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COVID-19 : Dimensions des droits humains dans les réponses gouvernementales

Recommandations de Human Rights Watch aux gouvernements dans le cadre de leurs réponses à la pandémie de coronavirus

Des policiers patrouillent sur les Champs-Elysées devant l'Arc de Triomphe à Paris, le 17 mars 2020, premier jour de la période de confinement général décrétée par le gouvernement français pour endiguer la pandémie de COVID-19. © 2020 Sipa via AP Images

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré qu’une épidémie de maladie virale à coronavirus, ou COVID-19, identifiée pour la première fois en décembre 2019 à Wuhan, en Chine, avait atteint le niveau de pandémie mondiale. Préoccupée par « les niveaux alarmants de propagation et de gravité » de la maladie, l’OMS a appelé les gouvernements à prendre des mesures urgentes et agressives pour stopper la propagation du virus.

Le droit international des droits humains garantit à chacun le droit au meilleur état de santé possible et oblige les gouvernements à prendre des mesures pour se prémunir contre les menaces à la santé publique et fournir des soins médicaux à ceux qui en ont besoin. Le droit relatif aux droits humains reconnaît également que dans le cadre de graves menaces pour la santé publique et en cas d’urgences publiques menaçant la vie de la nation, les restrictions de certains droits peuvent être justifiées si elles ont une base légale et sont strictement nécessaires, si elles s’appuient sur des preuves scientifiques qui ne sont ni arbitraires, ni discriminatoires dans leur application, et si elles sont limitées dans la durée, respectueuses de la dignité humaine, sujettes à examen et proportionnées en vue d’atteindre l’objectif fixé.

L’ampleur et la gravité de la pandémie de COVID-19 atteignent clairement le niveau d’une menace à la santé publique qui pourrait justifier des restrictions à certains droits, comme celles qui résultent de l’imposition de quarantaines ou de mesures d’isolement qui limitent le droit de circuler librement. Dans le même temps, accorder une attention particulière aux droits humains comme la non-discrimination et aux principes de droits humains comme la transparence et le respect de la dignité humaine peut à la fois renforcer l’efficacité de la réponse dans un contexte de turbulences et de perturbations qui résultent fatalement de telles situations de crise, et limiter les préjudices qui peuvent résulter de l’imposition de mesures trop larges qui ne répondraient pas aux critères susmentionnés.

Ce document donne un aperçu des problèmes posés par l’épidémie de coronavirus en matière de droits humains en s’appuyant sur des exemples actuels de réponses des gouvernements, et offre à ces gouvernements et aux autres acteurs des solutions pour les aider à respecter les droits humains dans la lutte contre la pandémie.

Sommaire

I. Qu’est-ce que le COVID-19 ?

II. Normes internationales applicables

III. Recommandations en matière de droits humains

1. Protéger la liberté d’expression et garantir l’accès aux informations

2. Veiller à ce que les quarantaines, les confinements et les interdictions de voyager respectent les normes relatives aux droits de la personne

3. Protéger les détenus et personnes séjournant dans les institutions

4. Assurer la protection du personnel de santé/a>

5. Respecter le droit à l'éducation, même si les écoles sont temporairement fermées

6. Lutter contre les impacts disproportionnés sur les femmes et les filles

7. Éliminer la discrimination et la stigmatisation, protéger la confidentialité des patients

8. Veiller à ce que les populations marginalisées puissent accéder aux soins de santé sans discrimination

9. Protéger les organisations communautaires et de la société civile

10. Promouvoir les droits à l'eau et à l'assainissement

11. Veiller à la poursuite de l’aide humanitaire

12. Cibler l’aide économique sur l’aide aux bas salaires

IV. Que fait Human Rights Watch?

I. Qu’est-ce que le COVID-19 ?

Le COVID-19 est une maladie infectieuse causée par un nouveau coronavirus identifié pour la première fois en décembre 2019. Les coronavirus sont une famille de virus connus pour causer des infections respiratoires. Il n’existe pas encore de vaccin contre le COVID-19, ni aucun traitement spécifique autre que la prise en charge des symptômes.

À la mi-mars 2020, plus de 150 pays signalaient des cas de COVID-19 sur leurs territoires, et l’OMS estimait à plus de 200 000 le nombre de cas à travers le monde. A cette date, plus de 7000 personnes étaient mortes après avoir contracté le virus et leur nombre continuait d’augmenter à un rythme alarmant.

II. Normes internationales applicables

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que la plupart des pays ont adopté, souligne que toute personne a droit au « meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». Les gouvernements sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour « prévenir, traiter et maîtriser les maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres ».

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, qui contrôle le respect du pacte par les États, a déclaré que :

Le droit à la santé est étroitement lié à d’autres droits de l’homme et dépend de leur réalisation : il s’agit des droits énoncés dans la Charte internationale des droits de l’homme, à savoir les droits à l’alimentation, au logement, au travail, à l’éducation, à la dignité humaine, à la vie, à la non-discrimination et à l’égalité, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit au respect de la vie privée, le droit d’accès à l’information et les droits à la liberté d’association, de réunion et de mouvement. Ces droits et libertés, notamment, sont des composantes intrinsèques du droit à la santé.

Le droit à la santé prévoit que les installations, biens et services de santé doivent être :

  • disponibles en quantité suffisante;
  • accessible à tous sans discrimination et d’un coût abordable pour tous, même les groupes marginalisés ;
  • acceptables, c’est-à-dire respectueux de l’éthique médicale et appropriés sur le plan culturel ; et
  • scientifiquement et médicalement appropriés et de bonne qualité.

Les Principes de Syracuse, adoptés par le Conseil économique et social des Nations Unies en 1984, et les observations générales du Comité des droits de l’homme des Nations Unies sur les états d’urgence et la liberté de circulation donnent des orientations qui font autorité sur les réponses des gouvernement qui limitent les droits humains pour des raisons de santé publique ou d’urgence nationale. Toute mesure prise pour protéger la population qui restreint les droits et libertés des personnes doit être prévue par la loi, nécessaire et proportionnée. Les états d’urgence doivent être limités dans le temps et toute restriction des droits doit tenir compte de l’impact disproportionné de cette dernière sur des populations spécifiques ou des groupes marginalisés.

Le 16 mars 2020, un groupe d’experts des droits humains des Nations Unies a déclaré que « les déclarations d’urgence basées sur l’épidémie de Covid-19 ne doivent pas servir de base pour cibler des groupes, des minorités ou des individus particuliers. Elles ne doivent pas servir de couverture à des actions répressives sous le couvert de la protection de la santé ... ni être utilisées pour étouffer les dissidences ».

Les Principes de Syracuse stipulent spécifiquement que ces restrictions doivent au minimum :

  • être prévues et exécutées conformément à la loi ;
  • avoir un objectif légitime qui s’inscrit dans intérêt général ;
  • être strictement nécessaires dans une société démocratique pour atteindre l’objectif légitime ;
  • être le moins intrusives et le moins restrictives possibles pour atteindre l’objectif légitime ;
  • s’appuyer sur des preuves scientifiques et n’être ni arbitraires, ni discriminatoires dans leur application ; et
  • être limitées dans le temps, respectueuses de la dignité humaine et soumise à révision.

III. Recommandations en matière de droits humains

1. Protéger la liberté d’expression et garantir l’accès aux informations

En vertu du droit international des droits humains, les gouvernements ont l’obligation de protéger le droit à la liberté d’expression, notamment le droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations de toutes sortes, à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières. Les restrictions autorisées à la liberté d’expression pour des raisons de santé publique, mentionnées ci-dessus, ne peuvent en aucun cas remettre en cause l’exercice de ce droit.

Les gouvernements sont tenus de fournir les informations nécessaires à la protection et à la promotion des droits, notamment le droit à la santé. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels considère comme une « obligation fondamentale » le fait de donner « une éducation et un accès à l’information sur les principaux problèmes de santé de la communauté, y compris des méthodes visant à les prévenir et à les maîtriser ». Pour se faire dans le respect des droits, la réponse à l’épidémie de COVID-19 doit garantir et faciliter l’accès pour tous à des informations précises et mises à jour sur le virus, sur les services ou sur leur interruption, et sur d’autres aspects de la réponse à l’épidémie.

