MISE À JOUR :
Le 19 septembre, la Délégation Interministérielle aux droits de l’Homme (DIDH) du Maroc a réagi à la publication, le 5 septembre dernier, du rapport de Human Rights Watch sur les allégations de tortures contre des manifestants du mouvement protestataire « Hirak », dans la région du Rif.
Dans sa réponse, la DIDH a indiqué que toutes les allégations de torture ont été examinées, et que les tribunaux en sont saisis. La DIDH a également affirmé que 589 agents de police ont été blessés lors des manifestations du Hirak, mais Human Rights Watch n'est pas en mesure de confirmer ce chiffre, ni le type et la gravité des blessures.
Human Rights Watch avait fait état d’allégations, notamment portées par des avocats de la défense, selon lesquelles la police a infligé des violences aux manifestants au moment de leur arrestation et pendant leur détention. Ces allégations semblent corroborées par les examens médico-légaux des détenus conduits par des médecins légistes commissionnés le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH).
Human Rights Watch avait examiné les minutes du procès, à l’évidence inéquitable, de 32 manifestants condamnés sur la foi de leurs « aveux » à la police. Tous les plaignants s’étaient par la suite rétractés face au procureur et au juge, et la grande majorité a déclaré que la police les avait passés à tabac et contraints à signer leurs « aveux » sans les autoriser à les lire au préalable.
Le tribunal a refusé la requête d’examens médico-légaux présentée par des avocats de la défense, arguant que de tels examens ne permettraient pas de déterminer la cause des blessures constatées sur les détenus. Cependant, les examens médico-légaux ordonnés indépendamment du procès par le CNDH ont corroboré les déclarations des accusés.
Comme l’avait relevé le communiqué de Human Rights Watch, en vertu du droit international, même en admettant que des manifestants se livrent à des actes de violence, la police ne doit pas faire usage de force excessive pour placer des individus en détention, ou infliger des violences à des détenus n’offrant aucune résistance.
Human Rights Watch dispose d’une page de corrections dans laquelle elle reconnaît, et corrige, les erreurs éventuellement contenues dans ses communications publiques. Toutefois, la réponse de la DIDH ne conteste aucun élément factuel du rapport de Human Rights Watch sur les allégations de torture dans le Rif. Toute enquête crédible sur ces allégations de torture serait une étape positive. Une telle enquête devrait inclure, le cas échéant, des examens médico-légaux menés par des experts indépendants et dûment formés à la médecine légale.
Pour plus d’informations sur le rapport de Human Rights Watch sur le Rif, veuillez suivre ce lien.
(Tunis) – Le roi Mohammed VI devrait ordonner une enquête sérieuse et probante sur les accusations de torture portées par des manifestants du « Hirak » du Rif contre la police marocaine, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Lors d’un discours télévisé à l’occasion de la Fête du Trône du 30 juillet, le roi, à l’inverse, semblait dédouaner les forces de l’ordre de toute responsabilité dans les troubles survenus à Al Hoceima, chef-lieu de la région du Rif, affirmant qu’elles avaient fait preuve de « retenue et […] d’un grand respect de la loi ».
Le roi a ignoré des rapports de médecins légistes qui, après avoir examiné des détenus du Rif, ont constaté des lésions accréditant les accusations de violences policières. Selon les rapports des médecins, commandités par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), un organisme d’État indépendant, plusieurs détenus affirment que la police les aurait contraints à signer leurs procès-verbaux d’interrogatoire sans les lire. Plusieurs parmi eux purgent aujourd’hui des peines de prison, tandis que d’autres sont en détention préventive.
« L’éloge royal inconditionnel des forces de sécurité, malgré les accusations qui pèsent contre elles, ne fera qu’ancrer la certitude qu’au Maroc, on peut abuser d’un détenu sans répondre de ses actes », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
Dans son discours du Trône, à ce jour sa seule intervention publique sur le « Hirak » du Rif qui a débuté il y a presque un an, le roi a blâmé l’administration publique pour son incapacité à mettre en œuvre des politiques de développement dans cette région en difficulté, tout en saluant les forces de sécurité pour avoir, selon lui, « assumé leur responsabilité avec courage, patience, retenue et […] ainsi préservé la sécurité et la stabilité ».
Le mouvement « Hirak » a débuté après la mort d’un marchand de poissons, tué en octobre 2016 alors qu’il tentait de récupérer une cargaison que les autorités venaient de saisir. Depuis, les membres de ce mouvement ont organisé de nombreuses manifestations de masse pour mettre fin à ce qu’ils considèrent comme une marginalisation de leur région en termes de développement économique.
