Il y a à peine un mois, il semblait que les troupes africaines de maintien de la paix déployées à Bossangoa, en République centrafricaine, se contentaient de gagner de l'argent en vendant de la bière glacée à la population locale. Mais aujourd'hui, ces mêmes troupes se sont courageusement portées au secours de civils qui se sont trouvés pris au milieu d'une bataille intense pour le contrôle de cette ville, située à 300 kilomètres au nord de la capitale, Bangui. La journée a démarré dans un climat de tension, après l'annonce que de violents affrontements se déroulaient à Bangui entre les forces ex-Séléka majoritairement musulmanes, qui dirigent le pays depuis mars dernier, et les milices à majorité chrétienne anti-balaka (« anti-machette») qui cherchent à les renverser. Des dizaines de personnes ont été tuées. La nouvelle s'est rapidement répandue que l'ancien commandant de la Séléka à Bossangoa, le général Yaya, était au nombre des victimes des combats de Bangui.
La tension était palpable.
Les affrontements ont commencé à Bossangoa vers 14h00. Nous étions dans le quartier musulman, occupés à porter secours à un blessé ayant survécu à un massacre lorsque sont arrivés de nombreux véhicules transportant des combattants de l'ex-Séléka lourdement armés, prêts à se battre. En même temps que des centaines de civils, nous nous sommes précipités vers la base de la Force multilatérale d'Afrique centrale(FOMAC), qui pouvait offrir une sécurité relative. Contrairement à l'habitude, les soldats du maintien de la paix avaient laissé les portes de la base ouvertes. Trop souvent dans le passé, les troupes africaines et onusiennes de maintien de la paix ont fait très peu d'efforts, sinon pas d'efforts du tout, pour protéger les civils des environs des attaques par des groupes armés, fermant les portes de leurs bases et abandonnant les civils à leur sort quand les balles commençaient à siffler.
Le capitaine Wilson dans la base de la FOMAC © 2013 Marcus Bleasdale/VII pour Human Rights Watch
Alors que les combats s'intensifiaient, le commandant de la FOMAC, le capitaine Wilson de la République du Congo, a mobilisé ses troupes avec un sens de l'urgence et un courage remarquables, les déployant à travers la ville pour protéger les dizaines de milliers de personnes déplacées qui étaient réfugiées dans l'église catholique ou dans d'autres sites.
Quand je l'ai informé de la situation de la plupart des travailleurs humanitaires qui se trouvaient bloqués à l'intérieur d'une enceinte sur la ligne de front des combats, il a ordonné sans hésitation à ses troupes de se rendre sur place, parvenant à faire évacuer les travailleurs juste à temps.
Pendant des heures, les soldats de la FOMAC, déployés au milieu de violents combats, se sont activés pour maintenir une distance entre les belligérants et les civils vulnérables. Alors que la ville tombait aux mains des combattants anti-balaka, le capitaine Wilson a ordonné à ses hommes de boucler le quartier musulman, afin d'éviter des meurtres de représailles de la part de milices chrétiennes. Un des soldats de la paix de la FOMAC a été grièvement blessé à la poitrine durant les combats.
Étant donné que des combats se déroulent dans de nombreuses régions de la République centrafricaine, les dangers auxquels est confrontée la population civile ne peuvent qu'augmenter. Demain, malheureusement, nous compterons les victimes des violents affrontements d'aujourd'hui.
Mais l'attitude courageuse du capitaine Wilson et de ses soldats de la paix africains nous donne l'espoir que leurs efforts – dans le contexte élargi d'une mission de maintien de la paix des Nations Unies – peuvent effectivement protéger la population civile.