Les dirigeants mondiaux réunis à New York cette semaine pour l’Assemblée générale des Nations Unies ont l’occasion d’accorder à Haïti l’attention que ce pays mérite en prenant des engagements financiers, techniques et logistiques concrets. Une action immédiate et coordonnée est essentielle et peut faire une réelle différence pour les millions d’Haïtiens dont la vie est menacée.
Au cours des trois dernières années, Haïti a été englouti par l’une des pires crises humanitaires et sécuritaires au monde. Quelques 300 groupes criminels violents contrôlent près de 80 % de la zone métropolitaine de la capitale Port-au-Prince et sont de plus en plus actifs dans les zones rurales du pays. Ils terrorisent les habitants en tuant, violant et kidnappant à volonté et empêchent la libre circulation des personnes et des biens. La violence a contraint écoles et hôpitaux à fermer leurs portes et a fait de la survie quotidienne une lutte pour de nombreux Haïtiens. Selon l’ONU, près de cinq millions d’entre eux sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, parmi lesquelles 1,6 million de personnes environ sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire d’urgence.
En dépit de cette situation désastreuse, notre récente visite en Haïti nous a permis d’entrevoir quelques lueurs d’espoir.
Le nouveau Premier ministre de transition, Garry Conille, est formé aux questions humanitaires et s’est publiquement engagé à donner la priorité à l’état de droit et à lutter contre la corruption tout en respectant les droits humains. Cet engagement est le bienvenu dans un pays où les acteurs politiques traditionnels et l’élite économique ont longtemps soutenu les groupes criminels en les utilisant pour accéder aux ressources et remporter des élections qui jusqu’ici n’ont guère été libres ou équitables.
Le gouvernement de Garry Conille a récemment finalisé une « feuille de route » qui intègre un grand nombre des recommandations clés que Human Rights Watch et des groupes de la société civile haïtienne ont identifiées comme essentielles pour faire face efficacement à la crise.
Entretemps, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) autorisée par les Nations Unies et dirigée par le Kenya est enfin opérationnelle. La mission aidera la police nationale haïtienne à rétablir la sécurité et le contrôle de l’État sur le pays. Elle s’accompagne de politiques strictes visant à contrôler la conduite des opérations de la force, à garantir le respect des droits humains et à éviter les échecs et abus associés aux interventions internationales passées en Haïti.
Mais malgré la bonne volonté et les engagements pris, le gouvernement, la MMAS et les groupes humanitaires et de défense des droits humains qui travaillent en Haïti sont loin de disposer des ressources nécessaires pour relever efficacement ces défis. La MMAS ne dispose que de 425 personnes sur les 2 500 prévues sur le terrain en Haïti et n’a reçu qu’environ 85 millions de dollars par le biais du Fonds d’affectation spéciale, contrôlé par les Nations Unies, en plus des contributions directes – principalement 369 millions de dollars US –, une somme bien inférieure aux 600 millions de dollars estimés nécessaires chaque année pour son fonctionnement.
L’appel humanitaire des Nations Unies pour Haïti n’est financé qu’à hauteur de 35 % et fait face à un déficit de 437,5 millions de dollars. Le gouvernement de transition aura besoin de ressources importantes pour rétablir le contrôle de l’État, garantir l’accès des habitants aux produits et services de première nécessité, tels que la nourriture, les soins de santé et l’éducation, reconstruire le système judiciaire et mettre en œuvre des programmes d’aide aux victimes de violences sexuelles et aux enfants vulnérables dans les zones contrôlées par les groupes criminels. Un soutien international et une coordination accrus sont aujourd’hui nécessaires.