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Venezuela : Des prisonniers politiques coupés du monde extérieur

Ces prisonniers sont détenus au secret dans un contexte de persécution politique

Des proches de prisonniers politiques vénézuéliens et des activistes lâchaient dans le ciel des ballons symbolisant la liberté, derrière une bannière avec le message « Libérer tous les prisonniers politiques », lors d’un rassemblement sur la place « Plaza Francia » dans le quartier d’Altamira à Caracas, au Venezuela, le 14 avril 2025.  © 2025 AP Photo/Ariana Cubillos
  • Des dizaines de prisonniers politiques au Venezuela sont détenus en isolement total depuis des semaines, voire des mois, et certains depuis plus d'un an.
  • Ce manque de communication et le refus des visites constituent une forme de torture, qui inflige des souffrances non seulement aux prisonniers, mais aussi à leurs proches.
  • Les gouvernements étrangers devraient saisir les instances régionales et internationales pour défendre les droits des prisonniers politiques, notamment en exigeant la cessation de leur isolement cellulaire et leur libération inconditionnelle. Le Vatican devrait également se prononcer en ce sens lors de la prochaine canonisation de deux personnalités vénézuéliennes.

(Washington) – Des dizaines de prisonniers politiques au Venezuela sont détenus au secret depuis des semaines ou des mois, voire depuis plus d'un an dans certains cas, ont déclaré aujourd'hui Human Rights Watch et le Comité pour la liberté des prisonniers politiques au Venezuela (Comité por la Libertad de los Presos PolíticosCLIPPVE).

« Ces cas de prisonniers politiques privés de tout contact avec leurs familles ou avocats témoignent de la brutalité de la répression au Venezuela », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les autres gouvernements devraient agir sur le plan diplomatique pour obtenir la libération de ces détenus. »

Human Rights Watch et CLIPPVE ont documenté 19 cas de détention au secret. Les organisations ont mené des entretiens avec des proches des détenus, et examiné les documents et les demandes de visite que les familles et leurs avocats ont adressées aux autorités vénézuéliennes, restées sans réponse.

Dans la plupart des cas documentés, les personnes détenues avaient des liens avec des partis d'opposition. La plupart se sont vu refuser le droit de recevoir des visites et des appels téléphoniques, depuis leur arrestation.

Le 24 août, les autorités vénézuéliennes ont libéré 13 prisonniers politiques, dont certains avaient été détenus au secret. Parmi eux figurait Américo De Grazia, opposant et ex-député de l'État vénézuélien de Bolívar ayant participé à la campagne de l'opposition avant l'élection présidentielle du 28 juillet 2024. Des hommes masqués l'avaient enlevé le 7 août 2024 alors qu'il se rendait chez son médecin. Sa famille a été privée de tout contact direct avec lui pendant plus de 380 jours.

La plupart des personnes détenues au secret étaient ou sont encore incarcérées dans une prison située dans un bâtiment surnommé l’Hélicoïde, un ancien centre commercial de Caracas reconverti en siège de l’agence nationale de renseignement du Venezuela (Servicio Bolivariano de Inteligencia Nacional, SEBIN). La Mission d'enquête internationale indépendante des Nations Unies sur la République bolivarienne du Venezuela a indiqué que la prison du Hélicoïde comprend des salles de torture.

Freddy Superlano. © Privé

Freddy Superlano, coordinateur national du parti d'opposition Voluntad Popular, est détenu au secret depuis son enlèvement par des hommes masqués le 30 juillet 2024. Le 6 août 2024, un agent du SEBIN à la prison du Hélicoïde a confirmé sa présence dans ce centre. Sa femme a déclaré qu'elle savait qu'il était en vie uniquement grâce aux gardiens de prison qui lui remettaient régulièrement ses vêtements sales, et de brefs messages de son mari, lui demandant d'apporter des articles de première nécessité. Le 31 août 2025, elle a appris officieusement que son mari avait été transféré, avec Roland Carreño, un journaliste du même parti détenu à l'isolement depuis le 2 août 2024, vers un nouveau centre de détention. Les autorités n'ont toutefois pas confirmé leur nouveau lieu de détention.

D'autres personnes sont détenues à Rodeo I, une prison à haute sécurité dans l'État de Miranda. Des prisonniers politiques, y compris des étrangers, y sont maintenus à l'isolement pendant des mois. En mai, certains ont été autorisés à passer un appel téléphonique.

