(Nairobi) – Les opérations militaires menées par les forces armées du Mali et du Burkina Faso afin de contrer la présence croissante de groupes armés islamistes dans le centre du Mali ont occasionné de graves violations des droits humains. Depuis la fin de 2016, les forces maliennes se sont livrées à des meurtres extrajudiciaires, à des disparitions forcées, à des actes de torture et à des arrestations arbitraires à l'encontre d'hommes accusés de soutenir les groupes armés islamistes, tandis qu'une opération effectuée en juin 2017 à travers la frontière par les forces burkinabées s'est soldée par la morts de deux suspects.
Les FAMA m'ont arrêté au marché où je vendais ma marchandise – ils ne m'ont pas dit pourquoi. Dans leur camp, ils m'ont dit : « Nous vous avons amené ici pour vous tuer. » Ils m'ont pris mon argent et ma montre et pendant les deux heures qui ont suivi, ils nous ont frappés à coups de pied, de bâton et de crosse. Ils m'ont relevé et m'ont frappé deux fois la tête contre un camion … j'ai perdu deux dents et deux autres sont maintenant ébranlées. J'ai perdu connaissance et ma bouche saignait. Ils ont saisi le chauffeur burkinabé et lui ont projeté la tête contre le sol … il était mal en point. Il est à l'hôpital à Djibo [Burkina Faso].
Cet homme et un de ses compagnons ont affirmé que les militaires leur avaient infligé des brûlures avec le pot d'échappement d'un véhicule. Le deuxième homme a déclaré:
Ils nous ont accusés de vendre des marchandises aux djihadistes. Après avoir été passé à tabac, j'ai entendu le bruit du moteur d'un véhicule. Ils m'ont redressé et m'ont tenu la tête près du pot d'échappement d'un gros camion jusqu'à ce que ma tête soit en feu. Finalement un militaire a dit : « Assez maintenant, arrêtez, …. ils pourraient mourir. » Plus tard, les militaires nous ont emmenés au poste de gendarmerie, mais quand ils [les gendarmes] sont montés dans le camion et ont vu dans quel état nous étions – la bouche et la tête ensanglantées, enflées, incapables de marcher – ils se sont mis en colère contre les militaires et ont refusé de nous prendre. Les gendarmes et les FAMA se sont vraiment discutés … les gendarmes ont dit aux FAMA de nous emmener à l'hôpital, ce qu'ils ont fait.
Deux autres hommes ont affirmé que le 22 ou le 23 juin, ils avaient été passés à tabac et l'un d'eux brûlé par des militaires basés au camp militaire de Diabaly, à 140 kilomètres de Ségou. « Ils m'ont accusé de traiter avec les djihadistes », a déclaré l'un de ces hommes. « J'ai été détenu pendant trois nuits. Lors de la dernière nuit, ils m'ont frappé dans le dos et m'ont donné des coups de botte. Je ne sais pas combien de temps cela a duré – j'ai été frappé jusqu'à perdre connaissance. Le lendemain, ils m'ont versé du plastique brûlant sur sur mon épaule et sur mon dos. »
Cet homme a affirmé qu'un second détenu avait également été sévèrement passé à tabac : « Alors qu'on m'emmenait hors du camp, j'ai rencontré un autre homme qui avait été si violemment battu qu'il ne pouvait pas se tenir debout. » Quand le militaire a amené les victimes à la gendarmerie à Niono pour interrogatoire, le commandant des gendarmes s'est mis en colère. « Il a dit à l'officier de l'armée qu'il devrait payer pour nos traitements médicaux … mais j'ai dit : ‘Non, ce n'est pas la peine … Je veux juste retrouver ma liberté’ », a dit cet homme. Après avoir enquêté sur ses affirmations, les gendarmes l'ont remis en liberté.
