1. Qu’est-ce que le crime contre l’humanité d’apartheid ?
2. Qu’est-ce que le crime contre l’humanité de persécution ?
3. Quelles sont les conclusions du rapport de Human Rights Watch ?
4. Sur quelles éléments de preuve vos conclusions se fondent-elles ?
5. Que demandez-vous aux gouvernements, en matière de mesures à prendre ?
8. Êtes-vous en train de dire qu’Israël est un État d’apartheid ?
11. Êtes-vous en train de dire que Palestiniens et Juifs sont des groupes raciaux ?
22. Êtes-vous en train de dire que de hauts responsables israéliens pourraient être poursuivis ?
L’apartheid est un crime contre l’humanité, défini dans la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Trois éléments principaux le définissent :
1. Une intention de maintenir la domination d’un groupe sur un autre.
2. Un contexte d’oppression systématique d’un groupe par un autre.
3. Un acte ou des actes inhumains.
Les crimes contre l’humanité sont des actes criminels spécifiques – le Statut de Rome en identifie 11, dont l’apartheid et la persécution – commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, ou des actes commis dans le cadre d’une politique étatique ou organisationnelle et dirigée contre une population civile. Ils font partie des crimes les plus odieux définis par le droit international.
La persécution est un crime contre l’humanité, défini dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et dans le droit international coutumier. Elle implique le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l’objet. Il exige que ces actes soient commis avec une intention discriminatoire.
Human Rights Watch a constaté que des responsables israéliens avaient commis les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution. Nous avons constaté que les éléments constitutifs des deux crimes sont présents sur le Territoire palestinien occupé (TPO), en vertu d’une seule politique du gouvernement israélien. Cette politique vise à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens et à exercer à leur encontre une discrimination en Israël et dans le TPO. La détermination du crime d’apartheid se fonde sur cette intention de dominer en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, associée à l’oppression systématique des Palestiniens et aux actes inhumains commis à leur encontre dans le TPO, y compris Jérusalem-Est. Ces actes comprennent des restrictions radicales à leur liberté de mouvement ; la confiscation généralisée des terres ; l’imposition de conditions difficiles ayant conduit des milliers de Palestiniens à quitter leurs foyers dans des conditions équivalant à un déplacement forcé ; le refus du droit de séjour à des centaines de milliers de Palestiniens et à leurs proches ; et la suspension des droits civils fondamentaux de millions de Palestiniens. La détermination du crime de persécution s’appuie sur une combinaison similaire de facteurs, dont l’intention discriminatoire du traitement réservé par Israël aux Palestiniens en Israël et le TPO, ainsi que de graves abus dans le TPO.
Nous avons examiné les politiques et pratiques des autorités israéliennes à l’égard des Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé et en Israël et les avons comparées au traitement à l’égard des Israéliens juifs vivant dans la même région. Le rapport s’appuie sur des années de recherche et de documentation par Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains, dont des enquêtes de terrain spécifiquement menées dans le cadre de l’élaboration de ce rapport. Human Rights Watch a également passé en revue les lois israéliennes, les documents de planification du gouvernement, des déclarations de fonctionnaires et les registres fonciers. Nous avons ensuite analysé ces éléments de preuve selon les normes juridiques existantes pour les crimes d’apartheid et de persécution. Human Rights Watch a également écrit au gouvernement israélien en juillet 2020, sollicitant son point de vue sur les questions couvertes par le rapport, mais, à la date de sa publication, aucune réponse ne nous était parvenue.
Le gouvernement israélien devrait cesser de commettre les crimes d’apartheid et de persécution et mettre fin à toutes les formes de répression et de discrimination qui privilégient les Israéliens juifs aux dépens des Palestiniens, y compris dans les domaines de l’obtention de la citoyenneté et de la nationalité, de la liberté de mouvement, de l’attribution de terres et de ressources, de l’accès à l’eau, à l’électricité et à d’autres services, et de la délivrance de permis de construire.
