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RD Congo: If faut donner suite au rapport du Projet Mapping de l’ONU

Une chambre mixte et d'autres mesures sont essentielles pour mettre fin à l'impunité relative aux crimes commis

Introduction

I. Créer une chambre mixte pour le Congo : pourquoi, selon quel modèle et comment ?

II. Le rôle de l'Union africaine

III. Autres mesures pour s'attaquer aux crimes graves commis en RDC

 

Introduction

Le 1er octobre 2010, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (HCDH) a publié un rapport détaillé sur l'exercice de mapping (accumulation d'informations région par région, replacées dans leur contexte historique) (« rapport du projet mapping de l'ONU ») identifiant des violations graves des droits humains qui se sont produites en République démocratique du Congo (RDC) entre 1993 et 2003. C'est la première fois que ces crimes, perpétrés par une série  d'acteurs divers, sont analysés en profondeur, compilés et organisés méthodiquement dans un rapport officiel des Nations Unies (ONU). Ce rapport constitue un puissant rappel de la gravité des crimes commis au Congo et de l'absence choquante de justice. S'il est suivi d'une action forte menée aux niveaux national et international, il pourrait contribuer de façon cruciale à mettre un terme à l'impunité et à rompre le cercle vicieux de violence au Congo et, plus généralement, dans la région des Grands Lacs.

Comme exposé dans le rapport du projet mapping de l'ONU, l'est du Congo au cours d'années de violence, a été le théâtre d'effroyables exactions perpétrées à l'encontre des civils, notamment des massacres, des actes de torture et  des violences sexuelles, ainsi que le recrutement forcé et l'utilisation d'enfants soldats. La culture omniprésente de l'impunité a contribué à des cycles répétés de violence, dans le cadre desquels les civils ont systématiquement été pris pour cible par toutes les parties aux conflits successifs, en violation du droit international humanitaire et des droits humains. Les viols commis en masse début août 2010 sur 300 civils à Walikale, dans l'est du Congo, ne constituent que la toute dernière et horrible illustration des souffrances que continuent d'endurer les civils congolais.

L'impunité pour les crimes internationaux graves a été l'un des principaux obstacles à la paix et à la stabilité en RDC et dans la région des Grands Lacs.[1] L'absence d'enquêtes et de poursuites judiciaires à l'encontre des auteurs d'exactions graves perpétrées sur des civils a crée la perception que ces crimes seront tolérés. Les dirigeants de groupes rebelles, dont les troupes ont commis des atrocités, sont souvent récompensés par l'attribution de postes de haut niveau au sein de l'armée congolaise, encourageant de ce fait de nouveaux groupes rebelles à prendre leur essor. Une fois intégrés dans les rangs de l'armée nationale, ces anciens dirigeants rebelles perpétuent souvent leur comportement passé en commettant de nouvelles atrocités. 

Le rapport du projet mapping de l'ONU souligne que la lutte contre l'impunité est indispensable afin de mettre un terme au cycle de violence. Le rapport analyse la capacité du système de justice congolais à juger les crimes décrits et estime qu'en dépit des récentes réformes judiciaires entreprises par le gouvernement avec le soutien de bailleurs de fonds internationaux, le système judiciaire congolais n'a pas la capacité, à court ou moyen terme, de relever les défis que pose la répression des crimes commis dans le passé et visés par le droit international. Le rapport du projet mapping énonce dès lors une palette d'options judiciaires possibles[2] pour s'attaquer aux crimes qu'il répertorie.

Le mandat de l'équipe de l'ONU chargée de l'exercice de mapping ne comprenait pas la formulation de recommandations spécifiques en matière de lutte contre l'impunité. Par conséquent, le rapport détaille objectivement les avantages et inconvénients d'une gamme d'options diverses, considérant ainsi le rôle que pourrait jouer la Cour pénale internationale (CPI),[3] le rôle d'États tiers en vertu de l'application du principe de compétence universelle, la mise sur pied d'un tribunal international, la création d'un tribunal hybride indépendant du système judiciaire congolais, et enfin, la mise en place d'une chambre mixte spéciale au sein du système judiciaire congolais. Le rapport témoigne d'une forte préférence pour la création d'un modèle hybride-composé de personnel national et international-chargé de rendre la justice pour les victimes des violations graves décrites dans le rapport, compte tenu du manque de capacités du système judiciaire national au Congo et des nombreux facteurs qui constituent une entrave à l'indépendance judiciaire dans ce pays.[4]

D'autres, dont le Rapporteur spécial de l'ONU sur l'indépendance des juges et des avocats[5], les sept procédures thématiques de l'ONU sur l'assistance technique au Gouvernement de la RDC,[6] de nombreuses organisations de la société civile congolaise, ainsi que Human Rights Watch,[7] soutiennent l'idée d'un modèle analogue, proposant l'établissement d'une « chambre mixte » - une institution nationale intégrée dans le système judiciaire congolais avec la participation temporaire de personnel international - au Congo.

Dans ses premiers commentaires écrits formulés en réponse au rapport du projet de mapping de l'ONU,[8]  le gouvernement congolais va partiellement dans le sens de cette option, proposant de créer une « chambre spécialisée » dans le cadre du système judiciaire congolais, compétente pour connaître des crimes les plus graves commis au Congo, entre autres ceux répertoriés dans le rapport du projet mapping.