Le 8 mai, les militaires ont arrêté 10 hommes, âgés de 19 à environ 50 ans, dans plusieurs hameaux près de Boni. Tous les 10 ont été sévèrement passés à tabac et on leur a dit qu'ils seraient tués par balles ou brûlés vifs. Selon un chef de village qui s'est occupé de ces hommes après leur transfert à Bamako, « plusieurs jours après leur arrestation, ils avaient encore les mains, les pieds et la tête enflés ; tous présentaient des ecchymoses ou des cicatrices; quelques-uns ne pouvaient plus s'asseoir à cause de la violence des coups reçus. » Après avoir comparu devant un juge à Bamako fin mai, au moins huit d'entre eux ont été libérés. L'un d'eux a ainsi décrit leur épreuve :
Les militaires m'ont trouvé près du puits. Ils m'ont accusé d'être avec AQMI [Al Qaeda au Maghreb islamique], m'ont demandé mon arme et ont dit « Où sont les djihadistes ? » Ils m'ont volé 143 000 FCFA [260 dollars] et m'ont emmené avec six autres hommes. C'était une vaste opération – ils nous ont emmenés par la route, puis nous ont mis dans un cratère créé sur la route par l'explosion d'une mine plus tôt dans l'année. Ils ont débattu pour savoir s'ils allaient nous tuer sur place ou non. « Allons-nous les tuer maintenant ? » a dit l'un d'eux. « Va chercher les pelles », a dit un autre. « Non, si nous le faisons, cela se saura à Bamako. » Certains de nos frères sont enterrés dans des fosses communes à Issèye et à Yirima, donc nous étions certains que ça allait être notre tour.
Plus tard, ils nous ont mis dans un autre trou – d'environ un mètre de profondeur – près du poste de contrôle routier de l'armée à Boni. Dans ce trou, il y avait déjà trois autres hommes, tous les yeux bandés, ensanglantés et tuméfiés. Ils nous ont également bandé les yeux et lié les mains, et nous ont fait allonger en plein soleil, et les sévices ont commencé. Ils nous ont frappés à coups de barre de fer, nous ont roués de coups de pieds et ont insulté nos parents. Cela a duré des heures … ils nous ont versé du liquide dessus, disant que c'était de l'essence et qu'ils allaient nous brûler vifs. Ils ne nous ont même pas posé de questions, nous accusant seulement d'être des djihadistes. Nous avions terriblement soif après plusieurs heures en plein soleil, qui en mai est plus chaud que le feu, mais ils ont refusé de nous donner à boire.
Nous sommes restés deux jours sans manger et n'avons reçu de soins médicaux qu'en arrivant à Bamako. Au total nous avons passé 26 jours en détention. Même maintenant, des mois après les abus, j'en souffre encore … hier j'ai essayé de travailler mais je n'ai pas pu.
Human Rights Watch a documenté quelques affaires dans lesquelles des officiers de l'armée sont intervenus pour faire cesser les abus commis par leurs subordonnés. Un témoin a décrit l’un de ces cas qui a eu lieu en mars, et qui a impliqué des militaires originaires de Ténenkou, dans la région de Mopti:
C'est arrivé à un poste de contrôle routier de l'armée à quelques kilomètres de la ville. Les soldats étaient en train de battre cet homme, qui avait à peu près 35 ans, puis ils ont pris du papier, l'ont enflammé et lui ont brûlé le ventre. Au bout d'environ 30 minutes, un officier est arrivé et a demandé, sur un ton de colère, « Pourquoi faites-vous cela? ». Les militaires ont affirmé avoir reçu un renseignement selon lequel l'homme vendait des armes aux djihadistes ; et qu'ils l'avaient trouvé en possession d'une grosse somme en liquide. L'homme a expliqué qu'il était marchand de bestiaux et qu'il venait juste de vendre des vaches. L'officier a ordonné aux militaires de mettre fin aux abus et de l'emmener à l'hôpital.
