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Israël/Palestine : Des responsables israéliens ont encouragé les forces de l'ordre à « tirer pour tuer »

Les appels aux exécutions extrajudiciaires de Palestiniens suspects se sont multipliés

(New York) – Certains responsables de haut rang en Israël ont encouragé les forces de l’armée et de la police à tuer des Palestiniens suspectés d'avoir attaqué des Israéliens, même quand ces Palestiniens ne présentent plus de menace immédiate, a affirmé aujourd'hui Human Rights Watch dans une analyse de diverses déclarations. D'autres responsables israéliens se sont abstenus de rejeter ces appels à un recours excessif à la force.

Des membres des forces de sécurité israéliennes ainsi que des secouristes sur les lieux d’un attentat au couteau commis le 25 janvier 2016 par deux Palestiniens contre deux Israéliens dans la colonie juive de Beit Horon, près de Jérusalem, selon les informations transmises par la police. © 2016 Reuters

Human Rights Watch a documenté de nombreuses déclarations faites depuis octobre 2015 par des personnalités politiques israéliennes de haut rang, dont les ministres de la Police et de la Défense, appelant la police et les forces armées à tirer sur des individus suspectés d'attentats pour les tuer, avant même de déterminer si le recours à la force létale est, ou non, absolument nécessaire pour protéger des vies.

« Il s'agit non seulement de quelques soldats indisciplinés , mais aussi de responsables israéliens de haut rang qui disent publiquement aux forces de sécurité de recourir à la tactique illégale consistant à tirer pour tuer », a déclaré Sari Bashi, directrice du plaidoyer au sujet d'Israël au sein de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Quelle que soit l'issue des procès intentés à tels ou tels soldats, le gouvernement israélien devrait émettre des directives claires selon lesquelles il convient de n'utiliser la force qu'en conformité avec le droit international. »

Elor Azaria, un soldat israélien âgé de 20 ans, est actuellement en jugement pour le meurtre par balles d'Abd al-Fatah al-Sharif, âgé de 21 ans, le 24 mars 2016. Al-Sharif avait blessé à coups de couteau un militaire israélien à Hébron, en Cisjordanie. Le procès concerne essentiellement le fait qu'Azaria a tiré sur Sharif alors qu'il gisait déjà par terre, blessé par des forces de sécurité israéliennes.

Des membres des forces de sécurité israéliennes au carrefour de Gush Etzion, au sud de Bethléem (Cisjordanie), le 18 mars 2016, peu après un incident lors duquel un Palestinien avait tenté de poignarder des soldats avant d’être abattu, selon les informations transmises par l’armée. © 2016 Reuters

Depuis octobre 2015, il y a eu plus de 150 cas dans lesquels les forces de sécurité ont ouvert le feu et tué des adultes et des enfants palestiniens soupçonnés d'avoir tenté de poignarder, de percuter avec un véhicule ou de tirer sur des Israéliens en Israël et en Cisjordanie. Lors de la même période, des assaillants palestiniens ont tué 33 Israéliens, dont des passants et des responsables de la sécurité, en Israël et en Cisjordanie. Human Rights Watch a condamné à plusieurs reprises les attentats palestiniens contre les civils israéliens.

Le droit international en matière de droits humains limite l'utilisation délibérément létale des armes à feu – c'est-à-dire le fait de tirer pour tuer – à des circonstances dans lesquelles ceci est absolument nécessaire afin de protéger des vies, et dans lesquelles aucune autre option, moins radicale, n'est viable. La règlementation israélienne en la matière ne prend pas note de cette limitation, mais elle limite l'option consistant à tirer sur une personne en visant le torse ou la tête à des situations dans lesquelles c'est nécessaire pour éliminer une menace imminente de mort ou de grave blessure corporelle.

Toutefois, les appels de ces responsables israéliens – et le comportement apparent de certains soldats et policiers – se démarquent à la fois des normes internationales et des règles d'engagement israéliennes. Quoiqu'il existe des exceptions notables, les responsables israéliens de haut rang, y compris ceux qui ont autorité sur des agents de sécurité, ont dans certains cas appelé à un usage excessif de la force et, dans d'autres cas, se sont abstenus de condamner de tels appels.

Par exemple, à la suite d'un attentat dans lequel deux passants israéliens ont été blessés à coups de couteau à Jérusalem-ouest le 10 octobre 2015, la police a tué par balles le suspect palestinien, âgé de 16 ans. Le commandant local de la police de Jérusalem, Moshe Edri, a déclaré à des journalistes que les individus qui se livraient à des attentats devaient être tués : « La police fait son travail et arrive rapidement sur les lieux. En moins d'une minute et demi, l'agresseur avait déjà été tué. Quiconque poignarde des juifs ou blesse des personnes innocentes – devrait être tué. » Qu'il y ait eu, ou non, une raison pouvant justifier d'abattre cet enfant, la déclaration finale de Moshe Edri apparaît comme un appel au meurtre de toute personne qui recourt à la violence, même si elle ne pose plus de menace immédiate.

