(Nairobi) – Des séparatistes armés dans les régions anglophones du Cameroun ont enlevé plus d’une centaine de personnes, incendié des biens et menacé des électeurs dans la période précédant les élections du 9 février 2020. Les forces de sécurité de l’État n’ont pas suffisamment protégé les civils des menaces posées par les séparatistes, mais ont plutôt commis de nouveaux abus à leur encontre au cours de la même période.
« Les dirigeants séparatistes devraient clairement donner pour instruction à leurs combattants de cesser leurs crimes contre les civils », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale chez Human Rights Watch. « Le gouvernement du Cameroun devrait veiller à ce que ses forces de sécurité donnent la primauté aux civils, en mettant un terme à leurs violations, en accordant la priorité à la protection des civils et en tenant les auteurs d’abus pour responsables de leurs actes. »
Human Rights Watch a interrogé 55 victimes et témoins de crimes commis par des séparatistes armés et les forces gouvernementales depuis que les élections ont été annoncées en novembre 2019, ainsi que des membres des partis d’opposition, des candidats et d’autres résidents des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Human Rights Watch a également analysé des images satellites et des séquences vidéo pour corroborer de manière indépendante certains témoignages.
Les affrontements entre séparatistes armés et forces gouvernementales, ainsi qu’entre factions séparatistes rivales, ont fait des morts parmi les civils, des personnes ayant été tuées délibérément ou prises entre deux feux. Plusieurs dizaines de personnes au moins ont été tuées dans de nombreux incidents depuis novembre, selon ce qu’il ressort de l’examen de rapports crédibles des médias, de documents produits par certaines agences des Nations Unies et des recherches de Human Rights Watch. Cependant, en l’absence de mécanisme officiel de surveillance du nombre de civils tués au cours de la crise, la confirmation fiable du nombre de personnes tuées, des circonstances entourant leur mort et des auteurs présumés demeure difficile.
Les séparatistes armés s’en sont pris aux personnes souhaitant participer aux élections législatives et municipales, que ce soit en tant que candidats, fonctionnaires électoraux, activistes ou citoyens. Parmi les personnes ciblées, ont figuré des membres et des partisans du parti du Front social démocrate (Social Democratic Front, SDF), que les séparatistes accusent de ne pas être solidaires de leur cause. Des séparatistes ont incendié au moins trois bureaux de Elections Cameroon (ELECAM), l’organe électoral national, à Misaje, dans la région du Nord-Ouest, le 7 janvier 2020 ; à Babessi, région du Nord-Ouest, le 16 janvier ; et à Tombel, région du Sud-Ouest, le 2 février. Des séparatistes ont également incendié un bureau de poste où était entreposé du matériel électoral à Bafut, dans la région du Nord-Ouest, à la veille des élections, ainsi qu’au moins sept maisons appartenant à des représentants du gouvernement et à des candidats dans diverses localités de la région du Nord-Ouest, depuis novembre 2019.
Plutôt que de protéger les civils contre ces attaques, les forces gouvernementales ont commis elles-mêmes des violations à leur encontre. Entre le 17 et le 20 janvier 2020, les forces de sécurité ont mené une opération militaire à Bali, dans la région du Nord-Ouest, détruisant plus de 50 maisons et tuant plusieurs civils, dont deux hommes présentant une incapacité intellectuelle.
Après l’annonce des élections, les séparatistes ont appelé au boycott du vote dans les régions anglophones. Avant et pendant les élections, les séparatistes ont menacé les personnes qui voulaient participer et ont appelé les gens à rester chez eux. Dans une déclaration du 22 décembre 2019, Ayaba Cho Lucas, le dirigeant de l’Ambazonia Governing Council, un important groupe séparatiste, a affirmé que toute personne cherchant à participer ou à promouvoir les élections encourrait des conséquences.
Le 5 janvier 2020, des séparatistes ont incendié la maison de Wilfred Fusi Naamukong, député du SDF à Mankwi, dans la région du Nord-Ouest. Fusi a déclaré à Human Rights Watch qu’il avait été pris pour cible parce qu’il était membre du SDF.
