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Tanzanie : Répression meurtrière suite aux élections contestées

Les forces de sécurité ont utilisé des balles réelles contre des manifestants partisans de l'opposition

Un canon à eau monté sur un véhicule de police tanzanienne tirait un jet d’eau sur des partisans de l’opposition participant à une manifestation à Kigoma, en Tanzanie, le 30 octobre 2025, au lendemain des élections présidentielle et législatives tenues dans ce pays.  © 2025 Photo AFP via Getty Images

(Nairobi) – Les autorités tanzaniennes ont répondu aux manifestations de grande ampleur qui ont suivi les élections du 29 octobre en recourant à une force létale et commettant divers abus, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le 1er novembre, la Commission électorale nationale indépendante (INEC), rattachée au gouvernement tanzanien, a annoncé que la présidente Samia Suluhu Hassan avait été officiellement réélue avec 97,66 % des voix. Le 3 novembre, elle a prêté serment pour son second mandat lors d'une cérémonie fermée au public, alors que les manifestations se poursuivaient.

Les manifestations, dont certaines ont été violentes, ont éclaté le jour du scrutin et se sont poursuivies pendant trois jours à Dar es Salaam et dans d'autres villes. La police a réagi en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles réelles pour disperser la foule. Le gouvernement a imposé des restrictions sur Internet à l'échelle nationale le 29 octobre ; plusieurs organisations de surveillance d'Internet ont confirmé que la connexion Internet avait été interrompue. Selon des informations publiées dans la soirée du 3 novembre, l'accès à Internet a été partiellement rétabli, mais les restrictions sur les réseaux sociaux et les plateformes de messagerie persistent.

« La réponse violente et répressive des autorités tanzaniennes aux manifestations liées aux élections sape encore davantage la crédibilité du processus électoral », a déclaré Oryem Nyeko, chercheur senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement a la responsabilité de maintenir la sécurité, mais il doit aussi respecter les droits et veiller à ce que tous les responsables de violences fassent l'objet d'enquêtes et soient poursuivis de manière appropriée. »

En octobre, Human Rights Watch a signalé que le gouvernement tanzanien avait intensifié la répression politique visant les opposants et les détracteurs du parti au pouvoir, muselé les médias et manqué à son devoir de garantir l'indépendance de la commission électorale à l'approche des élections.

Le principal parti d'opposition tanzanien, Chama Cha Demokrasia na Maendeleo (Chadema), avait exhorté ses partisans à ne pas participer aux élections. Un responsable de ce parti et un habitant de Dar es Salaam ont déclaré à Human Rights Watch que des policiers et des individus en civil avaient tiré et tué des manifestants et des passants le jour des élections, et les deux jours suivants.

John Kitoka, directeur du Chadema chargée des questions de politique étrangère et de la diaspora, a déclaré que le parti avait recueilli des informations faisant état de la mort de près de 1 000 personnes tuées par la police et par des membres des forces de sécurité non identifiés à la suite des élections, dans huit des 31 régions de Tanzanie.

Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer ces chiffres, mais des organismes régionaux et internationaux tels que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, la Communauté de développement de l'Afrique australe, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et l'Union européenne ont fait part de leurs préoccupations dans leurs déclarations publiques concernant le nombre élevé de victimes.

Une habitante du quartier de Temeke à Dar es Salaam a déclaré par téléphone à Human Rights Watch que le 30 octobre vers 15h30, son voisin, qui ne participait pas aux manifestations, a été abattu devant son domicile par un homme qui, selon des témoins, portait des vêtements civils.

Dans la soirée du 29 octobre, le gouvernement a imposé un couvre-feu, ordonnant à tous les habitants de rester chez eux ; ce couvre-feu a duré jusqu’au 3 novembre. Un habitant de Dar es Salaam a déclaré à Human Rights Watch que les magasins avaient été fermés pendant trois jours après le jour du scrutin, mais qu'ils avaient été autorisés à ouvrir brièvement le 2 novembre. Il a ajouté que ce confinement les avait empêchés de quitter leur domicile pour acheter de la nourriture et retirer de l'argent à la banque.

Le confinement a empêché les médias de couvrir les élections et les manifestations qui ont suivi. Deux journalistes basés en Tanzanie ont déclaré qu'ils n'avaient pas pu couvrir les événements en cours en raison du confinement.

Les autorités semblent avoir empêché les journalistes étrangers de couvrir les élections en ne répondant pas, dans certains cas, aux demandes d'accréditation. L'Association internationale de la presse d'Afrique de l'Est a déclaré ne pas avoir connaissance de journalistes travaillant pour des médias internationaux qui auraient été accrédités pour se rendre sur le continent afin de couvrir les élections.

L'Agence France-Presse a rapporté le 24 octobre que ses journalistes, bien qu'accrédités, s'étaient vu refuser l'accès au site de Stone Town, à Zanzibar, où la présidente Samia Suluhu Hassan devait tenir un rassemblement.

Un journaliste a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait demandé une accréditation pour couvrir les élections sur le continent tanzanien via un portail en ligne sur le site web de la commission électorale, mais qu'il n'avait reçu aucune réponse. Il a ensuite appelé la commission et un haut responsable lui a dit qu'on le rappellerait, mais cela n'a pas été le cas.

Les autorités tanzaniennes devraient immédiatement mettre fin à l'usage excessif et meurtrier de la force contre les manifestants, prendre des mesures pour garantir que les allégations de meurtres, de passages à tabac et d'agressions commis par les forces de sécurité dans le cadre des élections fassent l'objet d'enquêtes et que les responsables soient traduits en justice, a déclaré Human Rights Watch.

La Tanzanie est tenue de respecter les droits de chacun à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association en vertu du droit international des droits humains et de sa constitution. Les forces de sécurité tanzaniennes devraient se conformer aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, qui exigent que les responsables de l'application des lois recourent à des moyens non violents et n'utilisent la force que lorsque cela est strictement inévitable pour protéger des vies. Ces principes exigent également des gouvernements qu'ils veillent à ce que l'usage arbitraire ou abusif de la force et des armes à feu par les agents chargés de l'application des lois soit puni comme une infraction pénale en vertu du droit national.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, les autorités tanzaniennes devraient s'abstenir d'imposer des coupures d'Internet, des perturbations ou des blocages d'accès à des sites web et à des plateformes, y compris avant, pendant et après les élections. La Commission africaine a déclaré que la récente coupure d'Internet en Tanzanie violait l'article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui garantit les droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information. Elle a appelé le gouvernement tanzanien à respecter et à protéger les droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information.

« Les manifestations de rue contre le déroulement des élections ne devraient pas servir de prétexte aux autorités pour violer les droits des citoyens », a conclu Oryem Nyeko. « Les autorités ont l'obligation de promouvoir et de protéger les droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique, et de rétablir pleinement l'accès à Internet. »

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