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Pologne : Démantèlement des protections fondamentales

Deux ans de dérive autoritaire exigent une réaction de l'Union européenne

Manifestation à Cracovie le 16 juillet 2017, lors de laquelle un manifestant brandit un exemplaire de la Constitution polonaise. Agencja Gazeta/Jakub Porzycki via REUTERS
 
(Berlin) – Le gouvernement polonais s'est servi de la majorité qui le soutient au parlement pour faire adopter des lois qui affaiblissent les mécanismes de supervision et de contrôle du pouvoir exécutif, sapent l'État de droit et menacent divers droits humains, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.
 
Ce rapport de 37 pages, intitulé « Eroding Checks and Balances: Rule of Law and Human Rights Under Attack in Poland » (« Érosion de l’équilibre des pouvoirs : l'État de droit et les droits humains menacés en Pologne ») analyse l'impact négatif sur les droits humains, sur l'indépendance de la justice et sur l'État de droit des changements législatifs apportés par le Parti Droit et Justice (PiS) depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2015. Le gouvernement a, dans une large mesure, ignoré les critiques de l'Union européenne (UE) et du Conseil de l'Europe et a choisi au contraire de poursuivre ses efforts pour éliminer les mécanismes de contrôle de son autorité, affaiblir les protections des droits humains et réduire le champ d'expression des voix dissidentes.
 
« Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement polonais a systématiquement cherché à éroder l'État de droit et les protections des droits humains, et a ignoré les conseils de ses partenaires sur la nécessité d'un changement de direction », a déclaré Lydia Gall, chercheuse sur les Balkans et l'Europe de l’Est à Human Rights Watch. « L'Union européenne devrait agir pour défendre ses valeurs et les droits de la population en Pologne. »
 
Depuis sa victoire aux élections d'octobre 2015, le parti PiS au pouvoir a adopté des lois ayant pour effet d'entraver le travail du Tribunal constitutionnel, d'ouvrir la porte aux ingérences politiques dans la nomination et le congédiement des juges, de restreindre la liberté de la presse, de réduire encore les droits des femmes en matière de reproduction et de limiter le droit à la liberté de réunion. Le gouvernement a également octroyé aux services de sécurité des pouvoirs excessifs en matière de surveillance – y compris pour cibler arbitrairement les étrangers – au nom de la lutte contre le terrorisme, limité la liberté de réunion, exercé des pressions sur les organisations non gouvernementales et violé les droits des demandeurs d'asile.
 
Le comportement du gouvernement polonais a suscité à plusieurs reprises des critiques de la part de la Commission européenne, du Parlement européen et des groupes d'experts du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le gouvernement a ignoré et rejeté la plupart de ces critiques et s'est abstenu, dans une large mesure, de suivre quelque recommandation que ce soit.
 
En janvier 2016, la Commission européenne a activé son « mécanisme de protection de l'État de droit » à l'encontre de la Pologne – une première dans l'histoire de la Commission. Ce mécanisme vise à donner à l'UE la possibilité de faire face aux menaces pesant sur les droits humains et sur l'État de droit d'une manière globale, plutôt qu'au cas par cas.
 
La Commission a émis trois séries de recommandations concernant l'État de droit en Pologne. Dans chaque catégorie, le gouvernement polonais s'est abstenu d'agir en ce qui concerne la plupart des recommandations. La Commission a déclaré en juillet 2017 qu'elle était prête à déclencher la procédure prévue à l'article 7(1) du traité de l'Union européenne, qui autorise l'UE à agir lorsque le comportement d'un État membre crée un « risque clair de violation grave » des valeurs fondatrices de l'UE, notamment des droits humains et de l'État de droit. S'il est approuvé par les États membres de l'UE au sein du Conseil de l'Union européenne, ce processus peut aboutir à la suspension du droit de vote d'un État au sein du Conseil.
 
Le gouvernement a refusé de mettre en œuvre plusieurs décisions du Tribunal constitutionnel de Pologne et a illégalement nommé trois juges pour siéger dans cette instance. Il a également fait adopter au pas de course par le parlement des projets de loi habilitant le gouvernement à contrôler la nomination des juges des tribunaux de droit commun. Le président a opposé son véto à deux lois qui auraient donné à l'exécutif un contrôle accru sur les nominations des magistrats du pays et lui auraient permis de congédier les juges de la Cour suprême. Mais le président a renvoyé au parlement des versions amendées de ces lois, qui comportent beaucoup de défauts similaires. Ces deux textes sont toujours en discussion.
 
De nouvelles lois sur les médias ont permis au PiS de remplacer les équipes de direction des médias de service public et de créer un nouvel organe de supervision des médias, le Conseil national des médias, dont les membres sont nommés selon des critères politiques.
 
Certaines modifications juridiques liées à la lutte contre le terrorisme donnent des pouvoirs excessifs aux services de sécurité dans le domaine de la surveillance des étrangers sur des bases discriminatoires et arbitraires, sans véritable contrôle juridique.
 
Bien que la Pologne ait déjà l'une des législations les plus restrictives d'Europe sur l'avortement, une loi nouvelle est venue limiter la commercialisation d'une méthode de contraception d'urgence, qu'on appelle la « pilule du lendemain », y compris dans les cas de viol. Elle était auparavant vendue sans ordonnance dans les pharmacies mais désormais, les jeunes filles et les femmes doivent consulter un médecin pour obtenir une ordonnance.
 
Les autorités polonaises refusent régulièrement à des demandeurs d'asile l'accès aux procédures d'obtention de l'asile à la frontière de la Pologne avec le Bélarus et les renvoient sommairement au Bélarus sans même examiner leurs demandes, en violation du droit européen et international sur les réfugiés. Les gardes-frontières polonais ont ignoré des ordres théoriquement contraignants de la Cour européenne des droits de l'homme de cesser les refoulements sommaires de demandeurs d'asile vers le Bélarus.
 
Le gouvernement a également entravé le travail des organisations indépendantes en adoptant des lois qui donnent une priorité aux rassemblements bénéficiant de l'approbation du gouvernement, interdisent les manifestations contre ce genre de réunion et interfèrent avec le financement des organisations non gouvernementales.
 
Les autorités polonaises devraient travailler étroitement avec les institutions européennes pour s'assurer que leurs lois et leurs politiques soient conformes aux normes européennes et internationales en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch. L'organisation a fait des recommandations pour que la Pologne mette ses politiques et ses pratiques en conformité avec le droit européen et international en matière de droits humains, et pour qu'elle assure le respect des principes fondamentaux de l'État de droit.
 
« La Pologne est en train d'emprunter le même chemin vers l'autoritarisme que la Hongrie, avec un gouvernement qui a démontré à plusieurs reprises son mépris pour l'État de droit et les droits humains fondamentaux », a affirmé Lydia Gall. « Après deux ans de dialogue infructueux avec le gouvernement polonais, la Commission, avec l'appui des États membres de l'UE, devrait utiliser pleinement les pouvoirs que lui confère le cadre pour l'État de droit et déclencher les procédures prévues à l'article 7(1). »
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