Alors que les statistiques officielles sur le taux de participation n’ont pas encore été annoncées, dans une déclaration publiée à la clôture des élections, le ministre de l’Administration territoriale a déclaré que la population dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest « a massivement participé pour exercer ses devoirs civiques dans toutes les unités administratives ». Cependant, les rapports des médias indiquent que la participation des électeurs était faible dans ces régions à cause de l’insécurité et des craintes suscitées par les menaces et les attaques des séparatistes.
« Je voulais voter, mais je ne l’ai pas fait. Je ne voulais pas me prendre une balle pour avoir exercé mon droit. Les séparatistes ont attaqué les candidats et les électeurs. L’armée n’a pas été en mesure de protéger la population », a déclaré à Human Rights Watch un habitant de Kumbo, dans la région du Nord-Ouest, le 10 février.
Le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), exerce un contrôle sur l’espace politique du pays. Toutefois, les partis d’opposition, notamment le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et le SDF, disposent de représentants au parlement.
Des partis d’opposition, notamment le MRC et le Cameroon People’s Party (CPP), avaient également appelé au boycott des élections, invoquant des problèmes de sécurité et la nécessité de réformer le système électoral. Avant les élections, Emmanuel Simh, un avocat pour le MRC, a confié à Human Rights Watch : « Les gens ne sont pas libres de voter comme ils le souhaitent dans tout le pays. On ne peut pas organiser d’élections importantes dans une zone de guerre et alors que les enfants ne sont pas allés à l’école depuis trois ans. »
Sept cents forces de sécurité supplémentaires ont été déployées avant et pendant les élections dans les régions anglophones. Les résultats des élections municipales sont attendus pour le 12 février, et ceux des élections législatives pour le 29 février.
Dans une déclaration conjointe le 24 janvier, le secrétaire général de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et le chef du bureau régional de l’ONU pour l’Afrique centrale ont appelé au déroulement du processus électoral dans des conditions pacifiques et sûres, et ils ont condamné les tentatives de restreindre le droit de vote par des menaces ou des violences.
« Tous ceux qui voulaient voter dans ces régions instables du Cameroun n’ont pas pu le faire dans la paix et la sécurité, et il incombe au gouvernement d’exiger des comptes pour cela à tous les responsables de toutes les parties », a déclaré Lewis Mudge. « Les dirigeants des groupes de séparatistes armés devraient maîtriser leurs combattants, et les forces gouvernementales devraient protéger les civils et non s’en prendre à eux. »
La crise dans les régions anglophones
Au cours des trois dernières années, les régions anglophones du Cameroun ont été impliquées dans un cycle de violence qui a fait plus de 3 000 morts, a contraint 679 000 personnes à fuir leurs maisons, et a privé 600 000 enfants d’accès à l’éducation.
Les violations des droits humains commises par les séparatistes armés et les forces gouvernementales sévissent depuis le début de la crise fin 2016. Les forces de sécurité ont tué des civils, incendié des dizaines de villages, et arrêté arbitrairement et torturé des centaines de séparatistes armés présumés. Des séparatistes armés ont également pris des civils pour cible, enlevé des centaines de personnes, et torturé et tué des opposants présumés, tout en recourant à l’intimidation et à la violence pour empêcher les enfants et leurs enseignants d’accéder à l’éducation. Actuellement, aucun mécanisme officiel n’est en place pour contrôler le nombre de civils tués pendant la crise.
Le 10 septembre 2019, dans un contexte de violence croissante et à la suite d’une pression internationale soutenue, le président Paul Biya a appelé à un dialogue national pour répondre à la crise. Ce dialogue s’est terminé le 4 octobre avec plusieurs propositions, notamment pour donner aux deux régions anglophones un statut particulier. Le président Biya a également abandonné toutes les charges contre des centaines de personnes arrêtées lors des troubles dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, ainsi que des opposants politiques, notamment le dirigeant du MRC, Maurice Kamto. Au moins 15 membres dirigeants du MRC sont encore en détention.
Élections
Le Cameroun a tenu ses dernières élections locales en 2013. Les élections étaient prévues pour 2018 mais elles ont été reportées deux fois pour des raisons de sécurité. Biya, au pouvoir depuis 1982, a remporté l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, son septième mandat. La durée des mandats a été abolie en 2008. L’élection présidentielle de 2018 a été entachée de violence, un faible taux de participation – en particulier dans les régions anglophones – et des allégations de fraude.