Les autorités ont toléré plusieurs manifestations de Hirak même si elles ont interdit celle, majeure, du 20 juillet à Al Hoceima en dispersant ceux qui ont bravé l’interdiction à coups de gaz lacrymogènes. Les manifestations se sont déroulées pacifiquement à quelques exceptions près — principalement des jets de pierres. Il y a eu un mort : Imad Attabi, 25 ans, originaire d’Al-Hoceima, qui a succombé à ses blessures le 20 juillet dans des circonstances sur lesquelles les autorités ont promis d’enquêter. L’Association Marocaine des Droits Humains, un groupe indépendant, affirme qu’un grenade lacrymogène lancée par la police l’a atteint à la tête, provoquant sa mort.
Fin mai, après sept mois de manifestations sporadiques, les autorités ont commencé à arrêter les manifestants. Selon des sources bien informées, 216 sont aujourd’hui derrière les barreaux, dont 47 en attente de jugement à la prison de Oukacha, et 169 déjà condamnés ou en attente de jugement (de première instance ou d’appel) à la prison régionale d’Al Hoceima.
Le 3 juillet, les médias marocains ont publié des extraits de rapports fuités, réalisés par des médecins légistes de premier plan et faisant état de graves abus policiers à l’encontre de manifestants détenus. Le CNDH, commanditaires de ces rapports, a déclaré que ceux-ci n’étaient pas officiels car non finalisés. Mais le lendemain, le ministre de la Justice Mohamed Aujjar a annoncé avoir ordonné aux procureurs d’Al Hoceima et de Casablanca d’«inclure ces expertises aux dossiers […] afin de prendre les mesures légales qui s’imposent ».
Le 14 juin, à l’issue d’un procès collectif de manifestants du Rif, le tribunal de première instance d’Al Hoceima a condamné 32 hommes, dont 11 examinés par les médecins légistes. Parmi les chefs d’accusation : insultes et agression physique de membres des forces de sécurité, rébellion armée et destruction de biens publics (articles 263, 267, 300 à 303 et 595 du code pénal marocain). Le tribunal a condamné 25 accusés à 18 mois de prison ferme, et les 7 autres à des peines avec sursis. Human Rights Watch a examiné le jugement du tribunal de première instance. Le 18 juillet, la cour d’appel d’Al Hoceima a confirmé les condamnations – tout en les écourtant – même si elle disposait des rapports des médecins légistes. Le jugement d’appel écrit n’est pas encore disponible.
Human Rights Watch a également documenté des allégations de violences à l’encontre du dirigeant du Hirak Nasser Zefzafi, actuellement en attente de procès à Casablanca ; un usage excessif de la force lors d’un sit-in pacifique en soutien du Hirak à Rabat ; et l’emprisonnement d’un journaliste célèbre après que ce dernier ait critiqué l’interdiction de manifester du 20 juillet.
Le 29 juillet, à la veille de la Fête du Trône, le roi Mohammed VI a gracié 1.178 prisonniers, dont 42 membres du Hirak. Parmi ces derniers ne figurait aucun des 32 condamnés d’Al Hoceima, ni aucun de ceux examinés par les médecins légistes.
La Constitution marocaine de 2011 interdit le recours excessif à la force : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique. […] La pratique de la torture, sous toutes ses formes et par quiconque, est un crime puni par la loi. »
Selon le Code de procédure pénale marocain, aucune déclaration préparée par la police ne peut être admise comme preuve si elle est obtenue sous la contrainte ou par la violence. En pratique cependant, les tribunaux condamnent régulièrement des inculpés sur la base d’« aveux » contestés, sans ouvrir d’enquêtes sur les allégations de tortures et autres mauvais traitements. Cette tendance ne pourra qu’être confortée par le soutien royal aux agissements de la police vis-à-vis des manifestants du Rif, a déclaré Human Rights Watch.
« Le roi Mohammed VI a affirmé lors de la Fête du Trône que les Marocains ‘ont le droit, et même le devoir, d’être fiers de leur appareil sécuritaire’ », a observé Sarah Leah Whitson. « Ne seraient-ils pas encore plus fiers si les allégations d’abus policiers donnaient lieu à des enquêtes crédibles, et si les tribunaux refusaient de condamner sur la foi d’aveux douteux ? »
Le jugement
Human Rights Watch a examiné le jugement de 62 pages rendu par le tribunal de première instance d’Al Hoceima au terme du procès collectif de 32 manifestants allégués (affaire 76-2103-2017), sous la présidence du juge Mourad Abdessoulami. Les verdicts de culpabilité prononcés le 14 juin contre les 32 hommes, jugés selon la procédure de flagrant délit, se fondent sur leurs « aveux » à la police – « aveux » qu’ils ont pourtant tous réfuté devant le juge et le procureur. Le tribunal, qui a prononcé le verdict le 14 juin, a rejeté les contestations des accusés, dont la majorité ont déclaré avoir été forcés de signer leurs procès-verbaux (PVs) d’interrogatoire sans les lire.
