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Nigeria : Une intolérance alarmante à l’égard de voix discordantes

La répression violente de manifestations en 2016 a terni les efforts visant à réformer le secteur de la sécurité

(Abuja) – Des inquiétudes croissantes suscitées par l’intolérance à l’égard de voix discordantes ainsi que par la réponse musclée à des manifestations ont marqué la situation des droits humains au Nigeria en 2016, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2017 (version abrégée en français). Les discours du gouvernement sur la réforme du secteur de la sécurité et sur l’amélioration de la redevabilité incombant aux auteurs d’abus n’ont toujours pas été traduit par des mesures concrètes.

Des femmes réchauffent des aliments dans de grosses marmites dans un camp de personnes déplacées à Dikwa dans l'État de Borno, dans le nord-est du Nigeria, le 2 février 2016. © 2016 Getty Images
 
Dans le sud-est du pays, la police a tué 40 membres pro-Biafra du mouvement séparatiste Peuple indigène du Biafra (IPOB) au cours des manifestations et des processions qui ont eu lieu en février et en mai 2016. Aucun agent de sécurité n’a été poursuivi en justice pour ces meurtres. En décembre 2015, des soldats ont tué 347 membres d’un groupe musulman chiite minoritaire, sous prétexte qu’ils avaient barré la route du cortège du chef de l’armée à Zaria, dans l’État de Kaduna. Des vingtaines d’autres sont morts après que des interdictions ont été prononcées contre le groupe par les gouvernorats de Kaduna et de quatre États du nord, déclenchant des journées d’émeute et de violence policière en octobre et en novembre 2016.
 
« Personne ne devrait être tué simplement pour avoir participé à des manifestations et à des marches pacifiques », a déclaré Mausi Segun, chercheuse senior sur le Nigeria à Human Rights Watch. « Le recours à une force extrême par les forces du gouvernement semble favoriser la transformation d’activités non violentes en affrontements sanglants. »
 
Dans cette 27e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais de 687 pages, version abrégée en français de 247 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction, le Directeur exécutif, Kenneth Roth, explique qu'une nouvelle génération de populistes autoritaires cherche à infirmer le concept d'une protection individuelle basée sur les droits humains, en caractérisant ces droits comme une entrave à la volonté de la majorité. Pour toutes les personnes qui se sentent laissées de côté par l'économie mondialisée et qui craignent de plus en plus d'être exposées à des violences et à des crimes, les organisations de la société civile, les médias et le public ont des rôles essentiels à jouer en réaffirmant la validité des valeurs sur lesquelles les démocraties respectueuses des droits humains ont été édifiées.
 
Le Nigeria est en proie à de graves problèmes en matière de droits humains à plusieurs égards. L’inaction du gouvernement contre les auteurs d’affrontements communautaires violents entre gardiens de troupeaux et fermiers sédentaires a entretenu un cycle décennal de meurtres de représailles. Les forces de l’ordre exploitent et cautionnent les actions de foule violente qui ont suivi l’adoption en janvier 2014 d’une loi interdisant le mariage entre personnes du même sexe. Cette loi criminalise les manifestations de la sexualité lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre.
 
Alors que le conflit contre Boko Haram faisant rage depuis sept ans est sur le déclin au nord-est, une pénurie alimentaire quasi catastrophique touche une grande partie des 2,5 millions de personnes déplacées. Des restrictions sévères de leur circulation ont affecté leur accès aux moyens de subsistance de base, aux soins de santé, à l’éducation et à la protection contre les abus sexuels.
 
Le groupe armé Boko Haram, désormais fracturé, détient des centaines de personnes, dont 197 lycéennes de Chibok et plus de 300 écoliers de Damasak, dans l’État de Borno. Contrairement aux affirmations du gouvernement, le conflit n’est pas terminé. Plus de 550 civils sont morts en 2016 au cours d’attentats-suicide et dans des combats dans toute la région.
 
Pour répondre à une recrudescence des mouvements de revendication dans le delta du Niger, moteur économique du Nigeria, des mesures de sécurité sévères et radicales ont été lancées contre les communautés considérées comme abritant les militants. Des soldats auraient détruit des maisons et des commerces dans trois communautés de l’État de Bayelsa alors qu’ils cherchaient des membres du groupe militant, les « Niger Delta Avengers ».
 
Le Nigeria a démontré son engagement pour la justice en maintenant son soutien à la Cour pénale internationale et a coparrainé avec succès une résolution de l’ONU sur les droits des internautes. Toutefois, les votes du Nigeria à l’ONU concernant les mesures de protection des défenseurs des droits humains et des activistes se sont caractérisés par la même absence de soutien qu’au niveau national. Un projet de loi pour l’établissement d’un organe de régulation des organisations non gouvernementales présenté devant la Chambre nationale des représentants laisse présager une tendance à l’étouffement de la société civile du Nigeria connue pour sa vitalité.
 
« Les dirigeants du Nigeria devraient se préoccuper avant tout d’assurer les droits fondamentaux à leur peuple, première victime du marasme économique du pays », a déclaré Mausi Segun. « Les tentatives de réduction de l’espace laissé à la population pour demander des comptes au gouvernement ne sont d’aucune aide, voire contre-productives. »

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