Biya a été déclaré vainqueur avec 71% des voix, tandis que Maurice Kamto, leader du MRC, recueillait 14% des voix. Un jour après les élections, Kamto s’est déclaré vainqueur et a appelé Biya à remettre le pouvoir pacifiquement. Les partisans de Kamto ont organisé plusieurs manifestations pacifiques à la fin de 2019 et en janvier 2020, appelant à un recomptage des voix, entre autres demandes. Entre le 26 et le 31 janvier 2019, Kamto et environ 200 des membres et partisans de son parti ont été arrêtés dans plusieurs villes du pays. Le Président Biya a ordonné la libération de Kamto et d’autres membres et partisans du parti le 4 octobre 2019, à la suite du dialogue national.
Le Social Democratic Front (SDF) pris pour cible
Le SDF, l’un des plus importants partis d’opposition du Cameroun, est dirigé par John Fru Ndi. Fondé au début des années 1990, il a depuis sa création des liens étroits avec des groupes de défense des droits de la minorité anglophone. Le parti reste ancré dans la région du Nord-Ouest, où il bénéficie d’un soutien important. Il est considéré par le gouvernement comme trop proche de la cause anglophone. Alors que le parti ne soutient pas la sécession contrairement aux groupes séparatistes, le gouvernement le décrit comme déstabilisateur. Le SDF n’a pas boycotté ce dernier scrutin.
Avant les élections du 9 février 2020, des séparatistes armés ont pris le SDF pour cible, considérant qu’il trahissait les anglophones en ne retirant pas ses membres élus du Parlement, en solidarité avec les séparatistes. Joseph Mbah Ndam, membre du parlement du SDF, a déclaré : « Le SDF n’a pas commencé sa campagne à temps dans les régions anglophones, en raison du climat ambiant d’intimidation et d’insécurité. Nos membres sont visés par des séparatistes armés. Ils ont été enlevés et menacés. »
Selon le vice-président du parti, Joshua Osih, des séparatistes armés dans les régions anglophones ont enlevé des centaines de personnes, dont au moins 100 membres du SDF depuis décembre 2019. Tous sauf six ont été libérés, généralement après avoir payé une rançon. La plupart ont été détenus pendant plusieurs jours. Fru Ndi, le dirigeant du parti, a été kidnappé deux fois en 2019, le 27 avril et le 28 juin.
Exactions commises par les séparatistes armés
Enlèvements
Le 2 février, des séparatistes armés ont enlevé Joseph Tarh Pen, un membre du RDPC qui se présentait aux élections au poste de maire à Santa, dans la région du Nord-Ouest. Dans les jours qui ont suivi son enlèvement, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux montrant Tarh, déshabillé et dans la saleté, en se faisant accuser d’être un traître. Human Rights Watch s’est entretenu avec un parent et deux amis de Tarh qui l’ont identifié dans la vidéo. Ils ont dit que la vidéo avait été filmée après l’enlèvement de Tarh dans le village de Piyin, près de Santa. Le parent de Tarh a déclaré que deux des frères de Tarh – qui avaient été contactés par les séparatistes pour organiser le paiement d’une rançon – ont également été kidnappés, le 3 février. Les deux frères ont été libérés le 8 février, alors que Tarh est toujours détenu par les séparatistes au moment où nous écrivons ces lignes.
Des séparatistes armés du groupe connu sous le nom de Forces de restauration (Restauration Forces), dirigé par un commandant appelé « General Man Pass Man » ont kidnappé le maire SDF de Babessi, dans la région du Nord-Ouest, ainsi que quatre membres du conseil appartenant au parti, le 5 janvier à Babessi. Les Forces de restauration les ont libérés le 22 janvier, après avoir versé une rançon d’un montant de 1 000 000 francs CFA (1 678 dollars US). Human Rights Watch s’est entretenu avec trois des personnes enlevées. L’un d’eux, un homme de 49 ans, a déclaré : « Ils nous ont dit qu’ils nous avaient kidnappés pour nous empêcher de participer aux élections. Quand ils nous ont laissés partir, ils ont dit que nous serions surveillés tous les jours de notre vie. »
Les séparatistes avaient également kidnappé et torturé le maire de Babessi en juin 2019.
