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Syrie : Les parties au conflit aggravent l'épidémie de choléra

Les autorités turques perturbent l'approvisionnement en eau, tandis que le gouvernement syrien fait obstruction à l'aide

Cette mère tenait son bébé atteint du choléra dans un hôpital de Deir el-Zour, en Syrie, le 29 septembre 2022. © 2022 Baderkhan Ahmad/AP Photo

(Beyrouth, le 7 novembre 2022) – Les autorités turques sont en train d’exacerber une grave crise de l'eau qui aurait provoqué l'épidémie mortelle de choléra qui se propage en Syrie et dans les pays voisins, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Toutes les parties au conflit devraient garantir le droit à l'eau potable et à la santé pour tous en Syrie.

Les autorités turques n'ont pas assuré un débit d'eau adéquat en aval vers la partie syrienne de l'Euphrate ; elles ont aussi entravé un approvisionnement régulier en eau en provenance de la station d'eau d'Allouk, située dans une zone du nord de la Syrie qu’elles contrôlent, vers les zones détenus par les forces dirigées par les Kurdes dans le nord-est de ce pays. En outre, le détournement par le gouvernement syrien d'aide humanitaire, le blocage de services essentiels ainsi que les problèmes persistants de sécurité et d'accessibilité dans toute la Syrie entravent l’assistance humanitaire urgemment requise dans les régions touchées du pays.

« Cette épidémie dévastatrice de choléra ne sera pas la dernière maladie d'origine hydrique à affecter les Syriens si les graves problèmes d'eau du pays ne sont pas immédiatement résolus, en particulier dans le nord-est », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « La Turquie peut, et doit, cesser immédiatement d'aggraver la crise de l'eau en Syrie. »

Le ministère syrien de la Santé a déclaré une épidémie de choléra le 10 septembre 2022 ; l'ancien coordinateur des secours humanitaires des Nations Unies, Imran Riza, la qualifiée de « menace sérieuse pour le peuple syrien » et pour toute la région du Moyen-Orient. Au 1er novembre, l'Organisation mondiale de la santé avait enregistré 81 décès dus au choléra en Syrie, et plus de 24 000 cas suspects. Le choléra s'est depuis propagé au Liban, un pays déjà en proie à plusieurs crises.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 10 travailleurs humanitaires de cinq organisations humanitaires internationales travaillant en Syrie ou depuis l’extérieur de ce pays. Ils ont souligné que la crise de l'eau, la pénurie de fournitures médicales dans le nord-est et le manque d'informations consolidées concernant toutes les régions de la Syrie étaient des obstacles majeurs à une réponse efficace. Les chercheurs de Human Rights Watch ont également examiné des rapports internes d'organisations humanitaires sur la crise de l'eau à partir de mai 2021 et sur l'épidémie de choléra plus récemment.

Plus de 10 ans de conflit ont fragmenté la Syrie, décimant ses infrastructures et services civils, notamment les établissements de santé, les systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement et les réseaux électriques. Les Nations Unies estiment que les deux tiers des usines de traitement de l'eau de la Syrie, la moitié de ses stations de pompage et un tiers de ses châteaux d'eau ont été endommagés depuis 2011. « Le choléra ne devait pas être mortel », a déclaré un travailleur humanitaire du nord-est de la Syrie, soulignant que les taux de malnutrition, le système de santé gravement endommagé du pays et le manque d'eau potable pour de nombreuses personnes rendent la situation si grave.

La grave crise de l'eau qui afflige le nord-est de la Syrie depuis la fin de 2020 a été provoquée par plusieurs facteurs, notamment des niveaux d'eau dangereusement bas qui s'écoulent dans la partie syrienne de l'Euphrate depuis la Turquie, dont dépendent directement plus de cinq millions de personnes en Syrie pour leur approvisionnement en eau. Cela affecte la capacité des autorités de l'eau à desservir les communautés, et une concentration plus élevée de contaminants dans l'eau peut provoquer la propagation de maladies. Selon un rapport de juin 2021 du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 54 des 73 stations d'eau le long de la rive ouest de l'Euphrate ont été considérablement ou gravement touchées par des niveaux d'eau extrêmement bas.

La Turquie est une puissance occupante dans certaines parties du nord-est de la Syrie. Lors de son invasion en 2019, la Turquie et les forces soutenues par la Turquie ont pris le contrôle de la station d'eau d'Allouk, près de la ville de Ras al-Ain (Serekaniye). La station d'eau dessert plus de 460 000 personnes dans le gouvernorat de Hasakeh, et l'ONU la décrit comme la seule source d'eau viable pour la ville de Hasakeh et ses environs.

 

La Turquie devrait veiller à partager équitablement les ressources en eau de l'Euphrate avec la Syrie et l'Irak et à ce que la station d'eau d'Allouk reprenne immédiatement l'approvisionnement en eau des communautés dans le besoin, a déclaré Human Rights Watch.

Le gouvernement syrien fait depuis longtemps obstacle à l'aide transfrontalière, qui traverse les lignes de front depuis les parties du pays contrôlées par le gouvernement vers des territoires non contrôlés par celui-ci.

Toutes les parties au conflit devraient accorder aux travailleurs humanitaires un accès direct et sans entrave à toutes les régions de la Syrie.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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OLJ/AFP

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