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Massacre du 28 septembre 2009 : le moment est venu de polariser l’attention sur la Guinée

Publié dans: Jeune Afrique

Des proches de l’une des personnes tuées par les forces de sécurité guinéennes le 28 septembre 2009 dans le Stade du 28-Septembre à Conakry, la capitale de la Guinée, et dont la dépouille faisait partie des 57 corps remis aux familles à la grande mosquée Fayçal le 2 octobre 2009. Les forces de sécurité avaient ouvert le feu sur des sympathisants de l’opposition qui participaient à un rassemblement pacifique dans le stade. © 2009 Reuters

Un lundi après-midi, il y a neuf ans de cela, avant que le président guinéen Alpha Condé ne prenne ses fonctions, les forces de sécurité ont fait irruption dans un stade de Conakry...

Ce 28 septembre 2009, elles ont alors tué plus de 150 manifestants pacifiques. Leurs corps étaient éparpillés ça et là, sur le terrain de football, sur les gradins. Des dizaines de femmes ont été violées.

Récemment interviewé par des médias français, le président a expliqué qu’il était profondément mal à l’aise au sujet du procès qui doit juger les responsables de ces atrocités, parce qu’il n’acceptait pas « qu’on ramène l’histoire de la Guinée au 28-Septembre… Je ne veux pas qu’on se polarise sur [ce jour-là] ».

C’est vrai, si le procès des crimes de septembre 2009 a lieu, cela polarisera l’attention sur la Guinée, mais pas de la façon qui semble inquiéter le président.

Au contraire, une procédure judiciaire équitable et crédible sur les crimes commis au stade du « 28-Septembre » attirerait les louanges, le soutien et le respect de pays du monde entier.

Avec ce premier procès pour des violations des droits humains, la Guinée se démarquerait sur la scène internationale pour son engagement en faveur des droits humains et de l’état de droit. La Guinée serait un modèle pour d’autres pays aspirant à traduire en justice les auteurs de violations devant leurs propres tribunaux.

Il ne manque pas grand-chose pour que la Guinée se montre à la hauteur de son engagement à ce que les responsables du massacre du stade rendent des comptes – mais pour que le processus aboutisse, toutes les autorités guinéennes, et en particulier le président Condé, doivent accroître leur appui.

La Guinée mérite certes d’être saluée pour le travail déjà accompli pour en arriver là. En décembre 2017, le ministre de la Justice guinéen a annoncé qu’un collège de juges d’instruction avait terminé son travail, après avoir enquêté pendant sept ans. Les progrès ont été lents, mais significatifs. En fin de compte, les juges ont interrogé des centaines de victimes et inculpé plus d’une dizaine de suspects, dont deux ministres en exercice.

En avril 2018, le ministre de la Justice a mis en place un comité de pilotage, composé de responsables du gouvernement, de partenaires internationaux et de représentants des parties civiles de l’affaire, chargé d’organiser le procès, notamment de déterminer le lieu, le calendrier et le budget. Le Premier ministre était présent lors de l’annonce, marquant ainsi son soutien précieux.

L’Union européenne et le gouvernement des États-Unis ont indiqué qu’ils pouvaient apporter un soutien financier à ce procès complexe. Ces financements pourraient être utilisés pour rendre possibles les mesures de sécurité adéquates, la protection des témoins et d’autres types d’assistance.

Mais pour des motifs qui ne sont toujours pas éclaircis, le comité de pilotage ne s’est que rarement réuni. L’inquiétude grandit quant au fait que le processus ne se paralyse peu à peu, laissant les victimes sans réparation et l’impunité pour les abus ne s’enracine encore davantage dans le pays.

La Cour pénale internationale basée à La Haye est compétente pour agir en tant que tribunal de dernière instance, jugeant les crimes graves lorsque les tribunaux nationaux ne le font pas. La CPI a assuré un suivi des progrès accomplis dans cette affaire, et annoncé clairement son intention de la reprendre si les autorités guinéennes ne parvenaient pas à traduire en justice les responsables du massacre du stade.

Lors de la commémoration des crimes de septembre 2009, à laquelle j’assistais fin septembre, un intervenant a bien exprimé l’importance d’aller de l’avant : « Nous avons soif de justice. Le plus gros du travail a déjà été accompli. »

D’autres personnes avec qui je me suis entretenue lors de cet événement solennel ont souligné en quoi il était si important de juger ces crimes. « Jusqu’à ce que justice soit rendue, il n’y aura pas de paix dans mon cœur », m’a confié un homme, l’une des victimes des crimes du stade.

Une femme qui a subi des violences sexuelles dans le stade m’a déclaré : « Je souffre. Ce qui me donne le courage d’avancer, c’est la justice, le désir que les coupables soient jugés. »

Un autre homme m’a dit : « Tant que nous navons pas de justice, nous navons pas de paix. Cest ce qui nous pousse à nous battre avec tant dénergie pour que les coupables soient jugés. »

Il n’y a aucune raison de retarder encore la mise en place des éléments du procès, notamment le choix du lieu et la définition précise des ressources nécessaires pour qu’il puisse réellement se dérouler.

L’enquête est terminée, les donateurs sont prêts à le soutenir, et les victimes attendent que justice soit faite. Le jour où le procès s’ouvrira, ce sera un jour où le monde verra la Guinée comme un exemple pour l’Afrique sur le plan de la promotion des droits humains et la justice, un jour où il verra le président Condé comme celui qui aide à tourner la page d’un douloureux passé d’impunité. En allant de l’avant, la Guinée polarisera toute l’attention positive qu’elle méritera.

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