Human Rights Watch (HRW) a l’honneur de présenter cette note d’information à l’Union africaine dans le but de contribuer à ses efforts en matière de protection des droits humains et des libertés fondamentales sur le continent africain. Ce document s’appuie sur les enseignements tirés des recherches menées par HRW et sur son engagement continu en lien auprès des institutions politiques et des droits humains de l’Union africaine.
Défis relatifs aux droits humains en Afrique sub-saharienne
Cette année, l’Union africaine (UA) célèbre le 20ème anniversaire du sommet de Durban, qui a abouti à la création de cette institution panafricaine. Mais le continent continue de faire face à des défis immenses en matière de santé, de sécurité et de justice : les pays africains sont particulièrement touchés par l’accès limité aux vaccins, aux traitements et aux tests du Covid-19. Le manque d’accès à des vaccins contre le Covid-19 à un prix abordable est dû au comportement égoïste de certains gouvernements des pays riches et des sociétés pharmaceutiques, qui ont omis de partager largement les connaissances et la technologie nécessaires pour assurer de manière égalitaire un accès mondial aux vaccins. Ceci a privé des milliards de personnes de l’accès à des vaccins qui pourraient pourtant leur sauver la vie. Cette situation a non seulement coûté des vies aux populations concernées, mais a aussi menacé leur santé, ralenti la reprise économique et aggravé l’impact de la pandémie sur la pauvreté.
L’entreprise allemande BioNTech et l’entreprise américaine Moderna ont annoncé leur intention de commencer à construire de nouveaux sites de fabrication de vaccins à ARNm sur le continent africain en 2022. Il faudra cependant beaucoup de temps pour que de telles installations commencent à produire leurs propres doses de vaccin. Des experts ont identifié plusieurs entreprises qui, sur le continent africain, pourraient produire des vaccins à ARNm en quelques mois. Pour y arriver, il leur faudrait toutefois avoir accès, dans des délais raisonnables, à la propriété intellectuelle et à la technologie des vaccins, et aux matériaux nécessaires à leur fabrication. Les États membres de l’UA devraient faire pression sur les gouvernements américain et allemand pour qu’ils prennent toutes les mesures possibles afin de s’assurer que les entreprises qui fabriquent des vaccins contre le Covid-19 sûrs et efficaces, en particulier les vaccins à ARNm, transfèrent leur technologie à des entreprises en Afrique afin de diversifier et de développer rapidement la production mondiale de vaccins.
La société sud-africaine Afrigen Biologics and Vaccines, en collaboration avec le centre de transfert de technologie ARNm de l’Organisation mondiale de la santé, a réussi à reproduire le vaccin ARNm de Moderna sans l’aide de cette société. Cette percée souligne à la fois l’échec de la solidarité mondiale pendant la pandémie et le pas en avant monumental réalisé sur la voie d’un plus grand partage des technologies de santé qui sauvent des vies en vue de protéger les droits. Les dirigeants de l’UA devraient continuer à faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils soutiennent le centre de transfert de technologie de l’Organisation mondiale de la santé, et devraient s’assurer que les entreprises de leurs pays participent à l’initiative sans chercher à la fragiliser.
Les recherches que Human Rights Watch a consacrées à l’augmentation de la pauvreté et des inégalités économiques causées par les mesures de lutte contre le Covid-19 au Kenya, au Nigeria, au Ghana, en Ouganda et au Cameroun soulignent le besoin urgent pour les gouvernements africains de mettre en place ou d’étendre les systèmes de protection sociale existants afin de garantir les droits à la sécurité sociale et à un niveau de vie adéquat. Les recherches menées au Kenya et en Afrique du Sud mettent en évidence la nécessité de mettre en place des infrastructures de protection des femmes et des jeunes filles contre la violence sexuelle, comme l’illustrent les niveaux élevés de violence domestique sexuelle et physique à leur encontre, alors même que les restrictions à la mobilité pour stopper la propagation du virus du Covid-19 limitent leur accès aux services de protection et de traitement. Les difficultés des survivantes de telles violences ont encore été aggravées par la réponse inadéquate des gouvernements en matière de protection des femmes et des filles par la police et par le système judiciaire d’une part, et de disponibilité des installations médicales ou des abris et d’accès à ceux-ci, d’autre part.
