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Venezuela : La persécution politique continue, un an après l’élection présidentielle

Le cycle d’arrestations et de libérations est pratiqué selon le système de la « porte tournante »

Deux femmes agenouillées par terre plaçaient des photos de leurs proches détenus parmi d’autres photos, lors d’une manifestation tenue devant le bureau du Procureur général à Caracas, le 21 novembre 2024, pour demander la libération de prisonniers politiques au Venezuela. © 2024 Federico Parra/AFP via Getty Images

(Washington) – Un an après l'élection présidentielle, les autorités vénézuéliennes commettent des exactions généralisées contre leurs détracteurs, notamment par le biais d'arrestations basées sur des motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote le 28 juillet 2024, le Conseil national électoral (Consejo Nacional Electoral, CNE) avait annoncé la réélection de Nicolás Maduro. Toutefois, des observateurs internationaux avaient alors critiqué le processus en raison de son manque de transparence et d'intégrité, et remis en question les résultats annoncés. À ce jour, les autorités vénézuéliennes n'ont toujours pas publié le décompte officiel des voix, tandis que les décomptes publiés par l'opposition indiquaient une victoire du candidat de l'opposition, Edmundo González. Depuis l’élection, les autorités vénézuéliennes ont exercé une répression brutale, marquée par des meurtres, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des actes de torture. Au 21 juillet, 853 prisonniers politiques se trouvaient toujours derrière les barreaux, selon l'organisation de défense des droits humains Foro Penal.

« Les autorités vénézuéliennes commettent systématiquement des violations des droits humains à l’encontre de personnes qui les critiquent », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les récentes libérations de personnes détenues arbitrairement ne masquent pas le fait que des centaines d’autres prisonniers politiques restent derrière les barreaux. »

Suite à l'annonce de la réélection de Nicolás Maduro, des milliers de Vénézuéliens étaient descendus dans la rue, principalement dans des quartiers pauvres. En réponse, le gouvernement avait lancé son « Opération Toc Toc » (« Operación Tun Tun »), une campagne d'intimidation, de harcèlement et de répression à l’échelle nationale.

Human Rights Watch a documenté des meurtres de manifestants et l'arrestation de centaines d'opposants politiques, de défenseurs des droits humains et de détracteurs du gouvernement, dont des ressortissants étrangers. De nombreuses personnes ont été inculpées de crimes comme « incitation à la haine » et « terrorisme », définis de manière vague et passibles de peines pouvant aller jusqu'à 30 ans de prison. Plusieurs personnes ayant mené des actions protégées par le droit international relatif aux droits humains – comme manifester, critiquer le gouvernement ou participer à des activités de l'opposition – ont été détenus arbitrairement, et soumises à des procédures judiciaires entachées de graves irrégularités.

Des autorités vénézuéliennes ont fréquemment nié avoir procédé à des arrestations ou à des disparitions forcées, caractérisées selon le droit international par le refus de divulguer des informations au sujet d’une personne détenue, y compris le lieu de sa détention. Des familles ont été contraintes de rechercher leurs proches dans des centres de détention et des morgues pendant des jours, voire des semaines. De nombreux détenus ont été placés à l’isolement, certains depuis le jour de leur arrestation ; ils ont été privés de la possibilité de recevoir la visite de leurs proches ou de leur avocat, ou de consulter les dossiers juridiques les concernant. Nombre d'entre eux ont été inculpés lors d'audiences virtuelles et collectives, ce qui a encore davantage porté atteinte à leur droit à une procédure régulière.

Certains détenus ont été détenus au secret pendant des mois. Parmi eux figurent Freddy Superlano, coordinateur national du parti d'opposition Voluntad Popular ; Perkins Rocha, coordinateur juridique du parti d'opposition Vente Venezuela ; Jesús Armas, membre de l'équipe de campagne de l'opposant Edmundo González ; Enrique Márquez, candidat à l’élection présidentielle de 2024 ; et Eduardo Torres, avocat auprès du Programme vénézuélien d’éducation et d’action en matière de droits humains (Programa Venezolano de Educación Acción en Derechos Humanos, PROVEA).