Human Rights Watch salue l'engagement exprimé par le gouvernement congolais à rendre la justice pour les crimes graves perpétrés sur son territoire. La création d'une chambre spécialisée se consacrant à mener des enquêtes et à engager des poursuites pour ces crimes complexes d'une nature extrêmement sensible constitue un important pas en avant. Néanmoins, afin que pareille chambre puisse jouir d'un maximum de crédibilité, d'indépendance judiciaire et d'expertise, et pour qu'elle ait véritablement la capacité  de juger les individus portant la plus grande part de responsabilité dans ces crimes, congolais et non congolais,  Human Rights Watch recommande vivement que cette chambre spécialisée comprenne en son sein, à titre temporaire, du personnel international. Il pourrait notamment s'agir d'autres juges et procureurs africains disposant d'une expérience en la matière.

Dans le présent document, s'appuyant sur sa vaste expérience des mécanismes judiciaires internationaux et internationalisés, Human Rights Watch fournit quelques pistes initiales concernant la création, le mandat et le fonctionnement d'une « chambre mixte » pour le Congo. Nous formulons également quelques commentaires succincts à propos d'autres mécanismes de lutte contre l'impunité proposés dans le rapport du projet mapping de l'ONU.   

I. Créer une chambre mixte pour le Congo : pourquoi, selon quel modèle et comment ?

La chambre mixte proposée pour le Congo serait en grande partie calquée sur le modèle de la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie mise en place début 2005 au sein de la Cour d'État de Bosnie.[9] Il s'agirait d'une institution nationale intégrée dans le système judiciaire congolais et appliquant les lois et procédures congolaises, mais disposant de ses propres magistrats, de son propre parquet, de son propre greffe, et de ses propres bureaux des victimes et de la défense. Elle jugerait exclusivement les crimes de guerre passés et présents-y compris la vague actuelle de viols commis dans l'est du pays-, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide, et inclurait temporairement du personnel non congolais.

 Ce modèle diffère du modèle de « tribunal hybride » établi par exemple en Sierra Leone, lequel était un tribunal international créé dans le cadre d'un accord avec les Nations Unies et opérant selon son propre statut et son propre règlement, mais situé en Sierra Leone et employant du personnel sierra-léonais.

A. Arguments en faveur d'une chambre mixte

Comme souligné dans le rapport du projet mapping de l'ONU, il est peu probable que le gouvernement congolais ou la communauté internationale se montrent enclin à mettre en place un véritable tribunal international pour le Congo, sur le modèle du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ou du Tribunal pénal international pour le Rwanda.[10]

Outre le fait d'être beaucoup moins onéreuse et plus rapide à mettre en place qu'un tribunal international, une chambre mixte établie au sein du système judiciaire national en RDC serait conforme au principe selon lequel c'est aux États qu'il incombe au premier chef de réprimer les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide perpétrés sur leur territoire. Créée par les autorités congolaises et intégrée dans le système judiciaire national, la chambre mixte présenterait un fort caractère national qui faciliterait son appropriation par les autorités et la population. Elle pourrait également profiter au système judiciaire congolais à plus longue échéance grâce à un renforcement des capacités et s'inscrirait donc dans la droite ligne des efforts internationaux actuels visant à renforcer l'État de droit en RDC.  

L'inclusion officielle d'experts non congolais, qui est l'essence de cette proposition de « chambre mixte », s'avère nécessaire, comme expliqué plus loin, en raison de l'extrême complexité des crimes concernés et de la faiblesse structurelle actuelle du système judiciaire congolais.

Actuellement, les tribunaux militaires congolais sont compétents pour juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide, même si ces crimes ne sont pas clairement définis dans le code pénal militaire actuel.[11] Le projet de loi visant à mettre en œuvre le Statut de Rome de la CPI dans le droit national congolais n'a pas encore été adopté par le parlement congolais mais une fois ce texte approuvé, ces crimes relèveront alors de la compétence des tribunaux civils.

Juger ce type de crimes s'avère complexe pour un certain nombre de raisons. Les auteurs peuvent être des individus qui ont occupé ou occupent encore des postes élevés et ont du pouvoir. Poursuivre des individus qui pourraient avoir ordonné le crime plutôt que de l'avoir commis en personne ou qui sont responsables en vertu de leur responsabilité de commandement est une tâche ardue. En effet, l'expérience internationale montre qu'il faut une expérience considérable en matière d'enquêtes et de stratégie de poursuites pour prouver le lien entre les actes commis sur le terrain et les ordres ou l'assentiment émanant des supérieurs. La participation d'experts internationaux qui ont des compétences particulières en gestion d'enquêtes, de poursuites et de procès criminels complexes peut dès lors se révéler capitale dans les juridictions, tel le Congo, où l'exposition à ce type d'affaires et l'expérience qu'elles exigent sont plus limitées au niveau national. Tout aussi cruciales sont la capacité d'organiser des procédures judiciaires qui apportent des garanties en matière de procès équitable, sans ingérence politique, ainsi que la capacité de protéger les témoins et le personnel judiciaire.

