Cette semaine, le Cameroun a enregistré son premier décès dû au COVID-19. À travers le pays, 88 cas de contamination ont désormais été confirmés mais l’insuffisance des capacités de dépistage fait que leur nombre réel est probablement plus élevé.
Le gouvernement a récemment pris des mesures pour ralentir la propagation du virus, notamment en fermant les écoles et les frontières, en interdisant les rassemblements et en encourageant la population à observer de strictes règles d’hygiène.
Mais dans les prisons notoirement surpeuplées du Cameroun, garder ses distances, pratiquer l’auto-isolement et prendre des précautions de base comme se laver les mains n’est tout simplement pas possible.
Environ 5 000 personnes sont actuellement détenues dans la prison centrale de la capitale, Yaoundé, soit 5 fois plus que sa capacité. La majorité de ces personnes se trouvent en détention préventive, dans l’attente de leur procès. Ma dernière visite de cette prison remonte à 2016, et j’avais été choquée par les conditions de vie abjectes, notamment par les latrines d’une saleté repoussante et par le fait que des centaines de détenus étaient entassés dans une même cellule exigüe. La prison n’avait qu’une seule infirmerie, avec un seul médecin.
Mes contacts au Cameroun me disent que rien n’a changé depuis lors. Un avocat camerounais, qui visite régulièrement la prison, a déclaré cette semaine à Human Rights Watch : « Si jamais le virus se répand à l’intérieur de la prison, aucun traitement médical ne sera possible. Les détenus sont empilés les uns sur les autres; il est impossible de garder une saine distance. Cette prison est comme un volcan prêt à exploser. »
La situation dans les autres prisons n’est guère meilleure. La prison de Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord, a été conçue pour 350 détenus mais elle en compte actuellement plus de 1 470, dont environ 70 % sont en attente de leur procès. La prison centrale de Buea, dans la région du Sud-Ouest qui est en proie à des troubles, a été construite pour 700 personnes. Mais cette prison mais en compte actuellement plus de 2 000, dont également une majorité en détention provisoire dans l’attente d’un procès.
Les autorités camerounaises limitent les visites des prisons et demandent aux visiteurs de se laver les mains. Mais les avocats et les familles des détenus affirment que ce n’est pas suffisant.
Selon le droit international, il incombe au gouvernement du Cameroun d’assurer que la population carcérale ait accès aux soins médicaux, mais il ne peut pas le faire face à l’actuelle pandémie alors que les prisons sont à ce point surpeuplées. Les autorités devraient remettre en liberté les prévenus dont la détention provisoire n’est pas absolument justifiée pour des raisons de sécurité publique, et mettre en place un système permettant d’envisager une libération anticipée ou une liberté surveillée pour les détenus les plus exposés au risque représenté par le virus, notamment les plus âgés et ceux dont l’état de santé rend le virus encore plus dangereux pour eux, ainsi que ceux qui sont détenus pour des infractions mineures. Sans cela, la santé – et la vie – de milliers de personnes seront en danger.
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Le #Cameroun devrait agir rapidement pour protéger la population carcérale contre le risque de #COVID19, dont les effets seraient particulièrement graves dans les #prisons surpeuplées et insalubres, selon @ilariallegro @hrw. https://t.co/dSSGJs5ogA
— HRW en français (@hrw_fr) March 28, 2020
#Coronavirus en #Afrique : la pandémie est très redoutée dans les #prisons surpeuplées. HRW recommande aux pays concernés de procéder à la libération conditionnelle de détenus, notamment des prisonniers politiques, parmi d’autres mesures. https://t.co/sgwkjTOLpw via @franceinfo
— HRW en français (@hrw_fr) March 28, 2020
#Cameroun : inquiétude sur une propagation du coronavirus dans les #prisons https://t.co/DOW75XhD0A via @RFI @RFIAfrique
— HRW en français (@hrw_fr) March 30, 2020