Affirmer que la « politique étrangère ‘America First’ » de Trump est une mauvaise nouvelle pour les droits humains dans le monde entier ne surprendra sans doute pas beaucoup de monde.
Certains diront que les droits humains n'ont jamais joué un rôle prépondérant dans la politique étrangère américaine. Le slogan « America First » (‘l’Amérique d’abord’) de Trump n'est qu'une reconnaissance plus ouverte de ce qui a été la règle d'or de toutes les administrations américaines précédentes depuis des décennies, toutes coupables de violations des droits humains.
Cet argument est tout à fait valable. Les recherches menées par Human Rights Watch sur les politiques et les actions des États-Unis au fil des ans en apportent d'ailleurs la preuve.
Cependant, un changement important est en train de s'opérer à Washington, changement qui pourrait être négligé par un argument aussi catégorique. Il réside dans les détails de l'élaboration et de la mise en œuvre de la politique étrangère américaine, dans la structure même du département d'État. Les changements en cours au sein de cette structure sont profondément inquiétants et pourraient avoir des implications à long terme à l'échelle mondiale.
La semaine dernière, le secrétaire d'État américain Marco Rubio a annoncé un « plan de réorganisation globale » pour s'aligner sur la « politique étrangère ‘America First’ » de Trump. Certains bureaux sont supprimés ou voient leur budget et leur personnel considérablement réduits. Les fonctions de ces bureaux seront réparties entre d'autres unités et/ou déclassées, peut-être jusqu'à devenir inutiles.
Nous avons déjà vu les conséquences catastrophiques des coupes drastiques dans l'aide étrangère pour de nombreuses personnes à travers le monde. Le démantèlement de l'aide étrangère américaine a mis fin à des milliers de programmes qui soutenaient les défenseurs des droits humains et les médias indépendants. Il a également supprimé de nombreux programmes qui fournissaient une aide humanitaire vitale.
La nouvelle structure du département d'État risque d'aggraver encore la situation. Elle supprime plusieurs bureaux et postes de haut niveau consacrés aux droits humains. Il s'agit notamment du Bureau des questions mondiales relatives aux femmes (Office of Global Women’s Issues) et du Bureau de la justice pénale mondiale (Office of Global Criminal Justice).
À présent, certaines fonctions du Bureau de la justice pénale mondiale devraient être transférées au Bureau du conseiller juridique du département d'État. Ce qui se passe pourrait ressembler à un simple remaniement bureaucratique.
Mais il y a une différence importante. Le Bureau du conseiller juridique n'a pas de rôle décisionnaire, ce transfert constitue donc une sorte de rétrogradation.
Et cela a son importance, car l'expertise du Bureau de la justice pénale mondiale a joué un rôle clé dans les mesures déployées depuis des décennies pour faire progresser la justice pour les crimes atroces dans la politique et la diplomatie américaines.
Cela soulève la question suivante : qui, au sein de l'appareil décisionnel du département d'État, va désormais se pencher sur ces questions ?
Ces changements – et d'autres, détaillés ici – suggèrent une réorientation significative qui s’éloigne davantage du soutien aux droits humains universels et à la justice internationale.
Bien sûr, aucune administration américaine n'a jamais pleinement respecté les normes internationales en matière de droits humains, ni même ses propres valeurs déclarées en la matière.
Mais sous les administrations républicaines comme démocrates, le département d'État a fourni un financement essentiel aux défenseurs des droits humains. Il a promu les médias indépendants, défendu certaines questions fondamentales relatives aux droits des femmes et soutenu la justice pour les victimes de crimes atroces.
Il serait trop simpliste de rejeter ce qui se passe actuellement au département d'État en affirmant que la politique étrangère américaine n'a jamais donné la priorité aux droits humains, quelle que soit l'administration en place. Les droits humains ont toujours occupé une place, même modeste, dans le dispositif.
Aujourd'hui, on craint que le slogan « America First » ne signifie « les droits humains en dernier » - en d’autres termes, qu’ils disparaissent.