(Washington, 18 septembre 2025) – Les frappes militaires menées par les États-Unis contre deux bateaux suspectés de transporter des trafiquants de drogue, et lors desquelles au moins 14 personnes ont été tuées selon l'administration Trump, ont constitué des exécutions extrajudiciaires illégales, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ces frappes ont été menées alors que la Maison Blanche s'efforce d'obtenir des pouvoirs élargis qui lui permettraient de cibler des « narcoterroristes » présumés, mais risqueraient de faciliter de nouvelles violations des droits humains.
« Les hauts responsables américains ne peuvent pas exécuter sommairement des personnes qu'ils accusent de trafic de drogue », a déclaré Sarah Yager, directrice du bureau de Washington de Human Rights Watch. « Le problème du transport de stupéfiants aux États-Unis ne constitue pas un conflit armé, et les représentants du gouvernement américain ne peuvent se soustraire à leurs obligations en matière de droits humains en prétendant le contraire. »
Le 2 septembre, le président Donald Trump a annoncé que les forces militaires américaines avaient frappé un bateau en provenance du Venezuela dans les eaux internationales, tuant 11 personnes qui, selon lui, étaient membres de Tren de Aragua, un groupe criminel vénézuélien désigné par le Département d'État américain comme une organisation terroriste étrangère. Sur son compte X, le secrétaire d'État Marco Rubio a décrit l’embarcation comme un bateau utilisé pour le trafic de drogue (« drug vessel ») et exploité par une « organisation narcoterroriste » afin de transporter illégalement de la drogue vers les États-Unis.
Plus tard dans la journée du 2 septembre, le président Trump a publié sur son compte Truth Social une vidéo montrant l'explosion du bateau. En examinant ces images en basse résolution, Human Rights Watch a pu confirmer visuellement qu'au moins six personnes se trouvaient à bord du bateau au moment de la frappe. La localisation exacte du bateau et le moment précis de l'attaque n’ont pas pu être vérifiés. Selon un haut responsable américain cité sous couvert d’anonymat par le New York Times, l’attaque a été menée par un hélicoptère des forces spéciales, ou par un drone MQ-9 Reaper.
Le 15 septembre, le président Trump a annoncé que les forces militaires américaines avaient mené une deuxième attaque contre un autre bateau en provenance du Venezuela dans les eaux internationales, tuant trois hommes. Les images de l'attaque montrent le bateau quasi-immobile avec au moins deux personnes à bord, quelques secondes avant l’explosion. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de vérifier précisément où ni quand l'attaque a eu lieu. Dans son post sur Truth Social au sujet de cette deuxième attaque, Trump a lancé cet avertissement en majuscules : « SOYEZ AVERTIS - SI VOUS TRANSPORTEZ DE LA DROGUE POUVANT TUER DES AMÉRICAINS, NOUS VOUS CHASSONS ! »
L'usage de la force létale par l'armée américaine contre des trafiquants de drogue présumés lors de ces deux frappes a violé le droit international des droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par les États-Unis, protège le droit à la vie. En vertu des normes relatives aux droits humains, les responsables du maintien de l'ordre, y compris le personnel militaire, doivent s'efforcer de minimiser les blessures et de préserver la vie humaine. Ils ne peuvent recourir à la force létale que lorsque cela est absolument inévitable pour se protéger contre une menace imminente de mort ou de blessure grave.
Dans le cadre des deux frappes, les autorités américaines n'ont pas cherché à minimiser les dommages, ni à démontrer que les personnes à bord des bateaux représentaient une menace imminente pour la vie. Aucune solution non létale, comme l'interdiction de la poursuite du trajet maritime ou l'arrestation des personnes à bord, n'a été proposée. À l’inverse, les responsables de l'administration ont décrit les frappes en des termes confirmant qu’il s’agissait d’homicides ciblés illégaux.
Le 16 septembre, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ainsi que deux autres experts des droits humains de l'ONU, ont conjointement publié une déclaration condamnant les deux frappes en tant qu’« exécutions extrajudiciaires ».
Le droit international humanitaire, qui régit la conduite des hostilités en cas de conflit armé, ne s'applique pas dans ce contexte. Les États-Unis ne sont engagés dans aucun conflit armé avec le Venezuela ni avec les groupes criminels présumés impliqués. Les gouvernements étrangers devraient condamner ces attaques, publiquement et en privé, a déclaré Human Rights Watch.
Ces frappes ont été menées dans le contexte du démantèlement par l'administration Trump des mécanismes de contrôle juridique interne au sein de l'armée américaine. Des protections essentielles destinées à garantir le respect du droit international ont été vidées de leur substance, a déclaré Human Rights Watch.
En février, l'administration a démis de leurs fonctions décisionnelles essentielles les juges-avocats généraux (« Judge Advocates General » - des juristes militaires chargés de contrôler la légalité des opérations). Également en février, le Secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a signé une directive assouplissant considérablement la surveillance des frappes aériennes et des raids des opérations spéciales, accordant aux commandants une plus grande latitude pour autoriser le recours à la force létale sans les multiples contrôles juridiques auparavant requis. Cette érosion des garanties accroît le risque d'attaques illégales et compromet la capacité de l'armée à respecter ses obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits humains.
« L'armée américaine devrait immédiatement mettre fin à tout projet de frappes illégales et veiller à ce que toutes les opérations militaires soient conformes au droit international humanitaire et respectent les droits humains », a conclu Sarah Yager. « Le Congrès devrait ouvrir une enquête rapide et transparente sur le processus décisionnel à l'origine de ces attaques, y compris sur les fondements juridiques et la chaîne de commandement. »
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