En réponse à la pandémie de Covid-19 et pour se préparer à de futures crises de santé publique, les États membres de l’UA devraient augmenter leurs investissements dans des infrastructures africaines de santé et d’éducation de qualité, notamment pour accroître leur capacité de fabrication de vaccins. Ils devraient également continuer à faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils mettent fin au nationalisme en matière de vaccins, transfèrent la technologie des vaccins à des fabricants compétents sur le continent africain et au centre de transfert de technologies de l’ARNm de l’Organisation mondiale de la santé, et soutiennent une dérogation à certaines règles de propriété intellectuelle pour les vaccins, tests et traitements utilisés dans le cadre de la réponse à la pandémie de Covid-19. L’UA devrait également réclamer plus de réformes dans les efforts d’acquisition des vaccins, que ce soit au niveau du système COVAX ou de l’UA, afin que tous les marchés publics soient organisés de manière transparente, notamment en publiant les contrats d’acquisition avec les entreprises et les prix d’achat payés aux entreprises. L’UA devrait aussi encourager ses États membres à mettre en place des mécanismes de défense solides contre les chocs financiers en établissant ou en développant des systèmes de protection sociale, afin de remplir leur obligation de garantie des droits à la sécurité sociale et à un niveau de vie adéquat.
L’impact de la pandémie de Covid-19 a été aggravé par des conflits armés d’une grande brutalité, dont des violences commises par des groupes armés islamistes et des violences communautaires qui touchent divers pays de l’Afrique subsaharienne. Parmi eux figurent le Burkina Faso, le Cameroun, l’Éthiopie, le Mali, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Somalie et le Soudan du Sud. Les groupes armés non étatiques impliqués dans ces conflits se sont rendus coupables de massacres, d’assassinats ciblés, de viols, d’incendies et de pillages de villages, d’enlèvements, de recrutements forcés, d’attaques contre des élèves et des enseignants, ainsi que d’incendies et d’occupations illégales d’écoles. En réponse à la violence, certaines forces gouvernementales ont également été impliquées dans de graves violations des droits humains, notamment dans le cadre d’opérations antiterroristes, en ciblant des minorités ethniques et en étouffant les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique au nom de la sécurité nationale.
Les enquêtes de Human Rights Watch montrent comment le recrutement par les groupes islamistes armés est alimenté par les griefs dirigés contre l’incapacité de l’État à respecter les droits fondamentaux, à garantir la justice, à faire en sorte que les responsabilités des abus soient établies, et à fournir des services de base. Cette situation est souvent aggravée par les exécutions sommaires, les disparitions forcées, les arrestations arbitraires et la torture de suspects et d’autres personnes soupçonnées de soutenir les islamistes armés, souvent en raison de leur seule appartenance ethnique – et par l’impunité quasi-totale dont bénéficient ces crimes. La Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies réaffirme les liens inextricables entre les droits humains et la sécurité. Elle place le respect de l’État de droit et des droits humains au cœur des efforts nationaux et internationaux de lutte contre le terrorisme.
Le continent a également connu une recrudescence des coups d’État anticonstitutionnels et des prises de pouvoir militaires au cours des derniers mois, notamment au Burkina Faso, en Guinée, au Mali, au Soudan et au Tchad. Ces événements ont souvent privé les citoyens du droit de choisir leur propre gouvernement, érodé les progrès durement acquis en matière d’état de droit, notamment en ce qui concerne la justice et l’obligation de rendre des comptes, et entraîné de graves violations des droits humains. L’instabilité, les troubles civils et les bouleversements politiques qui ont conduit à des coups d’État ou à des tentatives de coups d’État trouvent souvent leur origine dans les griefs de la population liés à la corruption et au manque de volonté perçu des élites politiques à respecter leurs obligations constitutionnelles et leurs promesses de réformes, notamment la promotion du pluralisme politique et la cessation de leurs fonctions en fin de mandat.
