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La police anti-émeute burundaise chasse des manifestants après avoir bloqué les routes à Musaga, dans la proche banlieue de Bujumbura, le 27 avril 2015. La police et les militants de l'opposition se sont affrontés au deuxième jour des manifestations contre la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat controversé. © 2015 Simon Maina/Getty Images

Le mois d’avril 2015 a marqué le début d’une crise politique et des droits humains au Burundi qui a fait plusieurs centaines de morts. Fin avril 2015, des manifestations publiques ont éclaté en réaction à la décision controversée du défunt président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat électoral. La police burundaise a fait un usage excessif de la force et a tiré sur les manifestants sans discernement. Après une tentative de coup d’État par un groupe d’officiers militaires en mai, le gouvernement burundais a intensifié sa répression contre les opposants présumés et a suspendu la plupart des stations de radio indépendantes du pays. À la mi-2015, presque tous les dirigeants des partis d’opposition, les journalistes indépendants et les activistes de la société civile burundaise avaient fui le pays après avoir reçu des menaces répétées. Ceux qui sont restés l’ont fait au péril de leur vie.

Pendant le troisième et dernier mandat de Nkurunziza, la société civile et les médias indépendants ont été attaqués sans relâche. Certains de leurs membres ont été tués, ont fait l’objet de disparitions forcées, ont été emprisonnés, menacés ou encore forcés de quitter le pays – des crimes qui ont bénéficié d’une impunité quasi totale.

Le tableau qui suit liste de manière non exhaustive les principaux événements qui se sont produits entre avril 2015 et juin 2020, date à laquelle l’actuel président Évariste Ndayishimiye a prêté serment.

 

2015

 

25 avril

Le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), parti au pouvoir, annonce que le président Pierre Nkurunziza sera son candidat aux élections de juin. L’annonce déclenche de vastes manifestations dans la capitale de l’époque, Bujumbura.

26 avril

Le gouvernement interdit les reportages sur les manifestations diffusés en direct sur trois stations de radio populaires – Radio publique africaine (RPA), Radio Isanganiro et Radio Bonesha FM –, suspend leurs émissions en dehors de la capitale et coupe leurs lignes téléphoniques.

27 avril

Le gouvernement suspend complètement les émissions de la RPA, y compris à Bujumbura, et ferme la Maison de la Presse, un lieu de rassemblement des médias locaux. La police arrête Pierre Claver Mbonimpa, président de l’association de défense des droits humains APRODH, qui était allé donner une interview à la Maison de la Presse. Frappé et malmené par plusieurs policiers, Mbonimpa, âgé de 66 ans, finit par être relâché le lendemain.

5 mai

La Cour constitutionnelle juge que la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat n’est pas contraire à la constitution du pays. Cette décision – controversée après que le vice-président de la Cour a révélé l’existence de coercitions et menaces de la part des autorités – lève un obstacle juridique à la candidature de Nkurunziza à un troisième mandat. Alors que les manifestations se poursuivent, plusieurs journalistes sont menacés, battus ou arrêtés simplement pour avoir fait un reportage ou pris des photos.

14 mai

Le lendemain d’une tentative de coup d’État, des personnes présumées loyales au président attaquent les bureaux de la RPA, de Radio Bonesha, de Radio Isanganiro et de Radio-Télévision Renaissance. Des hommes armés vêtus d’uniformes de la police jettent une grenade dans le bureau de Radio Bonesha et détruisent son matériel de diffusion. Rema FM, une radio pro-gouvernementale, est également attaquée.

 

Bonesha FM a été autorisée à reprendre ses activités, bien que de manière restreinte, en février 2021 après avoir signé un accord avec le gouvernement. RPA et Radio-Télévision Renaissance restent interdites au Burundi.

22 mai

Dans un communiqué de cinq pages, le Secrétaire général et porte-parole du gouvernement de l’époque, Philippe Nzobonariba, déclare que les stations de radio étaient devenues « des agents vecteurs de l’insurrection en propageant les rumeurs les plus alarmistes dans le pays ».

