(Jakarta) – Depuis son coup d’État en février 2021, la junte militaire au pouvoir au Myanmar est responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2023. Les forces de sécurité ont été impliquées dans des massacres, des arrestations et des détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles et des attaques contre des civils dans des zones de conflit. Dans le contexte de crise économique qui s’est ensuivi, la junte a considérablement entravé l’acheminement de l’aide humanitaire aux communautés les plus exposées.
Les États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), que l’Indonésie présidera en 2023, devraient se coordonner pour soutenir des sanctions ciblées sur les principales sources de revenus de l’armée du Myanmar.
« Pour mettre fin aux abus généralisés de la junte du Myanmar, il faut un engagement mondial pour faire pression par le biais de sanctions ciblées et pour établir les responsabilités pour les atrocités commises », a déclaré Elaine Pearson, la directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « L’Indonésie, en tant que présidente de l’ASEAN, devrait prendre l’initiative d’imposer des mesures concrètes de nature à restreindre la capacité de la junte à violer les droits de ses citoyens. »
Dans son Rapport mondial 2023, sa 33e édition qui compte 712 pages, Human Rights Watch passe en revue les pratiques en matière de droits dans près de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive par intérim Tirana Hassan explique que dans un monde où l’équilibre des pouvoirs a changé, il n'est plus possible de compter sur un petit groupe de gouvernements, principalement du Nord, pour défendre les droits humains. La mobilisation mondiale autour de la guerre menée par la Russie en Ukraine nous rappelle le potentiel extraordinaire lorsque les gouvernements s’acquittent de leurs obligations en matière de droits humains à l'échelle internationale. Il incombe à tous les pays, grands et petits, d'appliquer un cadre des droits humains à leurs politiques, puis de conjuguer leurs efforts pour protéger et promouvoir ces droits.
Depuis le coup d’État, les forces de sécurité du Myanmar ont arrêté arbitrairement plus de 16 000 activistes et sympathisants prodémocratie et en ont tué au moins 2 300, selon l’association non gouvernementale Assistance Association for Political Prisoners. En juillet, les militaires ont exécuté quatre prisonniers politiques. Jamais la peine de mort n’avait été appliquée au Myanmar depuis plus de trois décennies. La dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie, Aung San Suu Kyi, purge une peine de 33 ans de prison à l’issue de procès militaires à huis clos pour corruption, crime d’incitation, violation de la loi sur les secrets officiels et autres accusations politiquement motivées.
L’armée s’est livrée à des attaques terrestres et aériennes indiscriminées qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Depuis le coup d’État, les affrontements ont provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes à l’intérieur du Myanmar, tandis que 70 000 autres réfugiés ont fui vers les pays voisins.
La junte a empêché l’aide humanitaire, qui faisait cruellement défaut, d’atteindre des millions de personnes déplacées et d’autres également en danger, en violation du droit humanitaire international. À travers tout le pays, les forces de sécurité ont imposé de nouvelles restrictions aux déplacements et attaqué les travailleurs humanitaires, bloqué l’accès aux routes et aux convois d’aide, détruit des articles non militaires et bloqué les télécommunications.
Dans l’État de Rakhine, les nouvelles restrictions imposées à la liberté de mouvement et à la fourniture de l’aide dans les camps et les villages de l’ethnie rohingya ont exacerbé les pénuries d’eau et de vivres, provoquant une hausse des maladies évitables et une malnutrition aigüe. L’escalade des hostilités entre l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan et l’armée du Myanmar a entraîné la mort de civils rohingyas et rakhines, des arrestations arbitraires et des déplacements.
Les principaux acteurs internationaux que sont l’Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, ont imposé des sanctions ciblées aux hauts responsables de l’armée et de la junte, ainsi qu’à certaines entités qui lui sont liées. Cependant, les pays de la région Asie-Pacifique, notamment les États membres de l’ASEAN, l’Australie et le Japon, n’ont pas pris de mesures significatives, compromettant de fait les efforts des autres gouvernements, a conclu Human Rights Watch.