En novembre 2019, les Forces de restauration ont kidnappé 20 candidats du SDF dans la ville de Jakiri, région du Nord-Ouest. Les candidats ont été détenus dans une petite maison près d’un camp séparatiste dans le village de Vekovi. Ils ont été libérés le 8 décembre, après le versement d’une rançon estimée entre 250 000 et 500 000 francs CFA (419 dollars - 838 dollars) pour chaque personne enlevée.
« Il était environ 19 heures lorsque deux séparatistes ont fait irruption dans ma boutique », a confié une victime de la ville de Jakiri. « Ils ont pointé une arme sur mon front et m’ont dit de les accompagner. Ils m’ont dit qu’ils m’enlevaient parce que mon nom figurait sur la liste des candidats aux élections locales. »
Incendies de propriétés
Des séparatistes armés ont incendié le domicile d’Acha Kennedy, candidat du RDPC, le parti au pouvoir, à Bamenda, région du Nord-Ouest, le 12 janvier 2020, ainsi que le domicile du maire de Bafut, région du Nord-Ouest, le 15 janvier, selon les déclarations de témoins. Un voisin de Kennedy a expliqué :
Vers 21h30 j’ai ouvert la porte et j’ai vu cinq motos descendre vers la résidence de M. Acha. J’ai regardé attentivement. C’étaient des séparatistes. Ils avaient leurs armes et tenaient des pneus de véhicules entre leurs mains. Ils y ont mis le feu et les ont jetés sur le toit de la maison d’Acha. C’est ainsi que la maison a été incendiée. Nous vivons dans la peur.
Des témoins ont ajouté qu’un groupe d’une quinzaine de séparatistes armés – d’un groupe appelé « garçons Nsei » opérant dans le quartier de Mbesoh, à Bamessing – avait incendié quatre maisons appartenant à deux responsables à Bamessing, dans la région du Nord-Ouest, le 20 novembre 2019. L’une des maisons était utilisée comme centre de santé privé.
Un témoin, le frère d’un des responsables, a déclaré :
J’utilisais la maison de mon frère comme centre de santé. J’étais là avec une douzaine de personnes en attente de consultations lorsque les séparatistes sont arrivés. Ils avaient des fusils, des machettes et des couteaux. Certains semblaient sous l’emprise de drogues. Ils ont exigé que nous partions. Ensuite, ils ont mis le feu à la maison. Le toit a été brûlé, ainsi que tout mon équipement médical.
Un autre domicile du responsable a été incendié le 23 janvier. Il a indiqué qu’il avait également été menacé parce qu’il envoyait ses enfants à l’école.
Une sœur de l’autre responsable a confié que les séparatistes l’ont battue lorsqu’ils ont brûlé la maison de sa sœur. « Ils avaient des réservoirs de 20 litres chacun remplis d’essence et de kérosène, qu’ils ont commencé à déverser », a-t-elle expliqué. « Ensuite, ils ont mis le feu à la maison. J’ai fondu en larmes et deux d’entre eux ont commencé à me frapper le dos, les fesses et les pieds à l’aide de machettes et de bâtons. »
Exactions commises par les forces de sécurité
Douze résidents de Bali ont déclaré à Human Rights Watch que des militaires, notamment des membres du Bataillon d’intervention rapide (BIR), et des gendarmes avaient commencé une opération de sécurité de trois jours dans leur village le 17 janvier. Des séparatistes armés opéraient dans la région depuis 2017. Des témoins ont affirmé que les forces de sécurité ont tué au moins quatre civils, dont deux hommes en situation d’handicap intellectuel, Julius Ntali, 55 ans et Mumbat Charlie, 25 ans, dont le corps a été brûlé alors que la maison était incendiée.