2 août

Esdras Ndikumana, le correspondant au Burundi de Radio France Internationale (RFI) et de l’Agence France-Presse (AFP), est sévèrement passé à tabac par des agents des services de renseignement après avoir tenté de prendre des photos du véhicule dans lequel le puissant ancien directeur du Service national de renseignement (SNR), Adolphe Nshimirimana, a été tué. Les agents de renseignement lui ont cassé un doigt et l’ont violemment frappé sur la plante des pieds.

Ndikumana vit aujourd’hui en exil, et les responsables de l’agression n’ont toujours pas eu à répondre de leurs actes.

3 août

Pierre Claver Mbonimpa est blessé au visage et au cou par un homme à moto qui s’est approché de sa voiture alors qu’il rentrait du travail. Mbonimpa a reconnu le tireur comme quelqu’un qui travaillait pour les services de renseignement. Mbonimpa a été gravement blessé et a reçu des soins médicaux en Europe.

Mbonimpa est toujours en exil et cette attaque n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

9 octobre

Le gendre de Mbonimpa, Pascal Nshimirimana, est abattu devant sa maison à Bujumbura.

Le meurtre de Nshimirimana n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

6 novembre

Le fils de Mbonimpa, Welly Nzitonda, est abattu après avoir été arrêté par la police.

Le meurtre de Nzitonda n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

16 novembre

Antoine Kaburahe, directeur du journal indépendant Iwacu, est convoqué au parquet de Bujumbura à propos de sa complicité présumée dans la tentative de coup d’État de mai. Il fuit le pays quatre jours plus tard.

Kaburahe vit en exil.

23 novembre

Le ministre de l’Intérieur suspend les activités de dix organisations de la société civile burundaise après que le procureur général a ordonné le gel de leurs comptes bancaires quatre jours plus tôt.

10 décembre

Des hommes non identifiés à bord d’un véhicule appartenant vraisemblablement au SNR enlèvent Marie-Claudette Kwizera, trésorière de la Ligue Iteka, à Bujumbura. Sa famille verse à un membre des services de renseignements, par le biais d’un intermédiaire, plus de 2 000 dollars US pour obtenir sa libération. Un agent du SNR et l’intermédiaire présumé sont ensuite placés en détention. Les informations reçues ultérieurement par la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi indiquent qu’elle aurait été prise pour cible pour son action en faveur des droits humains et exécutée par le SNR.

Kwizera est toujours portée disparue et sa disparition n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire crédible.

2016

 

28 janvier

Le correspondant pour Le Monde, Jean-Philippe Rémy, et le photographe britannique Philip Moore sont détenus pendant 24 heures par le SNR et leur matériel est saisi.

Février

Radio Isanganiro et Rema FM rouvrent leurs portes après avoir signé auprès du Conseil national de la communication (CNC) une « charte déontologique », dans laquelle elles s’engagent à adopter une ligne éditoriale « équilibrée et objective », respectueuse de la « sécurité du pays ».

22 juillet

Jean Bigirimana, journaliste à Iwacu, dernier journal indépendant du Burundi, disparaît lors d’un reportage. Des informations non confirmées indiquent que des membres du service de renseignement burundais l’ont arrêté à Bugarama. En août, Pierre Nkurukiye, alors porte-parole de la police, annonce l’ouverture d’une enquête.

Bigirimana est toujours porté disparu, et sa disparition n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire crédible.

19 et 24 octobre

Le ministre de l’Intérieur interdit ou suspend de manière permanente 10 organisations de la société civile qui s’étaient exprimées sur les abus du gouvernement.

Ces organisations restent interdites au Burundi, et leurs dirigeants ainsi que nombre de leurs membres vivent en exil.

2017

 

3 janvier

Les autorités interdisent la Ligue Iteka, la plus ancienne organisation burundaise de défense des droits humains.

La Ligue Iteka reste interdite. Son dirigeant et plusieurs de ses membres vivent en exil.

23 et 27 janvier

Deux nouvelles lois sont adoptées, qui permettent un contrôle accru du gouvernement sur les activités et les ressources des organisations non gouvernementales burundaises et étrangères.