Bien qu'au cours des dernières années, les tribunaux militaires congolais se soient montrés extrêmement novateurs en appliquant le Statut de Rome et bien qu'ils aient jugé d'importantes affaires qui ont créé des précédents, l'appareil de justice militaire n'en demeure pas moins une institution présentant des faiblesses. À ce jour, presque toutes les poursuites se sont concentrées sur des accusés de rang intermédiaire ou inférieur ; très rares ont été les actions intentées contre de hauts responsables de l'armée et du gouvernement. Les systèmes judiciaires civils et militaires manquent cruellement de moyens et sont rongés par l'ingérence politique. Une sérieuse réforme judiciaire et un environnement politique favorable s'avèrent indispensables pour s'attaquer à ces problèmes ; ce processus pourrait prendre des années.

La mise en place d'une chambre mixte au sein du système judiciaire congolais avec le soutien d'experts judiciaires internationaux pourrait procurer au système judiciaire national l'élan dont il a besoin pour s'attaquer à l'impunité endémique dont bénéficient les auteurs des crimes les plus graves. Comme expliqué plus loin, la participation d'experts internationaux ayant l'expérience de dossiers complexes serait temporaire et se focaliserait sur le soutien à apporter pendant une phase de transition tandis que l'appareil judiciaire congolais passe par une période de réforme.

B. Quelques aspects pratiques liés à la création d'une chambre mixte

1. Base juridique

En ce qui concerne la façon dont la chambre pourrait être créée, plusieurs options sont possibles. Concrètement, la chambre pourrait être établie soit par la promulgation d'une loi congolaise, soit par un traité officiel entre le gouvernement congolais et les Nations Unies. Nous analysons brièvement ces deux options ci-après.

Une loi nationale

Afin que la chambre mixte soit véritablement intégrée dans le système judiciaire congolais, il faudrait l'établir en adoptant une loi nationale, comme ce fut le cas pour la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie. L'article 149 de la Constitution congolaise prévoit la création de juridictions spécialisées.[12] Cette nouvelle loi préciserait la composition ainsi que les activités de la chambre mixte et elle définirait notamment la participation des experts internationaux. Afin d'avoir le plus grand impact possible sur le système judiciaire congolais, la chambre devrait opérer conformément aux lois et procédures pénales congolaises. À cet égard, il est capital que soit adopté le projet de loi visant à incorporer dans la législation nationale les crimes relevant de la CPI et à doter le système judiciaire civil de la compétence de juger ces crimes.

La loi instituant la chambre mixte pourrait être intégrée au projet de loi actuel de mise en œuvre du Statut de la CPI qui n'a pas encore été adopté par le parlement (exigeant dès lors uniquement l'adoption d'une seule loi) ou elle pourrait constituer une loi séparée. Avant la conférence de révision de la CPI qui a eu lieu en juin dernier à Kampala, le président du parlement congolais a promis que la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI serait examinée à l'automne 2010.[13]

Des protocoles d'accord pourraient alors être signés au moment voulu avec des partenaires, tels que des agences des Nations Unies, l'Union africaine ou l'Union européenne, qui apporteraient leur concours au niveau de la création, du financement et du fonctionnement de la chambre.

La création de la chambre mixte en vertu d'une loi nationale renforcerait le caractère national de l'institution et ne requerrait pas une participation officielle de l'ONU. Le financement de la chambre mixte, qui viendrait s'ajouter aux efforts existants déployés pour renforcer l'État de droit en RDC, bénéficierait directement aux efforts de réformes et de renforcement du système judiciaire national, cette chambre restant en activité, si besoin est, une fois terminée l'inclusion temporaire de personnel non congolais.

Un accord officiel avec les Nations Unies

La chambre mixte pourrait également être créée par le biais d'un accord entre les Nations Unies et le gouvernement congolais, comme ce fut le cas pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.[14] Contrairement à la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone opère en dehors du système judiciaire national et, par conséquent, il mettra un terme à ses activités lorsqu'un verdict final aura été prononcé dans les affaires dont il traite actuellement.

Selon ce modèle, la chambre pourrait être habilitée à rendre des arrêts contraignants pour le gouvernement congolais, comme cela a été le cas pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Officialiser le soutien de l'ONU à la chambre par le truchement d'un accord consensuel présenterait un avantage supplémentaire, celui de renforcer la visibilité de la chambre sur la scène internationale, ce qui pourrait encourager le soutien financier et politique continu de ses activités. Néanmoins, une participation internationale importante dans la création de la chambre par le canal de l'ONU pourrait s'avérer difficile à mobiliser et elle risquerait de miner le caractère national de l'institution. Si ce modèle venait à être adopté, il conviendrait d'étudier la possibilité d'intégrer ultérieurement la chambre dans le système judiciaire national au moyen d'une loi afin de préserver le caractère national et la viabilité de l'institution après le départ du personnel international.

2. Une chambre intégrée dans le système judiciaire national

La chambre mixte devrait être basée au sein de l'appareil judiciaire civil. Il s'agit effectivement d'une exigence à la fois de la constitution congolaise et des normes acceptées au niveau international.[15] Par ailleurs, le projet de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la CPI, actuellement à l'examen au parlement, confère aux tribunaux civils la compétence de juger les crimes qui sont du ressort de la CPI. Néanmoins, le système judiciaire civil congolais a ses propres faiblesses et en comparaison avec le système judiciaire militaire, il souffre d'un manque d'expertise en matière de répression des crimes internationaux graves. L'intégration d'une chambre mixte au sein de l'appareil judiciaire civil n'exclut pas une participation ou une consultation de responsables de la justice militaire, tels que des procureurs militaires ayant acquis une expérience considérable dans le domaine des enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. La situation exacte de la chambre mixte au sein des tribunaux civils (au niveau d'un tribunal de grande instance ou des chambres d'appel, par exemple) reste à déterminer. La chambre mixte pourrait être basée en permanence dans un endroit tout en ayant la possibilité d'être « mobile » afin de tenir certains procès plus près du lieu où les crimes ont été commis.

