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Des civils fuient le camp de déplacés de Nzulo vers Goma, alors que les combats s'intensifient entre le groupe armé M23 soutenu par l'armée rwandaise et les forces militaires congolaises et ses milices alliées dans l'est de la République démocratique du Congo, le 22 janvier 2025. © 2025 Reuters/Arlette Bashizi

(Nairobi) – Les civils dans l’est de la République démocratique du Congo sont exposés à un danger croissant alors que le groupe armé abusif M23, soutenu par les Forces de défense du Rwanda (FDR), avance sur Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des affrontements opposent le M23 aux forces militaires congolaises et à une coalition de milices violentes connue sous le nom de « Wazalendo » (« patriotes » en swahili).

Les combats ont des conséquences catastrophiques sur la situation humanitaire autour de Goma. Le 21 janvier 2025, le M23 et les forces rwandaises ont pris le contrôle de Minova, une ville située à 40 kilomètres de Goma, coupant ainsi les routes d’approvisionnement des un à deux millions d’habitants que compte la capitale provinciale. Les combats ont poussé les personnes vivant dans au moins neuf camps de déplacés autour de Goma à fuir vers la ville. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué que l’intensification des combats a entraîné le déplacement de 400 000 personnes au cours des trois dernières semaines, qui s’ajoutent aux plus de quatre millions de personnes déjà déplacées dans des conditions désastreuses dans l’est de la RD Congo.

« La situation à laquelle font face les civils de Goma devient de plus en plus dangereuse et les besoins humanitaires sont énormes », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch. « Les terribles exactions commises par le M23, les Wazalendo et les forces rwandaise et congolaise devraient servir d'avertissement aux gouvernements concernés qui doivent faire pression sur les parties belligérantes pour qu'elles protègent les civils. »

Toutes les parties au conflit devraient respecter le droit international humanitaire, assurer la protection des civils et faciliter l’acheminement de l’aide.

Human Rights Watch s’est entretenu par téléphone avec des sources militaires, diplomatiques et humanitaires à Goma les 23 et 24 janvier, qui ont décrit les combats près des villes de Sake à l’ouest et de Kibumba au nord, et le déploiement de forces de l’ONU et de l’Afrique australe pour bloquer l’avancée du M23. Human Rights Watch a vérifié la localisation d’une photographie horodatée du 23 janvier qui montre au moins cinq hommes armés portant des uniformes et du matériel concordant avec ceux de l’armée rwandaise se déplaçant le long de la route principale à Sake.

Les agences humanitaires ont signalé des bombardements sur des villes près de Goma depuis la mi-janvier, faisant des blessés et des morts parmi les civils. Le HCR a rapporté que des camps de déplacés autour de Goma et dans le Sud-Kivu ont également été touchés, entraînant la mort d’au moins deux enfants et la destruction d’abris. « Actuellement, environ 30 à 40 pour cent des personnes blessées nécessitant des soins médicaux à Goma sont des civils », a expliqué une source humanitaire à Human Rights Watch. Le 24 janvier, le Comité international de la Croix-Rouge a annoncé que son hôpital à Goma était « saturé » à la suite d’un afflux de patients de Sake, y compris des femmes et des enfants.

Le 23 janvier, les autorités du Nord-Kivu ont publié un décret interdisant les déplacements à bord de petites embarcations sur le lac Kivu entre le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Deux personnes à Minova ont confirmé à Human Rights Watch que, depuis la prise de contrôle par le M23 de la ville, qui se trouve aussi sur le lac, les déplacements en bateau vers Goma ont été effectivement interdits.

Des sources à Goma ont également exprimé des inquiétudes sur le fait que les combattants Wazalendo qui se replient vers Goma pourraient attaquer des civils et se livrer à de nouveaux pillages et saccages de la ville. La mort du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Peter Cirimwami, au cours des combats, confirmée le 24 janvier, a exacerbé les inquiétudes quant à la capacité des autorités à contrôler les milices Wazalendo.

Les hostilités dans l’est de la RD Congo se sont intensifiées depuis la fin de l’année 2024, avec des combats signalés dans les territoires du Rutshuru, Lubero, Masisi et Walikale dans le Nord-Kivu et Kalehe dans le Sud-Kivu. Le 19 janvier, deux travailleurs de Médecins Sans Frontières (MSF) ont été légèrement blessés lorsque deux roquettes sont tombées à proximité de l’hôpital général de référence de Masisi. Des coups de feu ont également touché l’hôpital et la base du personnel de MSF, a précisé l’ONG.