Selon le jugement, 23 accusés ont déclaré au procureur, et plus tard au juge, que les policiers les avaient passé à tabac au moment de leur arrestation et/ou une fois à la préfecture de police d’Al Hoceima. Selon le jugement, le procureur a constaté des lésions et autres blessures sur 10 détenus – en conséquence de quoi, leurs avocats ont réclamé des examens médicaux. Le procureur a accepté la requête, mais les examens ainsi conduits ont davantage consisté à soigner les blessés qu’à établir si leurs blessures concordaient avec leurs allégations de mauvais traitements ; c’est ce qu’ont déclaré deux avocats de la défense au tribunal, puis à Human Rights Watch.
Les avocats ont alors demandé que le tribunal ordonne un examen médico-légal en bonne et due forme des détenus qui se plaignaient d’abus policiers. Mais le juge a refusé la requête, au motif que le tribunal « n’ordonne une expertise que quand il entend l’utiliser pour l’aider à établir sa conviction intime quant à la condamnation ou à l’acquittement ». Le jugement ajoute : « dans ce cas précis, la demande d’expertise est motivée par la volonté d’imputer la responsabilité d’actes de torture et de coercition présumés à une certaine partie. Accéder à cette demande conduirait le tribunal à assumer le rôle du procureur plutôt que celui d’une instance de jugement, et par conséquent à renoncer à sa neutralité, ce qui serait contraire à la loi ».
Le tribunal a également soutenu qu’un examen médical visant à déterminer la cause des blessures constatées par le procureur ne serait pas probant, les blessures ayant pu résulter de circonstances diverses. Le jugement cite par exemple des bousculades entre manifestants alors qu’ils tentaient de fuir, des confrontations physiques entre policiers et manifestants résistant à leur arrestation, et des jets de pierres par d’autres manifestants.
Le refus du tribunal d’ordonner des examens médicolégaux semble incompatible avec les obligations du Maroc en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’expertise médicale demandée indépendamment par le CNDH et préparée par deux médecins légistes réputés (voir les détails ci-dessous) pourrait accréditer les accusations des prévenus contre la police.
Selon leurs PVs d’interrogatoire, les 32 accusés ont avoué avoir jeté des projectiles sur les forces de l’ordre le 26 mai, pour les empêcher d’arrêter le leader du Hirak Nasser Zefzafi, alors que ce dernier s’adressait aux manifestants depuis le toit du domicile de ses parents à Al Hoceima. Dans une vidéo de ce discours, Zefzafi demande à plusieurs reprises aux manifestants de s’astreindre à la non-violence, en employant le mot arabe « silmya », qui signifie « pacifique ». Selon les PVs d’au moins 18 prévenus, « silmya » était en réalité un « code » convenu par Zefzafi et ses partisans pour donner l’ordre de s’en prendre violemment à la police. Tous les accusés interrogés par le juge à ce propos ont vigoureusement nié l’existence d’un quelconque code, réaffirmant que « silmya » ne signifiait rien d’autre que « pacifique ».
En présence du procureur et du juge, les 32 hommes dans leur ensemble ont rejeté leurs PVs d’interrogatoire, en niant avoir lancé des projectiles ou utilisé toute autre forme de violence à l’encontre des forces de police. Au moins 25 ont déclaré ne pas avoir été autorisés à lire leurs PVs avant d’être contraints de les signer sous la menace – y compris, dans certains cas, la menace de violences sexuelles. Beaucoup ont déclaré avoir été menacés de « transfert à Casablanca », une manière de sous-entendre qu’ils seraient alors sous le coup de chefs d’inculpation plus graves, y compris de terrorisme et d’atteinte à la sécurité intérieure de l’État, un crime punissable de la peine capitale. À quelques exceptions près, tous les accusés ont signé leurs PVs.