5 avril

Des agents du SNR interrogent Joseph Nsabiyabandi, rédacteur en chef de Radio Isanganiro, sur sa collaboration présumée avec des radios burundaises en exil au Rwanda. Il lui est par la suite reproché d’avoir « incité l’opinion et la population à la révolte ».

13-17 juin

Les forces de sécurité arrêtent trois membres de Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Évolution des Mentalités (PARCEM), alors qu’ils organisent un atelier sur les arrestations arbitraires dans la province de Muramvya. Ils sont accusés d’ « atteinte à la sûreté de l’État ».

13 juillet

Germain Rukuki, défenseur des droits humains et ancien trésorier de l’organisation Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) au Burundi, une organisation interdite dans ce pays, est détenu puis accusé de plusieurs infractions, dont celle de « rébellion ».

10 octobre

Le site Internet d’Iwacu n’est plus accessible aux internautes du Burundi.

L’accès à Iwacu n’a toujours pas été rétabli.

21 novembre

Nestor Nibitanga de l’APRODH, qui est alors interdite, est arrêté à son domicile dans la province de Gitega et emmené au siège du SNR à Bujumbura. La police accuse Nibitanga, via Twitter, d’ « atteinte à la sûreté de l’État ». Il est détenu au secret, sans inculpation et sans possibilité de voir sa famille ou un avocat jusqu’au 4 décembre. Il sera ensuite transféré dans une prison officielle à Rumonge, au sud de Bujumbura.

2018

 

9 mars

Les trois membres du PARCEM sont condamnés à 10 ans de prison pour avoir « préparé des actions susceptibles de perturber la sécurité ».

11 avril

Iwacu reçoit une décision écrite du CNC annonçant une suspension de trois mois de sa section de commentaires en ligne pour « violation des normes professionnelles ».

L’interdiction a été levée le 11 février 2021.

26 avril

Germain Rukuki est condamné à 32 ans de prison pour « rébellion », « atteinte à la sûreté de l’État », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « attaques contre le chef de l’État ».

4 mai

Le CNC suspend la BBC (British Broadcasting Corporation) pour six mois pour « manquements à la loi régissant la presse et à la déontologie professionnelle » après qu’elle a invité Pierre Claver Mbonimpa à une de ses émissions le 12 mars. Dans le même temps, le CNC interdit la VOA (Voice of America), également pour six mois, en invoquant une raison technique, à savoir qu’elle utilisait une fréquence qui lui avait été refusée. Le CNC avertit RFI qu’elle pourrait subir les conséquences de propos récents qu’il a jugés « tendancieux et mensonger », et Radio Isanganiro est critiquée pour avoir prétendument mal vérifié ses sources.

13 août

Nestor Nibitanga est condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État ».

Nibitanga a été libéré le 27 avril 2021, après avoir passé plus de trois ans en prison.

14 septembre

Une loi modifiée sur la presse est adoptée, qui oblige les journalistes à fournir des informations « équilibrées » sous peine de poursuites pénales. Cette loi exige aussi un niveau minimum de formation pour l’obtention d’une carte de presse.

1er octobre

Les autorités suspendent les activités des ONG étrangères pendant trois mois pour les obliger à se réenregistrer, notamment en présentant de nouveaux documents indiquant l’origine ethnique de leurs employés burundais.

17 décembre

Les trois membres du PARCEM sont acquittés en appel et libérés le 21 mars 2019.

2019

 

Janvier

Certaines organisations internationales refusent de se conformer aux nouvelles exigences d’enregistrement, notamment l’obligation de fournir des informations sur l’appartenance ethnique de leur personnel, et quittent le pays. Humanity & Inclusion (anciennement Handicap International), Avocats Sans Frontières, RCN Justice & Démocratie et 11.11.11 cessent leurs activités au Burundi.

28 février

Le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies au Burundi ferme ses portes à la demande du gouvernement.

