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Syrie : Inquiétudes pour les civils qui tentent de fuir le bastion de l’EI

Des images satellite révèlent l’ampleur de la destruction d’immeubles à Baghouz

Image satellite montrant les lieux de frappes aériennes (points rouges) menées par la coalition dirigée par les États-Unis contre l’État islamique à Baghouz, en Syrie, du 19 janvier au 20 février 2019. De nombreux civils sont retranchés dans un campement près du fleuve Euphrate (ligne en pointillé jaune, vers le bas). Des civils ont tenté de fuir la ville afin de rejoindre la zone contrôlée par les Forces démocratiques syriennes (flèche blanche, à droite). © 2019 Planet Labs Inc. (image satellite) / Human Rights Watch

(New York) – La protection des civils devrait être une priorité élevée de la coalition dirigée par les États-Unis ainsi que des Forces démocratiques syriennes (FDS) alors que l'État islamique (EI) cherche à défendre les dernières portions de territoire qu'il contrôle encore en Syrie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, sur la base de recherches effectuées dans le nord du pays et sur l'analyse d'images satellite. Une vidéo enregistrée par satellite dans la matinée du 20 février 2019 montre des centaines de personnes marchant le long d'une petite route rurale près de la ville de Baghouz, non loin de l'Euphrate.

Le 19 février, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme avait averti qu'environ 200 familles restaient prises au piège à Baghouz et avait appelé à ce qu'on leur permette de sortir en toute sécurité. Le 20 février, des journalistes ont vu certaines de ces familles qui étaient en train d'être évacuées. Mais le porte-parole des FDS, qui sont appuyées par les États-Unis, a indiqué qu'il y avait encore des civils dans cette poche de territoire.

« Que des civils aient pu quitter Baghouz constitue un soulagement, mais cela ne devrait pas faire oublier que cette bataille semble avoir été livrée sans une prise en compte suffisante de leur bien-être », a déclaré Nadim Houry, directeur du programme Terrorisme et lutte antiterroriste à Human Rights Watch. « Le seul fait que ces civils soient peut-être les familles de membres de l'EI ou qu'ils aient pactisé avec eux ne suffit pas à leur enlever leur statut protégé. »

Des civils fuyant le bastion assiégé de l'État islamique à Baghouz, dans la province de Deir Ezzor (est de la Syrie), se dirigent vers une zone tenue par les Forces démocratiques syriennes (FDS), le 12 février 2019. © 2019 Delil Souleiman/AFP/Getty Images

Human Rights Watch s'est entretenu avec plus de 20 personnes qui se sont échappées du réduit tenu par l'EI ces dernières semaines. Elles ont décrit la zone de Baghouz comme ayant été à plusieurs reprises la cible de tirs d'artillerie et d'attaques aériennes, ce qui a provoqué la destruction de la ville. Une analyse d'images satellite a permis d'établir que la majorité des bâtiments de Baghouz avait été détruite en un mois, entre le 19 janvier et le 20 février, période lors de laquelle un grand nombre de civils étaient encore présents. Human Rights Watch a identifié plus de 630 sites gravement endommagés à Baghouz pendant cette période, ce qui correspond à la détonation de munitions de gros calibre larguées par voie aérienne.

Le nombre de civils tués dans ces combats reste inconnu. Beaucoup des personnes qui ont pu s'échapper ont affirmé qu'elles avaient enterré des victimes dans des sépultures de fortune. Les images satellite enregistrées entre le 26 janvier et le 9 février semblent montrer des enterrements de masse se déroulant dans un terrain vague proche de la rue principale dans le centre de Baghouz. Human Rights Watch n'est pas en mesure de déterminer combien de civils se trouvaient parmi les personnes ensevelies.

Des journalistes basés à proximité de la ligne de front de Baghouz ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils avaient observé une réduction du nombre des frappes aériennes depuis le 14 février, mais que les pilonnages d'artillerie sur cette poche territoriale avaient continué.

En plus des centaines de frappes aériennes de la coalition dirigée par les États-Unis sur cette zone, les rescapés ont décrit des pilonnages d'artillerie venant des territoires tenus par le gouvernement syrien, par les FDS soutenues par les États-Unis, et même de la frontière irakienne, où des pièces d'artillerie irakiennes, françaises et américaines sont basées. Ainsi des pièces d'artillerie françaises sont déployées dans une base avancée installée sur un plateau du mont Baghouz, dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Irak, juste en face de la région syrienne de Deir Ezzor, à 10,5 km à l'est de Baghouz. Plus tôt en février, le chef de cette unité a déclaré à l'Agence France Presse que ses forces avaient tiré 3 500 obus sur le front syrien, où se trouve Baghouz.