Dans certains pays, les gouvernements n’ont pas respecté le droit à la liberté d’expression en prenant des mesures contre les journalistes et le personnel de santé. Cette approche a eu pour effet de saper l’efficacité de la communication sur les débuts de l’épidémie ainsi que la confiance dans les décisions prises par ces gouvernements :

En Chine, le gouvernement a initialement caché au public des informations de base sur le coronavirus. Il a sous-évalué le nombre de cas d’infection, a minimisé la gravité de l’infection et a rejeté la probabilité d’une transmission du virus entre humains. Les autorités ont arrêté des personnes pour avoir parlé de l’épidémie sur les réseaux sociaux, et plusieurs internautes pour avoir « propagé des rumeurs ». Elles ont censuré des discussions en ligne sur l’épidémie et empêché la diffusion de reportages dans les médias. Début janvier, Li Wenliang, médecin dans un hôpital de Wuhan où étaient soignés des patients infectés, a été convoqué par la police pour « propagation de rumeurs », après avoir mis en garde les internautes contre le nouveau virus sur un forum de discussion en ligne. Il est décédé début février des suites du virus.

En Iran, l’épidémie est apparue alors que la confiance de la population dans les autorités était sérieusement écornée suite à la répression brutale d’importantes manifestations antigouvernementales en réaction aux mensonges des autorités sur un avion de ligne abattu dans le ciel iranien. Les autorités iraniennes ont dès lors eu le plus grand mal à rassurer le public sur le fait que les décisions du gouvernement concernant l’épidémie de COVID-19 étaient prises dans l’intérêt du public. Le taux inhabituellement élevé de cas déclarés parmi les membres du gouvernement et l’incohérence des chiffres annoncés par les responsables et par plusieurs sources dans les médias nationaux ont encore accru les suspicions de sous-évaluation délibérée des données sur le virus, ou de lacunes dans le recueil et l’analyse de ces données.

En Thaïlande, des lanceurs d’alerte du secteur de la santé publique et des journalistes en ligne ont fait l’objet de représailles sous forme de poursuites et d’intimidations de la part des autorités après avoir critiqué les réponses du gouvernement à l’épidémie, fait part de leurs inquiétudes quant à une éventuelle dissimulation des faits et signalé des cas de corruption présumée liés à l’accaparement de masques chirurgicaux et d’autres fournitures médicales pour en tirer un profit. Certains membres du personnel médical ont également été menacés de sanctions disciplinaires –  notamment de résiliation de contrats de travail et de révocation de licences – pour avoir dénoncé la grave pénurie de matériel essentiel dans les hôpitaux du pays.

Quelques pays ont privilégié la communication ouverte et la transparence de l’information sur le nombre de cas :

Taïwan a rapidement pris des mesures pour lutter contre le virus, notamment en mettant rapidement des informations crédibles à la disposition de tous. Les points de presse quotidiens des responsables de la santé et les annonces de service public permettent de lutter contre la désinformation et ont permis d’éviter la panique, de restaurer la confiance et d’encourager l’aide de la population pendant la crise.

A Singapour, le gouvernement a publié et régulièrement mis à jour des statistiques détaillées sur le nombre et le taux d’infections et de guérisons.

En Corée du Sud, le gouvernement a également publié des données sanitaires et les responsables de la santé ont donné deux conférences de presse quotidiennes pour restaurer la confiance au sein de la population et promouvoir la vigilance de tous les citoyens.

En Italie, l’incohérence des messages des agents de la fonction publique, entre autres pour raisons de politique intérieure, pourrait avoir dilué l’impact initial des annonces de service public s’agissant des mesures d’hygiène et de distanciation sociale. Le gouvernement a tenu des conférences de presse pour partager quotidiennement les données dont il disposait et mis en œuvre une campagne publique agressive sur les meilleures pratiques pour se protéger et protéger les autres contre la propagation du virus.

Recommandations :

Les gouvernements devraient pleinement respecter les droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, et n’imposer des restrictions que dans la mesure où elles respectent les normes internationales.

Les gouvernements devraient veiller à ce que les informations qu’ils transmettent au public concernant le COVID-19 soient exactes, délivrées en temps opportun, et conformes aux principes des droits humains. Cet aspect est important pour lutter contre la diffusion de fausses informations ou d’informations à caractère trompeur.

Toute information sur le COVID-19 devrait être accessible et disponible en plusieurs langues, y compris pour les personnes peu ou pas alphabétisées, avec notamment la diffusion de messages télévisés en langue des signes par des personnes qualifiées, comme cela a été fait à Taiwan ; des sites Internet accessibles aux personnes atteintes de déficiences visuelle, auditive, d’apprentissage ou autres ; et des services téléphoniques qui prévoient des fonctionnalités de messagerie texte pour les personnes sourdes ou malentendantes. Les communications doivent utiliser un langage simple pour la compréhension du plus grand nombre. Les enfants devraient aussi recevoir des informations adaptées à leur âge qui les aide à faire les bons gestes pour se protéger.

Les données sur la santé sont particulièrement sensibles et la publication en ligne d’informations dans ce domaine peut présenter un risque important pour les personnes touchées, en particulier celles qui sont déjà en position de vulnérabilité ou marginalisées dans la société. Des garanties juridiques fondées sur les droits de la personne devraient guider la manière dont les données personnelles de santé sont utilisées et traitées.

L’accès à un Internet fiable et sans entraves devrait être maintenu et des mesures devraient être prises pour garantir que cet accès soit possible pour les personnes à faible revenu. L’engagement « Keep Americans Connected » de la Federal Communications Commission aux États-Unis demande aux entreprises participantes de ne pas résilier le service aux clients qui ne sont plus en mesure de payer leurs factures en raison des perturbations causées par la pandémie de coronavirus, à renoncer à tout frais de retard et à ouvrir des points d’accès Wi-Fi à tout Américain qui en a besoin. D’autres mesures pourraient être prises pour suspendre le plafonnement des données, augmenter la vitesse du trafic et éliminer les critères d’admissibilité pour les personnes à faibles revenus pendant la pandémie.

2. Veiller à ce que les quarantaines, les confinements et les interdictions de voyager respectent les normes relatives aux droits de la personne

Le droit international des droits humains, et notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), exige que les restrictions aux droits de la personne pour des raisons de santé publique ou d’urgence nationale soient conformes à la loi, nécessaires et proportionnées. Les restrictions telles que les mises en quarantaine obligatoires ou l’isolement de personnes symptomatiques doivent, au minimum, être appliquées conformément à la loi. Elles doivent être strictement nécessaires pour atteindre un objectif légitime fondé sur des preuves scientifiques, proportionnées dans le but d’atteindre cet objectif, et ne doivent être ni arbitraires ni discriminatoires dans leur application. Leur application doit être limitée en durée, respectueuse de la dignité humaine et soumise à une possible révision.

Les quarantaines à grande échelle et les confinements à durée indéterminée répondent rarement à ces critères et sont souvent imposés précipitamment, sans assurer la protection des personnes en quarantaine – en particulier les populations à risque. L’application de ce type de quarantaines et de confinements, difficiles à imposer et à mettre en œuvre de manière uniforme, se révèle souvent arbitraire ou discriminatoire.

La liberté de circulation telle que prévue par le droit international relatif aux droits humains protège en principe le droit de toute personne de quitter un pays, d’entrer dans le pays de sa nationalité et le droit de toute personne légalement présent dans un pays de circuler librement sur l’ensemble du territoire de ce pays. Des restrictions à ces droits ne peuvent être imposées que lorsqu’elles sont mises en place dans un cadre légal, avec un but légitime et si ces restrictions sont proportionnées, notamment dans leur impact. Les interdictions de voyager et les restrictions à la liberté de circulation ne doivent en aucun cas être discriminatoires ni avoir pour effet de priver les personnes du droit de demander l’asile, ou de violer l’interdiction absolue de renvoyer ces personnes là où elles risquent la persécution ou la torture.

Le droit international confère aux gouvernements de larges pouvoirs pour interdire l’accès de leur territoire aux visiteurs et migrants venus d’autres pays. Mais les interdictions de voyager, nationales ou internationales, n’ont souvent qu’une efficacité limitée dans la prévention de la transmission des maladies, et peuvent au contraire accélérer la propagation des maladies si les personnes fuient les zones de quarantaine avant leur imposition.