Human Rights Watch a interrogé 18 hommes et 4 garçons, âgés de 14 à 17 ans, qui ont affirmé avoir été maltraités par les militaires après leur arrestation en mai dans des villages proches de la frontière du Mali avec le Burkina Faso. Deux mois plus tard, presque tous avaient des cicatrices visibles autour des poignets et des chevilles ; deux d'entre eux avaient encore des pansements aux mains, tandis que six autres avaient des traces d'écorchures et des cicatrices résultant apparemment de profondes entailles sur les poignets. Ils ont affirmé avoir eu les mains liées pendant plus de deux jours, y compris pendant le long trajet entre le centre du Mali et Bamako. Un homme qui avait des cicatrices autour du cou a affirmé que cela venait du fait qu'il était resté « attaché dans le pickup pendant des heures sur une route défoncée, avec une corde autour du cou... ils ne me l'ont retirée que quand j'ai perdu connaissance. »
Dix de ces hommes avaient été initialement arrêtés lors d'une opération conjointe entre l'armée malienne et les forces françaises. « Quand les Français étaient là, ils nous faisaient étendre au sol pendant qu'ils fouillaient nos maisons mais ils ne nous attachaient pas et ne nous frappaient pas; les Français prenaient des photos de nous », a déclaré l'un d'eux.
Les hommes ont affirmé que les sévices avaient commencé le lendemain, après que les Français et un gendarme malien eurent quitté les lieux et les détenus eurent été emmenés à Douna, à 24 kilomètres de leurs villages. « Quand nous sommes descendus du camion, ils nous ont jetés au sol et nous ont frappés à coups de crosse », a raconté l'un d'eux. « Quand nous les avons implorés de nous donner de l'eau, les militaires m'ont versé de force de l'eau dans le nez, pour me donner l'impression que je me noyais. » Un autre détenu a décrit comment un militaire lui a placé la tête dans une prise de bras et lui a dit : « Nous allons t'égorger comme un mouton. » Deux autres hommes ont affirmé avoir été poignardés à l'épaule avec un petit couteau.
Human Rights Watch a également documenté la mort d'un homme de 50 ans après qu'il eut été sévèrement battu par des militaires maliens en mai. Trois témoins ont affirmé que l'homme était mort à l'hôpital de Sévaré. Selon l'un des témoins :
À 6h00 du soir, l'armée a amené à la gendarmerie de Sévaré cinq hommes qu'elle avait détenus. Ils étaient mal en point et souffraient vraiment ; leurs visages étaient tuméfiés ; ils saignaient. Le plus âgé ne pouvait pas bouger et a dû être porté dans la cellule. Quelques heures plus tard, j'ai entendu dire : « Donnez-lui de l'eau, il a besoin de boire, vite... » Mais il ne pouvait déjà plus … il était en train de mourir. Il a été sorti de la cellule pendant la nuit … Nous avons appris auprès des infirmiers qu'il avait rendu l'âme à l'hôpital quelques heures plus tard. Ils ont dit que son corps était couvert de marques.
Human Rights Watch a documenté un cas de graves mauvais traitements par les gendarmes du gouvernement. Fin mars 2017, les gendarmes de Sévaré auraient passé à tabac sept hommes d'un village proche de Djenné, dont un maître coranique. « Pendant la nuit, quelques gendarmes sont venus dans notre cellule et nous ont frappés, notamment à coups de pied. Un homme a eu quelques côtes cassées et deux autres saignaient du nez », a raconté l'un des détenus.
Exécutions sommaires et fosses communes
Human Rights Watch a documenté l'existence de trois fosses communes, dont des témoins et des proches affirment qu'elles contiennent les restes d'au moins 14 hommes tués peu après avoir été appréhendés par les services de sécurité maliens entre fin décembre 2016 et mai 2017. Toutes les trois sont situées dans les communes de Mondoro ou Koro situées dans la région de Mopti, près de la frontière du Mali avec le Burkina Faso.