Quel que soit le niveau de juridiction dans lequel la chambre mixte serait intégrée, il conviendra d'examiner attentivement comment il pourra être fait appel des décisions de ladite chambre. La Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie, par exemple, dispose de sa propre division d'appel où siègent des juges internationaux (voir plus loin). Il est important de veiller à ce que des enquêtes, des poursuites et des procès bien menés ne soient pas annulés en appel en raison d'une ingérence politique ou d'un manque d'expertise.[16]

3. Compétence pour juger les crimes internationaux graves passés et présents

La chambre mixte devrait avoir la primauté pour connaître des affaires concernant les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide - en utilisant les définitions de ces crimes énoncées dans le Statut de Rome - qui relèvent de la compétence des tribunaux congolais. Cela n'empêcherait pas catégoriquement d'autres tribunaux locaux d'exercer leur compétence pour juger ces crimes mais la chambre mixte aurait la primauté pour connaître des affaires correspondant au mandat qui lui est confié.

Le point de départ de la compétence temporelle de la chambre devrait être déterminé par les décideurs politiques en concertation avec la société civile. Une proposition serait de lui donner pour date initiale mars 1993 afin de la faire coïncider avec l'exercice de mapping réalisé par le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme.

La compétence temporelle de la chambre mixte ne devrait pas être limitée dans le temps (et ne devrait pas prendre fin en 2003 comme le rapport du projet mapping de l'ONU) afin qu'elle puisse ouvrir des enquêtes et engager des poursuites pour les crimes internationaux graves qui sont de son ressort et continuent d'être perpétrés. Parce que la RDC est un État partie au Statut de Rome, la Cour pénale internationale est compétente pour connaitre des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des actes de génocide commis après le 1er juillet 2002 en RDC. Par ailleurs, en avril 2004, le gouvernement congolais a déféré la situation sur son territoire à la cour. La CPI a mené des enquêtes dans le district d'Ituri et délivré des mandats d'arrêts à l'encontre de quatre chefs de guerre de ce district.[17] Elle mène actuellement des enquêtes dans les Kivus. Les enquêtes de la CPI en cours dans l'est de la RDC ne signifient toutefois pas que l'on peut faire l'économie d'une chambre mixte compétente pour juger les crimes actuels. Comme l'illustrent les circonstances présentes, la CPI, qui opère simultanément dans cinq pays différents, ne sera en mesure de traiter qu'un nombre limité de dossiers, laissant une énorme brèche dans la lutte contre l'impunité.

Afin d'endiguer efficacement l'impunité qui règne en RDC, il faut absolument que le système judiciaire national soit capable de compléter le travail de la CPI.[18] La création d'une chambre mixte prodiguerait au système congolais l'élan nécessaire pour s'attaquer véritablement à ces crimes et poursuivre ceux qui risquent de ne pas être visés par la CPI mais échappent aussi, dans les circonstances actuelles, à la justice de leur pays.

La chambre pourrait juger toutes les personnes ayant commis des crimes relevant de sa compétence sur le territoire congolais, y compris les ressortissants étrangers.

4. Mandat et identification des prévenus cibles

La chambre mixte devrait poursuivre les « personnes qui portent la plus grande part de responsabilité » dans la commission de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et d'actes de génocide. Elle devrait se focaliser en priorité sur les hauts responsables politiques ou militaires mais elle pourrait également viser d'autres personnes qui se trouvent plus bas dans la chaîne de commandement mais peuvent être considérées comme « portant la plus grande part de responsabilité » à en juger par la gravité des crimes commis ou leur ampleur.[19] Cela permettrait dès lors de jouir d'un certain degré de flexibilité afin de pouvoir poursuivre des responsables de rang inférieur qui sont, par exemple, soupçonnés d'avoir commis des crimes particulièrement atroces, notamment des crimes de violence sexuelle, à l'encontre d'un grand nombre de victimes. Cela permettrait également de poursuivre des subalternes si cela s'avère nécessaire pour la stratégie globale en matière de poursuites.

Composition de la chambre mixte

La chambre mixte aurait évidemment ses propres juges. Néanmoins, afin de protéger pleinement l'institution contre toute ingérence politique et afin d'accroître son efficacité, il serait indispensable que la chambre dispose de son propre parquet (pour les enquêtes et poursuites) et de sa propre structure administrative, ou greffe. Le greffe exerce essentiellement des fonctions administratives liées au fonctionnement de la chambre, notamment le recrutement du personnel, la gestion des finances, de la sécurité, des éléments de preuve et documents destinés au procès, des traductions ou des centres de détention.

Le greffe remplirait également certaines fonctions qui revêtent une importance capitale pour garantir d'une part le respect des droits des accusés à un procès équitable et, d'autre part, le bien-être et la protection des victimes et des témoins. Il s'agit notamment de faciliter le travail de la défense et des avocats des victimes, de prendre en charge la protection des témoins et de gérer le travail de sensibilisation des populations locales aux procès.

