(New York, le 22 mars 2022) – Les autorités talibanes dans la province de Helmand, en Afghanistan, ont menacé d’exercer des représailles contre des activistes et d’anciens fonctionnaires, en réaction à de récents assassinats de commandants talibans, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Les talibans dans la province de Helmand ont renforcé leur surveillance et averti qu’ils prendraient des mesures de rétorsion si de nouvelles attaques étaient commises contre des responsables talibans. Le droit international interdit toutefois les attaques de représailles – c’est-à-dire les attaques illégales menées en guise de mesure coercitive – contre des civils.
« Les dirigeants talibans dans la province de Helmand ne devraient pas répondre à des attaques par des menaces de punitions illégales », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie de Human Rights Watch. « Les autorités talibanes devraient empêcher leurs combattants de lancer des attaques de représailles et s’assurer que tous les crimes fassent l’objet de procédures juridiquement appropriées. »
Un responsable local de la police talibane à Gereshk (province de Helmand) a averti les habitants que les autorités talibanes au niveau du district réclamaient des représailles, ciblant notamment des anciens fonctionnaires. Des habitants ont fait état d’une augmentation des patrouilles et des perquisitions nocturnes, accompagnées de mises en garde de la part de responsables talibans locaux selon lesquels des arrestations massives seraient effectuées si les attaques anti-talibans se poursuivaient. Des activistes afghans ont déclaré à Human Rights Watch que les talibans dans la province de Helmand avaient intensifié leur surveillance de certaines personnes et groupes qu’ils accusent d’être « opposés à l’Émirat islamique ».
Ces menaces surviennent à la suite d’une série d’attaques lors desquelles des membres des talibans ont été enlevés ou tués. Un commandant taliban âgé de 45 ans, Haji Amanullah, est porté disparu depuis le 14 février 2022, quand des hommes armés l’ont accosté devant son domicile à Nawai Bazaar, dans le district de Gereshk, et l’ont emmené de force. Trois jours plus tard, une lettre affichée sur sa porte affirmait qu’Amanullah s’était rendu coupable du meurtre « de personnes innocentes et pauvres et de fonctionnaires, et d’avoir fait pleurer de nombreuses mères … maintenant c’est au tour de sa propre mère de pleurer. Nous l’avons tué. » Son corps n’a pas été retrouvé.
Durant la même semaine, deux commandants talibans locaux ont été retrouvés tués par balles dans le district de Baba Ji. À la mi-mars, le cadavre d’un commandant taliban de Gereshk, portant une trace de balle, a été trouvé par les membres de sa famille derrière son domicile. Aucun groupe n’a revendiqué la responsabilité de ces attaques.
Un responsable d’une mosquée locale a indiqué que des responsables talibans avaient déclaré, lors d’une réunion, qu’ils « avaient été très patients mais qu’à l’avenir, certaines des personnes qui travaillent contre [nous] seront capturées et punies ». Lors de la même réunion, un combattant taliban a déclaré que les chefs avaient mis en garde leurs membres en leur recommandant de ne pas encore chercher à se venger, mais d’être vigilants. Il a ajouté : « L'attention de la communauté internationale est braquée sur nous en ce moment » et « le Mollah Yaqub [ministre de la Défense taliban] et d’autres dirigeants ont ordonné d’attendre.… Contentez-vous d’observer ceux qui agissent contre [nous], en particulier ces fonctionnaires et ces activistes de la société civile qui prêchent contre les [talibans]. »
Les talibans ont déjà commis en guise de représailles des meurtres d’anciens fonctionnaires et ont procédé à l’exécution sommaire ou à la disparition forcée d’anciens membres des forces de sécurité et d'autres personnes qu’ils accusent d’être leurs ennemis. Ces déclarations accroissent les craintes que des combattants talibans dans la province pourraient se servir des récentes attaques comme prétexte pour commettre des abus contre des personnes perçues comme des critiques, dont des journalistes et des activistes.
« Les dirigeants talibans a démenti que des meurtres étaient commis en guise de représailles, mais ils ont un lourd passé en la matière et il leur incombe d’empêcher leurs combattants de commettre de tels meurtres », a affirmé Patricia Gossman. « Les délégations des pays étrangers qui rencontrent les talibans devraient insister auprès d’eux pour qu’ils empêchent leurs forces de commettre de nouveaux meurtres. »
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