Bien que la limitation des mandats ne soit pas exigée par le droit international, le non-respect des limites imposées par les constitutions – combiné dans de nombreux cas à la répression politique et au trucage des élections – porte atteinte aux contrôles et équilibres démocratiques et favorise, dans de nombreux pays, un modèle à travers lequel les titulaires se maintiennent au pouvoir par le biais d’élections périodiques qui ne sont ni libres, ni transparentes ou équitables. Cela conduit à des gouvernements élus qui ne sont démocratiques que de nom, et autoritaires à tous les égards.
Pour faire de réels progrès en matière de respect des droits humains et de gouvernance démocratique centrée sur les peuples, l’Union africaine devrait adopter et appliquer des outils politiques supplémentaires de soutien au respect de l’État de droit et au transfert régulier, pacifique et démocratique du pouvoir. Cela devrait inclure une interdiction par l’UA d’un pouvoir exécutif illimité et non responsable, ainsi que des politiques et outils plus solides qui découragent la manipulation des constitutions nationales, le trucage des élections et la répression politique.
Conformément à son appel de longue date en faveur de « solutions africaines aux problèmes africains », l’UA devrait promouvoir et mettre en œuvre des mécanismes judiciaires concrets aux mains des Africains pour faire progresser l’obligation de rendre des comptes pour les crimes graves commis en violation du droit international et garantir l’accès des victimes à une justice crédible.
Au Soudan du Sud, la crédibilité de l’UA – notamment ses engagements envers sa propre politique de justice transitionnelle – est actuellement mise à l’épreuve du fait de l’absence de progrès dans la mise en place de la Cour hybride pour le Soudan du Sud, un mécanisme de responsabilité pour les crimes internationaux graves commis dans le cadre du conflit dans ce pays. L’UA a pris l’initiative dans ce domaine en décidant de créer la Commission d’enquête de l’UA sur le Soudan du Sud, une initiative sans précédent qui a débouché sur la recommandation de la création d’un tribunal hybride pour les crimes de guerre. Mais cela fait maintenant plus de huit ans que la commission a été créée, et six ans que l’UA et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) ont accouché de l’accord de 2015 sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud (ARCSS), qui prévoyait la création d’une Cour hybride pour le Soudan du Sud, chargée d’enquêter sur les crimes graves et de les poursuivre.
Face à la lenteur des autorités sud-soudanaises à accorder leur soutien à la création du tribunal hybride, l’UA devrait faire pression sur le Soudan du Sud pour qu’il prenne enfin des mesures concrètes visant à mettre en place le tribunal ou qu’il demande à la Commission de l’UA de prendre l’initiative de rendre le tribunal opérationnel. Ces initiatives marqueraient ainsi l’engagement de l’UA en matière de responsabilité et permettrait de s’assurer que les autorités sud-soudanaises ne puissent plus prendre en otage le droit à la justice des victimes par leur intransigeance dans le domaine judiciaire.
Au Tchad, les victimes du régime brutal de Hissène Habré attendent toujours les réparations d’un fonds fiduciaire mandaté par les tribunaux et créé par l’Union africaine en 2016. Ces réparations, qui comprennent l’indemnisation, mais aussi la restitution, la satisfaction, la réhabilitation et des garanties de non-répétition, sont essentielles pour réparer le traumatisme et le préjudice causés aux survivants du régime d’Habré. L’Union africaine devrait rendre le fonds fiduciaire opérationnel, retracer les avoirs d’Habré et s’efforcer d’obtenir des contributions volontaires de la part des donateurs.
L’UA devrait également encourager les gouvernements africains à faire des progrès dans leurs efforts, attendus de longue date, en matière de justice – notamment le gouvernement guinéen à propos du procès des auteurs présumés du massacre du stade de Conakry en 2009, et le gouvernement libérien qui devrait demander un soutien pour mettre en place un tribunal sur les crimes de guerre pour juger les atrocités commises pendant la guerre civile. Malgré une recommandation claire formulée en 2009 par la Commission Vérité et Réconciliation du Liberia, qui s’est dite favorable à la création d’un tribunal pour les crimes de guerre, celui-ci n’a toujours pas été instauré. Les seuls progrès réalisés dans ces affaires à ce jour l’ont été à l’étranger – en Suisse, en Finlande ou en France par exemple, mais ces affaires devraient compléter, et non remplacer, la recherche des responsabilités sur le continent.
