(Jérusalem, le 3 août 2014) - Des soldats israéliens ont tué illégalement deux hommes qui avaient participé le 25 juillet à une manifestation tenue en Cisjordanie pour protester contre l'opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, selon les éléments de preuves recueillis par Human Rights Watch. Des rapports médicaux officiels et des sources médicales ont indiqué que les deux hommes sont décédés de blessures causées par des tirs à balles réelles.
Un troisième homme qui avait participé à la manifestation semble aussi avoir été tué illégalement. Depuis le début de l'offensive israélienne à Gaza le 7 juillet, les forces israéliennes ont tué 13 Palestiniens en Cisjordanie, selon les chiffres avancés par des organisations de défense des droits humains.
« L'armée israélienne est responsable non seulement d’homicides illégaux – imprudents ou délibérés - dans la bande de Gaza, mais aussi de tirs ayant illégalement tué des manifestants palestiniens en Cisjordanie », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Compte tenu de l’impunité généralisée dont bénéficient depuis longtemps les forces armées israéliennes, d’autres homicides illégaux sont à craindre si les alliés d'Israël s’abstiennent d’exercer une pression importante pour y mettre fin. »
Certaines infractions commises par les forces israéliennes en Cisjordanie sont susceptibles de faire l'objet de poursuites en tant que crimes de guerre.
Au début de l'après-midi du 25 juillet, des centaines d'habitants de Beit Ommar, en Cisjordanie, ont participé à une manifestation contre l'offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza. Les forces israéliennes ont tiré sur Hashem Abu Maria, qui avait participé pacifiquement à cette manifestation avant qu’elle ne soit dispersée, vers 14 heures, Abu Maria, qui était marié et père de trois enfants, travaillait pour Defence for Children International – Palestine (DCI-Palestine), la section palestinienne d’une organisation internationale de défense des droits des enfants. Il n'avait pas jeté de pierres lors de la manifestation, selon des témoins, et se trouvait au moins à cinq mètres des autres personnes quand il a été abattu.
Les forces israéliennes ont tiré sur deux autres hommes, Sultan Za'aqiq et Abd al-Hamid al-Brigheith, environ 20 minutes plus tard, selon des témoins. Les deux hommes se trouvaient alors avec un groupe d'environ 30 à 40 hommes et garçons derrière une maison dans une ruelle située à environ 40 mètres de l'endroit où Abu Maria a été tué. Les forces israéliennes avançaient vers le groupe quand certains membres de celui-ci ont commencé à lancer des pierres, selon des témoins.
Vers 14h20, un soldat israélien embusqué sur un toit à environ 60 mètres de là a tiré sur Za'aqiq, un père de deux enfants âgé de 30 ans, le touchant à la poitrine, selon des témoins. Deux garçons âgés de 15 ans et 13 ans, qui se trouvaient dans une maison voisine et ont assisté la scène, ont indiqué que Za'aqiq avait lancé des pierres vers les forces israéliennes, « à la main, pas avec une fronde », selon l'un des deux garçons. Dans ces circonstances, il semble très peu probable que Za'aqiq représentait une menace de mort imminente pour les forces israéliennes.
Immédiatement après le tir contre Sultan Za'aqiq, un autre homme, Abd al-Hamid al-Brigheith, 36 ans, a couru vers lui pour lui porter secours. Les forces israéliennes ont tiré sur lui, le touchant à l'abdomen et à une jambe. Selon les témoins interrogés par Human Rights Watch, al-Brigheith n'avait pas précédemment lancé de pierres.
Des sources médicales à l'hôpital al-Ahli ont confirmé que les deux hommes sont par la suite décédés de leurs blessures par balles.
Entre 2005 et le début de l’année 2013, l’organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem a documenté au moins 46 cas lors desquels les forces israéliennes ont tué des Palestiniens en Cisjordanie, « en tirant à balles réelles sur des personnes qui lançaient des pierres ». Depuis septembre 2000, selon B'Tselem, les forces israéliennes ont tué en Cisjordanie et dans la bande de Gaza plus de 3 000 Palestiniens qui ne participaient pas à des affrontements. Néanmoins, selon Yesh Din, une autre organisation israélienne de défense des droits humains, les autoritaires judicaires militaires d’Israël n’ont condamné que six soldats pour avoir tué illégalement des Palestiniens ; la plus longue peine de prison prononcée était une peine de sept mois et demi.
Le 25 juillet, le ministre de la Justice et le Procureur général de l’Autorité palestinienne ont soumis une requête à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), lui enjoignant d’enquêter sur les crimes graves qui auraient été commis en Palestine depuis 2002. Toutefois cette requête est basée sur une déclaration de 2009 dans laquelle l’Autorité palestinienne reconnaissait la compétence de la CPI, mais que le Bureau du procureur de la CPI avait jugée « juridiquement non valide ». La Palestine n'a pas encore ratifié le Statut de Rome de la CPI ou déposé formellement une nouvelle déclaration reconnaissant la compétence de la CPI, initiative que recommande Human Rights Watch.
Communiqué intégral en anglais : www.hrw.org/node/127830