Les gouvernements d’autres États devraient exprimer publiquement leur préoccupation quant au fait que les autorités israéliennes commettent les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution et appliquer les mesures visant à établir les responsabilités exigées par une situation de cette gravité. Les États devraient créer une commission d’enquête des Nations Unies pour enquêter sur la discrimination et la répression systématiques fondées sur l’identité de groupe dans le TPO et Israël et nommer un émissaire de l’ONU pour les crimes de persécution et d’apartheid, dont le mandat consisterait à mobiliser une action internationale en vue de mettre fin à la persécution et à l’apartheid dans le monde. Ils devraient également enquêter et poursuivre les personnes impliquées de manière crédible dans ces crimes, en vertu du principe de compétence universelle et conformément aux lois nationales, et imposer des sanctions individuelles, y compris des interdictions de voyager et le gel d’avoirs à l’encontre des auteurs de ces crimes graves. Les États devraient en outre conditionner les ventes d’armes et l’assistance militaire et sécuritaire fournie à Israël à des mesures concrètes et vérifiables prises par les autorités de ce pays pour mettre fin à la perpétration de crimes d’apartheid et de persécution. Ils devraient réévaluer leurs accords et programmes de coopération et toutes les formes existantes de commerce avec Israël pour identifier ceux qui contribuent directement à la commission des crimes d’apartheid et de persécution contre les Palestiniens, atténuer les incidences qu’ils ont sur les droits humains et, lorsque cela n’est pas possible, mettre fin aux activités et aux modes de financement qui facilitent ces crimes graves.
Il ne fait aucun doute que, à l’intérieur de la Ligne verte, les Palestiniens jouissent de davantage de droits. Ces droits font une différence majeure entre le sort des Palestiniens en Israël et le sort de ceux qui vivent dans le TPO. Même en Israël, les Palestiniens sont confrontés à une discrimination systématique, notamment en ce qui concerne l’endroit où ils peuvent vivre et la qualité des écoles que leurs enfants fréquentent. Cela reflète l’intention des autorités israéliennes de maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens. Toutefois, le crime d’apartheid exige un seuil de répression plus élevé, que Human Rights Watch a constaté dans le TPO, y compris Jérusalem-Est.
Nous avons constaté que les trois éléments constitutifs du crime sont présents dans le TPO, en vertu d’une seule politique du gouvernement israélien. Cette politique vise à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens, du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée. Dans le TPO, cette intention s’accompagne de l’oppression systématique et d’actes inhumains à l’encontre des Palestiniens qui y vivent.
La notion d’État d’apartheid n’existe pas au regard du droit international. Il existe un crime d’apartheid, commis par des individus. Human Rights Watch a constaté que des responsables israéliens avaient commis ce crime par le biais d’actes et de politiques spécifiques mis en œuvre dans certaines zones placées sous leur contrôle. En particulier, nous avons constaté que les trois éléments constitutifs du crime d’apartheid sont présents dans le TPO, dans le cadre d’une seule politique du gouvernement israélien. Cette politique vise à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens, du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée. Dans le TPO, cette intention s’accompagne de l’oppression systématique et d’actes inhumains à l’encontre des Palestiniens qui y vivent.
Non. La répulsion inspirée par la pratique de l’apartheid en Afrique du Sud jusqu’au début des années 1990 a certainement influencé la décision de la communauté internationale de définir l’apartheid comme un crime contre l’humanité. Au fil des années, cependant, la communauté internationale a détaché le terme d’apartheid de son contexte sud-africain d’origine et a élaboré une interdiction juridique universelle de sa mise en œuvre. Quel que soit le lieu où il a cours, l’apartheid est un crime contre l’humanité, tel qu’il est défini dans la Convention internationale de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid et le Statut de Rome de 1998 de la Cour pénale internationale (CPI). Ce dernier ayant été rédigé après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Human Rights Watch conclut que les responsables israéliens ont commis le crime d’apartheid selon les normes juridiques énoncées dans ces instruments, et non sur la base d’une quelconque analogie avec la situation antérieure en Afrique du Sud.
Le droit international des droits humains accorde une latitude considérable aux gouvernements pour définir leurs politiques migratoires. Rien dans le droit international n’empêche Israël de promouvoir l’immigration juive. Les Israéliens juifs, dont beaucoup ont migré vers la Palestine mandataire ou plus tard vers Israël pour échapper aux persécutions antisémites dont ils étaient victimes dans différentes parties du monde, ont droit à la protection de leur sécurité et de leurs droits fondamentaux. Cependant, cette latitude ne donne pas à un État la prérogative de discriminer contre des personnes qui vivent déjà dans ce pays, notamment s’agissant des droits relatifs au regroupement familial, ou contre des personnes qui ont le droit de revenir dans leur pays. Les Palestiniens ont également droit à la protection de leur sécurité et de leurs droits fondamentaux.