L’UA devrait également soutenir le progrès des efforts judiciaires en cours sur le continent, à l’instar du travail de la Cour pénale spéciale en République centrafricaine, et exhorter d’autres pays où des crimes graves ont été commis, comme en République démocratique du Congo, à se saisir plus activement de la question de la responsabilité pénale par le biais d’initiatives similaires afin de poursuivre les crimes internationaux les plus graves commis au cours des dernières décennies, notamment par des auteurs en provenance de la RD Congo et d’autres pays voisins.
Enfin, l’UA devrait davantage inciter les États membres à respecter leurs engagements en matière de protection des réfugiés et des demandeurs d’asile, conformément au droit régional et international. Certains pays, bien qu’ils soient parties à la Convention africaine de 1969 ou à la Convention des Nations Unies de 1951 sur les réfugiés, n’ont pas encore mis en place de lois nationales sur l’asile. Dans plusieurs États, les autorités ont détenu arbitrairement ou maltraité des demandeurs d’asile et des réfugiés, notamment en Algérie, en Égypte, en Libye, en Afrique du Sud et en Tanzanie. Certains ont expulsé collectivement des ressortissants étrangers sans évaluer individuellement leurs besoins de protection, notamment l’Algérie et la Mauritanie ; d’autres ont forcé ou contraint des réfugiés et des demandeurs d’asile à retourner dans des pays qui ne sont toujours pas sûrs, comme la Tanzanie vers le Burundi ou le Mozambique, le Botswana vers le Zimbabwe et l’Égypte vers l’Érythrée. En mars 2021, le gouvernement kenyan a annoncé qu’il prévoyait de fermer, d’ici juin 2022, les camps de réfugiés de Dadaab et de Kakuma, qui accueillent plus de 400 000 réfugiés, pour la plupart originaires de Somalie et du Soudan du Sud, malgré les risques persistants pour la sécurité des personnes dans ces deux pays.
Principales recommandations aux dirigeants de l’Union africaine
C’est dans ce contexte que nous encourageons l’UA à donner la priorité à cinq domaines critiques : accroître l’investissement des États dans des réponses au Covid-19 respectueuses des droits humains ; protéger les civils dans les conflits armés ; appuyer et investir dans les démocraties constitutionnelles ; promouvoir la justice et l’obligation de rendre des comptes ; ; et protéger les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.
Investissement accru des États dans des réponses au Covid-19 respectueuses des droits humains
- Les gouvernements devraient protéger les droits des travailleurs de santé et autres travailleurs essentiels, notamment en renforçant les mesures de santé et de sécurité au travail ;
- Les mesures de protection contre la propagation du Covid-19 devraient être conformes au droit international. Cela signifie que lorsque des quarantaines ou des fermetures sont imposées, par exemple, les gouvernements devraient garantir l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins de santé, à une éducation de qualité, aux services de soutien pour les personnes handicapées et aux services pour les survivant(e)s des violences sexistes ;
- Les gouvernements devraient veiller à ce que les efforts de relance économique mettent l’accent sur la protection des droits économiques et sociaux, notamment le droit à un niveau de vie adéquat pour tous sans discrimination, l’égalité d’accès à une éducation de qualité, en particulier pour les groupes touchés de manière disproportionnée par le Covid-19 ou les confinements qui y sont liés, et éviter les mesures d’austérité préjudiciables aux droits humains.