En Chine, le gouvernement a imposé des mesures de quarantaine très larges et peu respectueuses des droits des personnes :

À la mi-janvier, les autorités chinoises ont confiné près de 60 millions de personnes en deux jours pour limiter la transmission du COVID-19 depuis la ville de Wuhan, dans la province du Hubei où le virus a été signalé pour la première fois, même si au moment où le confinement débutait, 5 millions des quelques 11 millions d’habitants de Wuhan avaient quitté la ville. De nombreux habitants des villes confinées ont témoigné de leurs difficultés à obtenir des soins médicaux et d’autres produits de première nécessité. Des histoires glaçantes de décès et de maladies ont commencé à faire surface : un garçon atteint de paralysie cérébrale mort parce que personne ne s’est occupé de lui quand son père a été placé en quarantaine ; une femme atteinte de leucémie décédée après avoir été refoulée par plusieurs hôpitaux qui craignaient une contamination croisée ; une mère suppliant en vain la police à un poste de contrôle sur un pont de laisser passer sa fille atteinte de leucémie pour qu’elle puisse recevoir une chimiothérapie ; un homme atteint d’une maladie rénale se jetant du balcon de son appartement en comprenant qu’il ne pourrait se rendre dans un établissement de soin pour y effectuer sa dialyse. Les autorités auraient également utilisé diverses méthodes de confinement particulièrement intrusives, comme barricader avec des barres métalliques les portes des familles soupçonnées d’être infectées, arrêter des personnes pour avoir refusé de porter des masques et faire voler des drones avec des haut-parleurs pour dénoncer ceux qui sortent sans masque. Les autorités en ont trop peu fait pour lutter contre la discrimination envers les personnes de la province de Wuhan ou du Hubei qui voyageaient dans d’autres régions de Chine.

En Italie, le gouvernement a lui aussi imposé un confinement, mais avec une meilleure protection des droits individuels. Depuis la découverte du premier grand foyer de COVID-19 fin février, le gouvernement italien a progressivement adopté des mesures de restriction plus strictes. Les autorités ont initialement placé dix villes de Lombardie et une de Vénétie sous quarantaine stricte, interdisant aux résidents de quitter ces zones. Dans le même temps, ils ont fermé des écoles dans les régions touchées. Citant une augmentation du nombre de cas et un fardeau de plus en plus intenable pour le système de santé public, le gouvernement a imposé dès le 8 mars une nouvelle série de mesures dans une grande partie du nord du pays avec des restrictions beaucoup plus sévères à la liberté de circulation et aux libertés fondamentales. Le lendemain, les mesures ont été appliquées dans tout le pays. Parmi les autres mesures imposées figurent les restrictions sur les déplacements, sauf pour raisons essentielles de travail ou de santé (sur auto-certification), la fermeture de tous les lieux culturels (cinémas, musées) et l’annulation d’événements sportifs et des rassemblements publics. Le 11 mars, le gouvernement a fermé tous les bars, restaurants et magasins, à l’exception des marchés alimentaires et des pharmacies (et quelques autres lieux) dans tout le pays. Les personnes qui désobéissent aux restrictions sur les déplacements sans raison valable peuvent être condamnées à une amende pouvant aller jusqu’à 206 euros et à une peine de trois mois de prison. Toutes les écoles et universités ont été fermées et la population n’a été autorisée à sortir que pour acheter des produits essentiels, faire de l’exercice, travailler (s’ils ne peuvent travailler à distance) et pour raisons de santé (y compris pour administrer des soins à un parent malade).

D’autres gouvernements, comme ceux de la Corée du Sud, de Hong Kong, de Taïwan et de Singapour, ont réagi à l’épidémie sans mettre en place de restrictions majeures aux libertés individuelles, tout en réduisant le nombre de voyageurs en provenance de pays gravement touchés par l’épidémie. En matière de dépistage, la Corée du Sud, a adopté une approche proactive et accélérée des tests sur le COVID-19. Le gouvernement s’est concentré sur l’identification des zones à risque d’infection, la réalisation d’un grand nombre de tests gratuits sur les personnes à risque, la désinfection des rues dans les zones où les infections étaient importantes, la mise en place de centres de dépistage en drive-in et l’encouragement à la distanciation sociale. A Hong Kong, des efforts concertés ont été déployés pour promouvoir la distanciation sociale, le lavage des mains et le port du masque. Taïwan a adopté une démarche proactive d’identification des patients ayant cherché à être soignés pour des symptômes de maladie respiratoire pour soumettre certains d’entre eux à un dépistage du COVID-19. Le gouvernement a également mis en place un système d’alerte des autorités en fonction des antécédents de voyage et des symptômes détectés lors de visites cliniques afin de faciliter l’identification et le suivi des cas. Singapour a, entre autres mesures, adopté un programme de recherche des contacts pour les personnes dont l’infection par le virus est confirmée. Toutefois, la décision du gouvernement d’expulser quatre travailleurs étrangers pour n’avoir pas respecté un congé obligatoire de 14 jours et de leur interdire de revenir travailler dans le pays fait craindre la mise en place de sanctions disproportionnées.

Recommandations :

Les gouvernements devraient éviter d’imposer des restrictions trop vastes à la liberté de circulation et à la liberté individuelle, et n’envisager des restrictions obligatoires que lorsque cela est scientifiquement justifié et nécessaire et lorsque des mécanismes de soutien aux personnes touchées par ces mesures peuvent être garantis. Dans une lettre publiée aux États-Unis, plus de 800 experts spécialistes des questions juridiques et de santé publique expliquent : « Les mesures d’auto-isolement volontaires [associées à l’éducation, au dépistage généralisé et à l’accès universel au traitement] sont plus susceptibles d’inciter le grand public à coopérer et de protéger la confiance et sont plus à même de prévenir les tentatives d’évitement des contacts avec le système de santé ».

Quand des quarantaines ou des confinements sont imposés, les gouvernements ont l’obligation de garantir l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins de santé et à la prestation de soins. Beaucoup de personnes âgées et handicapées dépendent de services continus d’aide à domicile et communautaires. Garantir la continuité de ces services et opérations implique que les organismes publics, les organisations communautaires, les prestataires de soins de santé et autres prestataires de services essentiels puissent continuer à remplir des missions essentielles aux besoins des personnes âgées et handicapées. Les stratégies gouvernementales devraient permettre de minimiser les interruptions de services et de développer d’autres sources de services comparables. L’interruption des services communautaires peuvent mener à une institutionnalisation des personnes handicapées et âgées et avoir des conséquences négatives pour leur santé, voir résulter dans le décès de ces personnes, comme souligné ci-dessous.

3. Protéger les détenus et personnes se trouvant dans des institutions

Le COVID-19, comme d’autres maladies infectieuses, présente un risque plus élevé pour les populations qui vivent dans une certaine promiscuité. Elle touche de manière disproportionnée les personnes âgées et celles atteintes de maladies sous-jacentes telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, les maladies respiratoires chroniques et l’hypertension. En Chine, quatre-vingt pour cent des personnes décédées après avoir contracté le COVID-19 avaient plus de 60 ans.

Ce risque est particulièrement aigu dans les lieux de détention comme les prisons ou les centres de rétention, ou dans les résidences pour personnes handicapées et établissements de soins pour personnes âgées, où le virus peut se propager rapidement, en particulier si l’accès aux soins de santé est déjà limité. Les États ont l’obligation de garantir aux personnes dont ils ont la charge des soins médicaux au moins équivalents à ceux dont dispose la population en général et ne doivent pas refuser ni restreindre l’égalité de l’accès aux soins de santé préventifs, curatifs ou palliatifs pour tous les détenus, y compris les demandeurs d’asile et les sans-papiers. Les demandeurs d’asile, les réfugiés qui vivent dans des camps, et les personnes sans domicile fixe peuvent également être exposés à un risque accru en raison des difficultés d’accès à l’eau et aux installations sanitaires.

Dans les établissements de soins et autres installations comptant un nombre important de personnes âgées, l’organisation des visites devrait respecter un équilibre entre la protection des résidents âgés ou à risque et leur besoin de contacts avec l’extérieur ou avec leurs familles. Aux États-Unis, en réponse aux risques créés par le COVID-19, le département des Anciens Combattants a annoncé qu’il interdisait les visites dans ses 134 établissements de soins à travers le pays. Si le risque pour les personnes âgées est réel, de telles mesures, trop générales, ne tiennent guère compte des directives de santé publique ou des besoins des personnes âgées.

