- Les autorités pakistanaises utilisent fréquemment les lois et politiques de l'époque coloniale pour expulser de force les résidents à faible revenu, les commerçants et les vendeurs ambulants afin de permettre des projets de développement publics et privés.
- Les expulsions affectent de manière disproportionnée les communautés pakistanaises les plus marginalisées, au niveau économique ou sociale, sans aide à la réinstallation ni moyens de recours.
- Le gouvernement pakistanais devrait réformer ses lois foncières et garantir que personne ne se retrouve sans abri suite à une expulsion, en proposant des options d'indemnisation et de réinstallation adéquates.
(New York) – Les autorités pakistanaises utilisent fréquemment des lois et politiques datant de l’ère coloniale pour expulser de force des résidents à faible revenu, des commerçants et des vendeurs ambulants afin de permettre l’avancée de projets de développement publics et privés, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.
Le rapport de 48 pages, intitulé « “I Escaped with Only My Life”: Abusive Forced Evictions in Pakistan » (« “Je m'en suis sorti avec seulement ma vie” : Expulsions forcées abusives au Pakistan »), documente les expulsions forcées généralisées et abusives qui affectent de manière disproportionnée les communautés les plus marginalisées, ou niveau économique ou social, dans ce pays. Les autorités ont expulsé des milliers de personnes sans consultation ni préavis suffisants, et sans proposer de compensation, d’aide à la réinstallation ou de recours adéquats, en violation de leurs droits fondamentaux.
« Le gouvernement pakistanais devrait d’urgence réformer ses lois foncières datant de l'ère coloniale afin qu'elles soient équitables, transparentes et conformes aux obligations internationales du Pakistan », a déclaré Saroop Ijaz, conseiller juridique senior auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités devraient veiller à ce que personne ne se retrouve sans abri suite à une expulsion, compenser la perte de terres et assurer la réinstallation des personnes déplacées. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 36 personnes : des victimes d'expulsions forcées dans les villes de Lahore, Islamabad et Karachi, des avocats défendant leurs droits, et des experts de la planification urbaine ; Human Rights Watch a également examiné les décisions de justice et les lois régissant le système foncier du Pakistan.
Dans la grande majorité des cas d’expulsions massives documentés, les autorités n’ont pas fourni de consultations adéquates, de préavis et de voies de recours. Lors de nombreuses expulsions, la police a eu recours à une force inutile ou excessive pour expulser les locataires, parfois en les battant, en les arrêtant arbitrairement ou en détruisant leurs biens personnels.
De nombreuses personnes expulsées, en plus de perdre leur logement, perdent souvent leurs moyens de subsistance et leur accès aux services publics essentiels, tels que les écoles et les soins de santé. Ces pratiques aggravent les inégalités sociales et économiques, pesant de manière disproportionnée sur les personnes et les ménages à faibles revenus et qui appartiennent souvent à des minorités ethniques.
Les autorités continuent d’utiliser la loi pakistanaise de 1894 sur l’acquisition des terres, datant donc de l’époque coloniale, pour l’acquisition de terres publiques plus d’un siècle plus tard. Cette loi autorise les autorités pakistanaises à acquérir des terres à des fins « publiques » vaguement définies, qui peuvent inclure des partenariats public-privé et même des projets d’entreprises privées à but lucratif.
Le gouvernement affirme fréquemment que la suppression des structures qui « empiètent » sur les terres publiques ou les propriétés de l’État est à la fois nécessaire et justifiée. L'empiétement (« encroachment ») est un crime en vertu de plusieurs lois provinciales et régionales, et une personne reconnue coupables risque d’être condamnées à une amende, voire à une peine de prison.
Les gouvernements sont habilités à exproprier des terres, y compris à expulser des personnes de leurs propriétés, pour des raisons d'intérêt public ou dans d'autres circonstances exceptionnelles. Toutefois, pour être légales, les expulsions doivent être effectuées conformément au droit national ainsi qu’au droit et aux normes internationales en matière de droits humains. Le droit international définit une « expulsion forcée » comme « l’éviction permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans qu’une protection juridique ou autre appropriée ait été assurée, de personnes, de familles ou de communautés de leurs foyers ou des terres qu’elles occupent ».
Communiqué complet en anglais : en ligne ici.
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