« Nous sommes tous au courant de l'existence des fosses communes près de Mondoro, mais personne n'a porté plainte en justice », a déclaré un témoin. « Les gens sont terrifiés à l'idée de parler – nous essayons juste d'éviter de subir de nouveaux sévices. »
En août, des chefs locaux ont donné à Human Rights Watch des photos de ce qu'ils croient être une fosse commune à environ 7 kilomètres au sud de Mondoro, contenant les restes d'au moins 6 hommes qui faisaient partie d'un groupe de 17 qui ont disparu après leur arrestation par les militaires entre le 2 et le 9 mai. Une commerçante locale a déclaré :
Vers 11h00 du matin, j'étais dans la brousse quand j'ai entendu des coups de feu. J'ai vu trois ou quatre véhicules de l'armée à environ 200 à 300 mètres, à l'écart de la route principale. J'ai pensé que quelque chose n’était pas normal et je me suis plaquée au sol. … J'ai entendu une seconde salve de coups de feu. Je suis restée cachée pendant 15 minutes, jusqu'à ce qu'ils partent dans la direction de Mondoro sur la route principale. Plus tard, je suis allée voir et j'ai vu un monticule de terre … comme une tombe fraîchement creusée, et les traces de pneus. Il y a beaucoup de tensions dans notre zone. J'ai très peur.
Deux autres fosses communes qui ont fait l'objet d'informations documentées par Human Rights Watch n'ont toujours pas suscité d'enquête de la part des autorités maliennes. Selon quatre témoins de Yirima, la première contiendrait les restes de trois membres d'une famille arrêtés par les militaires le 21 janvier et ultérieurement exécutés. Un témoin a déclaré :
Les militaires leur ont bandé les yeux et les ont emmenés par la route dans la direction de Mondoro [à 26 kilomètres de distance]. Quelques minutes plus tard, nous avons entendu des coups de feu dans le lointain. Nous avons suivi les traces du véhicule jusqu'au village de Bamguel, à 18 kilomètres de là, et nous avons vu une tombe, fraîchement creusée, recouverte de branchages, et de nombreuses douilles de fusil … Nous avons déblayé la terre et nous avons trouvé nos proches. Je suis retourné au village pour annoncer la mauvaise nouvelle.
La deuxième tombe contiendrait les restes de cinq hommes du village d'Issèye arrêtés et exécutés par les militaires le 19 décembre 2016. L'un des témoins a raconté:
Vers 11h00 du matin, 10 véhicules des FAMA pleins de soldats lourdement armés ont fait irruption dans le village. Ils ne sont pas restés longtemps. Ils ont tout d'abord arrêté le chef du village, puis les autres. Vers 4h00 de l'après-midi, nous avons entendu des coups de feu, et le lendemain matin nous avons trouvé la tombe de fortune à quelques kilomètres de là. Nous avons déterré les corps … le chef était par dessus les autres … ils avaient tous plusieurs blessures par balles.
Disparitions forcées
Des témoins et des proches ont décrit les disparitions forcées de 27 hommes, qui avaient tous été vus pour la dernière fois aux mains des forces de sécurité maliennes. Ces hommes ont été arrêtés entre juin 2016 et juin 2017 lors d'opérations militaires dans les régions de Mopti et de Ségou. Des membres de leurs familles ont affirmé que le gouvernement ne leur avait fourni aucune information sur le sort des détenus ou sur l'endroit où ils se trouvaient, bien que certaines familles aient obtenu des informations de sources non officielles.
Les témoins et les membres des familles ont fourni à Human Rights Watch des informations selon lesquelles au moins 9 de ces hommes avaient été exécutés par les services de sécurité dès les premiers jours après leur arrestation. D'autres membres des familles ont affirmé posséder des informations selon lesquelles plusieurs autres hommes se trouvaient en détention extrajudiciaire dans les locaux de la Direction générale de la sécurité d’État (DGSE).
Human Rights Watch a reçu une liste de 17 hommes des villages de Mougnoukana, Douna, Kobou, Yangassadio et Guedouware qui avaient fait l'objet de « disparitions » depuis leur arrestation début mai. Plusieurs témoins ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils avaient été arrêtés le 2 mai en même temps que sept des hommes portés disparus.