Même dans les pays économiquement développés, il est fréquent que les détenus et les étrangers placés en centres de rétention ne reçoivent pas de soins de santé adéquats, même en temps normal. L’insuffisance des soins de santé a récemment contribué à la mort de plusieurs migrants placé sous la responsabilité des autorités américaines chargées de l’immigration et des douanes. Parmi les personnes placées en détention, on trouve souvent des personnes âgées ou souffrant de problèmes de santé chroniques, d’autant plus à risque face au COVID-19.

Aux États-Unis, un grand nombre de personnes sont en prison sans avoir été condamnées pour un crime, mais simplement parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer la caution fixée par la justice à leur encontre. Dans les prisons américaines, les hommes et les femmes âgés sont le groupe dont la croissance est la plus rapide en raison de la longueur des peines qu’ils purgent, et les autorités pénitentiaires ont déjà du mal à leur fournir des soins médicaux adaptés. Pour répondre à cette difficulté, les tribunaux d’un comté de l’État de l’Ohio ont accéléré l’examen des détenus pour en libérer certains et en transférer d’autres dans des prisons. L’American Civil Liberties Union a déposé une action en justice pour contester la poursuite des décisions de détention d’immigrés pendant l’épidémie de COVID-19.

Des prisonniers en Iran auraient été testés positifs au coronavirus, notamment à la prison d’Evin à Téhéran et dans les villes d’Euromieh et de Rasht. Dans une lettre ouverte publiée en février dernier, les familles de 25 prisonniers détenus pour activisme pacifique ont demandé leur libération au moins temporaire en raison de l’épidémie et du manque de soins médicaux en prison. En mars, pour le Nouvel An persan (Nowruz), la justice iranienne aurait temporairement libéré quelques 85 000 prisonniers – un nombre sensiblement plus élevé que la normale en telle occasion – apparemment pour raisons de santé liés à l’épidémie de coronavirus. Toutefois, des dizaines de défenseurs des droits humains et d’autres personnes détenues pour des délits d’atteinte à la sécurité nationale vaguement définis sont toujours incarcérés.

Le 12 mars, le roi du Bahreïn, Hamad bin Isa Al-Khalifa aurait gracié 901 détenus « pour raisons humanitaires, au vu du contexte actuel », probablement en référence à l’épidémie de coronavirus. Le ministère de l’Intérieur a annoncé que 585 autres détenus seraient libérés et condamnés à des peines non privatives de liberté.

En Italie, les prisonniers de plus de 40 prisons ont manifesté contre les craintes de contagion dans les établissements surpeuplés et contre l’interdiction des visites familiales et des libérations surveillées pendant la pandémie de coronavirus. En réponse, les autorités ont pour la première fois autorisé l’utilisation du courrier électronique et de Skype pour les contacts entre les détenus et leurs familles et à des fins éducatives et ont annoncé un plan de libération et de placement en résidence surveillée des détenus condamnés à moins de 18 mois de prison. La principale organisation de défense des droits des prisonniers en Italie, Antigone, a estimé que cette mesure pourrait bénéficier à 3 000 détenus au maximum, alors même que le système pénitentiaire excède déjà ses capacités d’environ 14 000 personnes. Antigone a appelé à des mesures plus ambitieuses pour, entre autres, permettre la libération d’un plus grand nombre de détenus, notamment les détenus les plus âgés et ceux qui présentent des profils de santé à risque. Les organisations de la société civile ont également appelé à la recherche d’alternatives à la détention pour toutes les personnes actuellement détenues dans les centres de rétention italiens en raison du risque accru d’infection en l’absence de perspectives d’expulsion.

Recommandations :

Les agences gouvernementales qui ont autorité sur les détenus dans les prisons et les immigrés placés en centre de rétention devraient envisager de réduire leurs populations avec des libérations surveillées ou anticipées de certaines catégories de détenus à faible risque, notamment, et par exemple, ceux dont la libération est prévue prochainement, ceux qui sont en détention provisoire pour des infractions non violentes et de moindre importance, ou ceux dont la détention prolongée est soit inutile, soit injustifiée. Les personnes détenues exposées à un risque élevé de souffrir d’effets graves du virus, comme les personnes âgées et les personnes souffrant de problèmes de santé sous-jacents, devraient également bénéficier de telles mesures, en fonction de la capacité ou non des centres de détention à protéger leur santé, et notamment de leur garantir un accès aux traitements – et en tenant compte de facteurs tels que la gravité du crime commis et la peine déjà purgée.

Si pour des raisons de sécurité et de légalité les expulsions sont suspendues en raison du virus, les raisons légales de la détention de personnes en attente d’expulsion peuvent ne plus exister. Dans de tels cas, les autorités devraient libérer les personnes détenues et mettre en place des alternatives à leur détention.

Les autorités qui gèrent les prisons et les centres de rétention devraient rendre publics leurs plans d’action pour réduire le risque d’infection au coronavirus dans les établissements dont ils ont la charge et les mesures qu’elles comptent prendre pour contenir l’infection et protéger les détenus, le personnel pénitentiaire et les visiteurs, si des cas de virus ou d’exposition à celui-ci sont avérés. Les personnes soumises à une forme ou une autre de détention ont les mêmes droits à la santé que la population non détenue et ont droit de bénéficier des même normes de prévention et de traitement. Les détenus et la population en général ont un intérêt supérieur à connaître à l’avance quels plans ont été mis en place par les autorités pour gérer l’épidémie de COVID-19.

Les autorités devraient prendre des mesures pour s’assurer d’une coordination appropriée avec les services de santé publique et d’une communication ouverte avec les personnes détenues et le personnel en milieu carcéral. Elles devraient également dépister e pratiquer des tests COVID-19 conformément aux recommandations les plus récentes des autorités sanitaires. Elles devraient former aux gestes d’hygiène, livrer du matériel sanitaire adapté et veiller à ce que toutes les zones susceptibles d’être infectées par le virus et accessibles aux détenus, au personnel et aux visiteurs soient désinfectées régulièrement, conformément aux meilleures pratiques en la matière. Elles devraient élaborer des plans pour le relogement des personnes exposées ou infectées par le virus et veiller à ce que les personnes libérées ou en libération surveillée aient accès à un logement et à des soins de santé adaptés. Tous les plans de confinement ou d’isolement devraient être limités dans leur portée et dans leur durée en s’appuyant sur les meilleures données scientifiques disponibles, et ne devraient ni être, ni paraître punitifs, car la peur d’être confiné ou isolé pourrait retarder le moment où ces personnes informeront le personnel médical qu’ils ont des symptômes de l’infection. Les centres de détention devraient envisager l’adoption de stratégies alternatives telles que la vidéoconférence pour que les individus puissent avoir des contacts avec leur famille ou un avocat.

Les gouvernements qui cherchent à contenir la propagation du virus devraient évaluer et modifier au besoin, pendant la période de l’épidémie, les mesures de mise en œuvre des dispositions de leurs lois sur l’immigration, en autorisant notamment des audiences devant les tribunaux et des vérifications auprès des autorités comme alternatives à la détention. Les autorités doivent informer le public qu’une absence à une audience ou qu’une demande non enregistrée pendant la période de l’épidémie n’aura aucune répercussion négative. Les autorités devraient mettre fin aux détentions arbitraires de migrants, rechercher des alternatives à la détention pour les personnes actuellement en centre de rétention, et opter pour une libération quand cela est possible, en particulier pour les personnes à haut risque en cas d’infection et pour les personnes retenues sans perspective d’expulsion imminente, légale et en toute sécurité.

En l’absence d’un soutien adapté de l’État, l’ONU et les autres organisations intergouvernementales devraient faire pression pour obtenir un accès aux centres de détention formels ou informels pour fournir aux détenus l’aide vitale dont ils ont besoin.

Les gouvernements qui hébergent des réfugiés et des demandeurs d’asile sur leur sol devraient veiller à ce que leur réponse au COVID-19 comprenne des mesures de prévention et de traitement, avec une attention particulière aux mesures visant à lutter contre la surpopulation dans les centres de détention et les camps, à améliorer l’assainissement et l’accès aux soins de santé, et à recourir à des quarantaines et des mesures de confinements limitées dans le temps, uniquement si ces mesures sont nécessaires.