- Tous les États membres de l’UA devraient consacrer un pourcentage significatif de leurs budgets nationaux à la santé, conformément à la déclaration d’Abuja. Ils devraient assurer un meilleur accès aux soins de santé pour tous les Africains, en le garantissant comme un droit ;
- Conformément à la Déclaration de Nairobi et Appel à l’Action sur l’éducation, tous les États membres de l’UA devraient allouer un pourcentage significatif de leur produit intérieur brut et de leurs dépenses publiques à l’éducation, afin de garantir le droit à l’éducation pour tous ;
- Veiller à ce que les plans d’intervention nationaux et locaux sur le Covid-19 tiennent compte de l’impact distinct de la pandémie sur les femmes et les jeunes filles, notamment s’agissant des violences sexuelles, physiques, domestiques et économiques. Élaborer des réponses appropriées en consultation avec les organisations de défense des droits des femmes et des jeunes filles, et y consacrer les ressources nécessaires ;
- Faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils veillent à ce que les entreprises qui ont mis au point des vaccins sûrs et efficaces contre le virus du Covid-19 transfèrent largement leurs technologies à des fabricants compétents en Afrique, ainsi qu’aux centres technologiques de l’Organisation mondiale de la santé ;
- Indiquer clairement que les projets des sociétés pharmaceutiques de construction de nouvelles installations de fabrication dans les pays africains dans les prochaines années n’excluent pas des transferts rapides de technologie vers les installations existantes ayant le potentiel de fabriquer rapidement des vaccins à ARNm ;
- Encourager et aider les gouvernements africains à renforcer leurs capacités de fabrication de vaccins ;
- Faire pression sur les États-Unis, l’Union européenne et d’autres gouvernements occidentaux pour qu’ils renoncent à la protection de la propriété intellectuelle sur les vaccins, les traitements et les tests, processus bloqué depuis plus d’un an à l’Organisation mondiale du commerce ;
- Tous les membres de l’UA (en particulier ceux qui ne font pas partie des pays les moins avancés sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC) devraient adopter des législations nationales similaires à celle du Brésil, afin de surmonter autant que possible les obstacles à la propriété intellectuelle au niveau national ;
- L’UA et les États membres devraient prendre des mesures concrètes pour garantir l’équité, la transparence et la justice dans le versement de tous les fonds destinés à la recherche, au développement, à la fabrication ou à la distribution de vaccins contre le Covid-19 nécessitant des transferts de technologie. Cela garantirait le partage de l’ensemble de la propriété intellectuelle, des données et de tout autre « savoir-faire » afin de permettre la fabrication en masse de vaccins candidats performants ;
- Les États membres de l’UA devraient mettre en place et/ou développer des systèmes de protection sociale afin de respecter les droits à la sécurité sociale et à un niveau de vie adéquat face à l’augmentation de la pauvreté et des disparités économiques causées par les réponses au Covid-19.
Protection des civils dans les conflits armés
- Conformément à l’ambition de l’UA de promouvoir les idéaux panafricains d’une Union centrée sur les peuples, les États membres de l’UA devraient se faire entendre et rompre les rangs avec ceux de leurs pairs qui commettent de graves violations du droit international humanitaire et des droits humains ;
- Soutenir et imposer le respect d’un cadre conjoint convenu entre l’UA et l’ONU sur les droits humains et l’obligation de rendre des comptes en assurant la pleine mise en œuvre de la politique du HCDH relative à la diligence raisonnable en matière de droits humains dans les pays où l’UA mène des opérations de maintien de la paix et de lutte contre le terrorisme ;
- Relancer une unité dédiée à l’alerte précoce et à la prévention des conflits au sein du Département des affaires politiques, de la paix et de la sécurité de l’UA, chargée de fournir une assistance technique à la Commission de l’UA afin d’aborder de manière proactive les crises humanitaires et celles liées aux droits humains ;
- Exhorter les gouvernements africains à veiller à ce que toutes les forces de sécurité déployées dans le cadre d’opérations de lutte contre le terrorisme fassent l’objet d’un contrôle et à imposer la mise en place de tribunaux mobiles pour chaque contingent africain engagé dans des opérations de paix et de lutte contre le terrorisme ;
- En collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), accroître la présence de responsables des droits humains dans les missions de lutte contre le terrorisme dirigées par des Africains et veiller à ce que les accords de coopération relatifs aux opérations de lutte contre le terrorisme comportent des clauses spécifiques définissant les normes en matière de droits humains, comme celles de la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme de l’ONU ;
- Soutenir les efforts significatifs et efficaces de réforme du secteur de la sécurité et prendre des mesures concrètes pour améliorer le respect par les forces de sécurité des droits humains et du droit humanitaire international, notamment par la mise en place d’organes de surveillance civile et de mécanismes de filtrage pour écarter des services de sécurité et de renseignement les membres des forces de sécurité impliqués dans de graves violations des droits humains. Cela implique également d’améliorer les programmes et les stratégies de démobilisation, de désarmement et de réintégration (DDR) pour faire face aux groupes armés, avec un soutien holistique à long terme pour consulter et faire participer les communautés concernées, et dissuader les anciens combattants de retourner dans les groupes armés.
