(Miami, Floride) – L’insuffisance des mesures prises aux États-Unis par le gouvernement fédéral et par les États pour garantir l’accès à la naloxone, un antidote à la surdose d’opioïdes, provoque des milliers de décès évitables, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.
Le rapport de 48 pages, intitulé « A Second Chance: Overdose Prevention, Naloxone, and Human Rights in the United States » (« Une seconde chance : Prévention de surdoses, naloxone et droits humains aux États-Unis»), identifie les lois et politiques fédérales et étatiques qui maintiennent la naloxone hors d’atteinte des personnes les plus exposées à des risques de surdoses accidentelles, leur déniant la possibilité de sauver leurs vies. Le rapport a été rendu public lors d’une conférence de presse organisée au Centre d’échange IDEA de l’Ecole de médecine Miller de l’Université de Miami, le plus important programme de distribution de seringues en Floride. Le Centre fournit des soins de santé de base, y compris des doses de naloxone, dans une ville et un comté où la consommation d’opioïdes et les surdoses sont particulièrement élevées.
L’administration Trump s’est engagée à mettre fin à l’épidémie d’opioïdes et mis à disposition des fonds pour que les états luttent contre l’épidémie. Ces fonds, validés l’an dernier en vertu d’une loi, la 21st Century Cures Act, sont en partie destinés à réduire les décès consécutifs à une overdose.
« La mesure la plus simple et efficace que le gouvernement fédéral et les États peuvent prendre pour endiguer la vague de victimes de surdoses d’opioïdes est de faciliter l’obtention de la naloxone », a déclaré Megan McLemore, chercheuse senior auprès de la division Santé et Droits humains à Human Rights Watch. « La naloxone devrait être aussi facile à obtenir que l’aspirine. Les lois pénales bloquent l’accès aux programmes de réduction des risques tels que les échanges de seringues ; le prix du médicament est trop élevé ; et il n’est pas en vente libre. De tels obstacles et d’autres privent de la naloxone ceux qui en ont le plus besoin. »
Un examen des lois en vigueur concernant l’accès aux échanges de seringues et à la naloxone varie selon les états. En Caroline du Nord, l’accès généralisé à ce médicament a permis de parvenir à 6 000 « inversions » de surdose depuis 2013, tandis que le Kansas, où l’échange de seringues est interdit en vertu des lois pénales, est dépourvu de lois du « bon samaritain » et d’autres lois destinées à élargir l’accès à la naloxone. Près d’un millier de personnes ont succombé à une surdose au Kansas entre 2013 et 2015.
Les échanges de seringues sont explicitement autorisés dans seulement 21 états et le district de Columbia. Dans d’autres, les lois sur la délivrance et la possession de stupéfiants limitent le fonctionnement des échanges de seringues malgré des décennies de recherche démontrant que de tels programmes n’augmentent en rien la consommation de drogues ou la criminalité, mais servent au contraire de passerelles avec le traitement de la toxicomanie et réduisent la transmission du VIH, de l’hépatite C et d’autres maladies transmissibles par contact sanguin. Les zones rurales d’États tels que la Virginie occidentale, le Tennessee et le Kentucky, où la crise des opioïdes est la plus aiguë, souffrent d’un manque de programmes d’échanges de seringues, qui constituent un lieu privilégié pour permettre aux usagers de drogues de se procurer de la naloxone.
Des programmes tels que le Centre d’échange IDEA de l’Ecole de médecine Miller de l’Université de Miami proposent toute une gamme de services de santé, de recommandations aux traitements, sans compter le dépistage de maladies infectieuses. Entre 2013 et 2015, 8 336 Floridiens sont morts de surdose, et cette hécatombe semble bien partie pour se poursuivre.
En 2015, le taux de décès imputable aux surdoses en Floride a augmenté de 22%, l’une des plus fortes hausses au niveau national. Nommé d’après la loi locale relative à l’élimination des maladies infectieuses, le Centre IDEA a ouvert ses portes en décembre 2016 et, en quelques mois, a proposé ses services à plus de 200 clients; a retiré 20 000 seringues usagées des rues pour les échanger contre des propres; a mené près de 200 tests de dépistage du VIH et de l’hépatite C; et a placé plus de 20 personnes dans des programmes de désintoxication. En mars de cette année, le Centre IDEA a commencé à distribuer de la naloxone. Pourtant, il s’agit du seul échange public de seringues dans tout l’état, car les lois pénales de Floride entravent l’expansion de ces programmes cruciaux.
Les prix de la naloxone ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, une autre entrave pour les usagers, les organismes communautaires et de santé publique et les agences d’application des lois. La naloxone pouvait coûter moins d’un dollar en 2005, mais son prix oscille désormais entre 20 et 4 500 dollars selon la forme, la dose et la compagnie pharmaceutique qui le produit.
La naloxone est couverte par de nombreux régimes d’assurance-santé aux États-Unis, y compris Medicaid, mais les experts affirment que la disponibilité de ce médicament sans ordonnance serait absolument décisive pour les personnes dépendantes d’opioïdes. En prenant appuis sur ses 30 ans d’expérience en matière de sécurité et d’efficacité, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis devrait coopérer avec les compagnies pharmaceutiques en vue de faciliter la transition et de rendre disponible la naloxone dans les distributeurs automatiques, et les épiceries, entre autres.
Dans l’intervalle, préserver la prise en charge, par l’assurance-santé, de la naloxone et des services de santé pour les toxicomanes est essentiel. Les efforts visant à démanteler l’Affordable Care Act menacent cet objectif, alors que 1,2 million de personnes aux États-Unis ont eu accès au traitement contre la toxicomanie rien que par le biais de Medicaid.
« L’administration Trump et les États ont le choix entre aider à sauver des vies en rendant la naloxone plus accessible, ou laisser des milliers de personnes mourir inutilement sous leur surveillance », a conclu Megan McLemore.
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