Selon le droit international des droits humains, y compris la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD), la race et la discrimination raciale ont été interprétées au sens large comme signifiant bien plus que la couleur de la peau ou les caractéristiques génétiques : elles incluent également des distinctions fondées sur l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique, entre autres catégories. Plutôt que de considérer la notion de race uniquement comme une somme de traits génétiques, Human Rights Watch utilise cette définition élargie. L’adoption du Statut de Rome, après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, indique que le « groupe racial », au moins dans ce Statut, reflète une conception plus large de la race et serait probablement interprété comme tel par les tribunaux. Au cours des deux dernières décennies, dans des contextes connexes mais distincts, les tribunaux pénaux internationaux ont évalué l’identité de groupe en fonction du contexte et de la construction des acteurs locaux, par opposition aux approches antérieures axées sur les traits physiques héréditaires, reflétant l’évolution contemporaine des sciences sociales. En appliquant ces normes, Human Rights Watch a documenté comment les Israéliens juifs et les Palestiniens sont considérés dans le contexte local comme des groupes identitaires distincts qui relèvent de la compréhension plus large des « groupes raciaux » en vertu du droit international des droits humains, et de nombreuses lois et ordres militaires israéliens qui traitent Juifs et Palestiniens différemment.
Les autorités israéliennes sont confrontées à des problèmes sécuritaires réels en Israël et dans le Territoire palestinien occupé. Cependant, les restrictions qui ne visent pas à trouver l’équilibre entre les droits humains, tels que la liberté de mouvement, et les préoccupations légitimes en matière de sécurité, par exemple en procédant à des évaluations sécuritaires individualisées plutôt qu’en empêchant toute la population de Gaza de sortir à de rares exceptions près, vont bien au-delà de ce que le droit international autorise. Même lorsque des préoccupations sécuritaires motivent en partie une politique spécifique, cela ne donne pas à Israël la permission de violer massivement les droits humains.
Certaines politiques, telles que la loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël et le gel du registre de la population du Territoire palestinien occupé, utilisent la sécurité comme prétexte, principalement pour faire progresser les objectifs démographiques. De nombreux abus, parmi lesquels les refus catégoriques de permis de construire, les révocations ou restrictions massives de résidence et les confiscations de terres à grande échelle, n’ont aucune justification sécuritaire légitime. Ces mesures sont plutôt conçues pour créer et maintenir une majorité juive en Israël et dans certaines parties de la Cisjordanie, et pour maximiser le contrôle juif israélien des terres en Israël et dans le Territoire palestinien occupé. Des préoccupations légitimes sur le plan sécuritaire peuvent figurer parmi les motivations de politiques qui s’apparentent à de l’apartheid et parmi celles qui autorisent le recours à la torture ou l’usage excessif de la force.
Alors que le droit de l’occupation permet à la puissance occupante de restreindre certains droits civils et politiques sur la base de justifications limitées sur le plan sécuritaire, la suspension massive, des décennies durant et manifestement sans fin prévisible, des droits civils fondamentaux des Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé dépasse de loin ce que le droit international autorise. Avec le temps, la prérogative de l’occupant de restreindre l’exercice des droits diminue. Les restrictions imposées par les autorités israéliennes aux droits civils des Palestiniens atteignent le niveau de mesures « destinées à empêcher un groupe racial ou plusieurs groupes raciaux de participer à la vie politique, sociale, économique et culturelle » et créent « des conditions faisant obstacle [à leur] plein développement » en leur déniant les droit à la liberté d’opinion et d’expression, à la liberté de réunion et d’association pacifiques, spécifiés comme des actes inhumains dans la Convention internationale de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid.
L’Autorité palestinienne (AP) et le Hamas exercent des fonctions gouvernementales locales dans certaines parties du Territoire palestinien occupé et, en tant que tels, sont tenus, en vertu du droit international des droits humains, de respecter les droits civils, politiques et autres. Human Rights Watch a documenté de façon approfondie leur incapacité à agir ainsi depuis des années, comme l’illustrent les arrestations systématiques et arbitraires et le recours à la torture contre les critiques et les opposants. Les autorités israéliennes maintiennent le contrôle exclusif de 60 % de la Cisjordanie, ainsi que de Jérusalem-Est. Dans le reste de la Cisjordanie, où l’Autorité palestinienne assure la gouvernance dans certains domaines, le gouvernement israélien conserve toujours le contrôle principal de nombreux aspects de la vie des Palestiniens, y compris s’agissant des frontières, des ressources naturelles, de l’espace aérien, de la circulation des personnes et des biens, de la sécurité et du registre de la population.