29 mars

Le CNC annonce qu’il prolonge l’ordre de suspension des activités de la VOA, et retire sa licence d’exploitation à la BBC. Le CNC interdit également à tout journaliste au Burundi de « fournir directement ou indirectement des informations susceptibles d’être diffusées » par la BBC ou VOA.

VOA et BBC restent interdites et inaccessibles au Burundi.

15 mai

Le président de la Cour suprême ordonne la saisie des biens de plusieurs éminents défenseurs des droits humains et journalistes burundais en exil.

3 juin

Le gouvernement suspend l’organisation PARCEM et l’accuse de ternir l’image du pays et de ses dirigeants. PARCEM avait été le fer de lance de la campagne « Ukuri Ku Biduhanze » (« Vérité sur les défis auxquels le pays est confronté »), qui avait permis de sensibiliser le public à des problèmes critiques allant du paludisme à l’insécurité alimentaire.

La suspension du PARCEM a été levée le 2 avril 2021.

17 juillet

La condamnation de Germain Rukuki à 32 ans de prison est confirmée en appel. Les autorités judiciaires déclarent aux médias qu’elles ont perdu son dossier, pour expliquer des retards importants dans l’affaire. Cette confirmation de la peine de 32 ans par la Cour d’appel sera ensuite cassée par la Cour suprême, le 30 juin 2020.

L’appel de Rukuki a été réentendu le 24 mars 2021, mais le verdict n’avait toujours pas été rendu au moment de la publication de la présente chronologie, en violation de la loi burundaise.

16 octobre

Un nouveau code de conduite pour les médias et les journalistes applicable pour la prochaine période électorale exige que les journalistes fournissent des informations « équilibrées », et leur interdit de publier des informations sur les élections qui ne proviennent pas de la commission électorale nationale. Il exige également que les journalistes obtiennent une carte de presse auprès du CNC.

22 octobre

Quatre journalistes d’Iwacu – Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi – et leur chauffeur, Adolphe Masabarakiza, sont arrêtés alors qu’ils allaient réaliser un reportage sur les combats entre les forces de sécurité et le groupe rebelle RED-Tabara. Adolphe Masabarakiza est remis en liberté provisoire en novembre.

2020

 

30 janvier

Les quatre journalistes travaillant pour Iwacu sont condamnés à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités.

4 février

Le procès des défenseurs des droits humains et des journalistes en exil commence en leur absence et sans la présence de leurs avocats.

Leur verdict de culpabilité a été annoncé en février 2021 à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités. Ils ont été reconnus coupables d’« attaques contre l’autorité de l’État », d’« assassinats » et de « destruction ».

29 mars

Selon un communiqué d’Iwacu, Anglebert Ngendabanka, membre de l’Assemblée nationale, menace d’« écraser la tête » d’un de ses journalistes après que le journal a publié un article l’impliquant dans des attaques contre des membres de l’opposition dans la commune de Cendajuru, province de Cankuzo.

Mai

Les autorités adoptent plusieurs décrets créant des comités de recrutement et d’autres mécanismes destinés à faire respecter l’application de quotas ethniques dans le recrutement du personnel local par les ONG étrangères et assurer une plus grande surveillance gouvernementale de leur travail.

20 mai

Les élections se déroulent dans un climat de peur et d’intimidation, sans aucun observateur international. Les médias sont fortement limités dans leur couverture de l’événement, en raison de la loi modifiée sur la presse de 2018 et du code de conduite des médias et des journalistes en période électorale. Certains journalistes indépendants font état de difficultés à accéder aux bureaux de vote et à obtenir des informations sur le scrutin, et la fermeture des réseaux sociaux restreint encore davantage leur travail.

4 juin

La condamnation des quatre journalistes d’Iwacu est confirmée en appel.

Les journalistes ont été libérés le 24 décembre 2021 après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle. Leur condamnation est toutefois maintenue.

8 juin

Le président Pierre Nkurunziza meurt subitement, d'un « arrêt cardiaque » selon le communiqué officiel.

18 juin

Évariste Ndayishimiye prête serment en tant que nouveau président du Burundi.

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