Dans plusieurs cas, les autorités ont refusé de reconnaître une arrestation ou de divulguer le lieu de détention de la personne arrêtée, ce qui constitue une disparition forcée selon le droit international. Les familles se sont souvent rendues dans divers centres de détention et même dans des morgues ; dans de nombreux cas, elles n’ont pu identifier le lieu de détention de leur proche que grâce à des informations confidentielles, ou si des gardiens de prison ont accepté de remettre des effets personnels à la personne détenue, ou parfois en recevant un appel du défenseur public, plusieurs jours après l'arrestation de leur proche.

Même lorsque les familles connaissent le lieu de détention, les visites sont systématiquement refusées. De nombreux proches ont déclaré que les vêtements sales et les messages demandant des articles personnels sont les seuls signes qu'ils reçoivent prouvant que leur proche est en vie. Certaines familles, vivant loin de Caracas, doivent parcourir des centaines de kilomètres pour ces rares contacts.

Certains détenus souffrent de problèmes de santé préexistants nécessitant un suivi médical, tandis que d'autres semblent avoir développé des problèmes de santé pendant leur détention. Les familles n'ont reçu aucune information officielle sur leur état de santé ni de prescription médicale.

Plusieurs prisonniers ont été accusés de « terrorisme » et d'« incitation à la haine ». Ils sont accusés de financer ou de promouvoir des « actes de déstabilisation » et de conspirer contre le gouvernement du président Nicolás Maduro. Dans de nombreux cas, ils ont été jugés par visioconférence, sans pouvoir choisir leur avocat. Les familles ont parfois présenté des documents désignant des avocats, mais ces documents ont été rejetés car les détenus ne pouvaient pas les signer, étant en isolement. Les familles étaient souvent informées de ces audiences après leur déroulement.

« Notre seul moyen de témoigner notre amour et de leur montrer que nous pensons à eux est d'envoyer de la nourriture, des vêtements et des médicaments », a déclaré une proche d’un prisonnier. Cependant, le 4 août, les autorités de la prison du Hélicoïde ont limité les livraisons de nourriture et de produits personnels par les familles à un seul jour, le vendredi, alors qu’auparavant il était possible de le faire tous les jours ou plusieurs fois par semaine.

Dans d'autres cas, les autorités pénitentiaires ont autorisé les visites pendant un certain temps, puis les ont interdites arbitrairement pendant des semaines ou des mois. Josnars Baduel, détenu en 2020 pour sa participation présumée à une attaque maritime avortée visant à renverser Nicolás Maduro (accusation que sa famille conteste), a passé les cinq premiers mois de 2025 en isolement total, et n'a plus eu de contact avec l'extérieur depuis le mois d’août.

Une « période prolongée de détention au secret » peut être considérée comme une forme de tortureselon la Commission de droits de l’homme de l’ONU. La Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a conclu que l'isolement des détenus cause des souffrances psychologiques, les rend vulnérables et augmente le risque de mauvais traitements en prison.

Les gouvernements étrangers devraient utiliser les forums régionaux et internationaux pour défendre les droits des prisonniers politiques, ont déclaré Human Rights Watch et CLIPPVE. Parmi ces forums figure le prochain sommet UE-CELAC, qui se tiendra en Colombie en novembre.

Le Vatican devrait également saisir l'occasion de la canonisation de deux Vénézuéliens, lors d’une messe qui se tiendra le 19 octobre, pour plaider en faveur de la fin de l'isolement des prisonniers politiques au Venezuela, et de leur libération inconditionnelle. Les gouvernements étrangers devraient également exiger du gouvernement du président Maduro qu'il autorise des médecins indépendants à évaluer l'état de santé des détenus.

Jesús Armas. © Privé

« Le manque de communication et l'interdiction des visites constituent une forme de torture, qui inflige des souffrances non seulement aux détenus, mais aussi à leurs proches », a déclaré Sairam Rivas, coordinatrice de CLIPPVE qui est aussi la compagne du prisonnier politique Jesús Armas. « Nous vivons dans l'angoisse et l'incertitude, en nous accrochant à des signes de vie aussi fragiles que des vêtements sales devant être lavés, ou une demande de médicaments. »

Suite plus détaillée en anglais, au sujet de six prisonniers politiques vénézuéliens :

  • Jesús Armas (opposant politique, ex-conseiller municipal de Caracas)
  • Luis Palocz (activiste de la municipalité de Chacao, zone métropolitaine de Caracas)
  • Biagio Pilieri (journaliste, coordinateur national du parti d’opposition Convergencia)
  • Perkins Rocha (avocat du parti d'opposition Vente Venezuela)
  • Luis Somaza (opposant politique, cadre du parti Voluntad Popular)
  • Freddy Superlano (coordinateur national du parti d'opposition Voluntad Popular) 

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