Skip to main content

Ukraine : Les armes à sous-munitions font de nouvelles victimes parmi les civils

Les deux camps ont eu recours à ces armes qui sont pourtant interdites par une Convention mondiale

Plusieurs sous-munitions retrouvées à Stakhanov, dans l’est de l’Ukraine, suite à une attaque menée le 23 janvier 2015. © 2015 Human Rights Watch

(Berlin) – Les forces gouvernementales ukrainiennes et les rebelles soutenus par la Russie ont eu recours à de nombreuses reprises aux armes à sous-munitions dans l'est de l'Ukraine en janvier et février 2015, tuant au moins 13 civils, dont au moins deux enfants, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. L'utilisation d'armes à sous-munitions dans des zones habitées constitue une violation des lois de la guerre, du fait que ces armes tuent au hasard, et peut même constituer un crime de guerre.

« Le recours aux armes à sous-munitions traduit un mépris total pour les populations civiles », a déclaré Ole Solvang, chercheur senior auprès de la division Urgences de Human Rights Watch. « Aucun des deux camps ne devrait utiliser ces armes qui sont généralement interdites; elles affectent des zones très vastes, mettant en danger les civils vivant à proximité, et les sous-munitions non explosées continuent de constituer un risque pour les civils longtemps après l'attaque. »

Les armes à sous-munitions contiennent des dizaines ou des centaines de munitions plus petites, appelées sous-munitions, à l’intérieur d’une roquette ou dans d’une bombe. Après le lancement, le conteneur s'ouvre et disperse les sous-munitions, qui sont conçues pour exploser lorsqu'elles heurtent le sol. Les sous-munitions se répandent au hasard sur une vaste zone, souvent de la taille d'un terrain de football, exposant quiconque se trouve dans cette zone au moment de l'attaque, qu'il s'agisse de combattants ou de civils, au risque d'être tué ou blessé.

En outre, beaucoup de ces sous-munitions n'explosent pas à l'impact mais restent amorcées, comme des mines. Tout endroit pollué par des sous-munitions non éclatées demeure dangereux jusqu'à ce qu'il soit nettoyé par du personnel qualifié.

Lors d'une enquête de 10 jours dans l'est de l'Ukraine, Human Rights Watch a découvert des preuves de l'utilisation de roquettes à sous-munitions lors d'attaques menées contre au moins sept villages et villes, entre le 23 janvier et le 12 février, certaines de ces zones ayant été frappées à plusieurs reprises. Human Rights Watch a effectué des recherches dans ces sept zones habitées, trois situées en territoire contrôlé par le gouvernement et quatre en territoire tenu par les rebelles. Les armes utilisées étaient des lance-roquettes sol-sol de 300 millimètres Smerch (Tornado) et de 220 mm Uragan (Hurricane), qui tirent des sous-munitions anti-personnel à fragmentation 9N210 ou 9N235. Human Rights Watch a en outre recueilli des informations, y compris des photos de débris, sur des attaques perpétrées dans d'autres zones, également à l'aide d'armes à sous-munitions.

Les tirs d'armes à sous-munitions qui ont frappé les zones contrôlées par le gouvernement ont été très probablement effectués par des forces se trouvant en territoire tenu par les rebelles et ceux qui ont frappé les zones rebelles ont très probablement été effectués par les forces gouvernementales ukrainiennes, a déclaré Human Rights Watch. L'organisation est parvenue à cette conclusion en se basant sur une évaluation de la zone d'impact, y compris la question de savoir si des objectifs militaires se trouvaient à proximité, et tenant compte de la direction de l'attaque, ainsi que de la portée minimale et maximale des armes utilisées. En ce qui concerne deux attaques ayant frappé des lieux tenus par les rebelles, l'une dans la ville de Luhansk et l'autre à Stakhanov, la trajectoire et la portée minimale des roquettes utilisées permettent d'exclure la possibilité que des forces positionnées en territoire rebelle aient tiré ces sous-munitions.

Human Rights Watch a pu s'assurer que des roquettes à sous-munitions avaient bien été utilisées en étudiant le cratère d'impact et le mode de fragmentation caractéristiques que leurs sous-munitions créent lorsqu'elles explosent, et en examinant des débris de sous-munitions trouvés sur les lieux d'impact ainsi que des fragments de roquettes découverts aux alentours.

Pour déterminer la trajectoire des attaques, Human Rights Watch a examiné des débris de roquettes, y compris leurs charges, leurs propulseurs et leurs queues. Dans la plupart des cas, la queue était plantée dans le sol, indiquant de quelle direction la roquette était arrivée. Human Rights Watch a également analysé des cratères et les dommages subis par certains bâtiments. Dans les cas sur lesquels Human Rights Watch a enquêté, la queue de la roquette semblait avoir progressé plus loin que les sous-munitions, ce qui fournissait une indication supplémentaire sur la trajectoire de la roquette.

En trois endroits, Human Rights Watch a documenté que des roquettes non guidées de type Uragan équipées de charges à fragmentation hautement explosives (HE-Frag) étaient tombées en même temps que des roquettes à sous-munitions. En deux endroits au moins, ces roquettes HE-Frag ont tué des civils. Human Rights Watch a documenté et condamné l'utilisation de roquettes non guidées dans des zones résidentielles en juillet 2014 et en janvier 2015.

Human Rights Watch a précédemment documenté le recours aux armes à sous-munitions dans l'est de l'Ukraine. Bien que les autorités ukrainiennes aient pris certaines mesures pour enquêter sur les constats décrits dans un rapport de Human Rights Watch d'octobre 2014, cette enquête a été inadéquate et beaucoup reste à faire, a déclaré Human Rights Watch.

Les autorités ukrainiennes et russes ont condamné l'utilisation d'armes à sous-munitions dans les zones habitées. Human Rights Watch estime que les armes à sous-munitions ne devraient jamais être utilisées, même hors des zones habitées, en raison des risques qu'elles comportent pour les civils.

Human Rights Watch appelle l'Ukraine et la Russie à adhérer à la Convention sur les armes à sous-munitions de 2008, qui interdit l'utilisation de ces armes en toute circonstance. Au total, 116 nations sont parties à ce traité, qui impose à ses signataires de déblayer les zones où se trouvent des débris d'armes à sous-munitions et de porter assistance aux victimes de ces armes.

Les autorités ukrainiennes devraient cesser immédiatement d'utiliser des armes à sous-munitions et la Russie ne devrait en aucune circonstance fournir d'armes à sous-munitions aux forces rebelles et devrait user de son influence auprès des forces en Ukraine pour faire cesser le recours à ces armes, a affirmé Human Rights Watch. Les deux pays devraient enquêter et faire rendre des comptes à toutes les personnes responsables de tirs d'armes à sous-munitions sur des zones habitées, a ajouté Human Rights Watch.

« Les autorités ukrainiennes et russes semblent d'accord pour estimer que l'utilisation de ce type d'armes dans des zones habitées est inacceptable », a souligné Ole Solvang. « Il est temps qu'elles transforment leurs paroles en actes. »

Human Rights Watch est co-fondateur de la Coalition internationale contre les armes à sous-munitions et en assume la présidence.

--------------------------------

Informations complémentaires : veuillez consulter la version en anglais www.hrw.org/node/133602 .

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.