Un témoin de l’assassinat de Ntali a expliqué :
Le 18 janvier, un rassemblement a eu lieu dans une maison du quartier Sang pour des funérailles. Je suis passé et j’ai vu que Julius était là, en train de manger. Il était environ 15 heures lorsque les forces de sécurité ont pris d’assaut la zone. Ils ont tiré sans discernement et tout le monde s’est enfui pour sauver sa vie. Julius ne comprenait pas ce qui se passait autour de lui et a été touché. Nous n’avons retrouvé son corps que deux jours plus tard, lorsque la zone est devenue plus calme, après le départ des militaires. Son corps était en décomposition, mais j’ai vu une marque de balle à la tête.
Un témoin de l’assassinat de Charlie a confié :
Le 19 janvier, au moins 10 soldats du BIR sont venus dans le quartier de Mom à Bali, où je vis. Ils ont tiré en l’air et ont mis le feu à la maison où Charlie habitait. J’étais dans ma maison. J’ai tout regardé depuis chez moi, à environ 30 mètres. Lorsque les tirs ont cessé et que l’incendies a pris fin, je suis sorti et j’ai trouvé le corps de Charlie. Il avait reçu une balle dans le cou et à la tête. Son corps a été totalement brûlé.
Plusieurs témoins ont affirmé à Human Rights Watch que les forces de sécurité avaient tué au moins deux autres hommes dans le quartier de Tih entre le 17 et le 20 janvier. Cependant, Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante.
Les forces de sécurité ont battu au moins quatre femmes, dont une mère allaitante avec son bébé et une femme de 70 ans souffrant d’un handicap physique, dans une maison du quartier de Sang, à Bali, où elles se cachaient vers 13h30 le 19 janvier, lors des opérations militaires. L’une des victimes, une infirmière de 34 ans, a expliqué :
Les soldats ont utilisé des gourdins pour me battre ainsi que les autres femmes. Ils nous ont demandé où étaient les séparatistes. Nous avons dit que nous ne savions pas, et ils ont continué à nous frapper. Les coups ont duré jusqu’à 30 minutes. Un soldat a giflé une mère qui allaitait. Elle avait un bébé de 4 mois avec elle.
Des militaires, dont des membres du BIR, et des gendarmes ont également battu un homme de 46 ans dans une école abandonnée, le Bali Comprehensive High School, dans le quartier de Sang, le 19 janvier, le blessant gravement au visage. Il a déclaré :
J’étais devant l’église presbytérienne de Bali lorsqu’un gendarme m’a appelé. Il était avec 30 autres gendarmes et militaires. Il a confisqué mon téléphone et a demandé où se cachaient les séparatistes. J’ai dit que je ne savais pas. Il a agi comme s’il ne me croyait pas. Alors, les militaires m’ont pris et m’ont emmené à pied dans une école abandonnée, à un kilomètre de là. Pendant que nous marchions, les militaires m’ont giflé et m’ont donné des coups de pied. À l’école, ils m’ont accusé d’être complice des séparatistes, m’ont donné des coups de poing et frappé pendant environ 25 minutes. Ils m’ont frappé violemment au nez et j’ai saigné abondamment. J’ai pleuré jusqu’à ce qu’ils me ramènent sur la route principale où ils m’ont laissé.
Les forces de sécurité ont également incendié et pillé jusqu’à 50 maisons à Bali. Des témoins ont indiqué qu’ils pensaient que l’armée avait exercé des représailles contre des civils soupçonnés d’héberger des séparatistes ou de soutenir le SDF. Human Rights Watch a examiné des images satellites prises avant et après l’attaque et a confirmé la destruction de bâtiments, ce qui correspond aux témoignages.
Human Rights Watch a également examiné des séquences vidéo montrant des maisons et des commerces détruits à Bali. Ces images ont été recueillies sur des plateformes de réseaux sociaux ou envoyées directement à Human Rights Watch. La vérification et la géolocalisation de ces vidéos ont corroboré les sites des bâtiments endommagés, qui correspondaient à l’imagerie satellite de ces lieux et aux témoignages des témoins.
Une femme qui s’est enfuie dans la forêt lorsque les forces de sécurité se sont approchées de son quartier, Sang, a décrit ce qu’elle a vu depuis sa cachette :
Les militaires sont arrivés le 19 janvier vers 13 heures. Ils sont arrivés à pied et ont commencé à tirer partout. Je me suis enfuie avec mes quatre enfants et je me suis cachée à proximité. J’ai vu comment les soldats ont mis le feu à ma maison ainsi qu’à mon atelier ; ils ont tout détruit.
