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Lettre d’ONG au Congrès américain et à la nouvelle administration Trump au sujet de la CPI

Lettre conjointe de 87 ONG critiquant le projet de sanctions américaines contre la Cour pénale internationale

Le siège de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, aux Pays-Bas, photographié en novembre 2019. © 2019 AP Photo/Peter Dejong, File

À l’attention des membres du 119ème Congrès et à la nouvelle administration présidentielle de Donald J. Trump :

Les organisations soussignées souhaitent exprimer leurs graves préoccupations, et leur opposition sans équivoque à l’utilisation par les États-Unis de sanctions en vue d’attaquer la Cour pénale internationale (CPI), une institution judiciaire indépendante qui se consacre à la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves que connaisse l’humanité.

La CPI joue un rôle essentiel dans les affaires internationales en enquêtant sur les crimes internationaux les plus graves qui choquent la conscience collective de l’humanité, et en enquêtant sur les individus accusés d’avoir commis ces crimes. La Cour le fait d’une manière qui protège les droits à une procédure régulière des accusés, la souveraineté des États, y compris des États-Unis, et les droits des victimes. Ainsi que l’ont noté de nombreux observateurs, soutenir le travail de la Cour est dans l’intérêt des États-Unis, et à l’inverse, la sanctionner nuirait à d’importants intérêts américains. Dans le passé, le rôle positif de la CPI a été reconnu dans le cadre du soutien bipartisan apporté à ses enquêtes sur les crimes de guerre présumés perpétrés par des responsables russes lors du conflit en Ukraine  (H.Res.531 et H.Res.963), aux efforts visant à rendre justice aux victimes de violations flagrantes des droits humains au Myanmar (H.Res.5497),  et comme moyen de traduire en justice les auteurs d’atrocités au Soudan (H.Res.4169).

En 2020, plusieurs organisations soussignées s’étaient déjà exprimées contre la décision de la précédente administration Trump de soumettre deux hauts responsables de la CPI à des sanctions et à des restrictions de voyage. Nous avions alors averti qu’il était « particulièrement dangereux, extrémiste et sans précédent d’utiliser un mécanisme conçu pour pénaliser des criminels et leurs complices, contre une institution judiciaire indépendante ». Les sanctions précédentes contre la Procureure de la CPI et l’un de ses collaborateurs ont suscité de sérieuses inquiétudes quant à la capacité de la CPI à remplir son mandat, notamment l’obligation de la Procureure de rendre compte au Conseil de sécurité de l’ONU des enquêtes de la CPI au sujet du Darfour et de la Libye, et de participer aux réunions annuelles de l’Assemblée des États parties (AEP), l’organe de gestion et de contrôle législatif de la CPI, auquel les États-Unis participent en tant que pays observateur.

En 2024, la Chambre des représentants a adopté le projet de loi « Illegitimate Court Counteraction Act » (« Loi pour contrer les actions de la cour illégitime »). Bien que la portée complète du projet de loi soit ambiguë, l’objectif est de punir les personnes étrangères qui apportent un soutien matériel ou financier aux efforts de la CPI dans le cadre de certaines enquêtes et poursuites. L’administration Biden s’est fermement opposée à ce projet de loi, et le Sénat précédent n’a pas encore voté à ce sujet. En tant qu’organisations de défense des droits humains, organisations juridiques et organisations confessionnelles, fondements de la société civile, et en tant que personnes ayant consacré nos carrières à ces causes, nous dénonçons les tentatives d’attaque contre une institution judiciaire indépendante, et exhortons le 119e Congrès et la nouvelle administration Trump à réévaluer cette approche erronée.

Le gel des avoirs et les restrictions d’entrée sont des outils conçus pour sanctionner les individus et les entités qui constituent une menace pour la sécurité nationale des États-Unis, tels que les kleptocrates qui commettent des actes de corruption à grande échelle, les auteurs de violations graves des droits humains, ainsi que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. En appliquant ces mesures à un tribunal que 125 pays – et à deux reprises le Conseil de sécurité des Nations Unies – ont chargé d’assurer la reddition de comptes pour des crimes atroces, les États-Unis subissent l’accusation stigmatisante de soutenir l’impunité, au lieu de la justice. En fait, la Russie a sanctionné certains juges de la Cour l’année dernière, et les États-Unis ne devraient pas adopter de tels outils vindicatifs. De telles actions compromettent la capacité des victimes désespérées à accéder à la justice, dans le cadre de toutes les enquêtes menées par la Cour ; elles sapent la crédibilité de sanctions en tant qu’outils utilisés dans d’autres contextes, et placent les États-Unis dans une position de désaccord avec leurs alliés les plus proches.

La CPI représente et constitue un élément d’un système mondial de justice internationale dont les États-Unis ont été l’un des principaux architectes à Nuremberg, par la suite. Aujourd’hui, la CPI, aux côtés d’autres tribunaux, mécanismes régionaux et tribunaux nationaux, poursuit ces efforts par le biais d’enquêtes et de poursuites qui pourraient aider à rendre justice aux victimes d’atrocités au Soudan, au Myanmar, en Ukraine et ailleurs. En tant que tribunal de dernier recours, la CPI ne peut intervenir que lorsqu’un État a démontré sa réticence ou son incapacité à demander des comptes à ses ressortissants pour les crimes relevant de la compétence de la Cour. La CPI fournit donc un filet de sécurité essentiel aux victimes, qui n’ont aucun autre recours à la justice. Le recours à des sanctions risque d’avoir un important impact négatif contre cette institution, qui se consacre à faire progresser la justice pour les victimes.