4. Assurer la protection du personnel de santé

Dans le cadre du droit à la santé, le PIDESC prévoit que les gouvernements créent des conditions « propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie ». Les gouvernements ont l’obligation de minimiser le risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles, notamment en veillant à ce que les travailleurs disposent d’informations sanitaires et de vêtements et d’équipements de protection adaptés. Cela signifie qu’il faut que le personnel de santé et les autres personnes chargées de la réponse au COVID-19 reçoivent des formations sur le contrôle des infections ainsi qu’un équipement de protection adaptés.

La lutte contre la propagation du COVID-19 nécessite que les établissements de santé disposent d’approvisionnement en eau, d’assainissement, d’hygiène, d’une gestion des déchets médicaux et du nettoyage adaptés. Un rapport de référence de 2019 de l’OMS et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a révélé qu’ « environ 896 millions de personnes fréquentent des établissements de santé sans approvisionnement en eau et que pas moins d’1,5 milliard de personnes fréquentent des installations sans assainissement ».

Les recherches de Human Rights Watch sur les infections contractées dans les hôpitaux en Hongrie suggèrent que le système de santé publique du pays, mal géré, sous-financé et en sous-effectif est mal équipé pour gérer une épidémie de COVID-19. Les patients et les experts médicaux ont décrit les insuffisances des protocoles d’hygiène de base, le manque de salles d’isolement et une pénurie de personnel de santé, de médecins et d’infirmières et de matériel médical en général. Un médecin a déclaré qu’il était presque impossible d’obtenir des articles aussi essentiels que des produits désinfectants et des masques respiratoires, pourtant cruciaux pour se protéger contre les virus.

Human Rights Watch a aussi documenté l’état du système de santé du Venezuela, en plein effondrement. Les hôpitaux ont fermé ou fonctionnent à une fraction de leur capacité, beaucoup sans accès régulier à l’électricité ou à l’eau. Les maladies évitables par la vaccination telles que la rougeole et la diphtérie ont réapparu bien avant que la pandémie de coronavirus ne se déclare.

Le large éventail de sanctions imposées à l’Iran par les États-Unis ont considérablement limité la capacité du pays à financer ses importations humanitaires, notamment celles de médicaments, causant de graves difficultés aux Iraniens ordinaires. Les gouvernements concernés devraient soutenir les efforts de l’Iran pour lutter contre le COVID-19, notamment en lui donnant accès aux dispositifs médicaux et aux kits de test.

En Thaïlande, les capacités du système de santé publique ont été réduites par la corruption. En partie à cause de celle-ci, le personnel médical manque de masques chirurgicaux et les fournitures locales ont été détournées et expédiées vers la Chine ou vers d’autres marchés.

En février en Égypte, le ministère de la Santé a envoyé des médecins et des équipes médicales dans une installation de mise en quarantaine sans les informer que ce transfert faisait partie de la réponse au COVID-19 ou des risques qu’ils encouraient. Le personnel médical a dit avoir été « piégé » pour participer à cette mission.

Au Liban, la porte-parole de l’Union des Importateurs de Fournitures médicales a déclaré à Human Rights Watch que le pays n’avait plus de gants, ni de masques, blouses et autres fournitures médicales nécessaires pour faire face à l’épidémie de coronavirus, la crise financière ayant empêché ce secteur d’importer de tels biens. Elle a ajouté que les importateurs de fournitures médicales n’avaient importés que 10 millions des 120 millions de dollars de marchandises qu’ils recherchaient depuis octobre et que presque toutes les transactions avaient été gelées depuis février en raison de la crise économique que traverse le pays. Le chef du Syndicat des Hôpitaux privés a déclaré que le gouvernement devait aux hôpitaux privés plus de 1,3 milliard de dollars, mettant en péril leur capacité à payer leur personnel et à acheter du matériel médical. Pourtant, le gouvernement libanais n’a pas mis en place de mesures pour faire face à la crise économique qui menace l’accès aux soins, aux médicaments et aux équipements médicaux.

Recommandations :

Les gouvernements devraient prendre des mesures pour que les soins de santé soient accessibles à tous et sans discrimination, abordables, respectueux de l’éthique médicale, culturellement appropriés et de bonne qualité.

Les gouvernements devraient veiller à ce que le personnel de santé ait accès à des équipements de protection adaptés et à ce que des programmes de protection sociale soient mis en place pour les familles des travailleurs sanitaires décédés ou tombés malades à cause de leur travail, et veiller à ce que ces programmes s’appliquent aux travailleurs du réseau informel, qui représentent une part importante du personnel du secteur des soins.

Par le passé, la peur de l’exposition aux épidémies a résulté dans des attaques contre le personnel de santé. Les gouvernements devraient être très attentif à ce phénomène afin d’empêcher de telles attaques de se produire, et de réagir rapidement, de manière suffisante et appropriée le cas échéant.

5. Respecter le droit à l'éducation, même si les écoles sont temporairement fermées

De nombreux pays ont fermé leurs écoles pour lutter contre l’épidémie de COVID-19, perturbant les apprentissages et l’éducation de centaines de millions d’élèves. En temps de crise, les écoles procurent aux enfants un sentiment de stabilité et de normalité, garantissant une routine et un soutien émotionnel qui leur permet de faire face au changement. Les écoles sont aussi un espace important d’information des enfants et de leurs familles sur l’hygiène, les bonnes techniques de lavage des mains et les méthodes pour s’adapter aux situations qui impliquent un changement de routine. Sans accès aux écoles, cette responsabilité première incombe aux parents, aux tuteurs et aux aidants. Quand les écoles sont fermées, c’est aux agences gouvernementales d’intervenir pour diffuser des informations claires et précises sur la santé publique par les voies médiatiques adaptées.

Pour s’assurer que les systèmes éducatifs répondent de manière adaptée à la crise, l’UNESCO a recommandé aux États « d’adopter une variété de solutions de haute technologie, de basse technologie ou sans technologie pour assurer la continuité de l’apprentissage ». Dans de nombreux pays, les enseignants utilisent déjà des plateformes d’apprentissage en ligne pour compléter les heures de contact scolaire avec les élèves avec des devoirs, exercices en classe et recherches, et de nombreux élèves ont accès à de l’équipement technologique à la maison. Cependant, tous les pays, communautés, familles ou groupes sociaux ne disposent pas d’un accès Internet adapté, et de nombreux enfants vivent dans des régions sujettes à des fréquentes coupures du réseau Internet par le gouvernement.

Recommandations :

L’apprentissage en ligne devrait servir à atténuer l’impact immédiat de la perte des heures de classe. Les écoles qui mettent en place des outils technologiques à des fins d’apprentissage en ligne devraient veiller à ce que ces outils protègent les droits et la vie privée des enfants. Les gouvernements devraient chercher à récupérer les heures qui n’ont pas été enseignées en classe après la réouverture des écoles.

Les gouvernements devraient adopter des mesures pour atténuer les effets disproportionnés de cette situation sur les enfants qui rencontrent déjà des obstacles à leur éducation ou qui sont marginalisés pour diverses raisons – notamment les filles, les personnes handicapées ou celles qui sont désavantagées par leur situation géographique, leur situation familiale et d’autres inégalités. Les gouvernements devraient se concentrer sur l’adoption de stratégies de soutien à tous les élèves pendant les fermetures d’écoles – par exemple, en faisant un suivi des élèves les plus à risque et en veillant à ce que ces élèves reçoivent en temps imparti leurs documents imprimés ou en ligne, en accordant une attention toute particulière aux élèves handicapés qui peuvent avoir besoin de matériel adapté et accessible.

Les gouvernements devraient adopter des stratégies d’atténuation de la perte d’heure de classes, par exemple en travaillant avec les enseignants, les responsables des écoles et les syndicats et associations d’enseignants pour mettre en place des plans de récupération des heures d’enseignement ou de contact perdues, en ajustant les calendriers scolaires et les horaires des examens, et en garantissant une rémunération équitable aux enseignants et au personnel de l’école qui font des heures supplémentaires.

