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Afrique du Sud : Les mines de charbon abandonnées menacent la sécurité et les droits

Le gouvernement devrait s’assurer que les compagnies minières nettoient les sites aux effets toxiques

(Johannesburg) – L’incapacité du gouvernement sud-africain à garantir la réhabilitation des mines de charbon abandonnées expose les communautés locales au risque d’accidents parfois mortels, ainsi qu’au risque de pollution de leurs sources d’eau, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.

Le rapport de 45 pages, intitulé « The Forever Mines : Perpetual Rights Risks from Unrehabilitated Coal Mines in Mpumalanga, South Africa » (« Mines éternelles : Risques perpétuels pour les droits humains liés aux mines de charbon abandonnées de Mpumalanga en Afrique du Sud »), documente les menaces que font peser sur ces communautés les mines de charbon de la province de Mpumalanga qui n’ont pas été correctement nettoyées. Human Rights Watch a constaté que le gouvernement n’a pas progressé dans la lutte contre les dangers posés par les mines de charbon abandonnées, et que l’inaction de l’industrie minière a pérennisé des problèmes qui affectent la sécurité et la santé des communautés.

« Le gouvernement sud-africain n’a pratiquement rien fait pour remédier à l’héritage toxique que les mines de charbon abandonnées ont légué aux communautés avoisinantes », a déclaré Vuyisile Ncube, titulaire de la bourse Finberg auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait veiller à ce que les compagnies minières qui ont profité pendant des années de l’exploitation du charbon n’ignorent pas leur responsabilité de nettoyer le désordre toxique qu’elles ont laissé derrière elles. »

Human Rights Watch s’est entretenu avec 34 membres des communautés locales, des mineurs artisanaux, des personnels de santé, des représentants de la société civile et des responsables des autorités locales, et analysé des documents et des données publiés par le gouvernement sud-africain, des organisations non gouvernementales et des chercheurs universitaires.

Cet enfant jouait avec un morceau de charbon ramassé devant une centrale électrique fonctionnant avec ce combustible à Emalahleni, dans la province de Mpumalanga (Afrique du Sud), riche en charbon, le 2 juin 2021.  © 2021 Reuters/Siphiwe Sibeko

À travers tout le pays, seules 27 mines (toutes d’amiante) sur les 2 322 classées « à haut risque », dont des mines de charbon, ont été nettoyées depuis 2009, a indiqué l’auditeur général d’Afrique du Sud en 2021. Il s’échappe souvent des mines de charbon abandonnées des eaux très acides qui peuvent contaminer les nappes phréatiques et les sources, et les exploitations non sécurisées présentent un risque permanent d’accident. Les proches de deux garçons âgés de 14 et 17 ans qui se sont noyés dans une fosse minière abandonnée ont décrit à Human Rights Watch comment ces fosses à ciel ouvert, qui sont facilement accessibles, se remplissent d’eau et exposent les habitants au risque d’accidents parfois mortels.

Les mines non réhabilitées risquent de polluer l’eau de millions de Sud-Africains, car les résidus miniers exposés aux intempéries peuvent augmenter considérablement l’acidité de l’eau et des sols dans de nombreuses régions d’Afrique du Sud. Connu sous le nom de drainage minier acide, ce phénomène peut rendre l’eau inutilisable et stériliser les sols, et provoquer la corrosion des infrastructures locales servant à l’approvisionnement en eau.

Près de 10 ans après une décision rendue en 2012 par la Haute Cour sud-africaine, laquelle ordonnait aux différents niveaux de gouvernement de s’attaquer à la crise du drainage minier acide dans la ville de Carolina, dans le Mpumalanga, les résidents qui se sont entretenus avec Human Rights Watch en 2021 ont indiqué qu’il y avait eu peu de progrès. Ils ont décrit des maux d’estomac et d’autres problèmes de santé qui, selon eux, sont dus à l’eau contaminée.