Human Rights Watch enquête sur des informations indiquant que le M23, avec le soutien de l’armée rwandaise, a eu recours au travail forcé, au recrutement forcé et à d’autres pratiques abusives. Après avoir pris le contrôle de Masisi en janvier, le M23 a ordonné le démantèlement de deux camps de déplacés, selon une source humanitaire.

Human Rights Watch a rapporté que, tout au long de l’année 2024, l’armée rwandaise et le M23 ont bombardé sans discernement des camps de déplacés et d’autres zones densément peuplées près de Goma. Les forces armées congolaises et les milices Wazalendo alliées ont exposé les personnes déplacées dans les camps à un risque accru en déployant de l’artillerie à proximité. Les forces des deux camps ont tué et violé des habitants des camps, entravé l’acheminement de l’aide et commis d’autres abus.

Bien que le président congolais Félix Tshisekedi ait demandé le retrait des 14 000 membres de la mission de maintien de la paix de l’ONU en RD Congo, connue sous l’acronyme MONUSCO, celle-ci conserve une présence dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. La Mission de la Communauté de développement d’Afrique australe en République Démocratique du Congo (SAMIDRC), composée de troupes malawiennes, sud-africaines et tanzaniennes, a été déployée en décembre 2023.

Les responsables congolais et rwandais, ainsi que les leaders du M23 et des groupes armés appartenant à la coalition Wazalendo, devraient clairement donner l’ordre de ne pas cibler les civils et de limiter les pertes en vies humaines et les dommages aux biens civils, a déclaré Human Rights Watch.

En vertu du droit international humanitaire, les combats en cours entre les forces armées congolaises et rwandaises, ainsi que les autres forces armées et les groupes armés non étatiques constituent un conflit armé. Les parties à un conflit doivent faire la distinction à tout moment entre les combattants et les civils et ne jamais cibler délibérément des civils ou des biens de caractère civil. Les parties belligérantes sont tenues de prendre toutes les précautions possibles pour limiter au minimum les dommages aux civils et aux biens de caractère civil. Les attaques qui visent des civils ou ne font pas de distinction entre combattants et civils, ou qui causeraient un préjudice disproportionné à la population civile par rapport au gain militaire escompté sont interdites.

Les gouvernements concernés devraient soutenir publiquement et adopter de toute urgence des sanctions contre les commandants haut placés, y compris les responsables rwandais appuyant le M23. Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait imposer des interdictions de voyager et un gel des avoirs aux responsables congolais et rwandais qui fournissent une assistance militaire à des groupes armés abusifs. L’Angola, qui dirige la médiation mandatée par l’Union africaine sur le conflit, et d’autres gouvernements concernés, y compris la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que l’Union européenne devraient conjointement faire pression sur la RD Congo et le Rwanda afin qu’ils mettent un terme à leur soutien aux groupes armés abusifs.

L’UE et ses États membres devraient immédiatement revoir leur assistance militaire aux forces armées rwandaises, notamment la récente décision de la Facilité européenne pour la paix (European Peace Facility, EPF) de renouveler le financement de leur déploiement à Cabo Delgado au Mozambique, afin de s’assurer qu’ils ne contribuent pas directement ou indirectement à des opérations militaires abusives dans l’est de la RD Congo.

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine devrait convoquer d’urgence une session des chefs d’État et de gouvernement pour condamner les violations des droits humains en cours, coordonner la médiation conduite par l’UA, chercher à désarmer les groupes armés non étatiques abusifs et organiser des enquêtes sur les violations graves.

En octobre 2024, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé que son bureau allait « réactiver [ses] enquêtes en République Démocratique du Congo [...] en priorité sur les crimes présumés relevant du Statut de Rome commis dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022 ». La CPI enquête sur les crimes graves perpétrés en RD Congo depuis 2004, date à laquelle le gouvernement a demandé pour la première fois l’intervention de la Cour. L’enquête de la Cour devrait inclure un examen du rôle de l’armée congolaise dans les crimes commis par les milices qu’il soutient et de l’implication de l’armée rwandaise dans les atrocités perpétrées par le M23, a précisé Human Rights Watch.

« Les forces rwandaises, le M23 et l’armée congolaise et ses alliés ont un lourd passé d’atrocités, notamment de meurtres, de viols et de pillages », a conclu Clémentine de Montjoye. « Ils n’ont pas eu à répondre de leurs crimes, et il est plus important que jamais que les gouvernements concernés signalent que l’impunité ne prévaudra pas. »

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