- Les États membres de l’UA devraient fournir des réparations rapides et adaptées aux victimes civiles des violations des lois de la guerre en instaurant un système de réhabilitation des victimes dans le contexte des pertes civiles et des dommages matériels. Outre des paiements monétaires, ce dispositif pourrait comprendre une reconnaissance publique, la présentation d’excuses et un appui aux moyens d’existence, en fonction des circonstances et des besoins des civils affectés. Les responsables de crimes de guerre devraient être poursuivis en justice ;
- Criminaliser toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des jeunes filles, notamment la violence physique, la violence domestique (entre partenaires intimes) et la violence sexuelle, et mettre en place des mesures et mécanismes efficaces pour garantir que les auteurs de ces crimes soient tenus responsables et que les survivantes soient indemnisées à temps, de manière adéquate et équitable ;
- Veiller à ce que les femmes et les filles qui ont survécu à la violence aient accès à toute l’assistance nécessaire, notamment à l’information, aux services et soutiens médicaux et psychosociaux ;
- Conformément aux recommandations du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, approuver la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. En s’inspirant de la récente « Observation générale sur l’article 22 » du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant concernant les enfants dans les situations de conflit, adopter une interdiction explicite de l’utilisation des écoles par les forces de maintien de la paix dans leurs opérations.
Soutien et investissement dans les démocraties constitutionnelles
- Renforcer l’indépendance des institutions africaines des droits humains et adopter des mesures pour protéger les institutions régionales de défense des droits humains contre l’ingérence ou le contrôle politique des États membres ;
- Les gouvernements devraient ratifier et intégrer dans leur législation nationale le protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (protocole de Maputo), ainsi que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et son protocole facultatif, et veiller à sa mise en œuvre et à son suivi effectifs au niveau national ;
- En collaboration avec les blocs économiques sous-régionaux, soutenir la ratification rapide de la Charte de l’UA sur la démocratie, les élections et la gouvernance par les 55 États membres ;
- Mettre en place des missions d’observation électorale à long terme et des experts techniques disposant d’un accès total pour surveiller les activités, le financement et les dépenses des commissions électorales et des organismes impliqués dans l’inscription des électeurs et d’autres activités électorales ;
- Créer un observatoire des élections de l’UA chargé de surveiller les contextes et processus électoraux, de mettre en garde contre les dérives, notamment la violence à l’égard des femmes et des jeunes filles pendant les élections, et de faire rapport de manière proactive au Conseil de paix et de sécurité de l’UA ;
- Interdire un exercice illimité et discrétionnaire de l’exécutif et développer des politiques et outils afin de dissuader ceux qui voudraient manipuler les constitutions nationales, le truquage des élections et la répression politique ;
- Accroître la pression diplomatique et exhorter publiquement les États membres à prendre des mesures rapides, crédibles et impartiales pour enquêter sur les allégations de répression liée aux élections, notamment les meurtres, les passages à tabac, les arrestations arbitraires, la torture, les viols et les agressions commis par les forces de sécurité, et veiller à demander des comptes aux responsables ;
- Faire pression sur les États membres pour qu’ils réexaminent et réévaluent leurs institutions militaires et de sécurité conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique, afin de s’assurer que ces institutions respectent et promeuvent pleinement les droits humains et ne portent pas atteinte à la liberté d’expression et d’association.
