La France vient de promulguer une loi qui permet aux services de renseignements nationaux d’espionner des millions de ses propres citoyens.
Bien entendu, la France a le droit de protéger son peuple du terrorisme, surtout en au vu des attentats à Paris en janvier dernier. Mais cette nouvelle loi va bien au-delà de la lutte contre le terrorisme.
Le gouvernement français est maintenant libre de mener une large surveillance de personnes non suspectées de méfaits pour des motifs tels que « défendre et promouvoir les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France » et « la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions ».
En promulguant sa nouvelle loi controversée sur la surveillance de masse, le gouvernement français a ignoré les avertissements des Nations Unies et des organisations de défense de droits humains.
La loi octroie « des pouvoirs excessivement larges de surveillance très intrusive aux services de renseignement sur la base d’objectifs vastes et peu définis, sans autorisation préalable d’un juge et sans mécanisme de contrôle adéquat et indépendant ». Ainsi s’est exprimé le Comité des droits de l’homme des Nations Unies la semaine dernière, après avoir examiné le respect par la France du Pacte relatif aux droits civils et politiques des Nations unies. La loi a également été critiquée par les groupes de défense de droits humains et par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) pour avoir attribué aux services de renseignement des pouvoirs de surveillance larges, sans contrôle significatif.
Néanmoins, le gouvernement a ignoré ces avertissements et a publié la loi ce week-end, trois jours après que celle-ci ait été validée par le Conseil constitutionnel, l’organe responsable de vérifier la conformité des lois françaises avec la Constitution du pays. Le Conseil constitutionnel a censuré différentes dispositions de la loi, y compris une qui aurait permis aux services de renseignements de conduire une surveillance dans des cas d’urgence sans même l’autorisation du Premier ministre et sans l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Le Conseil constitutionnel a également rejeté une disposition concernant la surveillance des communications émises et reçues en dehors de la France dans le but de « protéger les intérêts fondamentaux de la nation », étant donné que la loi ne clarifie pas comment ces informations auraient été exploitées, conservées ou détruites.
Au lieu de saisir l’occasion du récent débat sur la surveillance de masse qui a suivi les révélations d’Edward Snowden pour mettre sa législation en adéquation avec le droit à la vie privée et à la liberté d’expression, comme les traités qu’elle a ratifiés l’exigent, la France va maintenant permettre à ses propres citoyens de se faire espionner par l’Etat pour les raisons les plus fragiles.
Tout en manquant à ses obligations envers ses propres citoyens, la France met en place un dangereux précédent au niveau international. A présent - comme certains pourront dire - si la surveillance de masse est légale dans un pays comme la France, pourquoi pas ailleurs ?