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Malaisie : La répression contre la liberté d’expression s’intensifie

Outre les activistes et les personnalités politiques, des citoyens ordinaires sont pris pour cibles

(Kuala Lumpur, le 13 octobre 2016) – Les poursuites judiciaires lancées au cours de l’année écoulée en Malaisie contre les discours pacifiques ne visent plus seulement des activistes et des personnalités politiques, mais aussi des citoyens ordinaires actifs sur les réseaux sociaux, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans un nouveau rapport. Les actions du gouvernement signalent une répression toujours plus large contre la liberté d'expression et d’association dans ce pays.

Un cordon policier bloque l’accès à la place Merdeka, dans le centre-ville de Kuala Lumpur, en Malaysie, le 29 août 2015, afin d’empêcher des manifestants de s’y rendre. © 2015 Phil Robertson / Human Rights Watch

Intitulé « Deepening the Culture of Fear: The Criminalization of Peaceful Expression in Malaysia » (« Enraciner la culture de la peur : Criminalisation de l'expression pacifique en Malaisie »), le rapport de 40 pages documente l'utilisation récente, par le gouvernement, de lois trop vagues et à la portée trop vaste pour criminaliser les discours et les rassemblements pacifiques. Depuis la publication, en octobre 2015, du précédent rapport de Human Rights Watch sur la question (intitulé « Créer une culture de la peur »), le gouvernement malaisien a peu fait pour rendre ses législations et pratiques conformes aux normes juridiques internationales. Au contraire, il a laissé entendre qu'il renforcerait les lois limitant liberté d’expression sur les médias sociaux et autres lois violant des droits fondamentaux.

« Criminaliser les discours pacifiques semble s’inscrire dans le cadre d’un effort plus large du gouvernement malaisien pour resserrer l'étau sur tout individu exprimant un mécontentement politique », a déclaré Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités devraient cesser de poursuivre en justice les personnes ayant formulé des critiques ou fait des déclarations considérées comme insultantes et amender d'urgence sa législation pour respecter les normes internationales de la libre expression ».

Le gouvernement a notamment cherché à sanctionner les individus ayant critiqué l'administration du Premier ministre Najib Razak, et discuté l'énorme scandale de corruption impliquant la compagnie 1Malaysia Development Berhad (1MDB), contrôlée par l’Etat malaisien, ou encore posté sur les réseaux sociaux des commentaires jugés « offensants » pour Najib ou le royaume de Malaisie. Le gouvernement a tenté de décourager les citoyens d’organiser des assemblées publiques et des manifestations en s’appuyant sur un texte excessivement restrictif, la Loi sur les rassemblements pacifiques. Le gouvernement s’est également efforcé de dissimuler des informations controversées à l’opinion publique, comme l’atteste son recours à la loi sur les secrets officiels pour empêcher les rapports sur le scandale 1MDB de filtrer.

Parmi les cas documentés par Human Rights Watch dans son rapport, figure celui de l'artiste Fahmi Reza, sur lequel pèsent deux accusations criminelles pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux un portrait de Najib fardé en clown. En juin 2016, un tribunal avait condamné Mohammed Amirul Azwan Mohammad Shakri, âgé de 19 ans, à un an de prison en vertu de la Loi sur les communications et les multimédia après qu’il a plaidé coupable pour avoir « insulté » le sultan de Johor sur les réseaux sociaux. Lorsqu’il a fait appel de sa condamnation jugée trop sévère, le tribunal a ordonné son placement dans un établissement de redressement jusqu'à 21 ans révolus, soit une peine de près de deux ans.

Beaucoup de ces cas mettent à jour ceux du rapport de Human Rights Watch en date d’octobre 2015. Par exemple, le gouvernement a accéléré les poursuites ouvertes contre six accusés en vertu de la Loi sur la sédition pour des discours prononcés lors d'un forum en mai 2013 afin de protester contre les résultats de l'élection générale de 2013. Cinq d’entre eux ont été reconnues coupables jusqu'à présent et condamnées. Dans chaque cas, le parquet a requis des peines de prison importantes. Dans l’affaire la plus récente, Tian Chua, le vice-président de l'opposition du parti Keadilan Rakyat (PKR), a été reconnu coupable et condamné à trois mois de prison et à une amende de de 1,800 dollars malaisiens (soit 433 dollars US).

Au cours de l'année écoulée, le gouvernement malaisien a également utilisé la Loi sur les secrets officiels, obsolète et draconienne, pour empêcher le rapport de la vérificatrice générale sur le scandale 1MDB – une question d’intérêt public en Malaisie – d’être publié, et poursuivre un membre de l'opposition parlementaire qui aurait divulgué des informations à ce sujet. Face à de nouvelles fuites, le gouvernement a également menacé d'augmenter les peines en vertu de la Loi sur les secrets officiels jusqu’à la prison à vie.

Human Rights Watch a réitéré son appel auprès du gouvernement malaisien pour qu’il d'utiliser les lois pénales contre les discours et manifestations pacifiques et rende ses lois et politiques conformes au droit et aux normes internationales des droits de l'homme pour la protection de la liberté d'expression et de réunion.

 « Les revers politiques subis par le Premier ministre Najib semblent avoir intensifié l’intolérance du gouvernement à l’égard de tout discours critique », a déclaré Phil Robertson. « L'avenir de la Malaisie en tant qu’État de droit ne doit pas dépendre de sa capacité à défendre la réputation du gouvernement Najib. »

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