vers la belle-famille, ceux-là même ayant tout à gagner, pour confirmer le mariage, plaçant les veuves à la merci de la famille de leur époux.



Presque l’ensemble des veuves interrogées pour le rapport ayant réussi à surmonter les tentatives de leur belle-famille de saisir leur propriété avaient bénéficié des services juridiques offerts par des organisations telles que Legal Resources Foundation et Women and Law in Southern Africa Research and Education Trust, Zimbabwe.

Des veuves plus âgées ont décrit le sentiment que la perte de leur maison et des champs dans lesquels elles avaient travaillé avec leur époux était catastrophique, car elles n’avaient nullement le temps ou l’énergie pour reconstruire une vie entière de travail. Nombre d’entre elles ont lutté pour subvenir à leurs propres besoins lorsque leur source principale de revenus, leur terre, leur a été enlevée.

Human Rights Watch a mené ces recherches dans le cadre de son travail visant à répertorier les menaces auxquelles sont exposées les personnes âgées en termes d’abus des droits humains. Avec la croissance rapide des populations âgées dans le monde entier, il est de plus en plus nécessaire de comprendre comment la discrimination, l’âgisme, la négligence et les abus touchent les personnes âgées et les mesures que les gouvernements devraient prendre pour protéger leurs droits. D’après les estimations, d’ici 2050, deux milliards de personnes auront plus de 60 ans, soit un quart de la population mondiale. La majorité d’entre elles seront des femmes. Les veuves rencontrent diverses difficultés dans différents pays et environnements culturels. La saisie de propriété peut être courante en Afrique australe et de nombreuses femmes âgées ont peu d’autres options économiques. Les veuves de tous âges risquent la saisie de propriété et ses graves conséquences nuisibles.

Parmi les personnes interrogées, certaines ont déclaré que leur belle-famille les avait simplement obligées à sortir de leur maison tout de suite après la mort de leur époux. D’autres ont expliqué que leur belle-famille les avait menacées, intimidées physiquement et insultées pour les forcer à partir. Dans certains cas, des proches éloignés des personnes décédées se sont présentés des années plus tard pour saisir la propriété.

Beaucoup de femmes ne savaient pas si elles disposaient d’un droit sur la propriété qu’elles détenaient avec leur époux. D'autres ont affirmé se garder de mettre en danger les rapports avec des membres de leur belle-famille dont elles avaient partagé la vie pendant de nombreuses années, et qui, elles l’espéraient, les soutiendraient, elles et leurs enfants.

D’après le recensement de 2012, le Zimbabwe compte environ 587 000 veuves, et la plupart des femmes de plus de 60 ans sont veuves. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime qu’au moins 70 % des femmes vivant dans des zones rurales sont liées par des mariages coutumiers non enregistrés et vivent selon le droit coutumier.

« Le gouvernement devrait prendre des mesures immédiates pour enregistrer tous les mariages, y compris les mariages coutumiers, réformer ses lois sur le mariage et sensibiliser aux droits fonciers des veuves », a conclu Bethany Brown. « Cela permettrait de protéger, chaque année, des milliers de femmes contre l’injustice des expulsions sommaires hors de leur domicile lorsqu’elles deviennent veuves. »

 

Témoignages extraits des interviews :

« Il [mon beau-frère] a pris tous mes champs et a même labouré ma cour [pour des plantations] jusqu’au seuil de ma porte. Maintenant, il dit que je ne peux pas marcher sur « ses » champs. Il dit que je n’ai rien à faire là. Je l’ai signalé au chef du village, mais il nous a juste dit de vivre en paix. Mon beau-frère est insistant. Peut-être que cela lui fait vraiment plaisir de nous voir souffrir. À mon âge, où pourrais-je aller ? Je ne peux pas recommencer à zéro. »

– Deborah, 58 ans, Mashonaland East

« À l’enterrement de mon beau-frère, quelques années avant le décès de mon mari, ils [ma belle-famille] ont tout pris et ont laissé ma belle-sœur et ses enfants démunis. Je les ai accueillis. Maintenant, ma belle-mère dort dans le lit conjugal de son fils [mon beau-frère], sous les couvertures reçues en cadeau par sa femme et lui. »

– Charity, 49 ans, Mashonaland East

« Je n’ai pas vu le testament mais j’ai découvert qu’il y en avait un au tribunal. Mon beau-frère était l’exécuteur [du testament de mon mari]. Il m’a maltraitée. Tout de suite après [sa mort], j'ai vendu nos biens personnels pour pouvoir me nourrir. Ma belle-famille a vu que je vendais des affaires pour m’acheter à manger. Mon beau-frère m’a fait arrêter [pour avoir vendu des objets sur la propriété]. Je n'ai pas été reconnue coupable par le tribunal. J'ai passé une semaine en prison [avant le procès]. C’était horrible. On dirait que cela avait duré un mois. »

– Mindy, 54 ans, Midlands

« Avant même l’enterrement de mon mari, mon beau-frère préparait le terrain. Il allait de bureau [du gouvernement] en bureau [du gouvernement]. Il essayait de mettre la main sur la retraite de mon époux. Ils [les fonctionnaires] ont dit qu’elle n’était pas prête mais qu’il lui faudrait le certificat de décès de toute façon. Il a obtenu le certificat de décès en prétendant que son frère [mon mari] était veuf... J’ai appris trois semaines après la mort de mon époux que j’étais mise à l’écart. Il a pris ma voiture. J’ai été surprise lorsque cela s’est produit. Nous formions une famille proche. »

–Bethel, 41 ans, Bulawayo

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MaliActu / AFP

 

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