Skip to main content

Mexique : L'obtention de l'asile s'avère difficile pour les enfants migrants

Les demandeurs d'asile en provenance d'Amérique centrale se heurtent à d'importants obstacles

Un jeune garçon salvadorien, âgé de douze ans, photographié dans le bureau local de l’Institut national de l’immigration à Comitán (État de Chiapas), dans le sud du Mexique, le 19 août 2010, peu avant son expulsion vers le Salvador.  © 2010 José Cabezas / AFP / Getty Images

Mexico – Les enfants d'Amérique centrale qui ont fui leur pays en raison de graves menaces se heurtent à d'imposants obstacles lorsqu'ils demandent l'asile au Mexique, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Ce rapport de 163 pages, intitulé « Closed Doors: Mexico’s Failure to Protect Central American Refugee and Migrant Children » (« Portes fermées: le Mexique faillit à sa responsabilité de protéger les enfants réfugiés et migrants en provenance d'Amérique centrale »), documente l'existence d'un vaste décalage entre la loi et la pratique au Mexique. La loi du Mexique prévoit que le pays offre sa protection aux personnes dont la vie ou la sécurité seraient menacées si elles étaient renvoyées dans leur pays d'origine. Mais moins de 1 % des enfants qui sont appréhendés par les autorités mexicaines d'immigration se voient reconnaître le statut de réfugié, selon les données du gouvernement mexicain.

« Sur le papier, la loi mexicaine semble fournir toutes les protections nécessaires aux enfants qui ont fui leur pays par crainte pour leur vie », a déclaré Michael Bochenek, conseiller juridique senior auprès de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Mais en réalité, seulement une poignée d'entre eux se voient accorder l'asile, illustrant le fait que même si les enfants et les adultes venus d'Amérique centrale font face à de graves menaces, le gouvernement mexicain ne prend pas suffisamment en considération leurs demandes. »

Sur le papier, la loi mexicaine semble fournir toutes les protections nécessaires aux enfants qui ont fui leur pays par crainte pour leur vie
Michael Bochenek

conseiller juridique senior auprès de la division Droits des enfants

Human Rights Watch a interrogé 61 enfants et plus de 100 adultes qui étaient arrivés au Mexique en provenance du Salvador, du Guatemala et du Honduras. Human Rights Watch a également interrogé des responsables gouvernementaux mexicains; des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR); et des représentants d'organisations non gouvernementales; et a examiné des documents et des données concernant des dossiers de demandes d'asile rassemblés par les agences mexicaines chargées de l'immigration et de la protection des réfugiés.

Ces constatations surviennent à un moment où le nombre d'enfants sans papiers appréhendés par les autorités mexicaines connaît une augmentation rapide. Les autorités mexicaines de l'immigration ont appréhendé plus de 35 000 enfants en 2015, soit près de 55% de plus qu'en 2014 et 270% de plus qu'en 2013.

Ces augmentations sont pour une part la conséquence d'une hausse du soutien financier apporté par le gouvernement américain au Mexique afin qu'il contrôle plus strictement l'immigration à partir du milieu de l'année 2014, époque où des ressortissants d'Amérique centrale en nombres record, y compris des enfants non accompagnés et des familles avec des enfants, ont commencé à arriver aux États-Unis.

La violence des bandes organisées sont un fléau depuis plus de dix ans dans les trois pays du « Triangle du Nord » d'Amérique centrale - Salvador, Guatemala et Honduras - et les bandes organisées dans ces trois pays ciblent souvent les enfants.

De nombreux enfants interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir subi des pressions pour qu'ils rejoignent des bandes organisées, souvent sous forme de menaces de violences ou de mort adressées à eux-mêmes ou à des membres de leur famille. Les filles sont particulièrement exposées au risque de violence et d'agression sexuelle par des membres de ces bandes. D'autres enfants ont raconté avoir été séquestrés dans le but d'obtenir une rançon ou victimes d'extorsion de fonds.

Gabriel R., un garçon de 15 ans originaire du département de Cortés au Honduras, a déclaré à Human Rights Watch: « J'étais écolier, en classe de 3ème. Un jour, la bande m'a abordé près de mon école. Il m'ont dit que je devais rejoindre le groupe. Ils m'ont donné trois jours. Si je ne les rejoignais pas, ils me tueraient. » Il est parti tout seul pour le Mexique en mai 2015, avant l'expiration de ce délai de trois jours.

Mais Human Rights Watch a constaté que lorsque ces enfants fuient au Mexique, souvent les agents de l'immigration de ce pays ne les informent pas de leur droit de demander l'asile et n'étudient pas leur cas afin de déterminer s'ils sont fondés, ou non, à solliciter le statut de réfugié.

