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Afrique du Sud : Des activistes harcelés dans les régions minières

Le gouvernement et les entreprises devraient protéger les défenseurs de l’environnement

(Johannesburg, le 16 avril 2019) – Les activistes communautaires dans les régions minières en Afrique du Sud sont harcelés, intimidés et parfois victimes de violences, ont conjointement déclaré aujourd’hui Human Rights Watch ainsi que les associations Centre for Environmental Rights, groundWork et Earthjustice dans un nouveau rapport et une vidéo. Les agressions et le harcèlement ont créé un climat de peur pour les membres de la communauté qui s’efforcent d’alerter l’opinion sur les dommages que subissent leurs moyens de subsistance à cause des graves risques environnementaux et sanitaires liés à l’extraction minière et aux centrales électriques à charbon.

Le rapport de 74 pages, intitulé « ‘We Know Our Lives Are in Danger’: Environment of Fear in South Africa’s Mining-affected Communities » (« ‘Nous savons que nos vies sont en danger’ : Climat de peur dans les communautés affectées par l’extraction minière en Afrique du Sud »), ainsi que la vidéo qui l’accompagne, contiennent des témoignages d’activistes rapportant les intimidations, violences et arrestations arbitraires dues à leurs activités dénonçant les impacts négatifs des projets miniers sur leurs communautés. Les municipalités présentent souvent aux organisateurs des obstacles aux protestations qui n’ont aucun fondement légal. Les responsables du gouvernement n’ont pas su enquêter correctement sur les allégations d’abus, tandis que certaines entreprises minières ont recours à des procès fantaisistes et à des campagnes sur les médias sociaux visant à entraver toute opposition à leurs projets. Le gouvernement a l’obligation, en vertu de la Constitution sud-africaine, de protéger les activistes.

« Dans des communautés de toute l’Afrique du Sud, le droit des activistes à s’organiser pacifiquement pour protéger leurs moyens de subsistance et l’environnement des dégâts causés par les mines est en danger », a déclaré Matome Kapa, avocat au Centre for Environmental Rights. « Les autorités sud-africaines devraient se pencher sur les sujets de préoccupation environnementaux et sanitaires soulevés par l’extraction minière, au lieu de harceler les activistes qui sonnent l’alarme. »

Les associations Centre for Environmental Rights, groundWork, Earthjustice et Human Rights Watch ont réuni une documentation sur les agissements ciblant les défenseurs des droits communautaires dans les provinces du KwaZulu-Natal, du Limpopo, du Nord-Ouest et du Cap-Oriental entre 2013 et 2018. Ces associations ont mené des entretiens avec plus de 100 activistes, leaders communautaires, groupes de défense de l’environnement, avocats représentant les activistes, policiers et responsables municipaux. Les chercheurs ont également écrit aux institutions publiques concernées et à nombre de sociétés minières situées dans les zones de recherche. Quatre de ces onze entreprises ont répondu. Le Minerals Council South Africa, qui représente 77 sociétés minières, dont certaines situées dans les zones en question, a affirmé qu’il « n’était au courant d’aucune menace ou agression contre les défenseurs des droits des communautés où [ses] membres opèrent ».

Manifestation d’activistes représentant des communautés affectées par des activités minières, devant la Haute Cour de Pietermaritzburg dans la province de KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, le 24 août 2018. © 2018 Rob Symons

Des membres des communautés des zones minières ont pourtant subi des menaces, des agressions physiques ou des atteintes à leurs biens, autant d’actes qu’ils estiment causés par leur activisme. Ils ont décrit qu’ils avaient été agressés, intimidés, menacés et que leurs biens avaient été endommagés.

« Nous savons que nos vies sont en danger », a confié un activiste du KwaZulu Natal. « Ça fait partie de la lutte. »  Les femmes jouent souvent un rôle proéminent pour dénoncer les problèmes, ce qui les expose au risque de harcèlement et d’agression.

Une affaire a été très médiatisée en mars 2016 : l’assassinat de Sikhosiphi « Bazooka » Rhadebe, tué chez lui, à Xolobeni, dans la province du Cap-Oriental. Aux côtés d’autres membres de la communauté, il avait sonné l’alarme sur les déplacements de population et la destruction de l’environnement qu’entraînerait le projet de mine de titane proposé par la société australienne Transworld Energy and Mineral Resources. Aucun suspect n’a été arrêté en lien avec ce meurtre.

Mais nombre des agressions ne font pas l’objet de plaintes, ni d’attention particulière, d’une part à cause de la peur des représailles contre ceux qui les dénonceraient, d’autre part parce que parfois la police n’enquête pas sur ces actes, a constaté l’association.

« Les autorités sud-africaines et les entreprises devraient garantir une tolérance zéro en ce qui concerne les menaces et abus commis envers les défenseurs des droits dans les communautés affectées par les mines », a déclaré Katharina Rall, chercheuse auprès de la division Environnement et droits humains de Human Rights Watch. « Certains départements du gouvernement et la police ont l’obligation d’enquêter sur les incidents et œuvrer avec les sociétés minières pour créer un environnement propice à la liberté d’expression et à la dénonciation des menaces que reçoivent les militants. »

Les municipalités ont empiété sur la liberté de réunion des citoyens, imposant aux manifestations des conditions non prévues par la loi, malgré les garanties constitutionnelles établies par le droit sud-africain. Dans d’autres cas, ce sont les entreprises elles-mêmes qui ont exigé des activistes communautaires qu’ils les préviennent des manifestations qu’ils prévoyaient, sous le prétexte injustifié qu’il s’agissait là d’une condition légale.

Certaines sociétés se sont servies des tribunaux pour harceler les activistes en leur infligeant des sanctions financières, en s’efforçant d’obtenir des décisions de justice empêchant les manifestations ou en intentant des actions en justice vexatoires. Ces procès sans mérite – parfois appelés « actions stratégiques contre la participation aux affaires publiques » ou ASPAP – constituent une tendance mondiale croissante, que l’Afrique du Sud pourrait juguler en adoptant une nouvelle législation. Les ASPAP sont un moyen de réduire des activistes au silence en leur assénant les coûts et les charges qui incombent à celui qui doit préparer sa défense juridique. Les entreprises n'ont pas hésité non plus à se servir de campagnes sur les médias sociaux pour harceler les activistes et les organisations qui leur posaient des problèmes, leur infligeant ainsi séquelles émotionnelles et atteintes à leur réputation.

« Les municipalités et les sociétés minières veulent supprimer la contestation », a déclaré Ramin Pejan, avocat à Earthjustice. « Pourtant, supprimer la contestation ne résout pas les sujets de préoccupation qui animent ces communautés, de plus il est de leur devoir de respecter le droit à s’exprimer librement et à se réunir pacifiquement. »

Les associations ont également constaté une récurrence de l’inconduite policière pendant les manifestations pacifiques des communautés affectées par les mines, avec notamment une dispersion violente des rassemblements ou l’arrestation arbitraire et la détention de manifestants. Les policiers sud-africains ont également blessé des manifestants pacifiques en utilisant du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc.

« Cette récurrence de la violence policière, combinée aux tactiques répétées des entreprises, crée un contexte de peur pour les défenseurs des droits communautaires et les associations de plaidoyer environnemental en Afrique du Sud », a déclaré Robby Mokgalaka, responsable des campagnes sur les centrales à charbon auprès de groundWork. « Pour certains, cela signifie qu’ils ont réduit ou arrêté leur activisme. Mais pour beaucoup d’autres, cela signifie qu’ils mettent leur vie en danger en continuant à se battre. »

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