« La crise de l’eau en cours à Carolina souligne à la fois les impacts potentiels du drainage minier acide en dehors de tout contrôle, mais aussi la négligence du gouvernement s’agissent de ce dossier », a observé Ncube. « Même lorsque la justice lui a demandé d’agir face à la mauvaise qualité de l’eau, il n’en a rien fait. Les communautés d’Afrique du Sud méritent mieux que cela. »

Les évaluations incorrectes des coûts de nettoyage futurs par le ministère des ressources minérales et de l’énergie, combinées à une insuffisance systémique dans la mise en œuvre, ont laissé aux résidents, et non aux compagnies qui exploitaient le charbon, la charge de supporter le coût de la réhabilitation après l’extraction du minerai.

Les coûts d’une réhabilitation correcte des mines sont généralement importants, parfois d’un montant de dizaines de millions de dollars, en particulier dans les lieux où le drainage minier acide constitue un risque, comme à Mpumalanga. Les nettoyages interviennent généralement après que les sociétés minières ont épuisé la quasi-totalité du minerai facile à extraire, ce qui ne les incite guère à engager ce qu’elles considèrent comme un coût supplémentaire, d’autant que les lois exigeant des nettoyages sont rarement, voire jamais, appliquées en Afrique du Sud.

Les résidents de Mpumalanga ont déclaré n’avoir reçu aucune information de la part des gouvernements aux niveaux local, provincial ou national sur les risques posés par les mines non réhabilitées, et les informations de base telles que les données relatives à la qualité de l’eau ou aux emplacements des mines abandonnées, qui permettraient à la société civile et à d’autres d’évaluer les risques, ne sont pas disponibles auprès du gouvernement ou sont incomplètes. Human Rights Watch a déposé quatre demandes en vue d’obtenir des informations sur les mines non réhabilitées, mais aucune réponse n’a été reçue dans le délai légal de 30 jours.

Les dizaines de milliers de mineurs artisanaux (connus localement sous le nom de « zama zama »), qui exploitent les roches stériles ou les mines abandonnées, sont particulièrement exposés. Certains d’entre eux ont décrit à Human Rights Watch des effondrements de tunnels, des suffocations et d’autres accidents qui ont touché nombre des leurs. Une analyse de la couverture médiatique sud-africaine en langue anglaise entre 2012 et 2015 a permis de trouver des informations relatives à 312 décès de zama zamas. Au moins 150 d’entre eux seraient morts à cause de l’effondrement de tunnels, d’intoxications au gaz, de suffocations et d’accidents dus aux explosifs. La réhabilitation des mines pourrait fournir un emploi durable à nombre de ces travailleurs sans les risques que comporte l’exploitation minière artisanale, a relevé Human Rights Watch.

À l’échelle mondiale, le charbon est l’un des combustibles fossiles les plus émissifs et utilisés dans le monde actuellement ; c’est aussi le plus polluant. Les émissions de charbon peuvent entraîner des conséquences importantes sur la santé des communautés situées à proximité des mines ou des centrales électriques, en raison de la pollution de l’air, de l’eau et des sols. Pour limiter les effets de la crise climatique, les pays doivent de toute urgence s’engager dans une transition des combustibles fossiles aux énergies propres. Mais dans le cadre de cette transition, il est vital de nettoyer correctement les mines de charbon et autres infrastructures d’extraction de combustibles fossiles afin de limiter les risques permanents pour les droits des résidents, a déclaré Human Rights Watch.

Le gouvernement sud-africain devrait veiller à ce que les entreprises fournissent une garantie financière adéquate pour le coût total de la réhabilitation des mines de charbon, que ces fonds soient utilisés pour nettoyer les sites miniers après l’arrêt de l’exploitation, et que les entreprises qui ne le font pas soient tenues de rendre des comptes.

« Il existe des centaines de mines de charbon non réhabilitées parmi les plus de 6 000 que compte l’Afrique du Sud », a conclu Vuyisile Ncube. « Le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que les communautés ne souffrent pas de ces ‘‘mines perpétuelles’’, en prenant des mesures urgentes pour garantir une réhabilitation adéquate des sites par les sociétés minières. »

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