Compte tenu de l'ampleur des crimes sexuels commis au Congo, il se révèlerait particulièrement important pour la chambre mixte de promouvoir la lutte contre l'impunité pour ces crimes. Dans ce type d'affaires, la constitution de dossiers est particulièrement compliquée. Dès lors, pour que la répression des crimes de violence sexuelle aboutisse, la chambre devrait vraisemblablement compter sur une expertise complémentaire, éventuellement fournie par le canal d'une unité spécialisée au sein du parquet.  Cette « unité spécialisée dans les violences sexuelles » pourrait également prodiguer des conseils et une formation aux autres membres du personnel de la chambre sur la façon d'interroger et de traiter avec sensibilité les victimes de violences sexuelles.

L'inclusion de personnel international dans chacune des composantes de la chambre mixte s'avère indispensable. Elle promouvra le renforcement des capacités dans une vaste gamme de fonctions liées à la justice pénale. Comme expliqué plus loin, cette présence internationale pourrait être adaptée en fonction des besoins, serait temporaire et s'inscrirait dans une stratégie de « retrait progressif ».

C. L'importance de la participation de personnel international

Il est indispensable de recruter du personnel international qualifié et consciencieux pour travailler à la chambre.

L'inclusion de personnel international serait temporaire, l'objectif étant de permettre à la chambre de fonctionner au final en tant qu'institution nationale à part entière, à l'image de la chambre mise sur pied en Bosnie. Dans le cas de la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie, par exemple, il a été décidé dès le départ de supprimer progressivement la composante internationale dans un délai de cinq ans à dater du commencement des activités de ladite chambre. Bien que ce délai arbitraire ait, à juste titre, été critiqué, l'établissement d'un processus de transition dès le début s'est révélé important pour veiller à préserver le caractère national de l'institution. À cet égard, il conviendrait de définir les critères précis qui, une fois remplis, amorceraient le retrait progressif du personnel international.

Le personnel international devrait avoir une expertise confirmée et une expérience dans l'un des divers aspects liés aux enquêtes et poursuites des auteurs de crimes internationaux graves. Comme mentionné plus haut, constituer des dossiers à l'encontre de hauts commandants responsables de crimes internationaux graves est une tâche qui requiert des compétences particulières. Dans n'importe quel pays du monde, il serait déraisonnable de demander à du personnel judiciaire traitant généralement des crimes ordinaires d'enquêter avec succès sur ce type de crimes internationaux.  Le personnel international devrait aussi être au fait des systèmes de droit civil et, de préférence, parler français. Il est évident que le personnel et les juges internationaux pourraient être choisis parmi des magistrats originaires d'autres pays africains, dont l'expertise pourrait s'avérer très précieuse, leur expertise régionale pouvant être mise à profit.

Le personnel congolais jouera également un rôle capital au sein de la chambre.  Il apportera sa connaissance des causes historiques du conflit, sa compréhension du contexte culturel et son expertise en matière de droit et procédures pénaux congolais. Une réelle collaboration entre le personnel national et international se révèlera dès lors indispensable pour un fonctionnement efficace de la chambre mixte.

L'attribution des postes entre les membres du personnel national et international est importante et pourrait évoluer dans le cadre de la stratégie de retrait progressif. Par exemple, lorsque la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie a entamé ses activités en mars 2005, deux des trois juges des chambres de première instance étaient internationaux. Depuis lors, cette proportion s'est inversée, les juges bosniaques occupant une majorité de sièges. Dans chaque chambre, le président, qui dirige les procédures et est par conséquent le membre de la chambre le plus actif, est toujours bosniaque. Tant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone que la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie ont, au départ, nommé des greffiers internationaux, mais ces postes sont aujourd'hui occupés par des nationaux.

L'inclusion de personnel et de juges internationaux est également indispensable pour promouvoir la confiance de la population dans le système judiciaire.[20] Ce serait particulièrement important dans l'est de la RDC. Après avoir été des années durant à la merci de groupes rebelles, en proie au chaos total et confronté à une corruption endémique, le système judiciaire congolais a perdu la confiance de la population. La présence de personnel international pourrait inciter les victimes et témoins à déposer devant la chambre. Elle limiterait par ailleurs la possibilité d'une ingérence politique, laquelle a représenté jusqu'à présent un obstacle majeur à l'engagement de poursuites par le système judiciaire congolais contre des accusés haut placés.

De plus, étant donné le contexte politique tendu entourant les crimes exposés dans le rapport du projet mapping de l'ONU, la présence de personnel international au sein de la chambre mixte conférerait la crédibilité et la légitimité nécessaires à ses enquêtes sur les crimes qui auraient été commis par des non-Congolais.

Dans sa réponse écrite au rapport du projet mapping, le gouvernement congolais s'inquiète de la probable inégalité de salaires entre le personnel national et international qui composerait la chambre mixte proposée. Il s'agit d'une préoccupation légitime, fréquente dans des pays, tels que le Congo, qui accueillent beaucoup de personnel de l'ONU. Tant au Tribunal spécial pour la Sierra Leone qu'à la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie, les salaires du personnel national et international ont effectivement été calculés en fonction de barèmes respectifs. Human Rights Watch estime que cette question devrait être mise sur le tapis et discutée afin de trouver des solutions acceptables. Mais ce point ne peut servir d'argument de poids pour ne pas créer la chambre mixte.