Les sanctions proposées ont été motivées par les mandats d’arrêt émis le 21 novembre 2024 contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant. Mais dans la pratique, sanctionner la Cour ou ses responsables mettrait fin à ses travaux dans toutes les situations qui relèvent de sa compétence, y compris celles qui revêtent une importance cruciale pour les États-Unis, comme en Ukraine et au Soudan. Les citoyens américains qui représentent des victimes et des survivants risqueraient aussi d’être sanctionnés, en raison de leur travail visant à obtenir justice pour les auteurs de crimes atroces. L’idée que la justice puisse être utilisée de manière sélective pour faire avancer des préoccupations géopolitiques est un affront moral à toutes les personnes qui sont en danger, et une violation du principe de l’universalité des droits humains. Une attaque contre la CPI, dans le cadre d’une situation sur laquelle elle enquête, constitue une attaque contre le principe même de l’État de droit.

À un moment historique où l’État de droit est menacé sur plusieurs fronts à l’échelle mondiale, des institutions comme la Cour pénale internationale sont plus que jamais nécessaires pour faire progresser la protection des droits humains, avec l’objectif universel de prévenir de futures atrocités et de faire progresser la justice pour les victimes. Mais à l’inverse, les sanctions envoient un signal qui pourrait enhardir les régimes autoritaires et divers individus qui ont des raisons de craindre de rendre des comptes, et qui cherchent à échapper à la justice. Il est essentiel que les États-Unis répondent à toute allégation d’actes répréhensibles d’une manière qui ne trahisse pas la cause de la justice mondiale, n’abandonne pas la coopération internationale ou ne compromette pas le soutien à la dignité et aux droits humains.

Il serait terriblement ironique qu’un outil conçu pour pénaliser les auteurs de violations flagrantes des droits humains puisse au contraire contribuer à leur impunité continue. Nous exhortons donc les membres du Congrès, les autres gouvernements et les défenseurs des victimes du monde entier à faire entendre leur voix pour s’opposer aux attaques contre l’indépendance et l’autonomie des institutions judiciaires internationales comme la CPI. Nous invitons tous les partisans de la justice à se joindre à nous pour s’opposer à ces mesures destructrices.

Organisations signataires

Advocacy Network for Africa (AdNA)

Advocates for Human Rights

Al Haq

American Civil Liberties Union (ACLU)

American Friends Service Committee

American Human Rights Council

Amnesty International USA

Aotearoa Lawyers for Peace

Arizona Justice Alliance

Association for the Promotion of Sustainable Development

Association of Reintegration of Crimea

Association of World Citizens

Australian Religious Response to Climate Change

Basel Peace Office

Center for Constitutional Rights

Center for the Development of International Law

Center for the Human Rights of Children at Loyola University Chicago School of Law

Center for International Human Rights, Northwestern Pritzker School of Law

Center for International Policy Advocacy

Center for Truth and Justice

Centro de Desarrollo Étnico-CEDET

Charity and Security Network

Citizens for Global Solutions

Coalition for the UN We Need (C4UN)

Darfur Women Action Group

DAWN

Defending Rights and Dissent

Defined Impact Group

Ensaaf

Global Centre for the Responsibility to Protect

Global Justice Center

Hawaii Peace and Justice

Historians for Peace and Democracy

Human Rights Center, University of California Berkeley School of Law

Human Rights First

Human Rights Watch

Institute for Genocide and Mass Atrocity Prevention, Binghamton University, the State University of New York

Institute for Justice and Democracy in Haiti (IJDH)

International Alliance of Women to the UN

International Civil Society Action Network (ICAN)

International Criminal Court Alliance

J Street

Jacob Soetendorp Institute for Human Values

Journal of Social Encounters

Laboratorio de Paz (Venezuela)

Law and Democracy Support Foundation

MADRE

Maryknoll Office for Global Concerns

The Minnesota Peace Project

Movimento Federalista Europeo

MPower Change Action Fund

National Forum for Human Rights (Yemen)

New Jewish Narrative

New Lines Institute

No Business With Genocide

Nonviolent Peaceforce

Open Society Justice Initiative

Operation Broken Silence

Pax Christi, Greensburg, Pennsylvania

Pax Christi, New York State

Pax Christi USA

Peace Action

Physicians for Human Rights

Presbyterian Church (USA), Office of Public Witness

Programa Venezolano de Educación Acción en Derechos Humanos (PROVEA)

Progressive Democrats of America - Central New Mexico (PDA-CNM)

Project Expedite Justice

Robert F. Kennedy Human Rights

The Sentry

StoptheDrugWar.org

Stop Genocide Now

Southern Anti-Racism Network (SARN)

Ukrainian Legal Advisory Group (ULAG)

UN Association of Greater Philadelphia

Unitarian Universalist Service Committee (UNSC)

United Church of Christ

United Church of Sante Fe

United Nations Association of Sweden

US Boats to Gaza

Veterans for Peace

Women’s Initiatives for Gender Justice

World Beyond War

World Court of Human Rights Coalition

World Federalist Movement-Institute for Global Policy

World Without Genocide at Mitchell Hamline School of Law

Youth and Women for Change in Eswatini

Zarga Organisation for Rural Development (Sudan)

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