Dans les pays où le nombre d’enfants non scolarisés est élevé, les fermetures d’écoles peuvent compromettre les efforts d’accroissement des taux de scolarisation et de maintien à l’école, particulièrement dans le secondaire. Les gouvernements devraient prendre des mesures supplémentaires pour veiller au respect de l’enseignement obligatoire et s’assurer que les responsables de l’éducation au gouvernement veillent au retour des élèves dans les écoles une fois qu’elles rouvriront. Les responsables du secteur de l’éducation devraient concentrer leur attention sur les régions où prédominent le travail des enfants ou les mariages d’enfants et veiller à ce que tous les enfants de ces régions retournent à l’école. Les autorités devraient également s’assurer que les écoles qui accueillent des élèves réfugiés adoptent des mesures de sensibilisation pour garantir aux enfants réfugiés un retour à l’école, notamment en travaillant avec les groupes de parents réfugiés et les leaders communautaires.

Les fermetures d’écoles trop soudaines peuvent également mettre en difficulté les familles à faible revenu qui auront d’autant plus de mal à joindre les deux bouts et à subvenir à leurs besoins. Pendant la fermeture des écoles, les gouvernements devraient garantir la fourniture de repas aux enfants des familles à faible revenu qui n’auront plus accès aux repas gratuits dans les cantines.

6. Lutter contre les impacts disproportionnés sur les femmes et les filles

Les épidémies de maladies ont souvent des effets différenciés selon les sexes. Human Rights Watch a constaté que l’épidémie de la maladie à virus Ebola en 2014 et l’épidémie du virus Zika transmis par les moustiques au Brésil en 2015-2016 avaient des effets particulièrement néfastes sur les femmes et les jeunes filles et renforçaient les inégalités de genre. Des articles de presse et les analyses de santé publique suggèrent un impact disproportionné du COVID-19 sur les femmes, et ce de plusieurs façons.

Si les risques spécifiques du COVID-19 pour les femmes enceintes ne sont pas encore clairs, l’épidémie pourrait avoir un impact négatif sur la santé et les droits sexuels et reproductifs. Si les systèmes de santé sont submergés, si les ressources sont réaffectées, ou en cas de pénuries de matériel médical ou de perturbation des chaînes d’approvisionnement au niveau mondial l’accès des femmes à la contraception et aux soins prénatals, postnatals et d’accouchement pourrait être remis en cause. Bien que le risque d’infection par l’allaitement maternel ne soit pas connu, le Fonds des Nations Unies pour la population a recommandé de ne pas séparer les mères allaitantes qui tombent malades de leurs nourrissons. Les épidémies passées, telles que l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone, ont eu un impact important sur la disponibilité des soins prénatals et de maternité courants, exposant les femmes à des risques accrus de morbidité et de décès maternels et néonatals évitables.

En Chine, plusieurs articles parus dans la presse ont fait état d’une augmentation de la violence domestique pendant la quarantaine. L’incidence accrue de la violence domestique pendant les crises et les confinements s’explique par des raisons comme l’augmentation du stress, l’exiguïté et la difficulté des conditions de vie et la remise en cause des mécanismes de soutien communautaire. Les crises limitent souvent plus encore la capacité des femmes à se protéger des violences et empêchent les victimes d’accéder à certains services, comme à un hébergement sûr loin de l’emprise de leurs agresseurs, ou ceux qui leur permettent de se défendre en cas d’abus.

Dans le monde, les femmes effectuent près de 2,5 fois plus de soins et de travaux domestiques non rémunérés que les hommes, et sont donc plus susceptibles que les hommes d’assumer des responsabilités supplémentaires en la matière en cas de fermeture d’écoles, ce qui rend plus difficile leur maintien dans un emploi rémunéré. Le Japon a réagi à la possibilité d’un impact disproportionné de l’épidémie sur les familles avec de jeunes enfants en proposant de compenser – même si le montant de cette compensation reste faible – les coûts pour les entreprises des travailleurs prenant des congés payés pour s’occuper des enfants pendant les fermetures d’écoles. L’Italie a elle-même envisagé des mesures pour atténuer les effets du confinement sur les familles avec enfants. Il pourrait s’agir de jours de congés parentaux d’urgence payés ou de bons destinés aux familles avec des enfants de moins de 12 ans (ou enfants handicapés sans limite d’âge) qui sont obligés de payer pour faire garder leurs enfants en raison de la fermeture prolongée des écoles.

Dans certaines régions, les travailleuses du secteur informel représentent 95 pour cent de la force de travail mais ne bénéficient ni de la sécurité de l’emploi, ni d’un filet de sécurité si une crise comme le COVID-19 venait à détruire leurs revenus. De nombreuses professions susceptibles d’être affectées par les mises en quarantaine, la distanciation sociale et le ralentissement économique tombent dans cette catégorie, comme les vendeurs de rue, les commerçants spécialisés dans la vente de marchandises et les travailleurs saisonniers. Les femmes sont également surreprésentées dans les services, qui font partie des industries les plus durement touchées par la réponse au COVID-19.

Dans le monde, 70% des prestataires de services de santé et de services sociaux sont des femmes – ce qui signifie que les femmes sont en première ligne pour contenir la propagation du COVID-19 et peuvent être fortement exposées au virus du fait de leur travail dans le secteur de la santé. Au sein des communautés, la peur d’une trop grande exposition du personnel de santé au COVID-19 peut conduire les femmes de ce secteur à être rejetées ou faire l’objet de stigmatisation, ce qui peut avoir pour effet d’ajouter un fardeau supplémentaire alors qu’elles doivent déjà protéger leur santé et celle de leur famille. Cela peut se manifester, par exemple, dans des difficultés d’accès aux services de garde d’enfants pendant qu’elles travaillent contre la propagation du virus.

Certaines de ces travailleuses aidantes sont des travailleuses domestiques migrantes qui, en temps normal, sont parfois déjà vulnérables au travail et courent un risque accru d’abus, de perte d’emploi, d’être des soignantes en première ligne de la lutte contre l’épidémie, mais privées protection adéquate, et de se retrouver piégées et d’être empêchés de retourner chez elles en cas de crise. Elles peuvent aussi rencontrer de nombreux obstacles s’agissant de la protection de leur propre santé.

Le passage au télétravail comme moyen de distanciation sociale – à l’école et au travail – peut désavantager de manière disproportionnée les femmes et les jeunes filles. Dans certains pays, les femmes sont jusqu’à 31 pour cent moins susceptibles que les hommes d’avoir accès à Internet et les femmes sont 327 millions moins nombreuses que les hommes à avoir un smartphone. Même quand les femmes ont accès à Internet, les disparités entre les sexes peuvent les rendre moins aptes à s’en servir pour des raisons liées au coût, à la socialisation et aux pressions familiales. Lorsque plusieurs membres d’un même foyer ont besoin d’accéder à des ressources informatiques limitées, les inégalités de genre peuvent avoir pour effet un accès limité à ces ressources pour les femmes et les jeunes filles.

Recommandations :

Les autorités devraient prendre des mesures pour atténuer les impacts sexospécifiques de la gestion de la crise et veiller à ce que ces réponses n’aient pas pour résultat la perpétuation de l’inégalité entre les sexes.

Quand l’éducation est transférée en ligne, les gouvernements et les prestataires de service éducatifs devraient veiller à ce que la participation au cours en ligne et la rétention des élèves soit la même quel que soit leur sexe, et à réagir rapidement avec des stratégies de rétention et de réengagement des femmes et des jeunes filles si cette participation diminue. Ils devraient également aborder les risques particuliers de perte d’emploi pour les femmes qui peuvent devoir assumer une charge éducative supplémentaire pendant les fermetures d’écoles.

Les mesures d’aide aux travailleurs touchés par la pandémie devraient prévoir des garanties pour les travailleurs des secteurs informels du travail et des services, où les femmes sont prédominantes.

Dans leurs campagnes de sensibilisation du grand public, les gouvernements devraient tenir compte de la manière dont les victimes de violence domestique continueront à accéder aux services qui leur sont destinés, et veiller à ce que ces services soient disponibles pour toutes les victimes de violence domestique, notamment celles qui vivent dans des régions où sont imposées des restrictions de circulation ou des quarantaines et celles touchées par le COVID-19.

Les gouvernements devraient soutenir les professionnels des services de santé et sociaux qui sont en première ligne dans la lutte contre la pandémie, en reconnaissant que ces travailleurs sont principalement des femmes. Ce soutien devrait tenir compte de leurs besoins en tant qu’aidantes dans leur propre famille et de l’impact de la stigmatisation sur elles-mêmes et sur leurs familles.