Une équipe des forces de sécurité israéliennes arrive sur les lieux d’un attentat au couteau perpétré au poste de contrôle de Qalandia, un village en Cisjordanie situé non loin de Ramallah, le 30 septembre 2016. © 2016 Reuters

En octobre 2015, un journaliste de radio a demandé au ministre israélien de la Police, Gilad Erdan, s'il était d'accord avec une déclaration faite par un parlementaire d'un parti d'opposition selon laquelle « si un terroriste a un couteau ou un tournevis à la main, vous devez ouvrir le feu pour le tuer sans vous poser de questions ».

Gilad Erdan a répondu oui : « Absolument. Cela dépend évidemment des circonstances. La police israélienne a des instructions claires. Dès qu'un agent de police perçoit un danger pour lui-même ou pour n'importe quel autre citoyen, il doit tirer conformément aux règles. C'est clair. Nous ne voulons mettre en danger aucun citoyen ou agent de police. Et en même temps, tout agresseur qui se prépare à causer du mal doit savoir qu'il ne survivra probablement pas à son acte. »

En revanche, le chef d'état-major de l'armée, le général Gadi Eisenkot, a clairement recommandé de suivre les règles d'engagement de l'armée israélienne, affirmant à un groupe d'étudiants, le 17 février 2016, que « les FDI [Forces de défense d'Israël] ne peuvent adopter des slogans comme ‘si quelqu'un vient pour vous tuer, soyez prêt à tirer le premier et à le tuer.’ Un soldat ne peut ôter le cran de sûreté (de son arme) que si lui ou ses camarades sont menacés ... Je ne veux pas qu'un soldat vide son chargeur sur une fille qui a des ciseaux à la main. »

Le lendemain, deux Palestiniens âgés de 14 ans ont été arrêtés après avoir prétendument poignardé à mort un militaire israélien et blessé un passant dans un supermarché de Cisjordanie. Le ministre des Transports, Yisrael Katz, un membre du parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a évoqué cet incident sur Facebook, déclarant : « [Les] assaillants ont été capturés vivants. J'espère que les propos du chef d'état-major, un homme que j'estime et salue, contre l'ouverture automatique du feu sur des mineurs, n'ont pas été mal interprétés, causant de l'hésitation et mettant des vies en danger. Car le message va parfois plus loin que les mots. Les restrictions et les codes sont clairs mais nous ne pouvons pas permettre que les agresseurs restent en vie, mettant en danger la vie de juifs. »

À la suite de la publication d'une vidéo du meurtre d'al-Sharif, des responsables israéliens, dont Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense de l'époque Moshe Yaalon, et Gadi Eisenkot, ont affirmé la nécessité de suivre les règles d'engagement de l'armée israélienne, qui limitent l'utilisation de la force aux situations dans lesquelles existe une menace de mort ou de grave blessure corporelle et, dans certaines circonstances, pour stopper des suspects dans leur fuite. Cependant, Moshe Yaalon a été remplacé peu après par l'actuel ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, qui en octobre 2015, lorsqu'il siégeait avec l'opposition à la Knesset, le Parlement israélien, avait écrit sur sa page Facebook que le gouvernement devrait adopter une politique selon laquelle « aucun agresseur, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, ne devrait survivre à un attentat quel qu'il soit ».

Compte tenu de la prévalence et du fort impact des déclarations encourageant les forces de sécurité à tirer pour tuer même si ce n'est pas absolument nécessaire pour protéger des vies, et des allégations persistantes et crédibles sur le recours excessif à la force, Benjamin Netanyahu et les responsables de haut rang de la sécurité devraient émettre de fermes directives, en public et en privé, ordonnant de n'utiliser délibérément la force létale que quand c'est absolument nécessaire pour protéger des vies.

Les autorités devraient règlementer l'utilisation de la force par les militaires et par la police et ouvrir des enquêtes crédibles sur tous les incidents dans lesquels apparaissent des soupçons d'un usage excessif de la force, y compris sur les meurtres extrajudiciaires. Les autorités devraient également modifier les règles d'engagement afin de limiter le recours intentionnel à la force létale aux situations dans lesquelles c'est absolument nécessaire pour protéger des vies, en conformité avec les normes internationales.

« Le moment est venu pour les hauts responsables israéliens de rejeter la rhétorique encourageant à tirer pour tuer et de souligner clairement les limites que militaires et policiers sont tenus de respecter lorsqu'il s'agit d'ouvrir le feu dans l'intention de tuer », a affirmé Sari Bashi.

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