Leurs avocats ont demandé au tribunal d’invalider ces PVs au motif que les aveux qu’ils comportent ont été extorqués à leurs clients par la menace. Le tribunal a rejeté cette demande, estimant que la menace de transférer des suspects dans une autre ville n’était pas crédible, car un tel transfert n’est pas la prérogative de la police. Le tribunal a également déclaré que le fait que quelques détenus aient refusé de signer leurs PVs suffisait à discréditer les allégations de coercition alléguées par tous les détenus.
Le tribunal de première instance a condamné 25 des 32 accusés à 18 mois de prison pour « rébellion armée » et attaques contre les forces de police. Les sept autres ont été condamnés à 2 à 6 mois de prison avec sursis, et une amende.
Le tribunal de première instance a rendu son verdict avant que les médecins mandatés par le CNDH aient finalisé leurs rapports préliminaires. Ces rapports étaient cependant à la disposition de la Cour d’appel d’Al Hoceima à l’ouverture du procès d’appel des accusés. Le ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, avait en effet ordonné le 4 juillet que ces rapports soient transmis aux tribunaux. Abdel Majid Azaryah, un avocat de la défense, a confirmé à Human Rights Watch que le juge d’appel avait accepté de verser le rapport du CNDH au dossier.
Le 18 juillet, néanmoins, la Cour d’appel a confirmé les condamnations de première instance de 25 accusés à 18 mois de prison, tout en réduisant leur peine à 7 mois. Vu l’absence, à ce jour, d’un verdict écrit, il n’est pas possible de connaître le raisonnement qui a abouti à cette décision judiciaire, ou le rôle qu’a pu y jouer le rapport du CNDH.
Les rapports médicaux
Dans un rapport daté de 2013, le CNDH critiquait l’état de la médecine légale dans les tribunaux marocains : « (les accusés) sont habituellement confiés à des médecins qui figurent sur les listes d’experts des cours d’appel, la plupart n’ayant pas été préalablement formés à l’examen et à l’évaluation des lésions physiques. » Le CNDH ajoutait : « Les critères pour faire rapport ne sont pas codifiés par les tribunaux. Les techniques employées sont également inégales, tant en termes de procédures que sur le plan rédactionnel. Le rapport comprend rarement une discussion sur les conclusions de l’expert, et les lésions sont souvent décrites de manière expéditive. » Depuis, un projet de loi sur la médecine légale a été élaboré. Il contraint, entre autres, les médecins qui examinent des accusés faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements à respecter les normes internationales en vigueur dans ce domaine. Le Parlement n’a pas encore examiné ce projet de loi.
Dans le cas des manifestants du Rif, la CNDH a nommé deux experts légistes pour préparer des rapports sur leurs allégations de torture et de mauvais traitements infligés par la police. Entre les 14 et 18 juin, le Docteur Hicham Benyaïch, directeur de l’Institut de médecine légale à l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca, et le Docteur Abdallah Dami, membre de cet institut et vice-président de l’Association marocaine de médecine légale, ont examiné individuellement 34 hommes arrêtés fin mai ou début juin. 15 étaient détenus dans la prison régionale d’Al Hoceima, l’un était en liberté provisoire à Al Hoceima et 19 étaient en détention provisoire à la prison de Oukacha à Casablanca, après avoir été interrogés au siège de la Brigade Nationale de la Police Judiciaire.
25 des 34 détenus ont déclaré aux médecins que la police s’en était prise violemment à eux, les giflant et les cognant au visage, les rouant de coups de pied, les frappant avec des matraques, des casques de police, des talkie-walkies ou une agrafeuse, à la tête ou sur d’autres parties du corps. Au moins deux prisonniers ont déclaré que les policiers leur avaient enfoncé des serpillères sales dans la bouche. L’un d’entre eux a déclaré qu’un agent de police lui avait arraché des poils de sa barbe, et menacé de la lui brûler en approchant un briquet allumé de son menton. Selon le médecin qui l’a examiné, ses lésions au menton corroborent son témoignage.
Beaucoup de prisonniers ont déclaré que certains policiers avaient couvert l’objectif des caméras de vidéosurveillance de la préfecture de police d’Al Hoceima avant de les passer à tabac, eux ou d’autres détenus. L’un d’entre eux a déclaré que des officiers l’ont emmené dans une salle de bain, lui ont retiré sa chemise avant de lui attacher les jambes avec, puis l’ont frappé sur la plante des pieds. Presque tous ont déclaré avoir été, ainsi que leurs proches, couverts d’injures et de propos orduriers. Un autre prisonnier a déclaré au juge lors de son procès qu’un officier de police avait brandi un couteau et l’avait menacé.