Les enfants qui effectuent une demande d'asile n'ont pas la garantie de recevoir une assistance - juridique ou autre - à moins qu'ils ne soient assez chanceux pour être représentés par une des rares organisations non gouvernementales qui assistent juridiquement les demandeurs d'asile. Les procédures d'octroi de l'asile n'ont pas été conçues pour les enfants et sont souvent pour eux une source de confusion.

Les enfants qui souhaitent faire une demande d'asile se heurtent également à la menace d'une longue garde à vue. Plusieurs enfants ont affirmé à Human Rights Watch que les agents de l'immigration les avaient avertis que le simple fait de déposer une demande d'asile leur vaudrait une détention prolongée. Human Rights Watch s'est aussi entretenu avec plusieurs enfants et parents qui avaient décidé de ne pas effectuer une telle demande ou l'avaient retirée après l'avoir déposée, acceptant l'idée d'un renvoi dans leur pays d'origine en dépit des risques que cela comporte, parce qu'ils ne voulaient pas rester en garde à vue.

La loi mexicaine prévoit que les enfants non accompagnés soient remis aux bons soins du système de protection de l'enfance du Mexique et qu'ils ne soient placés en garde à vue que dans des circonstances exceptionnelles. Néanmoins, le placement en garde à vue des enfants migrants est monnaie courante.

Même les enfants qui sont assez chanceux pour parvenir dans des refuges administrés par l'agence nationale de protection de l'enfance sont soumis à une forme de détention. Ils ne fréquentent pas les écoles locales et ont peu de contacts avec la communauté. À moins qu'ils n'aient besoin de soins médicaux spéciaux, ils restent confinés entre les quatre murs du refuge pendant toute la durée de leur séjour.

Selon les normes internationales, les enfants ne devraient pas être placés en garde à vue dans le but de limiter les flux d'immigration; au contraire, les pays devraient « mettre fin rapidement et complètement aux mises en garde à vue d'enfants sur la base de leur statut migratoire », comme l'a affirmé le Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Le Mexique a l'obligation de fournir à ces enfants des soins et une protection appropriée dans des lieux convenables.

Le Mexique a le droit de contrôler ses frontières, mais les enfants migrants ne devraient pas être placés en garde à vue. Le Mexique peut fournir un traitement et une protection appropriés aux enfants non accompagnés et séparés de leurs familles de diverses manières, en les plaçant soit dans des familles mexicaines soit dans des institutions d'État ou privées. Même si certains d'entre eux doivent peut-être être maintenus dans des lieux clos, enfermer des enfants dans des conditions qui s'apparentent à un emprisonnement n'est pas conforme aux normes internationales, a déclaré Human Rights Watch.

Le Mexique devrait s'assurer que les enfants aient véritablement accès aux procédures d'octroi du statut de réfugié, y compris à une assistance juridique ou autre. Le gouvernement devrait également augmenter la capacité de son agence chargée des réfugiés, y compris en établissant sa présence de l'autre côté de sa frontière sud.

Le gouvernement américain, qui a fait pression sur le Mexique pour qu'il barre la route aux ressortissants d'Amérique centrale, devrait fournir davantage de financement et de soutien afin d'améliorer et augmenter la capacité du Mexique à traiter les demandes d'asile et d'apporter une aide sociale aux demandeurs d'asile et aux réfugiés. Le gouvernement américain devrait conditionner le financement des organes mexicains chargés du contrôle des frontières et de l'immigration à leur respect des normes nationales et internationales en matière de droits humains.

Le gouvernement américain devrait également élargir son Programme d'assistance aux réfugiés mineurs d'Amérique centrale (Central American Minors Program), afin de permettre aux enfants d'effectuer une demande d'asile à partir du Mexique ou d'autres pays dans lesquels ils ont cherché à se mettre en sécurité, et d'autoriser les demandes basées sur l'existence d'un lien familial avec des membres de la famille au sens large - pas seulement les parents de l'enfant - se trouvant déjà aux États-Unis.

« Placer des enfants dans une situation où ils croient devoir choisir entre passer des mois en garde à vue et être renvoyés dans un pays où ils seront en danger constitue une violation des normes de la décence élémentaire, ainsi que des lois mexicaine et internationale », a affirmé Michael Bochenek. « Les gouvernements du Mexique et des États-Unis devraient tous les deux s'efforcer de fournir une assistance appropriée et une possibilité raisonnable de déposer une demande de protection aux enfants qui ont fui des dangers en Amérique centrale. »

----------------

Tweets (2020)

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.