« Nous avons cherché partout », a déclaré un proche de plusieurs des disparus de Mondoro. « Nous avons demandé à la Garde nationale, aux FAMA et aux gendarmes, mais nos proches ne sont nulle part. »
Parmi d'autres cas de disparition forcée dans le centre du Mali documentés par Human Rights Watch, figurent:
- Samba Diallo dit Samba Niger, 67 ans, un berger de Dogo (région de Mopti), a été arrêté par les forces de sécurité alors qu'il attendait un bus dans la ville de Mopti vers le 8 juin 2016. Des membres de sa famille pensent qu'il est détenu à la DGSE.
- Hassan Sidibé, 53 ans ; Boubacar Sidibé, 49 ans; Boubacar Sidibé, 30 ans; et Yonousa Sidibé, 30 ans, ont été arrêtés lors d'une opération de l'armée dans le village de Tomoyi, près de la ville de Ténenkou, le 17 janvier 2017. Des membres de la famille ont appris qu'ils étaient détenus à la DGSE.
- Boura Alou Diallo, 32 ans, arrêté par les militaires près du village de Kokoli vers le 23 janvier 2017, a été vu pour la dernière fois attaché à un arbre près du camp militaire de Mondoro. Les membres de sa famille pensent qu'il a été exécuté fin janvier.
- Hamidou Barry et Hamadoun Dambou, tous deux âgés d'environ 25 ans et originaires du village de Karena, ont été arrêtés en janvier 2017 par les gendarmes dans un hôpital de Douentza, où Barry était soigné. Les membres des familles pensent qu'ils sont détenus à la DGSE.
- Ibrahim Barry, 35 ans, a été vu pour la dernière fois le 3 février 2017, après avoir été arrêté par des gendarmes basés à Sévaré lors d'une réunion à Mopti organisée par une organisation non gouvernementale locale. Les membres de sa famille ont déclaré qu'ils pensaient que Barry avait été battu à mort en détention.
- Sidi Koita, 34 ans, a été vu pour la dernière fois le 31 mai ou 1er juin 2017, alors qu'il était interrogé par des militaires à un poste de contrôle situé à un kilomètre de la ville de Nampala. Des témoins ont déclaré qu'il était interrogé à propos d'une embuscade tendue la veille près de Nampala, dans laquelle plusieurs militaires avaient été tués. Les membres de sa communauté pensent que Koita a été exécuté.
Direction générale de la sécurité d’État
Human Rights Watch s'est entretenu avec 24 anciens détenus qui ont affirmé avoir été placés dans un centre de détention géré par la DGSE pendant des périodes allant de 27 jours à cinq mois. Ces hommes n'avaient aucun accès aux membres de leurs familles ou à des avocats et n'étaient pas autorisés à passer des coups de téléphone. Ils ont précisé qu'ils n'avaient pas été présentés à un juge avant ou durant leur détention dans ces lieux.
Un agent de la DGSE a déclaré à Human Rights Watch que chaque personne détenue avait comparu devant un juge et avait été placée sous mandat de dépôt. Ces affirmations ont également été contredites par plusieurs avocats, par des défenseurs des droits humains et par un juge, qui ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils étaient au courant de plusieurs cas d'hommes qui étaient détenus par la DGSE de manière extrajudiciaire.
Tous les hommes interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir été nourris régulièrement, avoir passé des examens médicaux périodiques et avoir été placés dans des cellules équipées de ventilateurs ou de l'air conditionné. Cependant, ils se sont plaints de l'exiguïté des lieux pour dormir et plusieurs ont affirmé qu'ils n'avaient pas accès à une hygiène adéquate. Un ancien détenu a affirmé avoir été maltraité au centre de la DSGE.
Un autre ancien détenu, qui a passé 37 jours au centre de la DSGE entre mai et juillet, a déclaré :
Nous étions 13 dans ma cellule et ils étaient huit dans une autre cellule. Nous avions été amenés là directement de nos villages. La nourriture était passable et un seul d'entre nous a été un peu passé à tabac, mais ce qui est bizarre c'est qu'ils ne nous ont interrogés qu'une seule fois ou, au maximum, deux fois. Nous ne connaissons pas la loi, mais je sais que nous n'avons pas vu un juge avant d'être transférés de la DGSE à la gendarmerie cinq semaines plus tard.