Justice et obligation de rendre des comptes
- Faire preuve de crédibilité s’agissant des initiatives en matière d’obligation de rendre des comptes, en garantissant au moins la mise en place de la Cour hybride pour le Soudan du Sud par une implication efficace des autorités sud-soudanaises, ou en demandant à la Commission de l’UA de prendre elle-même l’initiative de la création de la Cour ;
- Soutenir la tenue de procès équitables et crédibles pour les principaux responsables d’atrocités de masse et autres violations graves des droits humains en Afrique, notamment en encourageant l’ouverture du procès tant attendu des crimes commis lors du massacre du stade de Conakry en Guinée en septembre 2009 et en s’assurant que le Liberia demande de l’aide pour la création d’un tribunal sur les crimes de guerre afin de poursuivre les auteurs d’atrocités commises pendant les guerres civiles successives au Liberia ;
- En collaboration avec la CADHP, soutenir la coopération avec la Cour pénale internationale, notamment l’enquête et les poursuites sur les atrocités commises dans la région du Darfour au Soudan ;
- Rendre opérationnel le Fonds fiduciaire au profit des victimes des crimes de Hissène Habré ; l’Union africaine a joué un rôle capital dans le procès historique de de Habré mais les victimes, qui ont fait campagne pendant 25 ans pour que justice soit faite, attendent depuis quatre ans que le Fonds commence à fonctionner ;
- Avec l’appui de partenaires internationaux, soutenir la mise en place d’un régime de sanctions dirigé par l’Afrique, comprenant l’imposition d’une interdiction de déplacement et d’un gel des avoirs des responsables d’atteintes graves aux droits humains ;
- Appuyer la pleine mise en œuvre de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en encourageant tous les États parties au protocole établissant la Cour à faire une déclaration reconnaissant que la Cour a compétence pour recevoir des requêtes émanant d’ONG et de particuliers.
Protection des réfugiés, des demandeurs d’asile et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays
- Les États membres de l’UA qui sont parties à la convention de l’OUA de 1969 ou à la convention des Nations Unies de 1951 sur les réfugiés, mais qui ne disposent pas de lois nationales solides en matière d’asile, devraient agir rapidement pour finaliser et mettre en œuvre des cadres juridiques en matière d’asile ;
- Veiller à ce qu’aucun réfugié, demandeur d’asile ou personne déplacée ne soit renvoyé de force dans un pays ou un contexte où il risque d’être persécuté, de subir un préjudice grave ou de voir sa vie ou sa liberté menacée. Cela inclut les retours anticipés de personnes déplacées vers des zones dangereuses, ainsi que les retours forcés ou contraints, les expulsions collectives ou les refoulements de demandeurs d’asile et de réfugiés. Tous les rapatriements de réfugiés devraient être véritablement volontaires, sans pression ni menace, lorsque les conditions du pays d’origine sont sûres et propices au retour ;
- Les États membres de l’UA devraient protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile qui sont sous leur juridiction, notamment contre les abus commis par la police, l’armée ou d’autres agents de l’État, contre la violence des communautés d’accueil ou des citoyens et contre les représailles des agents des pays d’origine des réfugiés. Dans les contextes de violence et de conflit armé, les gouvernements devraient assurer et faciliter l’accès humanitaire aux camps de réfugiés ; respecter la nature humanitaire des camps de réfugiés et ne pas y déployer de forces armées ; et poursuivre les personnes qui se rendent responsables d’attaques contre les réfugiés ;
- Les États membres de l’UA devraient mettre fin à la détention des demandeurs d’asile et des réfugiés pour des raisons d’immigration. La détention pour des raisons d’immigration ne doit être utilisée qu’en tant que mesure exceptionnelle de dernier recours, pour la durée la plus courte possible, lorsqu’il est nécessaire et proportionnel de le faire. En vertu des normes internationales relatives aux droits humains, les demandeurs d’asile ne devraient généralement pas être détenus pour des raisons d’immigration ;
- Les États membres de l’UA devraient faire respecter les droits des réfugiés, des demandeurs d’asile et des personnes déplacées à la santé, à l’éducation et à la liberté de mouvement. Il s’agit notamment de veiller à ce que les enfants puissent être scolarisés, à ce que les vaccinations contre le Covid-19 et les soins médicaux connexes soient équitablement disponibles, et à ce qu’il soit mis fin aux politiques de cantonnement et aux autres restrictions de mouvement, de travail ou d’éducation ayant un impact sur ces populations.