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Au cours des deux dernières semaines, j'ai rendu visite à trois reprises à mon ami Bob Rugurika en prison au Burundi. Quand je l'ai vu pour la première fois, le 21 janvier, à la prison de Mpimba dans la capitale, Bujumbura, il m'a serré dans ses bras et m'a dit en plaisantant: « C’est dangereux de rendre visite à un assassin ! »

Jeune journaliste et directeur de la Radio publique africaine (RPA), une station très écoutée au Burundi, Bob Rugurika est d'ordinaire l'une des premières personnes que les analystes contactent pour recueillir le point de vue des médias sur les derniers événements dans ce pays.

Bob Rugurika a été arrêté le 20 janvier, quelques jours après que sa station de radio eut diffusé une série de reportages d’investigation sur le meurtre en septembre 2014 de trois religieuses italiennes au Burundi. L'un de ces reportages comportait un entretien avec un homme qui affirmait avoir participé aux meurtres et qui impliquait de hauts responsables des services de renseignement et de sécurité burundais dans ce crime.

Bob Rugurika a été inculpé de complicité d'assassinat, violation du secret de l'instruction, recel d'un criminel et manquement à la solidarité publique. Les autorités judiciaires n'ont produit aucun élément de preuve démontrant que son maintien en détention était nécessaire pour les besoins de l'enquête sur ces accusations, qui semblent absurdes. Hier, dans une décision décevante, la chambre de conseil du Tribunal de Grande Instance en mairie de Bujumbura a décidé que Bob Rugurika devrait rester en prison jusqu'à l'ouverture de son procès. J'ai eu un choc lorsque j'ai lu Ies raisons invoquées par le tribunal pour justifier cette décision: « conserver les preuves et éviter une concertation frauduleuse entre inculpés afin de permettre la bonne fin de l'instruction ».

Cette décision pourrait être considérée comme comique, sauf que Bob Rugurika est toujours sous les verrous et risque une lourde condamnation. Son incarcération semble constituer une tentative flagrante de réduire les médias au silence, alors que le Burundi va entrer dans une période de fortes tensions à l'approche des élections qui débuteront en mai. Emprisonner l'un des journalistes les plus populaires du pays permet de faire d'une pierre deux coups: réduire au silence Bob Rugurika et intimider les autres journalistes. Les progrès précieux en matière de démocratie réalisés par le Burundi risquent toutefois d'être compromis par cette offensive contre la presse.

Deux jours après son arrestation, les autorités ont transféré Bob Rugurika à la prison de Muramvya, à une trentaine de kilomètres de Bujumbura, décision très largement perçue comme étant une tentative flagrante de l'intimider et de lui donner l’impression d'être isolé. Mais cela a échoué. Les visiteurs ont afflué, y compris des diplomates de haut rang tels que les ambassadeurs de l'Union européenne, de France et de Belgique.

Bob Rugurika a conservé son sens de l'humour et avait bon moral lors de ma dernière visite. Il m'a fait part de sa confiance dans la probabilité que les fortes pressions au niveau international – les alertes lancées par les organisations internationales de défense des droits humains, les appels des parlementaires belges, les demandes pour sa libération de la part de l'Union européenne entre autres – lui assureraient sa remise en liberté. J'ai partagé sa confiance, et j'ai donc du mal à imaginer la déception qu'il a dû ressentir hier. Mais Bob m'a affirmé que même s'il était maintenu en détention, il ne craquerait pas: « C'est justement ce qu'ils
veulent!
», a-t-il dit. « Je faisais mon travail de journaliste et ils m'ont arrêté. Si j'accepte ma culpabilité, alors autant abandonner mon métier. Si je ne suis pas journaliste, je ne suis rien et ils auront gagné. » 

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