Un homme âgé qui a été détenu pendant plus de quatre mois a déclaré à Human Rights Watch :
Nous étions 16 dans cette petite cellule. Pendant tout ce temps, aucun de nous n'a eu de contact avec sa famille. Tout ce temps … pas de lumière du soleil – vous ne savez pas s'il fait jour ou nuit. Je n'ai été interrogé que trois fois, au début. Le jour où j'ai été libéré, ils m'ont mis un sac noir sur la tête, m'ont fait monter dans une voiture civile, m'ont emmené à plusieurs kilomètres et m'ont dit de descendre. Je n'ai jamais signé de papiers, ni vu un juge… c'est comme si cela ne s'était pas produit. Le jour où je suis arrivé dans mon village… vous auriez dû voir leurs têtes … ils étaient persuadés que j'étais mort.
Violations commises par les forces de sécurité du Burkina Faso
Plusieurs témoins originaires de hameaux proches de la frontière du Mali avec le Burkina Faso ont décrit comment, le 9 juin, des militaires burkinabés ont arrêté environ 74 hommes, âgés de 20 à 70 ans. Les militaires ont accusé les villageois de soutenir le groupe armé islamiste du Burkina Faso Ansaroul Islam, qui a également des bases au Mali.
Beaucoup de ces hommes ont été sévèrement passés à tabac et deux d'entre eux sont morts de ces mauvais traitements peu après leur arrivée à Djibo, au Burkina Faso, selon des témoins. Ceux-ci ont ajouté que les militaires burkinabés avaient incendié des biens lors de l'opération.
L'un des témoins a déclaré : « L'armée du Burkina a reçu des renseignements sur la présence de quelques islamistes [armés] dans le secteur – certains d'entre eux s'étaient peut-être repliés là après la grosse opération des forces françaises dans la forêt de Foulsaré, plus au nord – mais ils [l'armée burkinabée] ont pris tous les hommes qu'ils ont rencontrés, qu'ils aient été en train de cultiver, de faire paître leurs vaches ou dans leur maison. »
Des témoins et des chefs locaux ont affirmé que 44 hommes avaient été emmenés au Burkina Faso pour interrogatoire et que sept d'entre eux y étaient toujours détenus.
Plusieurs membres des familles ont affirmé que ni les autorités burkinabées ni les maliennes ne les avaient informés sur le statut juridique des détenus. « Comment une armée étrangère peut-elle venir ici, en sol malien, et arrêter, passer à tabac, tuer ou emprisonner nos compatriotes ? », a déclaré un chef coutumier. « Je viens de parler au père d'un homme qui a été tué. Personne ne l'a appelé pour lui dire que son fils est là-bas. Doit-il aller lui-même au Burkina pour récupérer le corps de son fils ? »
Si les forces de sécurité burkinabées sont autorisées à effectuer des opérations à travers la frontière, elles ne sont pas autorisées, selon des responsables du ministère malien de la Justice interrogés par Human Rights Watch, à mettre en détention et à interroger des habitants du Mali au Burkina Faso. « Les autorités du Burkina ne sont pas habilitées à emmener des gens de l'autre côté de la frontière pour interrogatoire », a déclaré un responsable de haut rang. « Un tel arrangement nécessiterait un processus de transfert ou d'extradition. »
Un agriculteur âgé de 25 ans de la ville de Kobou, située à sept kilomètres de la frontière du Burkina Faso, a ainsi décrit ce qu'il s'est passé le 9 juin :
Vers 9h00 du matin, j'étais dans mon champ lorsque j'ai vu de nombreux véhicules chargés de militaires. Ils étaient agressifs et ont commencé à me passer à tabac dans mon champ, me frappant à coups de crosse ou de ceinturon. Ils m'ont jeté dans leur véhicule avec les autres et nous ont emmenés au hameau de Dolga, à quelques kilomètres de là. « Pourquoi travaillez-vous avec les djihadistes qui nous tuent? », ont-ils hurlé. Ils nous ont battus là-bas aussi, mais le plus sévère passage à tabac a eu lieu au moment de notre arrestation. Leur médecin a posé des points de suture sur quelques-uns d'entre nous. Je suis parmi les 30 qui ont été libérés le même jour … mais ils en ont emmené plus de 40 au Burkina.