« Le plus effrayant, c'était les tirs d'artillerie », a déclaré un Irakien âgé de 42 ans qui a réussi à s'échapper. « Cela venait de tous les côtés, y compris du côté irakien. Le champ était jonché de corps et nous restions à plat ventre sur le sol, pendant des heures, immobiles pendant que les obus volaient dans toutes les directions. » Human Rights Watch a identifié sur des images satellite des centaines de cratères créés par l'impact de tirs d'artillerie lourde à Baghouz entre le 19 janvier et le 19 février, qui corroborent ce récit et d'autres témoignages.

Des témoins ont décrit des conditions de vie épouvantables ces derniers mois, la pénurie de nourriture et l'absence d'assistance forçant les habitants à manger de l'herbe et du chiendent pour survivre, alors même qu'ils devaient se déplacer de nombreuses fois pour échapper aux attaques incessantes. Au fur et à mesure que les troupes soutenues par les États-Unis avançaient vers la région, des civils en grand nombre ont fait retraite avec l'EI le long de l'Euphrate vers Baghouz, où ils se sont retrouvés complètement encerclés, avec les monts Baghouz à l'est et le fleuve au sud.

Des images satellite enregistrées entre le 26 janvier et le 20 février montrent des milliers de personnes faisant mouvement vers le fleuve, alors que les forces de la coalition dirigée par les États-Unis effectuaient des frappes aériennes et des tirs d'artillerie sur les zones construites de Baghouz. Des personnes qui ont pu s'échapper ultérieurement de cette zone ont affirmé à Human Rights Watch que beaucoup des individus qui étaient avec elles étaient apparentés à des membres de l'EI, mais que d'autres étaient des gens qui avaient été déplacés à plusieurs reprises en Irak et en Syrie et étaient restés dans les zones contrôlées par l'EI car ils ne pouvaient aller nulle part ailleurs.

La plupart des témoins ont affirmé qu'il était très dangereux d'essayer de s'échapper des zones contrôlées par l'EI car le groupe punissait les gens qui tentaient de fuir et avait miné les routes. Ils ont ajouté que les passeurs clandestins faisaient payer jusqu'à 400 dollars par personne, somme que la plupart d'entre eux n'avaient déjà plus.

Des familles ont dormi en plein air dans des champs pendant plusieurs jours, par des températures qui devenaient très froides la nuit, et ont creusé de petites tranchées dans le sol pour se protéger des tirs d'artillerie et des frappes aériennes.

Les récits de témoins sur les frappes aériennes et les tirs d'artillerie, ainsi que les analyses effectuées sur la base d'images satellite des dommages causés par les frappes aériennes à Baghouz, font craindre que les forces de la coalition dirigée par les États-Unis qui combattent l'EI n'aient pas pris de précautions adéquates pour minimiser les pertes parmi les civils.

La coalition devrait choisir des moyens et des méthodes de guerre permettant de minimiser les pertes collatérales en vies humaines parmi les civils, les blessures infligées aux civils et les dommages aux biens civils, y compris dans leurs choix d'armes à utiliser dans les zones habitées. La coalition devrait enquêter sans tarder de manière exhaustive et impartiale sur les attaques ayant fait des victimes parmi les civils, faire tout son possible pour éviter de mener des attaques similaires à l'avenir et offrir des réparations ou des versements compensatoires aux personnes qui ont subi des pertes à cause des opérations de la coalition, a affirmé Human Rights Watch.

Toutes les parties au conflit devraient faciliter l'accès des organisations humanitaires aux populations qui ont besoin d'aide et la communauté internationale devrait accroître ses efforts pour venir en aide à ces populations, a ajouté Human Rights Watch.

« Dans les airs, on voit que la coalition internationale consacre d'importantes ressources à la défaite de l'EI mais au sol, elle en a consacré très peu pour protéger les enfants et les autres civils qui sont exposés aux effets de ses attaques », a affirmé Nadim Houry.

Communiqué complet en anglais :

www.hrw.org/news/2019/02/22/syria-concerns-civilians-escaping-isis-holdout

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