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Malawi : L’extraction minière expose les résidents à divers risques

Le gouvernement devrait protéger d’urgence les droits des communautés du Lac Malawi

Nagomba E., une femme malawienne âgée de 75 ans, à l’emplacement où se trouvait sa maison à Mwabulambo, dans le district de Karonga au Malawi. En 2008, les autorités ont obligé sa famille à déménager, expliquant que ce terrain était requis dans  le cadre d’un projet d’extraction du charbon. © 2016 Lauren Clifford-Holmes pour Human Rights Watch

(Lilongwe) – Le gouvernement du Malawi n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger les droits et les moyens de subsistance des personnes vivant dans des communautés affectées par des projets d’exploitation minière, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans un rapport publié à la veille de la Journée internationale du droit d’accès à l’information (« International Right to Know Day »). Les familles vivant près des zones d’exploitation minière de charbon et d’uranium sont confrontées à de graves problèmes concernant l’eau, la nourriture et le logement, et ne reçoivent aucune information concernant les risques pour la santé et autres, occasionnés par cette exploitation.

Le rapport de 96 pages, intitulé « "They Destroyed Everything ”: Mining and Human Rights in Malawi » (« “Ils ont tout détruit” : Extraction minière et droits humains au Malawi ») examine l’impact des industries extractives sur les communautés dans quelques-unes des premières zones minières du district de Karonga situé sur les rives nord-ouest du lac Malawi. Le gouvernement malawien a favorisé l’investissement privé dans l’extraction minière et des ressources afin de diversifier son économie. Toutefois, toute extraction de ressources naturelles va généralement de pair avec des risques environnementaux et l’extraction minière contribue de manière importante au changement climatique préjudiciable à la capacité des gouvernements de garantir les droits à la santé, l’eau et la nourriture.



« Le Malawi ne devrait pas commettre les mêmes erreurs concernant l’extraction minière que celles observées dans d’autres pays d’Afrique australe », a déclaré Katharina Rall, chercheuse auprès de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch. « Il ne suffit pas de créer un environnement favorable à l’investissement par des compagnies minières. Le gouvernement devrait protéger d’urgence les communautés touchées. »

Le rapport est fondé sur des recherches effectuées au Malawi entre juillet 2015 et juillet 1016, consistant en plus de 150 interviews dont 78 de personnes vivant dans des zones où des entreprises exploitent actuellement des mines ou menaient récemment des activités d’extraction. Human Rights Watch a également rencontré des représentants des entreprises, des gouvernements centraux, nationaux et locaux, d’organismes non gouvernementaux nationaux et internationaux et d’organismes internationaux.


Human Rights Watch a établi, faits à l’appui, des violations des droits de communautés du district de Karonga touchées par l’exploitation de mines de charbon et d’uranium d’Eland Coal Mining Company, de Malcoal, et de Paladin Africa Limited (Paladin). Human Rights Watch a conclu que le Malawi ne dispose pas de protections appropriées pour garantir l’équilibre nécessaire entre les interventions en faveur du développement et la protection des droits des communautés locales ; de plus entre un contrôle insuffisant du gouvernement et le manque d’information, les communautés locales sont privées de protection.

« Nos problèmes ont commencé dès le début des activités minières », a déploré une habitante de Mwabulambo. « Le charbon est dans nos jardins et se répand dans nos champs. À voir nos champs, on dirait que quelqu’un les a arrosés de pétrole. »

Human Rights Watch a constaté que les exploitations minières ont forcé plusieurs familles à se déplacer. Ces familles ont déclaré avoir été avisées si tard qu’elles n’ont pas eu le temps de trouver un autre logement, ce qui a laissé certaines d’entre elles sans abri. Beaucoup nous ont aussi informés que les procédures d’indemnisation étaient peu claires et que, dans un certain nombre de cas, les indemnités étaient inférieures à ce qu’il fallait pour reconstruire ou conserver leur niveau de vie antérieur, notamment en raison des terres auxquelles il leur était donné accès.

Les résidents ont affirmé ne pas avoir reçu d’informations suffisantes sur les activités d’exploitation minière prévues et les risques associés, carence à la source de leurs préoccupations concernant de graves affections respiratoires et autres risques sanitaires et environnementaux. Les villageois n’ont que peu d’accès à des établissements de soins où pourrait être évalué leur état de santé et soignées les maladies liées à l’extraction minière. Le gouvernement et les entreprises exerçant leurs activités dans le district de Karonga ont déclaré surveiller les impacts de l’exploitation minière mais n’en publient pas les résultats.
 
Les villageois se sont déclarés inquiets de la contamination des sources d’eau dont ils dépendent pour l’eau potable et l’irrigation. Les camions empruntant les étroites routes des villages enduisent, selon les résidents, maisons et écoles de poussière et ils s’inquiètent des conséquences sur leur santé, notamment des affections respiratoires. Les études scientifiques effectuées dans d’autres pays ont en effet associé ce type de maladies à l’exposition à la pollution liée aux activités minières. Les agriculteurs ont signalé que la poussière de charbon et la mauvaise qualité de l’eau nuisaient à leurs récoltes. La mine de charbon d’Eland, qui a mis fin à ses activités en 2015, a laissé des tas de charbon et des puits remplis d’eau qui peuvent être dangereux pour les enfants et menacer les sources d’eau locales.
 