Malgré le retrait des forces terrestres israéliennes, Israël demeure également une puissance occupante à Gaza, en contrôlant la circulation des personnes et des biens, le registre de la population, la fiscalité, le financement des services publics et d’autres aspects de la vie locale. Les obligations en vertu du droit international humanitaire sont déterminées par la mesure dans laquelle une puissance étrangère exerce un contrôle sur la population occupée et, à Gaza, le seuil de contrôle nécessaire pour déclencher de telles obligations en vertu du droit de l’occupation a été atteint.
Les autorités israéliennes se servent du contrôle qu’elles exercent pour réprimer systématiquement les Palestiniens et empêcher la plupart d’entre eux d’avoir leur mot à dire dans le large éventail des affaires qui ont le plus d’impact sur leur vie quotidienne et leur avenir. Le fait que les autorités palestiniennes commettent également de graves abus ne dédouane en rien les autorités israéliennes de leurs responsabilités vis-à-vis des leurs.
Human Rights Watch considère Gaza comme faisant partie d’une unité territoriale unique qui comprend la Cisjordanie, étant donné que la communauté internationale ainsi que le gouvernement israélien les ont reconnus comme un territoire unique. Le retrait par le gouvernement israélien de sa population de colons de Gaza en 2005 n’était pas motivé par un abandon de l’objectif de contrôle démographique et foncier du Territoire palestinien occupé. Il s’agissait plutôt d’un recalibrage à la lumière de l’importante population palestinienne habitant une petite zone terrestre et du fardeau qu’imposait la sécurisation d’une petite communauté de colons juifs sur place. Cette décision a illustré un changement de cap, l’objectif étant désormais de veiller à l’instauration d’une majorité juive en Israël et dans les parties du Territoire palestinien occupé destinées à la colonisation juive – à savoir une grande partie de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Human Rights Watch a constaté que, dans les rares cas où les autorités israéliennes autorisent les Palestiniens à se déplacer entre la Cisjordanie et Gaza, elles ne le permettent qu’en direction de Gaza, afin de faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils quittent la Cisjordanie, dont ils convoitent la plus grande partie aux fins de la colonisation juive. Le contrôle des mouvements de la population de Gaza favorise ainsi la politique gouvernementale israélienne de maintenir une majorité juive dans le reste de la zone comprise entre le Jourdain et la mer Méditerranée, où les Palestiniens font l’objet de discriminations systématiques.
Un certain nombre de responsables israéliens ont clairement indiqué leur intention de maintenir à perpétuité le contrôle absolu de la Cisjordanie, quels que soient les arrangements en place pour gouverner les Palestiniens. Une position soutenue par l’ancien Premier ministre Levi Eshkol, du Parti travailliste, déclarant en juillet 1967 que « je ne vois qu’une région quasi-indépendante [pour les Palestiniens], parce que la sécurité et les terres sont entre les mains israéliennes », ainsi que par Benjamin Netanyahu, du Likoud, qui affirmait en juillet 2019 que « l’armée et les forces de sécurité israéliennes continueront de diriger l’ensemble du territoire, jusqu’au [fleuve] Jourdain ». Leurs déclarations vont de pair avec des actions et des politiques qui dissipent d’autant plus l’idée que les autorités israéliennes considèrent l’occupation comme temporaire. Il s’agit notamment d’une expansion massive des colonies, avec plus de 660 000 colons israéliens résidant actuellement dans le TPO ; la confiscation continuelle des terres ; la construction de la barrière de séparation non pas le long de la frontière de 1967 mais bien à l’intérieur de la Cisjordanie pour faire face à l’expansion prévue des colonies ; l’intégration du système d’égouts des colonies, des réseaux de communication, des réseaux électriques, des infrastructures hydrauliques et d’une matrice de routes dans l’infrastructure à l’intérieur d’Israël proprement dit ; et un ensemble croissant de lois applicables aux colons israéliens de Cisjordanie mais pas aux Palestiniens. La possibilité qu’un futur dirigeant israélien puisse conclure avec les Palestiniens un accord qui démantèle le système discriminatoire et mette fin à la répression systématique n’annule pas l’intention des responsables actuels de maintenir le système en vigueur, ni la réalité actuelle de l’apartheid et de la persécution.