Selon les rapports du CNDH et le jugement de la Cour, 16 détenus au moins ont spécifiquement identifié un officier de police d’Al Hoceima par son prénom, l’accusant de coups violents, d’injures ordurières, et de menaces répétées de viol et d’agressions sexuelles, envers eux et leurs proches de sexe féminin. L’un des médecins a recommandé d’« enquêter d’urgence et de manière approfondie sur les actes du commissaire de police » ainsi identifié, en raison des nombreuses accusations portées contre lui. On ignore si les autorités judiciaires ont ouvert une enquête sur ces allégations.
Parmi les conclusions d’un des médecins figurant dans les rapports :
« Les témoignages reçus des personnes arrêtées à propos du recours à la torture et autres mauvais traitements lors de leur arrestation et de leur détention dans les locaux de la préfecture de police d’Al Hoceima sont globalement crédibles, par leur concordance et par l’existence de symptômes physiques et psychologiques, et parfois de traces physiques hautement compatibles avec les sévices allégués. Les témoignages reçus, s’ils se confirment, comportent un ensemble d’actes constituant des faits de torture et de mauvais traitements, et des violations des garanties constitutionnelles et législatives dont devrait jouir toute personne détenue. »
Les deux médecins ont demandé aux autorités judiciaires d’enquêter sur ces allégations et recommandé des soins médicaux et psychologiques pour plusieurs des détenus qu’ils ont examinés.
Obligations juridiques
La Convention contre la torture stipule que « tout Etat partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction [...], assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes [et] veille à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite. »
Le code pénal marocain, tel qu’amendé en 2006, punit la torture, définie comme « tout fait qui cause une douleur ou une souffrance aiguë physique ou mentale, commis intentionnellement par un fonctionnaire public ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, infligé à une personne aux fins de l’intimider ou de faire pression sur elle ou de faire pression sur une tierce personne, pour obtenir des renseignements ou des indications ou des aveux, pour la punir pour un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis ou lorsqu'une telle douleur ou souffrance est infligée pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit. » (Article 231.1)
Les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, élaborés par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, stipulent que « tout aveu ou tout autre témoignage obtenu par une forme quelconque de contrainte ou de force ne peut être admis comme élément de preuve ou être considéré comme prouvant un fait lors de la procédure orale ou du délibéré sur la sentence. Tout aveu ou reconnaissance d’une allégation obtenue pendant une détention au secret sera considéré comme ayant été obtenu par la contrainte. » Les Directives stipulent également que « lorsque les magistrats du parquet reçoivent contre des suspects des preuves dont ils savent ou ont des motifs raisonnables de penser, qu’elles ont été obtenues par des méthodes illicites, qui constituent une grave violation des droits humains du suspect et impliquent en particulier la torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, ou d’autres abus des droits humains, ils refusent d’utiliser ces éléments de preuve contre toute personne autre que celles qui ont recouru à ces méthodes, ou informent l’instance juridictionnelle en conséquence, et prennent toutes les mesures nécessaires pour les faire traduire en justice. » Le Maroc a rejoint l’Union africaine en janvier 2017.
Le Code de procédure pénale du Maroc fait obligation au procureur, à quelques exceptions près, d’ordonner un examen médical s’il constate des traces de violence sur un prévenu. Si celui-ci se plaint de violence policière ou demande un examen médical, le procureur doit ordonner celui-ci avant d’interroger le suspect. Le Code impose une exigence similaire aux juges d’instruction, mais pas à ceux de première instance. Toutefois, l’exigence d’exclure de la preuve toute déclaration obtenue sous la « violence ou la contrainte » fait obligation aux juges de première instance de s’assurer que toute déclaration a été obtenue de plein gré avant d’en faire un élément à charge.
En outre, l’article 290 du Code remet en cause l’obligation d’exclure les preuves obtenues de force, en prévoyant que, pour les infractions pour lesquelles sont prévues des peines de prison de cinq ans ou moins, les déclarations recueillies par la police doivent être considérées comme dignes de confiance, à moins que de prouver le contraire, à charge pour le prévenu de démontrer que ses « aveux » à la police étaient faux. Le jugement écrit du procès en première instance de 32 détenus de Hirak invoque l’article 290 pour rejeter les allégations des prévenus, en faisant valoir que leurs déclarations à la police ne peuvent être invalidées qu’en produisant « des éléments fortement probants tels qu’un témoignage ou l’analyse d’un expert, ou des éléments comparables sous la forme de documents juridiquement valides ; mais de simples allégations sans preuves ne peuvent être considérées comme suffisantes ».
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Dans la presse :
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OLJ Le Soir Le Monde Afrique 06.10.17