« En raison de l’insuffisance de l’infrastructure sanitaire et du secret dans lequel sont tenus les résultats de la surveillance, il est difficile de dire ce qui se passe réellement », a constaté Katharina Rall. « C’est l’un des aspects du problème, le gouvernement et les entreprises devraient enfin prendre la surveillance au sérieux et les intéressés ont le droit de connaître les résultats. »
 
Les femmes, à qui incombent les tâches domestiques et l’agriculture, ont été particulièrement touchées. Elles ont signalé qu’il leur était difficile d’obtenir des renseignements sur les mines et leurs risques car leur participation aux réunions avec les sociétés et le gouvernement était limitée. Lorsque l’extraction minière nuit à la productivité des cultures et menace les sources d’eau, les femmes doivent travailler de longues heures pour pouvoir aux besoins de leur famille et marcher plus pour chercher de l’eau.
 
« Les tuyaux passaient juste devant ma maison et j’avais l’eau courante dans la cuisine et la salle-de-bain, et puis, ils ont tout détruit », a expliqué Nagomba E., résidente de Mwabulambo, village du district de Karonga. « À mon âge, il m’est très difficile d’aller tout le temps à la rivière. »
 
Les sociétés exerçant des activités dans le district de Karonga n’ont généralement pas tenu leurs promesses de construire des centres de santé ni celles de forer de trous supplémentaires pour l’eau. Les organisations non-gouvernementales malawiennes ont exprimé leur préoccupation. « La course à l’industrialisation et à la croissance doit être accompagnée d’un pacte social et les sociétés doivent tenir leurs promesses », a déclaré Reinford Mwangonde, directeur exécutif de Citizens for Justice qui accueille le secrétariat du Natural Resources Justice Network, réseau malawien d’organisations non-gouvernementales prônant une extraction des ressources durable.
 
Les industries extractives du Malawi en sont encore à leurs débuts, ce qui donne au gouvernement et aux investisseurs l’occasion de respecter les droits des communautés et de minimiser les risques auxquels sont confrontés les communautés et les écosystèmes naturels alors qu’ils œuvrent pour le développement économique.
 
Si le Malawi dispose bien de quelques lois et politiques qui protègent les droits des communautés potentiellement lésées par l’extraction minière, elles sont mal appliquées. Les organes de surveillance du gouvernement sont inactifs pendant que la poursuite des activités d’extraction minière est autorisée quels que soient les risques que courent les communautés locales ou l’environnement. Un nouvel avant-projet de loi, la Loi sur les mines et les minéraux, ne remédie pas au manque de transparence concernant les risques liés à l’exploitation minière.
 
Le gouvernement a commencé à créer un cadre juridique plus large et a promis d’améliorer l’application. Toutefois, les communautés minières attendant encore les résultats de l’inspection et les réparations pour préjudices subis.
 
Le gouvernement devrait instaurer des conditions équitables en informant les communautés sur les risques de l’extraction minière et en garantissant leur participation aux prises de décisions, a déclaré Human Rights Watch.
 
« Les mines du district de Karonga seront suivies de nombreux autres projets d’extraction au Malawi, ce qui confère une grande importance aux enseignements que l’on peut tirer de cette expérience » a affirmé Katharina Rall. « Le gouvernement devrait mettre en place des protections efficaces de manière à ce que les personnes touchées par les nouveaux projets ne subissent pas les mêmes préjudices que les habitants de Karonga. »
 
Témoignages sélectionnés extraits des interviews menées à Karonga :
 
« [La société] nous avait promis un centre de santé, de nouveaux robinets et des ponts. Ils n’ont pas parlé de risques. » – Une femme de 41ans à Kayelekera, mars 2016
 
« La société a mis des croix blanches sur toutes les maisons des foyers à déplacer. Ils ont aussi mis une croix blanche sur notre maison…. Ils sont venus une première fois en mars 2012 pour nous dire que nous devions déménager en avril. Mais ils n’ont attendu qu’une semaine avant de revenir pour nous dire qu’il faillait déménager de suite. Nous ne savions pas où aller. Nous avons dû dormir dehors pendant quelques jours. Il était difficile de déménager car c’était la saison des pluies et nous avons fini par nous installer sous la véranda de quelqu’un et sous l’arbre. » – Sinya M., résidente de Mwabulambo, mars 2016.
 
« L’école primaire présente un gros problème : la poussière des routes [utilisées par les camions de Paladin et Malcoal]. J’y ai deux de mes enfants et ils toussent beaucoup. Après une lettre au [directeur de Malcoal], ils ont commencé à utiliser une autre route. Mais lorsque cette année l’autre route est devenue impraticable à la saison des pluies, ils ont à nouveau utilisé la route qui passe juste devant l’école primaire. » – Une femme de 34 ans qui vit avec son mari et cinq enfants à Kayelekera, mars 2016.
 
« J’avais six acres (2, 4 ha) de terre. Mais parce que la mine de charbon a étalé du charbon sur la route pour la rendre meilleure pour les camions, le charbon suinte dans mes jardins pendant la saison des pluies, et cela nuit à ma récolte de fruits …. Pourquoi avez-vous détruit notre terre ? Ils nous ont laissés avec rien. Nous souffrons de la faim. » – Une femme de 75 ans, Mwabulambo, mars 2016.

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