Les autorités israéliennes sont chargées de protéger les droits des Palestiniens vivant sous occupation, ainsi que des citoyens palestiniens d’Israël, quel que soit le statut ou l’issue des négociations politiques et indépendamment de qui porte la responsabilité d’éventuelles percées ou impasses dans le cadre des négociations politiques. Ils doivent respecter le droit de l’occupation, qui interdit à une puissance occupante de coloniser le territoire occupé et de le traiter comme son territoire souverain et exige des protections spécifiques pour ses résidents. Tant que le gouvernement israélien continuera d’exercer un contrôle sur les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, il doit leur accorder la pleine protection des droits garantis à tous les peuples en vertu du droit international des droits humains, en utilisant comme référence les droits qu’il accorde à ses propres citoyens.
Non. L’apartheid est un crime dans le cadre duquel un groupe de personnes en domine un autre, que le groupe dominant exerce ou non la souveraineté officielle dans la zone. Human Rights Watch évalue la politique israélienne à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues et dans le Territoire palestinien occupé – Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est – puisque le gouvernement israélien exerce un contrôle principal sur ces zones. Nous soulignons cependant les différents cadres juridiques qui s’appliquent en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, compte tenu de leurs statuts différents au regard du droit international. Nous décrivons également les différentes politiques et pratiques que les autorités israéliennes maintiennent dans chacune de ces zones. Un constat d’apartheid ou de persécution ne change pas le statut juridique d’un territoire, même lorsqu’il se trouve en dehors des frontières de l’État ayant commis les crimes. Cela n’enlève rien non plus à la réalité factuelle de l’occupation. Human Rights Watch appelle les autorités israéliennes à mettre fin à la commission de ces crimes et non à adopter une solution politique particulière. Notre appel aux autorités israéliennes de mettre fin à l’apartheid n’exclut pas une solution à un État, une solution à deux États, une confédération ou tout autre arrangement politique. Les autorités israéliennes devraient mettre fin à l’apartheid immédiatement, quel que soit la solution politique envisagée maintenant ou à l’avenir.
La discrimination prend de nombreuses formes à travers le monde, chacune ayant ses caractéristiques spécifiques. Lorsque la discrimination atteint un seuil élevé de répression et s’accompagne des autres éléments décrits dans ce rapport, elle pourrait répondre à la définition juridique des crimes contre l’humanité d’apartheid ou de persécution. En 2020, Human Rights Watch a constaté que les abus commis par le gouvernement du Myanmar contre les musulmans rohingyas équivalaient à des crimes d’apartheid et de persécution. Human Rights Watch est également parvenu à d’autres conclusions sur d’autres crimes contre l’humanité, tels que des meurtres dans le cadre d’attaques systématiques contre des civils perpétrées par l’État islamique en Irak ; la généralisation de la torture et des meurtres de masse de manifestants en Égypte ; et des attaques systématiques contre des civils en République centrafricaine. Nous avons également conclu au crime de génocide dans divers cas : la campagne Anfal du gouvernement irakien dirigée contre les Kurdes ; les meurtres de Tutsis par l’ex-gouvernement rwandais et de musulmans de Srebrenica par les forces serbes de Bosnie. Dans ces situations et dans d’autres, nous avons demandé que les auteurs de ces crimes, dont l’implication a été établie de manière crédible, soient tenus pour responsables de leurs actes.
Human Rights Watch est fier de travailler avec des organisations palestiniennes et israéliennes de défense des droits humains telles qu’Al Haq, le Centre palestinien pour les droits humains, B’Tselem, Yesh Din et d’autres qui sont également parvenues à des conclusions semblables concernant l’apartheid et la persécution. Ces groupes travaillent sur le terrain depuis des années, et leurs recherches et analyses enrichissent les propres activités de HRW. Chaque organisation a évalué ces questions de manière indépendante, en fonction de son mandat et de son expertise, ce qui peut signifier que nos conclusions diffèrent sur certains points, mais pas sur d’autres. Nous avons analysé les actions du gouvernement israélien dans les domaines où il exerce un contrôle, tout en soulignant les principales différences juridiques et factuelles entre Israël et le Territoire palestinien occupé.
Oui. Le 3 mars 2021, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur les crimes graves présumés commis en Palestine (le TPO) depuis le 13 juin 2014. À la lumière de l’échec de plusieurs décennies des autorités israéliennes à mettre un frein à de graves abus tels que ceux documentés dans notre rapport, Human Rights Watch appelle le Bureau du Procureur à enquêter et à poursuivre les personnes impliquées de manière crédible dans les crimes contre l’humanité d’apartheid ou de persécution dans le cadre de l’enquête en cours.