Certains détenus ont été soumis à des mauvais traitements et à la torture, notamment des coups, des décharges électriques, l'usage asphyxiant de sacs plastiques, l'isolement cellulaire et la détention dans des cellules disciplinaires exiguës, sombres et surpeuplées.

Le Bureau du Procureur général affirme avoir libéré des centaines de détenus, bien que nombre d'entre eux fassent toujours l'objet d'une enquête criminelle. De nombreux individus ont été contraints de signer des documents leur interdisant de divulguer des informations sur leur arrestation ou les poursuites judiciaires engagées contre eux. Certains ont été contraints de participer à l’enregistrement de vidéos dans lesquelles ils affirmaient que leurs droits avaient été respectés pendant leur détention.

Le 18 juillet, les autorités vénézuéliennes ont annoncé la libération de 80 personnes. Elles ont également libéré 10 citoyens et résidents permanents américains, en échange de la libération de 252 migrants vénézuéliens que le gouvernement américain avait expulsés vers le Salvador ; ils y étaient détenus au secret au Centre de confinement du terrorisme (Centro de Confinamiento del Terrorismo, CECOT), une immense prison de triste notoriété.

Selon le parti Vente Venezuela, une quarantaine d'autres détracteurs du gouvernement ont été arrêtés depuis les récentes libérations. Certains ont été ensuite remis en liberté.

« Depuis des années, le gouvernement Maduro pratique le système de la “porte tournante”, libérant certaines personnes qui étaient détenues arbitrairement, tout en en arrêtant d'autres individus », a observé Juanita Goebertus. « Les gouvernements étrangers, y compris les États-Unis, devraient se rendre compte qu'ils sont manipulés par un gouvernement qui libère des prisonniers politiques tout en en détenant d'autres, consolidant ainsi son régime autoritaire. »

Les gouvernements étrangers devraient dénoncer la politique de la carotte et du bâton employée par le président Maduro, selon Human Rights Watch. Ce système récompense les autorités et les forces de sécurité responsables d’abus, renforçant ainsi leur loyauté envers le gouvernement, tout en punissant, torturant ou poussant à l'exil des opposants, des détracteurs et même des membres des forces de sécurité qui soutiennent la démocratie et les droits humains.

Les gouvernements étrangers devraient soutenir pleinement les efforts visant la reddition de comptes pour les violations des droits humains au Venezuela, et faire pression sur les autres gouvernements ou acteurs économiques qui contribuent à cette répression. Ils devraient aussi accroître le soutien à la société civile, aux journalistes indépendants et à tous ceux qui œuvrent pour la défense de la démocratie et des droits humains au Venezuela, et étendre d'urgence les protections pour toutes les personnes contraintes de quitter ce pays.

La communauté internationale devrait saisir toutes les occasions de faire pression pour aboutir à des progrès significatifs en matière de droits humains au Venezuela. Cela implique de s'appuyer sur les forums régionaux et internationaux, comme le prochain sommet Union européenne -Communauté des États latino-américains et caribéens (Comunidad de Estados Latinoamericanos y Caribeños, CELAC) qui se tiendra en Colombie en novembre. Le Vatican devrait également saisir l'occasion de la canonisation de deux Vénézuéliens, prévue en octobre, pour réclamer la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques dans ce pays.

« Un an après l’élection présidentielle de 2024, de nombreux Vénézuéliens continuent de risquer leur vie et leur liberté pour défendre la démocratie », a conclu Juanita Goebertus. « Les gouvernements qui dialoguent avec Nicolás Maduro ne devraient pas se contenter de libérations isolées de prisonniers : ils devraient exiger des améliorations substantielles et durables en matière de droits humains, afin de démanteler la machine de terreur d'État qui contrôle actuellement le Venezuela. »

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