D. Le besoin d'accords régionaux de coopération judiciaire visant les criminels non congolais

Comme expliqué dans le rapport du projet mapping de l'ONU, les auteurs des crimes perpétrés au Congo pendant les deux guerres (1996-1997 et 1998-2003) comprennent des ressortissants d'autres États, notamment du Rwanda, de l'Angola, de l'Ouganda et du Zimbabwe. Certains de ces pays, dont le Rwanda et l'Angola, interdisent l'extradition de leurs ressortissants vers des pays tiers.[21] En tant qu'institution nationale, la chambre mixte ne pourrait résoudre le problème de l'interdiction d'extrader. Cet obstacle n'empêcherait nullement la chambre mixte d'ouvrir des enquêtes sur des crimes pour lesquels elle a compétence, de constituer des dossiers judiciaires détaillés, ni d'émettre des mandats d'arrêt, mais obtenir la remise des accusés serait compliqué. La Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie a été confrontée à une situation analogue et l'expérience dans les Balkans constitue donc un précédent utile.

Une coopération régionale affirmée et un soutien politique international à la chambre pourraient contribuer à surmonter cet obstacle juridique. Il s'agirait en l'occurrence de conclure des accords entre la RDC et d'autres pays, définissant la coopération dans les affaires judiciaires et les poursuites (en établissant par exemple des procédures relatives au recueil d'éléments de preuve, au partage des dossiers et à l'application des décisions judiciaires). À court terme, une meilleure coopération judiciaire et le partage des dossiers d'instruction pourraient contribuer à intensifier la pression pour faire en sorte que les présumés accusés non congolais soient jugés dans le pays dont ils ont la nationalité. Les pays concernés pourraient finir par signer des accords de réciprocité qui permettraient l'extradition vers la chambre mixte, une fois les changements nécessaires opérés dans leurs législations nationales.

Pour que cela soit possible, un important soutien international sera indispensable. La Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs possède déjà un cadre visant à mettre un terme à l'impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide.[22] L'Union africaine pourrait aussi jouer un rôle positif en contribuant à faciliter la coopération judiciaire entre d'autres États africains et la chambre mixte.

Les interdictions nationales d'extrader ne prévaudraient pas contre un tribunal international créé aux termes d'une résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu du chapitre VII. Mais dans la pratique, et en l'absence d'une force internationale de police chargée d'exécuter les mandats d'arrêt dudit tribunal, la remise d'un accusé serait tout aussi tributaire de la coopération de l'État dont l'accusé possède la nationalité.

Enfin, il convient de relever que même si la chambre était établie par les autorités congolaises en vertu d'une loi nationale, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait adopter une résolution en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, obligeant les États membres à coopérer avec la chambre, notamment sur le plan de l'arrestation et de la remise des suspects. Dans ce cas, il faudrait montrer que l'absence de coopération constitue une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales.

II. Le rôle de l'Union africaine

L'un des principes fondateurs de l'Union africaine est le rejet de l'impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide, ce principe constituant un moyen capital pour renforcer l'État de droit et la stabilité à long terme.[23]

La deuxième guerre au Congo a impliqué jusqu'à neuf États africains différents et est souvent appelée la « première guerre mondiale » de l'Afrique. En RDC, les populations continuent d'être victimes d'atrocités indescriptibles. Il est du devoir de l'Union africaine de promouvoir une solution à long terme pour asseoir la paix et la stabilité en RDC et dans la région des Grands Lacs. Il s'agit notamment de promouvoir la traduction en justice des auteurs des crimes internationaux graves décrits dans le rapport du projet mapping de l'ONU et des crimes plus récents commis en RDC. En raison de son engagement à mettre fin à l'impunité, de son caractère unique en tant que plateforme africaine pour la paix et la sécurité, et de son implication actuelle dans la région des Grands Lacs, l'Union africaine est bien placée pour appuyer l'établissement d'une chambre mixte. En dépit de quelques prises de position inquiétantes adoptées récemment par les dirigeants de l'UA et lors des sommets de l'organisation à propos de questions liées à la justice, il est quand même utile de s'employer à faire en sorte que l'Union africaine s'engage à appuyer la chambre.

L'Union africaine pourrait signer un Protocole d'accord avec la République démocratique du Congo pour lui apporter son concours en ce qui concerne divers aspects pratiques liés à la création de la chambre mixte. Par exemple, elle pourrait l'aider à convoquer une conférence internationale de bailleurs de fonds pour la chambre. Elle pourrait également contribuer à faciliter l'identification de professionnels africains disposant d'une expertise dans le domaine des enquêtes et de la répression des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et actes de génocide, qui pourraient faire partie du personnel international de la chambre mixte. Enfin, l'Union africaine pourrait jouer un rôle fédérateur important, en favorisant le dialogue entre les pays africains concernés afin de faciliter la coopération judiciaire. Elle pourrait par ailleurs enjoindre les autres États concernés de coopérer avec la chambre mixte.

Le soutien à la création d'une chambre mixte, qui contribuerait au renforcement de la capacité du pays à réprimer les crimes graves et, par conséquent, au renforcement de l'État de droit et du respect des droits humains au Congo,  serait pleinement conforme aux objectifs déclarés de l'Union africaine.  L'attitude de l'Union africaine à cet égard permettra de prendre la mesure de l'engagement souvent proclamé de l'organisation en faveur de la lutte contre l'impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité et des efforts qu'elle déploie pour instaurer une paix durable sur le continent.