En outre, les autorités judiciaires nationales d’autres pays devraient enquêter et poursuivre les personnes impliquées de manière crédible dans ces crimes en vertu du principe de la compétence universelle et conformément aux lois nationales.
Human Rights Watch a réuni des éléments de preuve solides que des crimes d’apartheid et de persécution ont été commis, mais nous n’avons pas approfondi la responsabilité pénale potentielle d’individus spécifiques. Le Procureur de la CPI devrait le faire dans le cadre de l’enquête de son Bureau, tout comme les autorités judiciaires nationales d’autres pays en vertu du principe de compétence universelle et conformément aux lois nationales.
Human Rights Watch ne prend pas position pour ou contre l’appel lancé par certains groupes aux consommateurs, aux individus ou aux institutions pour boycotter Israël, des individus ou des entités israéliens, si ce n’est pour défendre le droit de boycott en tant que forme d’expression pacifique. Ces groupes ont recommandé à la campagne BDS de faire pression sur Israël pour que cesse son occupation militaire et pour réaliser d’autres objectifs. En revanche, Human Rights Watch ne fait aucune recommandation aux individus. Ses demandes (autres qu’aux gouvernements) sont limitées aux entreprises, et elles sont beaucoup plus restreintes que les objectifs visés par le mouvement BDS, leur demandant seulement de cesser les activités qui contribuent directement aux crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution, et de cesser de fournir des biens et des services susceptibles de contribuer à la commission de ces crimes, conformément à leurs responsabilités en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, pour éviter la complicité dans de graves violations. La commission de crimes contre l’humanité devrait inciter les entreprises actives en Israël et dans le Territoire palestinien occupé à se livrer à un contrôle accru de leurs activités sur place. Les résultats de cet examen dépendraient du type d’entreprise, des interactions entre ses activités et les crimes d’apartheid et de persécution, ainsi que des options disponibles pour atténuer ou réparer les dommages, et de l’impact de l’arrêt ou de la réduction de l’activité commerciale.
Human Rights Watch ne parvient pas à des conclusions sur des crimes contre l’humanité à la légère, car ceux-ci font partie des crimes les plus graves au regard du droit international. L’intention de dominer est un élément constitutif du crime contre l’humanité de l’apartheid. Pendant des décennies, les autorités israéliennes ont insisté sur le fait que le statu quo, en particulier dans le TPO, était « temporaire », le résultat d’un « processus de paix » dans l’impasse. Les déclarations et actions des autorités israéliennes ces dernières années, notamment l’expansion continue des colonies exclusivement israéliennes en Cisjordanie, l’adoption de la loi sur l’État-nation juif et les déclarations d’intention d’annexer formellement d’autres parties de la Cisjordanie ont clarifié leur intention de maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens dans un avenir proche, sinon de façon permanente. Sur la base de l’ensemble de ces faits, Human Rights Watch a déterminé que la gravité et la nature des comportements spécifiques des autorités israéliennes ont franchi un seuil et équivalent aux crimes d’apartheid et de persécution. En outre, l’adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale en 2015 signifie qu’il existe désormais une juridiction internationale compétente pour connaître des crimes contre l’humanité commis à Gaza et en Cisjordanie.
Nous ne nous abstenons pas de signaler des violations des droits humains en raison de spéculations sur les conséquences politiques éventuelles de notre plaidoyer. En tout état de cause, le constat de crimes contre l’humanité devrait inciter la communauté internationale à réévaluer son approche à l’égard d’Israël et de la Palestine. Le paradigme de la résolution du conflit qui a longtemps orienté l’approche de la communauté internationale vis-à-vis d’Israël et de la Palestine minimise les violations graves des droits humains, en les considérant comme des problèmes temporaires que résoudront bientôt les négociations politiques. Cette vision a affaibli les efforts visant à mettre en œuvre le type d’instruments relatifs aux droits humains et de mesures d’établissement des responsabilités qu’une situation de cette gravité exige actuellement. La communauté internationale devrait cesser d’évaluer la situation à travers le prisme de ce qui pourrait se passer si les négociations politiques progressaient. Au lieu de cela, elle devrait reconnaître la réalité actuelle de la politique discriminatoire israélienne, profondément ancrée, qui équivaut à des crimes de persécution ou d’apartheid, et s’y attaquer comme elle le ferait dans le cas de tout crime contre l’humanité.
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