(Beyrouth, 18 juillet 2024) – Le Tribunal révolutionnaire iranien a condamné à mort une militante syndicaliste accusée de « rébellion armée contre l’État », sur la base d’une allégation d’appartenance à un groupe d’opposition, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 4 juillet 2024, la Cour a communiqué le verdict contre Sharifeh Mohammadi à son mari, Sirous Fathi, a rapporté Human Rights Activists News Agency (HRANA).
HRANA a rapporté le 4 juillet que des agents des services de renseignement avaient arrêté Mohammadi à son domicile à Rasht le 5 décembre 2023. Une source proche de la famille de Mohammadi a déclaré à HRANA qu’elle avait été membre de l’Association des organisations syndicales jusqu’en 2013. Ce groupe n’a aucun lien avec Komala, un parti social-démocrate kurde qui s’était déjà engagé dans un conflit armé en Iran et qui maintiendrait toujours une branche armée, à laquelle elle était accusée d’appartenir.
« Non seulement les autorités iraniennes ciblent sans relâche les femmes militantes, mais elles se livrent également à des attaques et à des répressions contre les femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses », a déclaré Nahid Naghshbandi, chercheuse par intérim sur l’Iran à Human Rights Watch. « Si le nouveau président Pezeshkian veut montrer qu’il représente un réel changement, il devrait commencer par mettre un terme à la répression en cours, y compris aux condamnations à mort. »
Sharifeh Mohammadi est née en Azerbaïdjan oriental et elle était membre du Comité de coordination pour aider à former des organisations de travailleurs. Ce comité a été fondé en 2005 par plusieurs militants kurdes afin d’aider et de faciliter la création d’organisations syndicales indépendantes. Les agences de sécurité iraniennes ont considéré ce comité comme étant affilié au groupe Komala, sans preuve. Bien que les fondateurs et les membres de ce comité aient été arrêtés et emprisonnés à plusieurs reprises, aucun d’entre eux n’a été accusé de « rébellion armée contre l’État ».
Seize prisonnières politiques de la prison d’Evine ont écrit dans une lettre le 9 juillet qu’elles «se tiennent « aux côtés de Sharifeh Mohammadi et de toutes les personnes qui sont menacées de la peine de mort ». La lettre précise que « Sharifeh Mohammadi, une militante syndicale, a été condamnée à mort après sept mois de détention, de torture et d’interrogatoire sur la base d’accusations sans fondement ». La lauréate du prix Nobel Narges Mohammadi figurait parmi les signataires.
Depuis les manifestations « Femme, vie, liberté » de 2022, les autorités iraniennes ont intensifié leur répression à l’encontre des militantes et des défenseurs des droits de l’homme, en recourant à des mesures plus sévères et en prononçant de lourdes condamnations pour étouffer la dissidence et faire taire les voix de l’opposition. Le 27 mars, 11 militants politiques et défenseurs des droits des femmes ont ainsi été condamnés à des peines d’emprisonnement.
Le ciblage des minorités ethniques et religieuses est manifeste dans les mesures de répression prises par l’État dans des régions comme le Kurdistan et le Sistan et Baloutchistan. Deux autres militantes politiques kurdes, Pakhshan Azizi et Warisha Moradi, sont jugées à Téhéran pour « rébellion armée contre l’État ».
Le Réseau des droits humains du Kurdistan (KHRN) a rapporté que des agents du renseignement ont arrêté Warisha Moradi, membre de la Société des femmes libres du Kurdistan oriental (KJAR), le 1er août 2023, à Kermanshah. Elle est également accusée de « rébellion armée contre l’État ».
KHRN a déclaré que Warisha Moradi avait subi des pressions et des menaces pour faire des aveux forcés. Le 26 décembre 2023, après cinq mois d’isolement, elle a été transférée dans le quartier des femmes de la prison d’Evin. Elle continue d’être privée de son droit de passer des appels téléphoniques et de rencontrer sa famille.
KHRN a en outre inidiqué que des agents des services de renseignement iraniens ont arrêté Pakhshan Azizi le 4 août 2023, également pour « rébellion armée contre l’État ». Elle avait déjà été arrêtée par les forces de sécurité en 2009 lors d’un rassemblement d’étudiants kurdes à l’université de Téhéran pour protester contre les exécutions politiques au Kurdistan. Elle a été libérée sous caution après avoir été détenue pendant quatre mois. Plusieurs membres de sa famille ont également été arrêtés mais relâchés après quelques jours d’interrogatoire. Elle n’a pas été autorisée à voir un avocat et a fait l’objet de menaces et de pressions pour avouer, selon KHRN.
Jina Modares Gorji, journaliste et militante des droits des femmes de Sanandaj, a été condamnée à 21 ans de prison et à l’exil par le tribunal révolutionnaire de Sanandaj en mai 2024. Elle était accusée d’avoir « formé des groupes illégaux dans le but de renverser l’État », d’avoir « collaboré avec des groupes et des gouvernements hostiles » et d’avoir « fait de la propagande contre l’État ».
« Les autorités iraniennes ont démontré leur mépris pour les droits des minorités et des femmes en réprimant brutalement les manifestations, en arrêtant et en maltraitant les militantes féminines », a déclaré Nahid Naghshbandi. « Elles devraient libérer Sharifeh Mohammadi sans délai. »
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