Les pays d’origine et de destination des travailleuses domestiques migrantes devraient adopter des mesures spéciales pour localiser et aider les travailleuses domestiques migrantes à lutter contre les conditions de travail abusives et leur fournir de l’assistance pour gérer l’épidémie de COVID-19.

Les gouvernements et les organismes internationaux devraient suivre de près l’impact du COVID-19 sur les femmes enceintes et agir pour atténuer l’impact que pourrait avoir la pandémie sur le droit des femmes et des jeunes filles à l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive.

7. Éliminer la discrimination et la stigmatisation, protéger la confidentialité des patients

Lors de précédentes crises de santé publique, les personnes infectées ou malades et leurs familles ont souvent été victimes de discrimination et de stigmatisation. Human Rights Watch a par exemple constaté que les personnes vivant avec le VIH au Kenya, en Afrique du Sud, aux Philippines et aux États-Unis souffraient de discrimination et de stigmatisation en raison de leur statut de malade du VIH-Sida et qu’elles avaient été empêchées d’accéder à des soins de santé, à l’emploi et à l’école. Des recherches en santé publique ont montré que les survivants d’Ebola en Afrique de l’Ouest ont eux aussi été confrontés aux effets néfastes d’une stigmatisation qui, dans certains cas, a entraîné des expulsions, pertes d’emploi, l’abandon, ou la violence, entre autres conséquences.

Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les médias d’un certain nombre de pays ont documenté les préjugés, le racisme, la xénophobie et la discrimination qui ciblent les personnes d’origine asiatique. Ces incidents ont donné lieu à des agressions physiques, des coups, du harcèlement violent à l’école, des menaces, de la discrimination à l’école ou sur le lieu de travail, et l’utilisation d’un langage désobligeant dans les reportages et sur les réseaux sociaux, entre autres. Depuis janvier, les médias ont fait état d’incidents alarmants de crimes de haine apparemment liés au COVID-19 et ciblant des personnes d’origine asiatique au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Espagne et en Italie entre autres. De hauts responsables du gouvernement américain, dont le président Donald Trump, ont attisé le sentiment anti-chinois en qualifiant le coronavirus de « virus chinois » ou encore, selon un correspondant à la Maison Blanche, de « Kung Flu ». Des dirigeants anti-immigrants comme Victor Orban en Hongrie et Matteo Salvini en Italie se sont servis de la pandémie pour attiser les sentiment xénophobes dans la population.

Les autorités sud-coréennes estiment qu’au début de l’épidémie, 63 pour cent des 7 300 cas confirmés dans le pays étaient des personnes qui avaient assisté à plusieurs services de l’église Shincheonji de Jésus dans la ville de Daegu, ou avaient été en contact avec ces personnes. Dans un communiqué, l’église a fait état de « 4 000 cas d’injustices » dirigées contre les fidèles depuis le début de l’épidémie, notamment « des licenciements, intimidations au travail, persécutions domestiques, étiquetages et calomnies » et déclaré que l’église était accusée d’être « le principal coupable de l’épidémie de COVID-19 ».

Une enquête de la BBC en Corée du Sud a révélé que les alertes de santé publique sur le virus n’avaient peut-être pas suffisamment protégé la vie privée des personnes atteintes du virus.

Recommandations :

Les gouvernements devraient prendre des mesures rapides pour protéger les individus et communautés qui pourraient être ciblés comme étant responsables du COVID-19 des attaques dont elles pourraient être l’objet, enquêter de manière approfondie sur tous les incidents signalés et demander des comptes aux auteurs de ces incidents.

Les gouvernements devraient veiller à ce que les mesures prises pour répondre à l’épidémie de COVID-19 ne ciblent pas ou ne résultent pas dans des discriminations contre des groupes religieux ou ethniques particuliers, et à ce que ces mesures tiennent compte et respectent les droits des groupes marginalisés, notamment des personnes handicapées et âgées. Les gouvernements devraient garantir une égalité d’accès aux services d’urgence pour les personnes handicapées et âgées.

Les gouvernements devraient lutter contre la stigmatisation et la discrimination en formant le personnel de santé au COVID-19, en utilisant les médias de masse et les réseaux scolaires pour accroître la sensibilisation du public aux droits humains et en reconnaissant que le virus ne connaît pas de frontières ni ne distingue selon la race, l’ethnicité, la religion ou la nationalité.

Les gouvernements devraient s’assurer que la confidentialité de chaque patient est protégée même quand les autorités prennent des mesures pour identifier les personnes susceptibles d’avoir été exposées au virus.

8. Veiller à ce que les populations marginalisées puissent accéder aux soins de santé sans discrimination

La Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, pédiatre de formation, a déclaré que « pour lutter efficacement contre l’épidémie, il faut veiller à ce que chacun ait accès au traitement et ne soit pas privé de soins de santé parce qu’il ne peut pas les payer ou à cause de la stigmatisation ».

Dans de nombreux pays, les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) sont victimes de discrimination dans l’accès aux soins de santé. Human Rights Watch a documenté l’existence de discriminations en matière de soins de santé fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans des pays comme les États-Unis, la Tanzanie, le Japon, l’Indonésie, le Bangladesh, la Russie et le Liban. Cette discrimination peut avoir des incidences sur l’accès au dépistage et au traitement du VIH et sur le traitement d’autres maladies chroniques, qui peuvent exposer tout particulièrement les personnes LGBT aux risques de contracter une maladie grave ou de mourir des suites du COVID-19.

Recommandations :

Les gouvernements devraient veiller à ce que tous les services de santé administrés pour combattre le COVID-19 soient offerts sans stigmatisation ni discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, et devraient clairement faire état, dans leurs campagnes publiques, du droit de chacun à l’accès aux soins de santé.

Les gouvernements devraient prendre des mesures pour créer des pare-feu entre prestataires de soins de santé et le contrôle des sans-papiers afin de rassurer les populations vulnérables qu’elles ne risquent ni représailles, ni expulsion si elles cherchent à accéder à des soins de santé vitaux, notamment au dépistage ou au traitement pour le COVID-19.

Les gouvernements devraient également veiller à ce qu’aucune barrière financière n’empêche l’accès au dépistage, aux soins préventifs et au traitement pour le COVID-19. Aux États-Unis, 28 millions de personnes n’ont pas d’assurance médicale et près d’un tiers des habitants ont des difficultés à payer leurs traitements même quand ils sont assurés. De nombreuses personnes aux États-Unis disent éviter les soins médicaux ou ne pas acheter leurs médicaments sur ordonnance en raison de leur coût, ce qui aggrave leur état. Dans le cadre d’une épidémie, éviter les soins médicaux peut non seulement nuire aux personnes atteintes de la maladie, mais aussi entraîner une propagation accrue du coronavirus.

Tous les gouvernements ont l’obligation de veiller à ce que cette crise de santé publique, aussi grave soit-elle, ne devienne pas une crise des droits humains pour ceux qui n’auraient pas accès à des soins médicaux adaptés. Les gouvernements doivent prendre des mesures pour garantir à chacun des options de soins et de traitements médicaux abordables et accessibles.

9. Protéger les organisations communautaires et de la société civile

Dans de nombreux pays, les organisations de la société civile font un travail essentiel pour soutenir les efforts visant à endiguer la propagation du virus et faire en sorte que les personnes atteintes du COVID-19 – ou celles qui vivent à l’isolement ou en quarantaine – aient accès à la protection, aux soins et aux services sociaux dont ils ont besoin. Les gouvernements devraient protéger et soutenir les organisations de la société civile qui effectuent ce travail, ainsi que celles qui rendent compte des impacts de l’épidémie.

Lors de l’épidémie d’Ebola de 2014 en Afrique de l’Ouest, plusieurs organisations non gouvernementales, des journaux locaux et des radios communautaires ont joué un rôle clé d’éducation à la santé publique.

À Hong Kong, des gens ordinaires se sont organisés pour créer et distribuer des masques et du produit désinfectant pour les mains aux plus vulnérables afin de combler les lacunes des politiques en la matière. Mais le gouvernement chinois a longtemps maintenu une mainmise sur les organisations non gouvernementales et certains groupes sont confrontés à une réduction de leurs financements pendant l’épidémie.

En Italie, les autorités ont forcé les organisations non gouvernementales de sauvetage en mer qui aident les migrants et les demandeurs d’asile à des quarantaines à quai, et ce alors même que les membres d’équipage et leurs passagers étaient testés négatifs au virus. Dans un contexte où les missions de sauvetage civiles ont été systématiquement empêchées, bloquées, voire criminalisées, ces quarantaines potentiellement inutiles pourraient être utilisées pour décourager le sauvetage en mer.