 

III. Autres mesures pour s'attaquer aux crimes graves commis en RDC

Le rapport du projet mapping de l'ONU analyse l'application, par des États tiers, du principe de compétence extraterritoriale ou universelle en tant que moyen de garantir la traduction en justice des auteurs de crimes graves perpétrés au Congo.[24] La compétence universelle est l'aptitude du système judiciaire national d'un État à ouvrir des enquêtes et à engager des poursuites pour certains crimes, même si ceux-ci n'ont pas été commis sur son territoire, par l'un de ses ressortissants ou contre l'un de ses ressortissants. Le recours à cette forme de compétence extraterritoriale peut se justifier par la gravité des crimes à réprimer, qui choquent la conscience de l'humanité, tels les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, la torture et le génocide. Les poursuites judiciaires engagées dans des États tiers appliquant la compétence universelle est un important « filet de sécurité » lorsque les États compétents au premier chef sont dans l'incapacité ou n'ont pas la volonté d'agir, ou lorsque les personnes accusées ont trouvé refuge dans ces États tiers.

Il existe actuellement au moins deux cas de cette nature qui sont directement liés aux crimes commis dans l'est de la RDC.[25] L'utilisation continue et renforcée de la compétence universelle en lien avec les crimes perpétrés au Congo revêtira une importance particulière dans les cas où les pays dont certains accusés non congolais ont la nationalité ne sont pas disposés à les traduire en justice ou à coopérer avec la chambre mixte.

En dehors des poursuites engagées pour les crimes les plus graves, il est important de déployer des efforts plus intenses pour s'occuper des délits moins graves, afin de s'attaquer vériablement à un passé douloureux marqué par des atrocités massives. À cet égard, Human Rights Watch appuie totalement les suggestions formulées dans le rapport du projet mapping de l'ONU. Parmi celles-ci figurent notamment le passage au crible des forces armées congolaises afin d'éliminer de leurs rangs les soldats et officiers soupçonnés d'avoir commis des atrocités à l'encontre des civils, la mise sur pied d'une Commission Vérité,[26] ainsi que l'élaboration d'un système de réparations dignes de ce nom pour les victimes.

 

 


 


[1] Human Rights Watch, Selling Justice Short: Why Accountability Matters for Peace, 7 juillet 2009, p. 43.

[2] HCDH, « République démocratique du Congo 1993-2003  - Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo », Rapport du projet mapping de l'ONU, août 2010, p. 468.

[3] La Cour pénale internationale est uniquement compétente pour juger les crimes commis après le 1er juillet 2002.

[4] « Face à ces constats, le rapport conclut qu'un mécanisme judiciaire mixte - composé de personnel international et national - serait le plus approprié pour rendre justice aux victimes de violations graves. Qu'elles soient internationales ou nationales, les modalités de fonctionnement et la forme exacte d'une telle juridiction devraient être décidées et détaillées par une consultation des acteurs concernés, y compris des victimes, notamment en ce qui concerne leur participation au processus, pour conférer au mécanisme adopté crédibilité et légitimité», Rapport du projet mapping de l'ONU, para. 61

[5] Assemblée générale de l'ONU, « Rapport du Rapporteur spécial de l'ONU sur l'indépendance des juges et des avocats : Additif - Mission en République démocratique du Congo », A/HRC/8/4/Add.2, 11 avril 2008, para. 88.

[6] Assemblée générale de l'ONU, « Rapport conjoint de sept procédures spéciales thématiques sur l'assistance technique au Gouvernement de la République démocratique du Congo et l'examen urgent de la situation dans l'est du pays », A/HRC/10/59, 5 mars 2009, para. 95.

[7]  Human Rights Watch, Une « chambre mixte » pour le Congo ?, 5 octobre 2009, https://www.hrw.org/fr/news/2009/11/19/une-chambre-mixte-pour-le-congo.

[8] Gouvernement de la République démocratique du Congo,  « Observations du Gouvernement sur le rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo », août 2010, document non publié en possession de Human Rights Watch, p. 48.

[9] Pour de plus amples informations au sujet de la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie, voir Human Rights Watch, Looking for Justice: The War Crimes Chamber in Bosnia and Herzegovina, février 2006, https://www.hrw.org/en/reports/2006/02/07/looking-justice.

[10] Ces deux tribunaux ont été institués par des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, plus précisément la résolution 827 du Conseil de sécurité de l'ONU pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et la résolution 955 du Conseil de sécurité de l'ONU pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

[11] Par exemple, en comparaison avec le Statut de Rome, le Code pénal militaire congolais ne fournit aucune précision sur les éléments qui sont constitutifs d'un crime de guerre. En l'absence de précisions, la définition du crime de guerre repose uniquement sur une interprétation judiciaire devant établir si la conduite était « justifiée par les lois et coutumes de la guerre ». Voir Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Statut de Rome), Doc. ONU A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art. 8 et Loi N° 24/2002 du 18 novembre 2002 portant code pénal militaire, Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 20 mars 2003, http://www.justice.gov.cd/j/index.php?option=com_docman&task=cat_view&gi... (consulté le 20 septembre 2010), art. 173.

[12] « La loi peut créer des juridictions spécialisées », Constitution de la République Démocratique du Congo, 2006, http://www.presidentrdc.cd/constitution.html (consulté le 20 septembre 2010), art. 149.

[13] Lucien Dianzenza, « Justice - la CN-CPI demande au gouvernement de rassurer les victimes des crimes graves commis à l'est », Afrique Rédaction, 16 septembre 2010, http://www.afriqueredaction.com/article-justice-la-cn-cpi-demande-a-la-r... (consulté le 20 septembre 2010.)