Les habitants de Bali interrogés ont déclaré que les séparatistes qui étaient en ville avaient fui bien avant l’arrivée des militaires et qu’il n’y avait pas eu d’affrontement entre les forces de sécurité et les séparatistes.
Un résident de Bali âgé de 55 ans dont la maison a été incendiée par les militaires le 17 janvier a expliqué :
Des dizaines de soldats camerounais sont venus à Bali avec des voitures et des camions blindés. Ils ont pris pour cible les maisons des dirigeants du SDF et les maisons des civils où ils soupçonnaient que les séparatistes se cachaient. L’armée est venue punir et effrayer la population. Alors que les militaires approchaient de mon quartier, Paila, je me suis enfui et je me suis caché. Ma maison a été rasée. J’ai compté 28 soldats en train d’y mettre le feu et d’emporter des sacs d’objets pillés, dont une télévision et de la nourriture.
Les forces de sécurité ont également fouillé l’hôpital du district de Bali le 19 janvier, provoquant la fuite de certains patients qui avaient peur. Un membre du personnel médical de l’hôpital a déclaré à Human Rights Watch :
J’étais de service lorsque six gendarmes armés sont entrés dans nos locaux vers 13 heures. Ils m’ont demandé où nous cachions et soignions les séparatistes. J’ai répondu que nous n’avions que des patients. Ils voulaient que je leur montre toutes les salles. Ils sont entrés dans toutes les unités, y compris la maternité. J’avais peur de leurs armes, tout comme les patients, et certains ont paniqué et se sont enfuis par peur.
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Dans les médias
RFI AfricaNews/AFP VOA Afrique
Tweets
#Cameroun : Les habitants des régions anglophones ont subi de graves abus aux mains des séparatistes mais aussi des forces de sécurité dans la période ayant précédé les élections du 9 février, selon HRW qui souligne l’urgence de mettre fin à l’impunité. https://t.co/lXT94f1ORS
— HRW en français (@hrw_fr) February 12, 2020
Élections au #Cameroun : faible participation des zones anglophones, selon HRW. «Nous avons documenté de nombreux cas de violences perpétrées par les groupes séparatistes mais aussi par les forces de sécurité», a indiqué @ilariallegro @hrw. https://t.co/WmO0gyuCbc via @RFI
— HRW en français (@hrw_fr) February 12, 2020
La ville de Kumbo, dans la région anglophone du Nord-Ouest au #Cameroun, semble paisible sur cette photo. Mais les habitants de cette région et celle du Sud-Ouest ont subi des violences commises par des séparatistes armés et par les forces de sécurité. >> https://t.co/lXT94f1ORS pic.twitter.com/1JZ6rILLZC
— HRW en français (@hrw_fr) February 12, 2020
Cameroun anglophone : plus de cent rapts par des séparatistes avant les législatives (HRW) | Africanews https://t.co/02UcOxD0jO
— Africanews Français (@africanewsfr) February 12, 2020
[AUDIO] #Cameroun - Plus de 100 personnes ont été enlevées par des séparatistes armés dans les régions anglophones. Alerte lancée par @ilariallegro @hrw. https://t.co/WbMRMrU0wd via @VOAAfrique @LyndonVOA
— HRW en français (@hrw_fr) February 14, 2020
Au #Cameroun, l'#impunité est l’une des causes des tueries dans les régions #anglophones. Selon HRW, elle attise le "cycle dévastateur de violences" subies par des civils, et commises par des séparatistes ou parfois par les forces armées. https://t.co/g95x9jDLOx via @dw_francais
— HRW en français (@hrw_fr) February 18, 2020
#Cameroun : des évêques de divers pays appellent le président Biya à participer à des pourparlers de paix sur la crise dans les régions anglophones, dans une lettre ouverte citant les recherches de HRW. https://t.co/SeoPPBDx4O via @LaCroixAfrica @LaCroix @vaticannews_fr
— HRW en français (@hrw_fr) February 19, 2020