Recommandation :

Les gouvernements ne devraient éviter d’exploiter la pandémie de coronavirus pour criminaliser ou entraver le travail des organisations de la société civile.

10. Promouvoir les droits à l’eau et à l’assainissement

Le droit à l’eau et le droit à l’assainissement font partie du droit à un niveau de vie suffisant. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a réaffirmé que les droits à l’eau et à l’assainissement sont une composante fondamentale du droit à un niveau de vie suffisant, et qu’ils sont « étroitement liés, entre autres droits énoncés dans le Pacte, au droit à la santé ».

Des milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable. Pourtant, comme l’OMS l’a noté, l’approvisionnement en eau salubre, l’assainissement et l’hygiène sont essentiels pour protéger la santé humaine pendant l’épidémie de COVID-19. La prévention de la transmission interhumaine du virus COVID-19 peut être soutenue par la promotion des droits à l’eau et à l’assainissement, et par le soutien aux infrastructures et aux techniciens de l’eau et des eaux usées qui garantissent la qualité et l’application systématique de l’approvisionnement en eau, assainissement et hygiène (EAH) et des pratiques de gestion des déchets dans les communautés, les maisons, les écoles, les marchés et les établissements de santé. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les risques liés à l’eau potable contaminée, à la transmission environnementale, et s’assurer que les opérateurs en charge des eaux usées sont formés et soutenus tout au long de la crise.

Le manque d’eau potable et d’assainissement à la maison, à l’école ou dans les établissements de santé rendra les mesures préventives difficiles. Dans certains cas, sans eau et assainissement adaptés, ces milieux peuvent eux-mêmes devenir un lieu de propagation de la maladie.

L’infrastructure des soins de santé au Venezuela est tellement affaiblie que la recommandation la plus fondamentale – le lavage des mains – est difficile à appliquer, même pour les prestataires de soins de santé qui travaillent dans des conditions difficiles. Les médecins et infirmières vénézuéliens interrogés par Human Rights Watch ces derniers mois ont déclaré que le savon et les désinfectants étaient pratiquement inexistants dans leurs cliniques et hôpitaux. Avec l’augmentation de l’inflation et la dévaluation des salaires, il leur est devenu impossible de s’approvisionner. Les hôpitaux publics de Caracas, la capitale, sont régulièrement confrontés à des pénuries d’eau. Dans les hôpitaux excentrés, ces pénuries ont duré plusieurs semaines, quand ce n’était pas plusieurs mois. Les patients et le personnel doivent apporter leur eau pour boire, et parfois même pour tirer la chasse d’eau.

Recommandation :

Les gouvernements devraient immédiatement suspendre toute coupure d’eau pour non-paiement des factures. L’arrêt des services d’eau pour défaut de paiement est incompatible avec les droits humains, quel que soit le contexte, et peut être particulièrement préjudiciable pendant les crises de santé publique comme la pandémie de COVID-19.

11. Veiller à la poursuite de l’aide humanitaire

Selon les Nations Unies, plusieurs des nombreux pays touchés par le COVID-19 sont déjà confrontés à des crises dues à des conflits, des catastrophes naturelles ou au changement climatique. De nombreux habitants de ces pays en crise dépendent de l’aide humanitaire pour survivre.

Recommandation :

Les gouvernements devraient veiller à ce que le soutien aux opérations humanitaires essentielles menées par l’ONU et d’autres agences d’aide ne soit pas interrompu à cause du COVID-19.

12. Cibler l’aide économique sur l’aide aux bas salaires

La distanciation sociale, les quarantaines et fermeture d’entreprises peuvent avoir d’énormes conséquences économiques. Les personnes les plus vulnérables sont les travailleurs à bas salaire dans les ménages à faible revenu.

Recommandations :

Les gouvernements devraient prendre des mesures politiques pour amortir les impacts économiques du COVID-19, qui affecteront d’abord et plus durement les bas salaires.

Les gouvernements devraient créer des mécanismes pour que les travailleurs touchés par le COVID-19 ne subissent pas de perte de revenu qui les dissuaderait de se confiner pour contenir la propagation du virus.

Les experts en santé publique recommandent aux entreprises d’encourager les employés à travailler à domicile pour empêcher la propagation du virus. Mais le travail à distance n’est pas une option pour des millions de travailleurs dans des domaines comme la vente au détail, la restauration, les services personnels, l’économie des « petits boulots » et le secteurs informel. Dans ces secteurs, la situation de l’emploi est plus précaire, les salaires ont tendance à être plus bas et, dans certains pays, les taux rémunération des congés maladie des travailleurs sont faibles. Dans des pays comme les États-Unis notamment, où les bas salaires vont parfois de pair avec un accès limité aux congés de maladie et à une couverture santé, ces travailleurs auront besoin d’aide.

Human Rights Watch exhorte depuis longtemps les gouvernements à garantir des congés maladie et familiaux payés pour permettre aux travailleurs de prendre des congés pour s’occuper des nouveaux nés ou des membres de leur famille malades ou âgés, ou pour faire face à leurs propres problèmes de santé graves sans perte de salaire. Dans le contexte du COVID-19 et d’autres épidémies, les congés maladie et familiaux garantissent aux travailleurs malades – ou à ceux dont les membres de la famille sont malades – la possibilité de rester à la maison pour minimiser la propagation du virus.

De nombreux gouvernements garantissent des congés maladie payés à tous les travailleurs. D’autres – notamment les États-Unis parmi les économies développées – ne le font pas. Les bas salaires, les travailleurs du secteur des services, les travailleurs informels et les travailleurs de l’économie des « petits boulots » sont parmi les moins susceptibles d’obtenir des congés maladie payés. L’absence de congés maladie et familiaux payés signifie que des épidémies comme le COVID-19 pèsent indûment sur les travailleurs pauvres et marginalisés, exacerbent les inégalités économiques et contribuent à l’inégalité entre les sexes. Pour soutenir les familles pendant l’épidémie, les congés maladie et familiaux devraient permettre de couvrir les responsabilités qui résultent du confinement et des charges éducatives et de soins pendant la fermeture des écoles et des établissements de santé.

Les chaînes d’approvisionnement mondiales ont déjà été perturbées par le COVID-19 et ont entraîné une baisse de la production et des fermetures d’usines. Le risque existe que les travailleurs qui occupent des emplois liés à la mondialisation soient forcés à travailler à temps partiel pour des revenus réduits, voire qu’ils perdent leur emploi.

L’une des solutions serait d’effectuer des paiements directs en espèces pour compenser certaines heures de travail perdues, comme l’a fait le gouvernement américain pendant la récession de 2008. Les travailleurs à bas salaires doivent être protégés des conséquences d’un licenciement par leur employeur lorsqu’ils ne peuvent plus travailler en raison de leur maladie ou de celle des membres de leur famille. Sans aide, ces travailleurs peuvent faire face à des difficultés économiques graves, prendre du retard sur le paiement de leurs dettes et risquer d’être expulsés. De simples subventions, en espèces et ponctuelles, aux familles dont les enfants bénéficient de repas gratuits en milieu scolaire ou qui reçoivent une aide spécifique de la sécurité sociale pour raisons familiales pourraient aussi aider à atténuer les impacts sur des familles déjà en difficulté qui, en plus de la perte de leurs revenus, pourraient faire face à des charges supplémentaires, par exemple en raison des fermetures d’écoles. Les pays européens, dont l’Italie, la France et l’Espagne, envisagent ou ont déjà adopté des mesures financières spéciales pour soutenir les travailleurs, les familles à faible revenu et les petites entreprises.

Les baisse d’impôts sans condition pour les employeurs et les réductions d’impôt sur les salaires pour les employés sont souvent mal ciblées et peuvent ne pas bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin. Les programmes d’assurance sociale élargis comme le chômage peuvent permettre aux travailleurs de rester salariés et d’être payés lorsqu’ils ne peuvent plus travailler en raison du ralentissement de l’activité dû au COVID-19.

IV. Que fait Human Rights Watch?

Nos rapports sur les différents impacts du COVID-19 peuvent être consultés à cette adresse :

https://www.hrw.org/fr/tag/coronavirus.

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