Voici cinq ans seulement, il semblait impensable que l’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo puisse un jour se retrouver sur le banc des accusés de la Cour pénale internationale (CPI). Et pourtant, c’est bien là qu’on l’a vu cette semaine, écoutant patiemment la lecture des quatre chefs d’accusation de crimes contre l’humanité retenus contre lui.
Le calme de la salle d’audience offrait un contraste saisissant avec le chaos qui régnait en Côte d’Ivoire durant la crise post-électorale, lorsqu’un conflit au sujet des élections présidentielles de novembre 2010 a provoqué une guerre civile sans merci. Les forces de sécurité et des milices ont alors tué des centaines de partisans de l’opposition – réels ou supposés – en les exécutant à bout portant ou en les brûlant vifs, et ont violé des femmes. Ce procès, le tout premier de la CPI contre un ancien chef d’État, permettra aux victimes de comprendre le rôle que Laurent Gbagbo et son protégé – et co-accusé – Charles Blé Goudé ont joué dans ces exactions.
Au milieu des fanfares qui ont accueilli l’ouverture du procès, il est important de ne pas oublier que des forces loyales au président Ouattara ont également commis des exactions durant la crise post-électorale. Des membres des Forces républicaines fidèles à Ouattara ont tué des civils appartenant à des groupes ethniques liés à Gbagbo, ont violé des femmes et réduit des villages en cendres.
Plus tôt cette semaine, la procureure de la CPI a assuré aux Ivoiriens que son bureau avait intensifié son enquête sur les exactions menées par les forces pro-Ouattara. Les autorités ivoiriennes devraient intensifier leurs efforts pour rendre une justice équitable et crédible sur les exactions de la période post-électorale, en apportant leur soutien aux enquêtes menées sur les exactions des deux parties, en renforçant l’indépendance du système judiciaire, en assurant la protection des juges, des procureurs et des témoins, et en accordant des procès équitables aux accusés.
Mais, pour l’instant, l’ouverture du procès de Gbagbo et de son allié montre que la justice peut atteindre ceux qui se croyaient intouchables. Et c’est une bonne nouvelle pour les victimes du monde entier.
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Tweet (Nov. 2018)
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— HRW en français (@hrw_fr) 5 novembre 2018