Vendredi, l’Union européenne a imposé des sanctions financières et des interdictions de voyager ciblées à l’encontre de sept ressortissants de la République démocratique du Congo, un Rwandais et un Tanzanien, pour « des actes constitutifs de graves violations et atteintes aux droits humains » dans l’est de la RD Congo.
La plupart des individus faisant l’objet de ces nouvelles sanctions sont des commandants ou chefs de groupes armés responsables d’exactions – notamment le M23 soutenu par le Rwanda – opérant dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri*.
Mais l’UE a également sanctionné le colonel Salomon Tokolonga de l’armée congolaise ainsi que le capitaine Jean-Pierre Niragire, dit Gasasira, des Forces rwandaises de défense (Rwanda Defence Force, RDF), pour leur implication dans le conflit déclenché par le M23. Dans son rapport du mois dernier, le Groupe d’experts des Nations Unies sur la RD Congo a révélé que le capitaine Niragire avait commandé « des forces spéciales de la RDF […] chargées de certaines opérations [dans l’est de la RD Congo] à partir de mai 2022 » dans le cadre de l’intervention directe du Rwanda en soutien à l’avancée du M23. Quant au colonel Tokolonga, Human Rights Watch a précédemment documenté sa collaboration dans le conflit avec le M23 avec des milices responsables d’exactions.
Bien que le Rwanda soit impliqué dans le soutien à des groupes armés responsables d’abus dans l’est de la RD Congo depuis longtemps, c’est la première fois que l’UE sanctionne un officier rwandais. Cette décision montre que l’UE est enfin prête à aller au-delà de sa condamnation du « soutien apporté par le Rwanda au M23 et la présence militaire rwandaise dans l’est de [la RD Congo] » et à envoyer un message ferme. L’UE devrait néanmoins signifier qu’elle compte renforcer sa réponse et sanctionner les officiers rwandais les plus haut gradés, identifiés par les enquêteurs de l’ONU, afin de montrer que fournir un soutien aux auteurs d’exactions a un coût, quel que soit le rang ou le grade. De même, les sanctions européennes devraient être appliquées à des échelons plus élevés dans la chaîne de commandement de l’armée congolaise et viser les officiers de plus haut rang qui collaborent avec des milices responsables d’abus.
L’UE devrait également exprimer ses préoccupations auprès des autorités rwandaises au sujet du général major Alex Kagame, nommé en juin commandant de la force opérationnelle conjointe de l’armée rwandaise déployée au Mozambique, alors qu’il a dirigé plusieurs opérations des RDF sur le territoire congolais en 2022, selon les enquêteurs de l’ONU. L’an dernier, l’UE a versé 20 millions d’euros en soutien aux opérations de l’armée rwandaise au Mozambique. Cependant, toute contribution rwandaise au maintien de la paix ne peut être considérée séparément de sa complicité manifeste dans les atrocités commises dans l’est de la RD Congo.
Au cours de l’année écoulée, Human Rights Watch a interrogé plus de 200 personnes, dont des victimes et des témoins de crimes atroces perpétrés par le M23. Les sanctions sont un outil important pour empêcher de nouvelles exactions, mais elles ne sont que le point de départ d’un processus nécessaire pour obliger les pires auteurs d’abus à rendre des comptes.
*La liste complète des individus sanctionnés comprend : Janvier Karairi de l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) ; Michel Rukunda dit « Makanika » et Charles Sematama des Twirwaneho ; Justin Maki Gesi alias « le petit loup de la montagne » de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) ; Bernard Byamungu du M23 ; Apollinaire Hakizimana des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) ; Ahmad Mahmood Hassan, également connu sous le nom de Jundi Abakwasi, ressortissant tanzanien des Forces démocratiques alliées (ADF) ; Colonel Salomon Tokolonga des Forces Armées de la République démocratique du Congo ; et Capitaine Jean-Pierre Niragire, dit Gasasira, des Forces de défense rwandaises.