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En Tunisie, les cases de la check-list autoritaire commencent à être cochées

Sous le président Saied, des manifestations sont interdites et des détracteurs étrangers expulsés

Manifestation contre les politiques du président tunisien Kais Saied à Tunis, le 14 janvier 2023. © 2023 Yassine Mahjoub/NurPhoto via AP Images

Que reste-t-il des acquis de la révolution tunisienne de 2011 en matière de droits humains ? Depuis que le président Kais Said s’est arrogé des pouvoirs extraordinaires en juillet 2021, la question est ouverte.

En regardant des manifestations anti-Saied à Tunis le 14 janvier 2023, le 12ème anniversaire de l'éviction de l'ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, j'ai pensé à la façon dont au moins deux de ces acquis ont survécu : la liberté de réunion et une ouverture aux organisations internationales de la société civile.

Il n'y avait pas plus de quelques milliers de manifestants, mais leurs slogans et banderoles étaient audacieux : « Non au coup d'État ! » et « Dégage, perdant ! » La police n'est pas intervenue.

Saied a toléré les rassemblements critiques, contrairement à Ben Ali, dont les forces de sécurité ont empêché ou dispersé à peu près tout rassemblement politique même d’une poignée de personnes, au cours de ses deux décennies de règne. Saied a également permis aux activistes étrangers de la société civile d'entrer et de se déplacer dans le pays sans entraves, y compris ceux qui ont dénoncé sa dérive autoritaire. Sous Ben Ali, plusieurs détracteurs étrangers défenseurs des droits humains se sont vu refuser l’entrée en Tunisie ou ont été expulsés pendant leur séjour. 

Au cours des deux derniers mois, cependant, Saied a employé certains des marteaux issus de la boîte à outils de Ben Ali. Cela a été peu remarqué du fait de la vague d’arrestations d’opposants et de l’incitation au racisme contre les migrants noirs africains, L'administration de Saied a commencé à refuser les autorisations requises pour la tenue de manifestations, et à expulser ou à refuser l'entrée aux détracteurs étrangers.

Le gouverneur de Tunis a interdit une manifestation prévue le 5 mars par le Front de salut national, une coalition politique opposée à la prise de pouvoir de Saied, au motif que « certains des dirigeants du Front sont soupçonnés du crime de complot contre la sûreté de l'État ». Le Front a réussi à défiler ce jour-là, en nombre réduit en raison des contrôles de police. Néanmoins, l'interdiction écrite du gouverneur est de mauvais augure.

Le 18 février, Saied a ordonné l’expulsion d’Esther Lynch de la Confédération européenne des syndicats, pour « ingérence » dans les « affaires intérieures » de la Tunisie. Esther Lynch était venue soutenir les revendications de l'Union générale des travailleurs tunisiens pour que la présidence négocie avec elle et libère ses membres emprisonnés. Deux semaines plus tard, les autorités ont refusé l’entrée à un syndicaliste espagnol venu en visite de solidarité.

Quelques années après la prise du pouvoir par Ben Ali en 1987, les prisons de son gouvernement détenaient des milliers d'opposants présumés, dont beaucoup ont été torturés et leurs familles soumises à un harcèlement incessant. L'ampleur de la répression d'alors et d'aujourd'hui n'est pas encore comparable. Mais en interdisant les rassemblements publics et les visites d'étrangers exprimant des opinions critiques, Saied a fait deux pas de plus vers l'adoption de la stratégie de Ben Ali.

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