[14] Dans ce cas précis, suite à l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution autorisant le Secrétaire général à entamer des négociations avec le gouvernement sierra-léonais en vue d'établir ce tribunal, un accord a été conclu en janvier 2002 pour créer le cadre juridique du tribunal. Voir Human Rights Watch, Bringing Justice: the Special Court for Sierra Leone, 7 septembre 2004, https://www.hrw.org/en/node/11983/section/4.

[15] Constitution de la République démocratique du Congo, 18 février 2006, http://www.presidentrdc.cd/constitution.html (consulté le 20 septembre 2010), art. 156 ; Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, 2001, http://www.afrimap.org/english/images/treaty/ACHPR_Directives&Principes_... (consulté le 20 septembre 2010) ; Projet de principes sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires, Rapport présenté par le Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, Emmanuel Decaux, 13 janvier 2006, Doc. ONU E/CN.4/2006/58, http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G06/106/78/PDF/G0610678.pdf?O... (consulté le 20 septembre 2010), principe 9.

[16]  Cette préoccupation n'est pas purement théorique; en Serbie, par exemple, la Cour suprême a cassé un certain nombre de décisions de sa Chambre pour les crimes de guerre pour des motifs discutables. Voir Human Rights Watch, Unfinished Business: Serbia's War Crimes Chamber, no. 3, juin 2007, https://www.hrw.org/legacy/backgrounder/eca/serbia0607/serbia0607web.pdf, p. 31.

[17]  Thomas Lubanga, ex-dirigeant de l'Union des Patriotes Congolais (UPC), Germain Katanga, ex-commandant de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), et Mathieu Ngudolojo, ex-dirigeant du Front des Nationalistes et Intégrationnistes (FNI), passent actuellement en jugement devant la CPI à La Haye. Bosco Ntaganda, coaccusé avec Lubanga, est toujours en liberté en RDC.

[18] En vertu du régime de complémentarité de la CPI, la chambre mixte, en tant que tribunal national compétent disposant de la capacité et de la volonté de juger ces crimes, jouirait de la primauté de juridiction. Sur le plan pratique, le personnel de la chambre mixte devrait travailler en étroite collaboration avec les membres du personnel de la CPI et partager les informations afin d'exercer le plus grand impact possible en matière de lutte contre l'impunité.

[19] Rapport du Secrétaire général sur l'établissement d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone, 4 octobre 2000, Doc. ONU S/2000/915, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/661/78/PDF/N0066178.pdf?OpenE... (consulté le 20 septembre 2010), para. 30.

[20] Il ne faut pas nécessairement que le personnel international soit majoritaire pour que cela soit efficace ; les procureurs internationaux ont toujours constitué la minorité au sein de la CCG en Bosnie (en juin 2008, elle comptait cinq procureurs internationaux et 13 procureurs nationaux).

[21] Voir, par exemple, Loi constitutionnelle de la République d'Angola, 25 août 1992, http://unpan1.un.org/intradoc/groups/ public/ documents/CAFRAD/UNPAN002502.pdf (consulté le 20 septembre 2010), art. 27 ; Constitution de la République du Rwanda, 26 mai 2003, http://www.amategeko.net/display_rubrique.php?ActDo=all&Information_ID=4... (consulté le 20 septembre 2010), art. 25.

[22] Protocole pour la prévention et la répression du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ainsi que de toute forme de discrimination, Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs, 29 novembre 2006, http://www.cirgl.org/documents_fr/bonne-governance/protocole.pdf (consulté le 20 septembre 2010). La CIRGL a été mise sur pied suite au pacte signé entre les présidents de l'Angola, du Burundi, de la République centrafricaine, du Congo, de la République démocratique du Congo, du Kenya, du Rwanda, du Soudan, de l'Ouganda, de la Tanzanie et de la Zambie. L'un de ses objectifs est de fournir un cadre juridique pour régir les relations entre les États membres.

[23] Acte constitutif de l'Union Africaine, 11 juillet 2000, entré en vigueur le 26 mai 2001, http://www.africa-union.org/About_AU/fmacteconstitutif.htm (consulté le 20 septembre 2010), art. 4.

[24] Rapport du projet mapping de l'ONU, p. 476.

[25] En Espagne, en février 2008, un juge a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de 40 officiers de l'armée rwandaise pour leur rôle dans le massacre de réfugiés rwandais et de civils congolais en RDC dans les années 1990, Al Goodman, « Spanish judge indicts 40 Rwandan military officers for genocide », CNN, 6 février 2008, http://edition.cnn.com/2008/WORLD/europe/02/06/spain.indictments.rwanda/... (consulté le 20 septembre 2010). En Allemagne, en novembre 2009, les dirigeants du groupe rebelle FDLR (Forces démocratiques de libération du Congo), Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, ont été arrêtés sur présomption d'avoir ordonné des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis dans les Kivus, « Germany arrests top Rwanda rebels », BBC, 17 novembre 2009, http://news.bbc.co.uk/2/hi/8364507.stm (consulté le 20 septembre 2010.)

[26] A la lumière de l'expérience infructueuse d'une première Commission Vérité et Réconciliation en RDC, il s'avérerait indispensable qu'une nouvelle tentative se fasse en étroite concertation avec les populations locales et la société civile.

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