Un agriculteur âgé de 57 ans du village de Kobou a ainsi décrit la mort apparente d'un homme nommé Bourema Hama Diallo:
Ils ont commencé à me frapper dans le dos avec des ceinturons dès leur arrivée dans ma ferme. Ils m'ont jeté dans le camion … c'était une vaste opération… quand nous sommes arrivés à Dolga, j'ai retrouvé presque toute la population masculine là-bas. Beaucoup étaient blessés ; parmi eux, Bourema – il avait été frappé à la tête et saignait beaucoup. Il a failli perdre connaissance avant qu'ils ne nous mettent dans des camions et nous emmènent à Djibo, où ils ont livré certains d'entre nous à la police et d'autres à la gendarmerie. Je faisais partie d'un groupe de 18 dans un camion qui est allé à la gendarmerie.
Après notre arrivée, ils m'ont enlevé mon bandeau et j'ai vu que [Bourema] était très mal en point. Voyant cela, les gendarmes ont dit : « Il faut que nous l'emmenions à la clinique. » Ils ont dû le porter. Je sais qu'il est mort car plus tard ce soir-là, le gendarme qui nous surveillait a dit : « Deux d'entre vous sont morts avant d'arriver au centre médical. » Le second [homme] n'était pas dans le même camion que moi. Je n'ai pas vu les corps après cela, mais je connais le père de Bourema, et il n'a toujours pas revu son fils.
--------------------------
Tweets :
Mali : Les opérations militaires donnent lieu à des abus. Meurtres, disparitions forcées, actes de torture https://t.co/gEXib9sdNp pic.twitter.com/UtZ8QtKQle
— HRW en français (@hrw_fr) 8 septembre 2017
#Mali Graves violations des droits humains lors d'opérations militaires pour contrer les groupes armés islamistes https://t.co/AKfLG24HZN pic.twitter.com/xX7jgayZlF
— HRW en français (@hrw_fr) 8 septembre 2017
HRW épingle le #Mali et le #BurkinaFaso https://t.co/yhw0jU0C4t @bbcafrique @CorinneDufka
— HRW en français (@hrw_fr) 8 septembre 2017
#Mali : pourquoi la situation est jugée «préoccupante» par l’ONU https://t.co/7ZILaC6soX @GeopolisAfrique @Eleoabouez @ONUinfo @UN_MINUSMA pic.twitter.com/YYd8TZ4y23
— HRW en français (@hrw_fr) 5 octobre 2017
Découverte de charniers au #Mali : Fatou Bensouda va-t-elle lancer une enquête ? https://t.co/ot48pK57fJ via @LTafrique @Ibbayo_Jr
— HRW en français (@hrw_fr) 17 octobre 2017
#Mali #CPI : Fatou Bensouda promet que le cas Al Faqi ne sera pas le dernier. https://t.co/SCDejWYeG4 @journaldumali @UN_MINUSMA
— HRW en français (@hrw_fr) 19 octobre 2017
Dans la presse :
VOA Afrique OLJ MaliActu BBC Afrique (1) BBC Afrique (2)
TSA Algérie StudioTamani.org 360.ma Xalimasn.com RFI.fr
360.ma RFI Afrique APA News (réf réaction du ministre Tapo)
Geopolis (réf ONU) RadioVatican (attaques contre catholiques)
Tweets en 2018 :
#Mali : soupçons d'exécutions sommaires par des Fama près de Mopti https://t.co/Xiw7BdDAtK @RFIAfrique @CorinneDufka @hrw
— HRW en français (@hrw_fr) 28 mars 2018
#Mali : qui est derrière les exécutions sommaires dans le centre du pays ?https://t.co/3NyVVTPmmi @TV5MONDEINFO @amnesty @hrw @CorinneDufka
— HRW en français (@hrw_fr) 3 avril 2018