Dans le cadre du nouveau projet de loi sur l’immigration, le Parlement français doit améliorer les garanties accordées aux étrangers risquant des persécutions et la torture au moment de leur éloignement, a exhorté Human Rights Watch dans une lettre adressée aux députés et aux sénateurs, et rendue public aujourd’hui.
“Le gouvernement a raison d’agir rapidement pour résoudre le problème, mais ses propositions n’aideront qu’une partie des personnes à risque », a annoncé Holly Cartner, directrice de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Il revient désormais au Parlement de mettre pleinement en application la décision de la Cour européenne en faisant du recours suspensif la règle et non l’exception ».
Le 18 septembre, le Parlement devra débattre du projet de loi du gouvernement visant à réformer la législation en matière d’immigration et d’asile. Parmi les propositions énoncées dans le projet, il est prévu que certains demandeurs d’asile puissent rester en France en attendant qu’un juge statue sur leur recours. Cependant, un grand nombre d’autres, que les autorités nationales cherchent à expulser rapidement, encourront toujours des risques de mauvais traitements dès leur retour dans le pays d’origine, avant même que leur recours n’ait été entendu.
La réforme, qui devrait s’appliquer seulement aux demandeurs d’asile maintenus en zone d’attente, fait suite à une décision, en avril dernier, de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans son jugement, la Cour avait estimé que l’absence d’un recours automatiquement suspensif pour les demandeurs d’asile en France violait la législation en matière de droits de l’homme.
En raison de son étroitesse, la réforme échouerait à protéger un grand nombre de personnes qui craignent la torture, les mauvais traitements ou les persécutions si elles devaient retourner dans leur pays d’origine, conformément à la Convention relative au statut des réfugiés. Les demandeurs d’asile déboutés, dont les demandes ont été jugées comme manifestement non fondées ou venant de pays considérés comme sûres, et ceux qui sont considérés comme représentant un risque pour la sécurité nationale pourraient toujours être expulsés. Et ce, alors que leur recours auprès de la Commission de recours des réfugiés est encore en instance. Les personnes suspectées de terrorisme ayant déposé un recours contre l’ordre d’expulsion du Ministère de l’Intérieur continueraient à ne pas bénéficier d’un recours automatiquement suspensif.
La décision de la Cour européenne n’est la première critique internationale adressée à la France pour son approche insatisfaisante en matière de garanties contre un retour dangereux. Le Comité des Nations Unies contre la torture avait estimé en 2005 et 2007 que la France avait violé la convention contre la torture en raison du manque de garanties efficaces en cas d’expulsions impliquant des risques de retour à la torture et aux mauvais traitements. Dans les deux cas, la France a ignoré les demandes du Comité de retarder les éloignements en attendant que la Commission les ait examinées. Le cas le plus récent est celui d’un Franco-tunisien, Adel Tebourski, qui s’est vu déchu de sa nationalité française et expulsé par la France en août 2006 après avoir purgé une peine de prison pour des faits liés au terrorisme. Deux mois après son expulsion, la Commission de recours des réfugiés a estimé que les craintes de persécution d’Adel Tebourski étaient fondées et qu’il n’aurait pas du être renvoyé en Tunisie.
« L’ONU et la Cour européenne ont toutes deux envoyé un message clair : les garanties fournies par la France ne sont pas satisfaisantes », a ajouté Cartner. « La meilleure façon de protéger les personnes contre un retour dangereux est de les laisser rester en France en attendant que leurs recours soient pleinement examinés. »
En juin 2007, Human Rights Watch a publié un rapport sur la France intitulé « Au nom de la prévention : des garanties insuffisantes concernant les éloignements pour des raisons de sécurité nationale. » Human Rights Watch concluait que les procédures administratives françaises d’éloignement des personnes suspectées de terrorisme n’offraient pas les garanties adéquates pour les protéger contre les violations de droits humains lors du retour dans le pays d’origine. L’une de ses recommandations clefs était la création d’un droit à une procédure de recours automatique dans le pays.